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samedi, 21 août 2010

esclaves français à Alger

 

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Alger la blanche
Voici un extrait d'une lettre de l'abbé Héraut à la reine de France. L'abbé Héraut était membre de l'Ordre de la Trinité et Rédemption des captifs, dont la mission était de racheter les esclaves européens aux arabes.


Les larmes et clameurs des Chrestiens françois de nation, captifs en la ville d’Alger en Barbarie, adressées à la reine régente, par le Père Lucien Heraut, de l’Ordre de la Trinité et Rédemption des Captifs. An 1643


"Ce n’est pas, Madame, une simple exaggeration, mais une verité trop conneue, non seulement de ceux qui ont traversé les mers, et mouillé l’ancre avec quelque bonheur dans cette terre barbare de nos cruels ennemis, mais encore beaucoup mieux de ceux, qui par malheur sont tombés dans les griffes de ces Monstres Affricains, et qui ont ressenty, comme nous, leur infernalle cruauté, pendant le long sejour d’une dure captivité, les rigueurs de laquelle nous experimentons de jour en jour par des nouveaux tourments: la faim, le soif, le froid, le fer, et les gibets, ont esté autrefois les instruments des plus cruels et dénaturés bourreaux du monde contre les premiers Chretiens, mais il est certain que les Turcs et Barbares encherissent aujourd’hui par-dessus tout cela, inventans journellement de nouveaux tourments, contre ceux qui persistent courageusement en la confession de nostre saincte Religion, ou qu’ils veulent miserablement prostituer, notamment à l’endroit de la jeunesse, captive de l’un et l’autre sexe, afin de la corrompre à porter à des pechés si horribles et infames, qu’ils n’ont point de nom, et qui ne se commettent que parmys ces monstres et furies infernales et ceux qui resistent à leurs brutales passions, sont écorchez et dechirez à coup de bastons, les pendants tous nuds à un plancher par les pieds, leur arrachant les ongles des doigts, brullant la plante des pieds avec des flambeaux ardents, en sorte que bien souvent ils meurent en ce tourment. Aux autres plus agés ils font porter des chaisne de plus de cent livres de poids, lesquelles ils traisnent miserablement partout où ils sont contrains d’aller, et ce pesant fardeau est d’ordinaire pour les riches de qui ils esperent une bonne rançon, et apres tout cela si l’on vient à manquer au moindre coup de siflet ou au moindre signal qu’ils font, pour executer leurs commandements, nous sommes pour l’ordinaire bastonnez sur la plante des pieds, qui est une peine intollerable, et si grande, qu’il y en a bien souvent qui en meurent, et lors qu’ils ont condamné une personne à six cent coups de bastons, s’il vient à mourir auparavant que ce nombre soit achevé, ils ne laissent pas de continuer ce qui reste sur le corps mort.

Les empalements son ordinaires, et le crucifiment se pratique encore parmy ces maudits barbares, en cette sorte ils attachent le pauvre patient sur une manière d’echelle, et lui clouent les deux pieds, et les deux mains à icelle, puis après ils dressent ladite Eschelle contre une muraille en quelque place publique, où aux portes et entrées des villes pour la plus grande confusion du nom Chretien, et demeurent aussi quelque fois trois ou quatre jours à languir sans qu’il soit permis à aucun de leur donner soulagement.

D’autres sont écorchez tous vifs, et quantitez de bruslez à petit feu, specialement ceux qui blasphement ou mesprisent leur faux Prophete Mahomet, et à la moindre accusation et sans autre forme de procez, sont trainez à ce rigoureux supplice, et là attachez tout nuds avec une chaine à un poteau, et un feu lent tout autour rangé en rond, de vingt cinq pieds ou environ de diametre, afin de faire rostir à loisir, et cependant leur servir de passe temps, d’autres sont accrochez aux tours ou portes des villes, à des pointes de fer, où bien souvent ils languissent fort long temps.

Nous voions souvent de nos compatriots mourir de faim entre quatre murailles, et dans des trous qu’ils font en terre, où ils les mettent tout vif, et perissent ainsi miserablement. Depuis peu s’est pratiqué un genre de tourment nouveau à l’endroit d’un jeune homme de l’Archevesché de Rouen pour le contraindre a quitter Dieu et nostre saincte Religion, pour laquelle il fut enchaisné avec un cheval dans la campagne, l’espace de vingt-cinq jours, à la merci du froid et du chaud et quantitez d’autres incommoditez, lesquelles ne pouvant plus supporter fit banqueroute à notre saincte loy".

