Vacances à Saint-Tranxène (lundi, 06 septembre 2010)

(un billet de Marin Dupondt-M)

Nous présentons en exclusivité un extrait du livre Vacances à Saint-Tranxene, de Marin Dupondt. L'ouvrage sortira dans plusieurs weblibrairies dans quelques mois, avant la fin de l'année MMX.

Les photos sont de Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva.

 

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"Respire plus loin, mon amour. Tu te sentiras mieux. N’oublie pas que ce que tu éprouves, je l’ai vécu, expérimenté, avalé, digéré et assimilé, Dom. Inutile de t’angoisser. Inutile de transpirer, tu sais. Eh, la vie n’est pas un lagon bleu, bébé. La vie n’est pas un berceau douillet. Même les bébés le savent, mon cœur. Avale. Digère. Mais tu veux vomir, n’est-ce pas ?  Attends, je t’accompagne. Si, ma chérie. Si, si, je viens avec toi. Je t’aime.

La pauvre. Plus de boulot. Ils la virent, lâchement. Ils mettent le fils du patron à la place. Elle est rentrée, normale. Elle a fait les courses avec moi, pain, fromage, vin, salade, tomates. Elle n’a rien dit. C’est tout à coup, quand on préparait le bon petit repas. Comme ça, tout à coup, elle s’est mise à pleurer. Mon pauvre amour. Si belle. Si jeune. Malgré ses quarante ans. Malgré mes vingt ans. C’est une petite fille, vous savez… Elle ne tient plus le coup. Elle est belle, à sa façon, mais là elle vomit. Ma chérie.

Respire plus haut, mon amour. Que t’importe ce qu’ils pensent ? Mon cœur… Ne t’inquiète plus. Je t’aime, je vais m’occuper de toi. Un petit verre ? Non, n’est-ce pas… Ce n’est pas le moment. C’est certain. Mais je pensais justement à quelque chose, ces derniers jours.

C’est vrai. Ça lui arrive alors que je pense très fort à ça. Des vacances. Nous ne sommes jamais partis en vacances, tous les deux. Boulot, dîners, boulot, dîners… On pourrait s’en aller. Je paierai tout. J’ai confiance en l’avenir, je peux balancer mes économies dans un petit paradis. Une île… Quelque part, pas loin… Pas trop cher.

Respire plus fort, mon amour. Je pensais à quelque chose, tu sais ? Des vacances !

Reste avec Dam, Dom. Reste. Demeure là, tranquille, calme, zen, sauve. Dom. Demeure…

 

Dom, c’est elle qui m’a accompagné sur la tombe de mon meilleur pote tué en moto :

-         Tom, tu sais quoi… Tom… Les dix dollars… J’te les donne, Tom… (en sanglots) : J’te les donne, connard, les dix dollars ! Mon pote ! Mon pote ! J’t’adore, t’sais !

Elle ne s’est pas moquée de moi. On a mangé un bout sur un banc, le soir, dans un square. On a donné aux oiseaux. On était bien. J’avais le cœur qui refermait ses blessures. Tom, c’était quand même mon meilleur ami : mon seul ami.

 

Elle, Dominique. Moi, Damien. Quand je l'ai rencontrée, elle était prof à l'université, elle l'est toujours d'ailleurs. Moi, j'étais étudiant mais je ne le suis plus. J'ai arrêté. Je préfère m'occuper de Dom, la pauvre.

Allons, ma chérie, ne pleure plus".

 

Marin Dupondt-M

 

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Photos de Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

 

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