lundi, 30 juillet 2018
Torses pleins de sueur aux terrasses des cafés, urines aux pas des portes
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Le sens dans la prison de la forme
Le carambolage sémantique se poursuit par ici.
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samedi, 28 juillet 2018
En parallèle (parole de Tarkovski)
« En parallèle au problème de la liberté, se pose celui de l'expérience et de l'éducation. Dans son combat pour la liberté, en effet, l'humanité moderne réclame la libération de l'individu, c'est-à-dire la possibilité concrète de faire tout ce qui lui passe par la tête. Ce ne peut être là qu'une libération illusoire, et la voie vers de nouveaux désenchantements. Libérer l'énergie de la spiritualité humaine ne peut être que le fruit d'un énorme travail intérieur, que l'individu seul doit se décider à entreprendre. Dès lors, l'éducation reçue fait place à l'autoéducation, sans laquelle il est impossible de savoir quoi faire de cette liberté tant recherchée, ou comment éviter de ne l'interpréter qu'en termes utilitaires ou de consommation.
À cet égard, l'expérience de l'Occident fournit un matériau extraordinairement riche à la réflexion. Les libertés démocratiques y sont indéniables. Pourtant ses citoyens, réputés « libres », traversent une invraisemblable crise spirituelle. Que se passe-t-il ? Pourquoi existe-t-il un conflit aussi aigu entre l'individu et la société malgré les libertés laissées à la personne en Occident ? Je pense que l'expérience occidentale prouve que se servir de la liberté comme d'un don gratuit, comme d'une eau de source qui ne coûterait pas un kopeck, sans faire sur soi le moindre effort spirituel, met l'homme dans la situation d'une impossibilité de jouir des bienfaits de cette liberté, et d'en changer sa vie vers un mieux. La liberté n'est pas quelque chose qui peut s'intégrer une fois pour toutes à la vie d'un homme. Elle est le salaire d'un travail spirituel permanent. Dans ses manifestations extérieures, l'homme n'est pas libre parce qu'il n'est pas seul. Mais la liberté intérieure est donnée à chacun dès l'origine. Reste à avoir le courage et la volonté nécessaires pour s'en servir, après avoir pris conscience de l'importance sociale de sa liberté intérieure ».
Andreï Tarkovski, IN Le temps scellé, Conclusion, traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H de Brantes
Sur AlmaSoror déjà en 2014 Le temps scellé : Fragment d'un cinéaste
et aussi, quoiqu'hors sujet, Les crachats du temps
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mercredi, 18 juillet 2018
Astres des ébats possibles
Constellation d’étoiles et de lune blanches dans l’Heure Bleue. Conversations des sens, sans intervention des mots. Car la chair s’est faite silence et le Verbe s’est enfui.
Notre religion mêle la croix du Sud et celle du Christ, le football international et les migrations des chenilles. Vieilles pierres et béton armé, mariage partiel, éclipse totale.
Raconter une histoire ? Oui, mon fils. Mais pas sans te cacher un peu de vérité. Le réel cru est l’ennemi de la civilisation. Recouvrons de brume les éléments inadéquats de notre biographie. Recouvrons de cendres les vérités cassantes, ne gardons que celles qui brûlent comme un phrase dans la nuit. Veilleurs de nuit, enfances demeurées entières malgré le passage des ans. Vaisseau de sons et de couleurs au-dessus de l’indifférence, comme un rêve qui caresse nos peaux indemnes. Les rides se dissolvent. La mort fait ses valises, la mort se fait la malle, il n’y a plus d’espace pour son rire dans l’Éternel Présent.
Sur AlmaSoror :
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mardi, 17 juillet 2018
Desastre des débats impossibles
(Auparavant sur AlmaSoror :
Cas de consciences et conscience des cas
Plus de 90% d'un certain genre de personnes sont supprimées avant leur naissance alors qu'elles sont en pleine forme. Aussi ce n'est peut-être pas idéal de qualifier ces avortements de "thérapeutiques", puisque ni la vie de l'enfant ni celle de la mère ne sont en danger. Juste une paire de chromosomes supplémentaire.