 

Pour approfondir, c'est ICI.

jeudi, 19 août 2010

Chefs de guerre et de religion

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Dans la Pochothèque, on peut acheter la Saga de Charlemagne, traduction de la Karlamagnus Saga telle qu'elle fut complilée en norrois (ancienne langue scandinave) au XIIIème siècle.

Traduite et présentée par Daniel W. Lacroix, cette saga de Charlemagne est donc la version scandinave de nos chansons de geste françaises.

En voici un extrait qui ne nous paraît pas hors de propos :

 

"Agolant dit alors : "Il est tout à fait injustifiable que nos terres soient placées sus la tutelle de votre peuple, du fait que nous avons une loi bien plus estimable que la vôtre. Nous célébrons également le puissant Mahomet, envoyé de Dieu, et nous respectons ses commandements ; en outre, nous avons des dieux tout-puissants qui nous révèlent l'avenir par l'entremise de Mahomet. Nous les célébrons et les honorons, et nous tenons d'eux vie et puissance. Si vous les regardiez, ils vous plairaient beaucoup."

Charlemagne répond alors : "Tu te fourvoies assurément, Agolant, dans cette foi qui est la tienne, car nous respectons les commandements de Dieu, alors que vous respectez une croyance mensongère. Nous croyons en un seul Dieu, père, fils et saint esprit, et vous croyez en un démon qui habite vos idoles. Nos âmes, après la mort corporelle, vont trouver une joie éternelle, si nous respectons la vraie foi en réalisant des actions vertueuses, mais vos âmes à vous, qui croyez dans les idoles, vont supporter des tourments éternels, brûlant sans fin dans le séjour même de l'enfer ; l'on peut saisir par là que notre loi est meilleure que la vôtre. Dans ces conditions, choisis entre deux solutions : fais-toi baptiser avec toute ton armée et sauve ainsi ta vie, ou bien viens te battre avec moi, et tu trouveras alors une vilaine mort".

Agolant répond : "On ne me verra jamais me faire baptiser et renier ainsi la toute-puissance de Mahomet ; mon peuple et moi, nous allons plutôt vous affronter, tes hommes et toi, à condition que la foi de ceux qui trouveront la victoire soit jugée la meilleure, et que la victoire apporte un honneur éternel à celui qui l'emportera et une éternelle honte à celui qui perdra. Et si je suis vaincu vivant, toute mon armée et moi nous recevrons le baptême.

Charlemagne répond alors : "Je suis ravi qu'il en soit ainsi, mais afin que tu n'attribues pas votre victoire à la puissance des hommes plutôt qu'à la vertu de la vraie foi; ce combat prendra la forme d'un duel de sorte que nous nous battrons un contre un, vingt contre vingt, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'épreuve semble concluante." Agolant est d'accord pour que les choses se déroulent ainsi".

samedi, 14 août 2010

VERANDA

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2001, l'odyssée de l'espace (Kubrick)

(un billet d'Edith)


Hier soir un ciel orange se vautrait sur la plage,

Et de la véranda tu parlais à l’océan

Les requins dansaient à l’horizon

Tu parlais en tahitien et je comprenais quelques mots

Les mouettes contemplaient la vie

Paresseusement

La chambre était rayée de lignes de soleil et d’ombre,

Et de la chambre,

La main au dessus des yeux,

Par les fentes de la natte qui striait la lumière,

Je te voyais à contrejour.


Comme d’habitude,

J’essayais d’écrire

Et cette fois j’ai compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


E mea nehenehe teie i’a

E mea i’a teie vahine


Et de la véranda tu lançais dans le ciel

Des nuages de fumée légère

Tu fumais d’une main

Et de l’autre main tu caressais le feuillage épais des plantes

Le refrain tahitien partait dans le vent chaud

Vers l’horizon

Et dans la chaleur lascive de la chambre

La bouteille de mauna loa sur la table

Et la guitare sur les genoux,


Comme d’habitude

J’essayais de composer

Et cette fois j’ai compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


Ua here ia vau i teie i’a

Teie i’a i roto i te moana nui


Hier soir est fini pour toujours

La mélodie en fa mineur

Et les accords vite égrenés

Sont oubliés.

Dans cette île de pêcheurs

Qui pêchent peu

Le temps passe et je ne bouge pas.

Le temps change et les saisons défilent

Il y a une horloge dans la cuisine

Que je ne regarde jamais.

Des choses se sont passées dans ma vie

Mais je n’en pense rien.

Les souvenirs se mélangent et se noient

Dans le rhum et le mauna loa.

Ici des sorcières tirent des cartes

Et me disent leurs avis

En fronçant les sourcils.


Hier soir après leur visite,

J’essayais de peindre,

Et cette fois j’ai senti

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


E mea vahine i teie i’a

I roto i te moana-po


Hier soir un ciel orange se vautrait sur la plage

Et de la véranda tu parlais à l’océan

Tu parlais tahitien et je comprenais quelques mots.

Après quelques cocktails et un cigare cubain

Je suis descendue et j’ai pris

La longue barque.

Ce parfum de la vie que je ne peux décrire

Guidait mes rames sur les vagues.


J’ai toujours observé les poissons

Avec fascination

J’ai toujours observé les poissons

Avec fascination.


L’océan s’ouvre

Et je lui crie des choses

Qu’il emporte.

Quand le soir tombe j’essaie d’exister.

L’océan s’ouvre

Et j’entrevois l’apprentissage

Du silence.

Je pense que je devrais me taire ;

C’est clair, je devrais oublier

Les mots.

Avant que le rouge du ciel ne soit enfui,

Je suis rentrée, ayant compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


Définitivement rien à dire,

Et j’observe les poissons avec fascination.

Définitivement rien à dire,

Et j’observe les glaçons avec fascination.

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vendredi, 13 août 2010

La mer

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« Qu’elle est belle et puissante, la mer, quand la tempête élève ses flots ; plus belle encore, quand seul un léger souffle vient agiter la surface des eaux et que les vagues se brisent sur le rivage avec ce son doux, régulier et harmonieux qui ne trouble pas le silence, mais se contente de le rythmer et de le rendre audible. »

 

Saint Ambroise

(Méditations sur l’œuvre des six jours de la création)

jeudi, 12 août 2010

Le bel ange du mal

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L'actrice Marisa Paredes

(un billet d'Esther Mar)

 

Le bel ange du mal

Est venu dans la nuit.

Le bel ange animal

Pour endormir l’ennui.

 

La ténèbre soudain

S’éclaira et je vis

Tout orné de dédain

De bijoux et d’envies

 

Le bel ange du mal

Tout près de la fenêtre,

D’un encens de santal

Faire fuir le salpêtre

 

Et avec un sourire

De ceux qui font pleurer

Les pires et leurs sbires,

Et tous les mal-aimés,

 

Venir à pas profonds

Vers tous mes oreillers,

M’enseigner les bas-fonds

De l’amour sans collier,

 

Celui qu’on n’ose pas

Avant d’avoir goûté

Aux mille et un appâts

Du sexe frelaté.

 

 

Le bel ange du mal

Est venu dans ma vie

Par un soir septembral

Sans que je le convie,

 

La nuit en un instant

S’alluma et je sus

Que du désir latent,

Cette immonde sangsue,

 

Venait la délivrance,

Et aujourd’hui déchue,

En mon corps et conscience,

Je ne suis pas déçue.

 

Car dans ces roulements

De draps, et ces tornades

Chaudes, dans ces relents

De pluies et de saccades,

 

Dans ces cris sépulcraux,

Si loin de la vertu

Sous les doigts et les crocs

De l’ange dévêtu,

 

A la lumière orange

Des bougies et des flammes

Un peu comme on se venge,

J’ai liquidé mon âme.

 

Esther Mar

 

 

lundi, 09 août 2010

Tropique triste

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(un billet d'Esther Mar)

 

Nous irons nous baigner dans la moiteur des Tropiques.

Oh mon amour,

Laisse Montaigne, laisse Foucault, laisse les prolégomènes à toute métaphysique future,

Et laisse tes héros,

Nous irons nous dissoudre dans le clair-obscur d'une plage,

D'une île oubliée.

Oh mon amour, je ne voulais pas te tuer.

 

Esther Mar

dimanche, 08 août 2010

Le cirque des idées

 

 

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Au Louvre, par Sara

 

 

«Il n'y a pas moins raciste que les gens du cirque. Tout le monde est admis au cirque, à la condition toutefois d'être né dans le cirque”.