J'ai dit ça à table mais on m'a dit que j'étais fasciste parce que "ce discours est celui de gens d'extrême-droite".
"La femme est libre de faire ce qu'elle veut de son corps", m'a-t-on encore dit.
Je me pose des questions, sans fanatisme ni certitude.
Le corps d'un enfant viable, âgé de 5 mois déjà dans un ventre, n'est-il qu'un morceau du corps de celle qui le porte ?
Je ne suis pas entrain de dire qu'un avortement est un crime, ni de m'opposer radicalement au droit à l'avortement.
Je trouve pénible de n'entendre que deux points de vue tranchés et cyniques sur la question.
- Celui qui traite de criminelles des femmes qui, tombées enceintes dans une situation pénible et sans courage ni moyens d'assumer le bébé, décident d'interrompre la grossesses dès que celle-ci est connue.
- Celui qui trouve fascistes tous ceux qui n'apprécient pas qu'on dispose de la vie vulnérable et merveilleuse des bébés in utero jusqu'aux dernières extrémités de la grossesse sans avoir aucunement à justifier l'acte.
Lorsque on criminalise d'office la pensée de l'adversaire, le débat devient impossible et le désastre augmente.
Sur AlmaSoror :
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dimanche, 15 juillet 2018
La solitude au milieu des hystéries collectives
Sortir dans la rue, apercevoir ces gens aux joues peinturlurées, bières à la main, criards, réjouis.
Entendre ce chant de haine, "qu'un sang impur abreuve nos sillons", ces phrases que les Républicains chantaient en assassinant les paysans vendéens, les ecclesiastiques, les catholiques et les nobles. Depuis cette époque, chaque fois qu'il faut détruire ou coloniser d'autres peuples, ce chant ressurgit comme un éveilleur de cannibales.
Téléphoner à quelqu'un, entendre que dans sa ville à l'autre bout du pays les mêmes hurlements sortent des fenêtres au même moment que chez moi...
S'enfermer dans une salle de bains et attendre que les hurlements de joie féroce et les klaxons se taisent.
Contempler avec amour les drapeaux sans nation : le drapeau blanc, le drapeau noir, le drapeau inca.
Savoir que dans les scènes d'hystérie collective, le lynchage guette.
Trouver une ou deux personnes qui lisent ou s'occupent tranquillement et ressentir l'espérance que l'humanité n'est pas qu'une masse de hurleurs avides téléguidable : certaines personnes demeurent capables d'individualité même pendant les liesses et les tristesses officielles.
Mais je sanglote quand même, au bout de la dixième grosse vague de hurlements qui accompagne les bons ou mauvais coups de quelques gars qui courent quelque part autour d'un ballon, à l'idée qu'on peut tout faire aux hommes, leur arracher tous leurs droits, du moment qu'on leur organise une coupe de football de temps en temps. Pourquoi n'ai-je pas pris avec moi, ce soir, Mein trauriges Gesicht, Mon visage triste, cette nouvelle exceptionnelle de Heinrich Böll ?
Et ce qu'on peut faire aux hommes, on peut le faire aux pays aussi : les exproprier de leur monnaie, de leur souveraineté, de leur constitution, de leurs paysages, de leur indigénité, tout cela se fait sans difficulté, du moment qu'on leur organise une coupe de football de temps en temps pour les réjouir et leur donner des vibrations nationalistes.
(Sur AlmaSoror :
Contre la télévision (Pasolini)
Les miettes succulentes du drapeau riant de la France)
Et lire et relire Le stade barbare et La fureur du spectacle sportif de Marc Perelman qui tente d'analyser cette catastrophe intellectuelle et émotionnelle du sport médiatique international.
Hier soir j'écrivis ce texto à L : "On se sent rabat-joie, à dénigrer une belle humeur collective, à ridiculiser les grandes liesses des autres. Mais... avoir vu tant de lois liberticides passer sans entrave, savoir que l'art raffiné peine à vivre, rend ces grands débordements festifs difficiles à supporter".