Annie Fratellini

 

Lire l'article source de l'Humanité

 

samedi, 07 août 2010

Amour d'un homme pour son petit garçon

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Georges de La Tour (Saint Joseph et son fils, Jésus)

 

(un billet d'Hanno Buddenbrook)

 

Howells a écrit un requiem pour son fils Michael, mort d'une méningite ou de quelque chose de ce genre à l'âge de 9 ans. Dans plusieurs autres oeuvres pour choeurs, surgit le mot "Michael". Et d'ailleurs, à partir de ce triste événement son inspiration auparavant plutôt orchestrale, peu religieuse devient très axée sur la musique vocale et sacrée (anglicane).

Si simple, mais d'une si rare originalité, ces chants envoûtent et nous portent loin de la vie quotidienne, vers des sphères où l'âme libérée des mesquineries de tous les jours s'élève et danse dans le cosmos, dans le mystérieux ether qui nous entoure, que nous peuplons et dont nous ne savons rien.

Howells n'a accepté de le laisser jouer qu'après une période de 45 ans.

J'écoute la version du choeur français Stella Maris, et j'entre littéralement dans un vaisseau de son. Les voix volètent alentour dans la pièce (j'oublie la chaîne hi fi), quelques fois sortent du fleuve lourd du choeur comme des poissons volants torpillent hors de la rivière quelques instants pour s'entremêler dans les airs avant de s'immerger à nouveau. Oui, cette musique vocale d'outre-intimité donne une impression surréelle.

Le requiem est court ; l'effet qu'il laisse, long. L'écouter, c'est faire une méditation émouvante sur la vie, l'amour et la mort. La douleur d'un père nous a laissé une très belle oeuvre ; mais, comme Victor Hugo l'écrivit après la mort de sa fille, il aurait sans doute préféré renoncé à tout son art et à toute gloire pour "n'être qu'un homme qui passe/ Tenant son enfant par la main".

H.B.

vendredi, 06 août 2010

Dialogues du septième sceau

 

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Le septième sceau, un film d'Ingmar Bergman

 

-  Je suis pris de dégoût et d'épouvante. Mon mépris des hommes m'a rejeté de leur communauté. Je vis dans un monde fantôme prisonnier de mes rêves

- Mais tu ne veux pas mourir ?

- Si je le veux.

- Alors qu'attends-tu ? La connaissance... ou des garanties?

- Appelles ça comme tu veux. Est-ce si impossible de comprendre Dieu avec ses sens ? Pourquoi se cache-t-il derrière des promesses à demi articulées et des miracles invisibles ? Qu'advient-il de nous si nous voulons croire mais nous ne le pouvons pas ? Pourquoi ne puis-je pas tuer Dieu en moi ? Pourquoi continue-t-il de vivre de façon douloureuse et avilissante ? Je veux le chasser de mon cœur. Je veux savoir, pas croire. Pas supposer mais savoir. Je veux que dieu me tende la main, qu'Il me dévoile son visage et qu'Il me parle.

- Mais il se tait.

-  Des ténèbres, je crie vers lui mais il n'y a personne

-  C'est peut-être cela.

- Alors la vie est une crainte insensée. On ne peut vivre face à la mort et au néant de tout.

-  La plupart ne pensent ni au néant ni à la mort.

-  Et quand la fin approche, ils voient des ténèbres !

- Oui… ce jour là.

-  Je comprends : à notre crainte, il nous faut une image et cette image nous l'appelons Dieu.

- Tu t'alarmes ?

- La mort m'a visité ce matin, nous jouons aux échecs. Ce délai me permet de vaquer à une affaire importante…

jeudi, 05 août 2010

Les Basaltiques

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La pochette du vinyl, réalisée par Sara


Nous publions en exclusivité une critique du disque les Basaltiques, composé et réalisé en 2048 par John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica.

 

Les Basaltiques
Opus en trois chants
Production AlmaSoror
Label Vol libre musica

Composé et réalisé en 2048, par deux musiciens-chanteurs qu’on croyait finis, les Basaltiques est une œuvre musicale d’une durée d’une heure et sept secondes. Les voix erratiques de John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica, escaladant leurs instruments sulfureux, nous hissent aux sommets de la musique Beith.

L’année précédente, l’alliance entre John Peshran-Boor et Bob Mushran donna un alliage musical dissonant, avec le disque Lactose sidérale.
Les deux dieux de la musique Beith se sont fâchés. C’est donc vers la diva Venexiana Atlantica, native de Saint Jean en Ville -la ville blanche, encore nommée ville aux salamandres - que John Peshran-Boor s’est tourné pour continuer sa démarche de cocréation.
L’opus qui résulte de cette collaboration déçoit par son conformisme, et souffre de la comparaison avec Lactose sidérale. Il étonne, cependant, par son son épuré. Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :

Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore

Nous donnerons au-dessous de cet article l’architecture complète des Basaltiques, œuvre à cheval entre le roman musical et la symphonie pour instruments et voix.

Parmi les grands moments des Basaltiques, il faut citer le long duo - qu’on pourrait appeler duel - entre la batterie et la flûte à bec, qui précède le chant citadelle, dans la partie III Fort Bastiani.
L’ouverture du chant II Latitudes constitue également un moment d’anthologie, dans la version enregistrée par Venexiana Atlantica elle-même. Elle émaille en effet son chant de notes harmoniques, qui ressemblent à des chants d’oiseaux. Ceci nous rappelle qu’au-delà des scandales que cette chanteuse a pu soulever, par exemple en exigeant que l’administration et la communauté humaines reconnaissent son adoption par le chien husky Stacyo, faisant d’elle l’enfant légitime d’un chien, ou encore en payant des tueurs à gages pour assassiner son ex-amante Sofia Sombreur-Noir, afin de se venger d’une infidélité, au-delà donc des scandales dont elle a gratifié les masses humaines ahuries par ses frasques il ne faut jamais oublier l’artiste, c’est-à-dire la compositrice de Beith et la chanteuse à la voix éblouissante qui n’a cessé de repousser les limites de la voix et du souffle, nous offrant le vibrato le plus long et tremblant du monde.
Dans le chant I Marées, le morceau Autel apparaît irréel, miracle de simplicité où piano acoustique et voix se cherchent et se trouvent en une comptine si naïve qu’on oublie le temps d’une chanson que John Peshran-Boor et la diva Venexiana sont les auteurs de l’œuvre. Les interludes sont tous très intéressants compositalement - et c’est le Finale de l’aurore qui atteint les sommets avec ses contrastes entre les envolées de flûtes à bec, flûtes traversières, chants harmoniques et violons tandis qu’en bas planent au-dessus des enfers les lourdeurs sauvages des contre-harpes, du basson et des basses électriques agrémentés de batterie et de volutes de fumée électro-pianistiques.

Venexiana Atlantica s’est retirée de la scène au mois de Ventôse, après le premier concert des Basaltiques, qui eut lieu à Buenos Aires. Personne ne peut expliquer la raison exacte de cet adieu à la gloire. On sait que, la nuit qui suivit le concert, elle ne dormit pas. Sur la terrasse de sa chambre de grand luxe, elle parcourut le quatuor de Los Angeles, c’est-à-dire ces quatre romans de James Ellroy : Le Dalhia noir, le Grand Nulle Part, L.A. Confidential et White Jazz.
Elle annonça au petit-déjeuner son intention de se cloîtrer au couvent de Santa Catalina, dans la ville d’Arequipa, au Pérou. Depuis l’édification des murailles hautes de Saint Jean en Ville, elle ne vivait qu’avec des billets d’avion toujours prêts pour se rendre en urgence à Arequipa ou à Alger-Centre, deux villes blanches qui lui rappelaient sa ville natale, et, seules, calmaient ses angoisses d’étouffement.

John Peshran-Boor s’est donc trouvé, en la personne de Lilas L.S. Snuk, une interprète pour les Basaltiques. Lilas Snuk donne un ton nouveau aux Basaltiques, avec sa voix mitigée, marmoréenne, un peu rauque. Du duo original il nous reste un enregistrement. C’est vers lui qu’il faudra se tourner pour puiser à la source inspiratrice initiale de l’œuvre, même si Lilas L.S. Snuk a su l’enrichir en l’interprétant.

Edith de Cornulier-Lucinière

Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :

Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore

Chacun de ces chants contient trois chants, ainsi :

Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel

Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent

Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi

L’opus compte également une intro, un final et deux interludes. Voici donc le plan complet de l’œuvre :

Intro minérale

Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel

Interlude 23 KFL-8000 Cimetière marin

Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent

Interlude 20 KFL-9000 (évangile)

Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi

Finale de l’aurore

mercredi, 04 août 2010

Encore un peu d'Hopper ?