L répondit : "Cela les éclaire d'une lumière crue qui les montre tels qu'ils sont : des armes de coercition massives qui creusent, tels des bulldozers, les tombes des civilisations humaines".
Oui, la tendresse et la joie collectives sont des bulldozers. N'éprouvant, le temps du match, que des sentiments positifs, les joyeux collectifs trouvent profondément méchants ceux qui ne participent pas à la Grande Tendresse Universelle. Mais le lendemain, ils remettent leur habit de semaine, s'en vont au travail sans prêter attention au clochard et reprennent le fil de l'inconscience banale des jours subis.
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vendredi, 13 juillet 2018
Explication
November, de Max Richter. Et le soir qui tombe extrêmement lentement. La voix d'une crooneuse vieille chante dans l'appartement d'à côté :
J'ai voulu chanter ce chant,
voulu chanter ce chant encore
Ce chant rend hommage à une femme
Il rend hommage à une femme morte
Morte, sous les coups d'une femme
Les coups d'une autre femme
Une autre femme qui lui enviait son corps
qui lui enviait son âme.
La blancheur sale des murs de chaux et la poussière des livres, la rougeur sombre des tomettes et la bûche morte dans la cheminée éteinte depuis quelques mois. Le mois d'août n'est pas encore là.
J'aurais voulu chanter cette hymne
l'hymne à la déesse du vent
ce vent qui souffle chaud ou froid
froid ou chaud sur les prés et sur les toits
J'ai quitté mon enfance par un soir de juin, je le sais bien. Je la retrouverai dans vingt ans, c'est évident. Quand plus un cheveu châtain ne s'apercevra sur ma tête, quand j'aurai réentendu ta clarinette, quand nous pourrons dire si les prédictions de la voyante étaient vraies ou fanfaronnes.
Je chanterai un jour pour toi
pour toi qui pleure en t'endormant,
je chanterai ce chant d'enfant
ce chant d'enfant qui a vieilli
je chanterai ce chant pour toi
Au jour des morts j'en fais serment
Je sais pourquoi je n'écris pas, pas publiquement, je sais pourquoi ce que je montre est fade et ce que je cache est profond. C'est parce que je suis l'autre face du monde, la lune noire, le miel salé, le soir matutinal.
Peu importe, tu m'as touché la joue et je suis partie avec ton chien.
(Sur AlmaSoror en juillet :
2017 : Tristesse balnéaire, béton désarmé, stations essence, séniors en culottes courtes
2016 : Nocturne express
2015 : L'or des sables et suivants
2014 : Chronique d'une solitude
2013 : Le dernier rêve
2012 : Ces bêtes... Piles électriques jusque dans la bouche
2011 : La bêtise et le mépris
2010 : Les affiches qui me faisaient rêver dans ma jeunesse
2009 : Ne me quitte pas, ma langue)
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jeudi, 12 juillet 2018
Une intense sensation de liberté...
... t'aide à mieux respirer depuis quelques jours.
Elle coéxiste avec une intense sensation d'oppression, celle d'être cernée par des forces de destruction qui se donnent le doux nom de progrès.
(Il n'y avait pas de vieille armoire dans cette habitation ; pas d'étagères débordant de vieux livres, pas de poussière sur des tables d'antan).
L'ennemi siège aux portes de la ville, il a déjà infiltré les institutions à tous les étages.
(Les couleurs ne se modulaient pas au rythme de la journée. Les couleurs étaient toujours les mêmes, sans influence extérieure).
Une intense sensation de liberté est survenue lorsque tu as dissocié ta peur de ta culpabilité. Tu as peur de l'ennemi, tu as nommé son nom dans ton for intérieur et tu sais désormais que tu es libre, quoi qu'il arrive. La liberté de tracer les frontières de ton être.
Tu ne confonds plus ton désir de survie avec une mauvaise éducation. Tu ne confonds plus ton refus de l'ennemi avec une résistance psychique au changement.