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"transat au 13", photographie de Sara

 

"Il est difficile de peindre en même temps un extérieur et un intérieur".

Edward Hopper

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"Le dessein de Hopper était de peindre la lumière ; en réalité, il a peint l'éclairage".

Ivo Kranzfelder

 

AlmaSoror vous invite à lire quelques extraits du sociologue Richard Sennett et quelques phrases du peintre Edward Hopper. Sans se rencontrer, ils auraient vécu dans le même atelier new-yorkais, Sennett après Hopper bien sûr puisque il est d'une génération plus tardive. L'un a-t-il peint ce que l'autre a décrit ? (Comme c'est drôle cette expression : l'idéologie de l'intimité).

 

"La chaleur humaine est devenue notre divinité"

"Aujourd'hui, l'idée qui domine est que la proximité est une valeur morale en soi. L'autre aspect dominant, c'est l'aspiration à épanouir son individualité par l'expérience de la chaleur humaine et la proximité des autres...

Domine aussi le mythe selon lequel l'anonymat, l'aliénation et la froideur seraient responsables de tous les maux de la société. De ces trois aspects découle l'idéologie de l'intimité : les relations sociales quelles qu'elles soient sont d'autant plus réelles, crédibles, authentiques qu'elles se rapprochent des besoins psychiques profonds de chacun. Cette idéologie de l'intimité transforme toutes les catégories politiques en catégories psychologiques. Elle définit l'humanité d'une société sans dieux : la chaleur humaine est devenue notre divinité."

"La disparition des murs augmente l'efficacité du travail"

"Le concept de "mur transparent" est utilisé par les architectes non seulement pour la structure extérieure des constructions mais aussi à l'intérieur. Le décloisonnement des bureaux entraîne la suppression de tout ce qui gêne la vue ; l'étage entier devient un espace unique et ouvert ou un espace central entouré d'une couronne de bureaux cloisonnés. La disparition des murs augmente l'efficacité du travail, nous assurent les concepteurs, car chez les gens qui travaillent toute la journée sous le contrôle visuel des autres, la tendance à entamer une conversation baisse et la concentration s'accroît. Lorsque chacun se sent surveillé par l'autre, la sociabilité diminue parce que le silence apparaît alors comme le seul moyen de se protéger".

Richard Sennett

 

"Les loisiristes sont emprisonnés dans l'absurdité de leur conduite".

"Le temps libre apparaît chez Hopper tout aussi désolant que le travail (...). Chez Hopper, les "loisiristes", comme les appellent Horkheimer et Adorno dans leur Dialectique de la raison (1947) sont emprisonnés dans l'absurdité de leur conduite. (...) Les hôtels représentent un domaine intermédiaire, celui du travail comme celui du loisir. La différence entre comportement dans le travail et comportement dans le loisir est une pure fiction : les personnes se comportent finalement presque toujours de la même manière, quel que soit le lieu où elles se trouvent. (...) Selon Hopper, tout changement de résidence est lui-même une fiction. La condition humaine est immuable."

Ivo Kranzfelder, in Hopper (éditions Taschen)

 

"Très peu de ce qui est important est créé par l'esprit conscient".

"Tant de choses dans l'art sont l'expression de l'inconscient que j'ai l'impression parfois que presque toutes les qualités importantes sont d'origine inconsciente et que très peu de ce qui est important est créé par l'esprit conscient. Mais c'est aux psychologues de débrouiller ces problèmes".

Edward Hopper

samedi, 31 juillet 2010

Présentation des auteurs d'AlmaSoror

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Paul de C au début des années 80

 

Ils y sont presque tous ! Ceux qui sont en retard pour envoyer leur photo à AlmaSoror n'apparaîtront que plus tard dans cet album des auteurs d'AlmaSoror, que je vous engage à visiter pour découvrir les visages de ceux dont vous lisez les maux.