(La langue qui s'y parlait ressemblait à la nôtre, en apparence. Mais les flots de sens charriés par les mêmes mots, différaient ; et les conversations ne pouvaient plus éclaircir nos destins).
La politesse, qui voulait annihiler le combat politique du pauvre, a été remplacée par la tolérance, qui annihile le combat politique de l'autochtone. Pour l'instant, aucune parole de délivrance n'est possible : elle serait assimilée à la haine du progrès, au refus de la tolérance. On lui ferait honte. Pour l'instant...
Mais, quand le siège sera levé, il te faudra rester calme face aux petits soldats du progrès et de la tolérance qui changeront de chemise et de camp en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire.
(Il te faudra marcher loin des habitations sages et neutres. Jusqu'au vol concentrique des corneilles de la violence. Alors, comme un soleil qui descend sur les fleurs du soir, tu seras restauré dans le crépuscule de tes idoles).
Il te faudra partir marcher dans le calme de la campagne, il faudra respirer sans joie ni rancoeur. Il te faudra savoir que pendant que tout le monde criera ce que tu penses en cachette aujourd'hui, un autre silence s'imposera peu à peu sur la ville et sur la foule. Un autre silence, un même interdit : celui de dire vrai.
(Dans ton ventre qui gargouille, germe le fruit d'une nouvelle génération, qui reprendra les chants anciens de guerre et de procréation).
En miroir, sur AlmaSoror :
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mardi, 03 juillet 2018
Ors du soir
Lorsque tout est nié en nous, lorsqu’aucune collectivité ne nous admet, il faut puiser au creux de soi la puissance fœtale et granitique de projeter son soi hors de soi, dans le monde. Mais il faut le faire avec un masque pour échapper à l’assassinat psychique.
Sur AlmaSoror :
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dimanche, 01 juillet 2018
Au pays frais des vins et des chansons
« Vous n'étiez pas un Français bien assimilé. Vous étiez un étranger venimeux pour la nation, la République vous était une étrangère aberrante. Aux murs de votre chambre, les condamnations à mort de vos ancêtres « au nom du Peuple Français et de la nation ». Sur le bois de rose de votre table de nuit, Les Hosties Noires, de Léopold Sédar Senghor.
Vous connaissiez les détails des habitudes des oiseaux : pigeons, hirondelles, rapaces, corneilles et martinets. Le matin, vous prononciez vos prières en les observant par la fenêtre. À Nantes, vous récitiez l'Angélus que sonnait Saint-Clément au loin en regardant les colombes du jardin des Plantes. À la Garnache, par les grandes fenêtres, le silence mordillé par les grillons à l'heure où vous disiez les vêpres, en compagnie de votre épouse, afin d'accompagner votre fils qui les chantait au même moment, avec ses frères, à la Trappe en Normandie.
Israël Joshua Singer et Alfred de Vigny sur la console en marbre du salon, sous le portrait gravé de madame Élisabeth.
Assises sous le christ sculpté par le fondateur des Monfortains, vos petites-filles, oubliant les joies et les peines de l'école parisienne, avalaient les Vacances de la comtesse de Ségur et les Aventures d'Alice détective privé. On entendait le souffle du hêtre sous la caresse du vent. Une grande horloge comtoise en noyer sonnait toutes les heures et le tictac de son balancier ne cessait jamais dans la salle à manger adjacente, dont nous n'avions pas le droit d'ouvrir l'armoire. L'oncle Bertrand chantait la Légion étrangère et les Paras en peignant paresseusement les volets.
Qui étions-nous ? Un peuple mort composé d'êtres humains bien vivants, une famille en exil au lieu où elle avait toujours vécu. Nous n'étions pas dans le besoin, vous n'étiez pas dans le déni, vous étiez juste en désaccord très profond et très calme avec chacun des fondements de l’État, depuis deux siècles ».
Sur AlmaSoror :
L'aberration de valeurs chrétiennes
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