Il suffit de cliquer sur la photographie pour voir l'auteur de plus près et lire la sorte de biographie qui l'accompagne. Ensuite, en haut à droite de la page, vous pouvez cliquer sur le nom de la personne suivante et ainsi de suite. Ou bien vous cliquez sur "retour à la liste", et choisissez une autre photo :

L'album

jeudi, 29 juillet 2010

Lettre à Erika Noulste

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L'étang, par Sara

(un billet d'Edith)

 

Cela fait quatre mois qu'Erika Noulste a entamé son périple en moto à travers l'Amérique du Sud. On ne sait où lui écrire ; elle ne répond pas aux mails. Son téléphone a été oublié quelque part. AlmaSoror sera donc le lieu de ce que nous voulons lui dire. Merci à nos lecteurs de supporter cette intrusion personnelle dans une zone franche. Mais les lieux virtuels sont des refuges agréables et mystérieux.

Erika, voici donc la lettre que je t'écris :

 

Ma chère Erika,

 

Ton amitié ne m’a jamais fait défaut. Tes yeux, je les ai en mémoire à l’intérieur de moi et puis ainsi me noyer dans ton regard quand la vie alentour ne me convient plus. Le monde est devenu plus libre et ses visions plus belles depuis que je te connais. Je t’écris cette lettre depuis Paris en sachant que tu te balades au Pérou à travers les lieux que je t’ai mentionnés. J’imagine que tu aimes ce grand pays qui conserve des écrins de nature vierge, ce grand pays traversé par les étonnantes Andes. J’écris beaucoup ces jours-ci, une inspiration me vient le matin, quelques temps après l’éveil, m’amène devant l’ordinateur et m’y garde plusieurs heures. Je ne relis pas comme d’habitude, et verrai dans deux ou trois semaines, au temps de la relecture, si l’inspiration était intéressante ou médiocre. Les heures d’écriture en tout cas sont riches en sensations inconnues et heureuses de contemplation. L’impression d’être ultrapassive quand en fait mes doigts pianotent plus que de raison. Sans drogues, on peut partir très loin, juste en laissant le cerveau glisser comme le bateau ivre d’Arthur Rimbaud sur les mers imaginaires qu’aucun Etat ne peut coloniser.

Mais parlons un peu de toi, de toi qui devais rencontrer enfin la belle Katharina et qui ne m’en a encore rien dit. Tu es restée vingt-quatre jours en Argentine, tu n’as pas pu ne pas la voir ! Je t’en avais parlé tant de fois. Et je me demande le soir en rêvassant à la fenêtre du 13, boulevard du Montparnasse, si vous vous êtes vues, si vous vous êtes aimées et si vous avez senti qu’une amitié était possible. J’avance lentement, l’après-midi, dans mes lectures préliminaires à la grande histoire du cinéma et des arts euro-américains des années 2030 à 2050 ; pour l’instant je n’essaie pas de concevoir un plan à ce travail, simplement je lis, sans même prendre des notes, pour m’imprégner de cette période et tenter de la considérer avec un regard neuf, délivré des idées anciennes et communes. Je revois les œuvres tant aimées, j’ai pleuré à nouveau devant les belles images de Dying Cinema, du fantastique Jürgen Chêne. Et je me suis répété que cela valait le coup de consacrer sa vie, son temps, son énergie au service de la louange et de la diffusion de ce cinéma ahurissant que nous avons vu renaître et que nous voyons hélas décliner sans rien y pouvoir faire.

 

Je te laisse, ma chère Erika, je vais retourner à ma vigne qui grandit au rythme langoureux des plantes sur la terrasse, elle a besoin d’eau et d’un tuteur plus costaud. Donne-moi de tes nouvelles, raconte-moi quand tu reviens et ce que tu fais et ne t’en fais pas pour tes affaires d’ici, dont je m’occupe avec Max et Axel et qui t’attendent sagement.

 

Ta sœur dilective,

 

Edith de Cornulier-Lucinière et d’AlmaSoror

 

 

mardi, 27 juillet 2010

puissance et décadence de la bourgeoisie

 

Sara 1979.Paris.JardinduLuxembourg.LeBassin477.jpg

Jardin du Luxembourg, par Sara

 

Un des grands succès d'AlmaSoror, c'est l'article de Sara, sur les mille ans du bourgeois. C'est en 1007 en effet que le mot bourgeois apparait dans une charte.

Nous conseillons la relecture ici, avant de vous plonger dans une définition de la bourgeoisie clairement exprimée par Armand Nivelle, dans une préface au livre Les Buddenbrook de Thomas Mann.
Les Buddenbrook, sous-titré le déclin d'une famille, reflète l'idée majeure de Thomas Mann : quand la bourgeoisie a atteint les sommets de la fortune, elle tombe les armes pour ouvrir son coeur et ses sens artistiques. Cest alors que commence sa décadence et la déchéance de ses rejetons, héritiers incapables de perpétuer la prospérité implacable de leurs pères.

Voici cet extrait d'Armand Nivelle :

 

"Les "bourgeois" se signalent par l'énergie vitale qu'ils mettent au service de l'ambition, la capacité d'agir sans se laisser inhiber par les scrupules moraux et la faculté de faire taire les sentiments quand ils s'opposent à la réalisation d'un bénéfice. Les affaires "sentimentales" en sont précisément le meilleur témoignage : rien n'est plus éloigné de ces gens que l'idée d'un mariage d'amour. Ils leur arrive certes d'être amoureux, mais la soumission aux intérêts de l'entreprise et le renoncement à leurs amours ne provoquent pas de tragédies et ne les confrontent pas à des problèmes durables.
La seconde composante de la mentalité bourgeoise est la tradition familiale, unie à la conscience de classe. L'individu doit s'y soumettre sans conditions. Epouser une boutiquière, (...) c'est déchoir et justifier toutes les duretés et tous les mépris. Devant les revendications sociales, les marchands de Lübeck font la sourde oreille ; aucun soupçon des motifs qui animent les "insurgés" de 1848 n'effleure Jean Buddenbrook, ce qui lui donne d'ailleurs une sûreté absolue pour mater la "révolution".

Les bourgeois de Lübeck sont par nature conformistes et portent un grand intérêt aux "dehors", aux apparences. La vie intérieure tient peu de place dans leur existence, même quand elle revêt un aspect religieux. (...)

De ces traits fondamentaux découlent plus ou moins directement les autres caractères des bourgeois : le désir de richesse et d'opulence, l'aspiration aux honneurs publics, l'idéal de travail sérieux et méthodique."

Armand Nivelle, dans sa préface au livre de Thomas Mann, Les Buddenbrook (oeuvres complètes, tome I, dans la Pochothèque).

Lire l'article sur l'anniversaire des mille ans du bourgeois.

dimanche, 25 juillet 2010

Vous reveniez le soir en longeant les remparts

 

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La photo est de Sara

 

(un billet d'Edith)

Vous ? Vous n'aviez ni la faim, ni la soif. Vous viviez au bord du monde. Vous disiez : "les cyprès du Liban... Les cyprès du Liban"... Et vous chantiez des psaumes d'un genre antique, d'un mode nouveau. Vous n'aimiez ni les riches, ni la misère, ni les habits de ceux qui prient, ni la hargne de ceux qui se battent. Vous saviez qu'on n'est qu'un souffle et que ce souffle passe comme une fleur de pissenlit. Vous reveniez le soir en longeant les remparts de la ville blanche aux Salamandres, vos croix sur la poitrine, vos sandales fleuries. Vous suspendiez vos harpes aux branches des arbres et vous promettiez de ne jamais oublier Saint-Jean en Ville, notre ville solitaire au milieu des montagnes. L'un d'entre vous pleurait toujours : il était né loin, là-bas, au bord de la mer, sans cesse il regrettait l'odeur salée des côtes. Il se sentait étranger, mal aimé parmi nous. Vous l'entouriez sans l'aimer : vous n'aimiez que Dieu, le Père, et son Fils étrange. Toutes vos femmes s'appelaient Marie, toutes vos mères s'appelaient Anne. Vos fils portaient les noms de Joseph, Antoine, Melchior, Louis, François, Augustin, Thomas, Rieul. Ils n'avaient pas le droit de jouer avec les nôtres, qui s'appelaient Nubis, Lucas, Ronan, Loup, Arès, Daniel. Vous ne nous disiez jamais ce que vous pensiez de nous. Nos enfants s'en allaient vous espionner le dimanche, jour de culte. Ils escaladaient les murs de vos cloîtres et observaient vos rites, écoutaient, des heures entières, vos chants. Ils revenaient fascinés et nous leur disions : ils sont fous. Vous étiez fanatiques et notre culte insouciant vous paraissait barbare. Aujourd'hui, qu'êtes-vous devenus ? La ferveur qui vous portait s'est enfui. Vos rites sont vides comme des oiseaux morts. Et vos enfants viennent souvent brûler leur jeunesse à nos fêtes, aux solstices.