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samedi, 30 juin 2018

Locus obscurior

J'aimerais être la dernière locutrice d'une langue et languir de la peur et du désir de mourir. Toute-Puissance et totale impuissance de la femme-langue des fins dernières, avant terme.

Écouter, un dernier été, les grouillements et les chants des grenouilles au bord d'un étang teinté d'éternité. Moustiques de la tiédeur, ronds des carpes. Des moines passent de l'autre côté de l'eau morte, dans leur vêtement marron, habit d'énigme qui les distingue du reste des hommes, triviaux.

(Une vieille dame récite un poème en yiddish dans un château de bohème, entourée de jeunes visages qui se détournent du sens, quelque part dans une région de l'Est de l'Europe. Un homme âgé, sur un chemin aux alentours de Ferreñafe au Pérou, invoque son père en langue quechua).

Quel est ce secret qui me donne envie de vivre pour toujours et de mourir tout de suite ? Un secret enfoui dans le langage, sans nul doute. Au fond d'une langue latine qui a perdu le fil de l'espoir.

Indicible, la beauté de ma douleur. Intangible, ce matin où la sépulture s'est formée dans mon coeur-vivant. Les grenouilles rassurent cette impression d'être dans un coin de France qui ressemble à l'ancienne maison du vrai nom.

vendredi, 15 juin 2018

Rêve de libellules

Sois celle que tu veux être et tout rentrera dans l’ordre et dans l’harmonie.

Les musiques qui te plaisent aujourd'hui, tu les trouveras fades demain. Où trouver l'éternité ? Renouvelle ton regard et laisse voleter autour de toi les libellules de la futilité. 

 

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Sur AlmaSoror

Le poème ou l'image qui viendra

Sol occidens

Le pouvoir de la kora

Nostalgie du soir

jeudi, 14 juin 2018

Une histoire vraie

Tu rêvais de ta tante qui avait séjourné, en secret, à Lucerne, en compagnie de Boris de Schoelzer ; je rêvais de toi. Scriabine joué par ta nièce berçait nos silences. Sur la terrasse, le vent chuchotait et mes regards allaient du mont Pilate à la surface du lac, contemplant sans pensée les ponts de bois, les toits, les horlogers de la rue d'en bas, les hirondelles sur les cheminées, les martinets à ventre blanc posés sur les hautes branches des trois hêtres au tronc gris. Ce climat matinal me donnait l'impression de vivre et d'attendre, sensations enivrées de l'instant magique, inquiétude sourde de ta visible absence mentale et de la lenteur lourde de tes gestes.

La danse des cygnes qui me semblait un signe, mais ton énigmatique allure de spectre.

J'aimais cet homme que tu étais entrain de devenir. Tes cheveux bruns et gris, coupés courts, remuaient doucement dans le foehn. Je retenais mon souffle. Ton violon raffiné posé dans son écrin sur la grande table de noyer, la porte cloutée à l'étage, l'ordinateur dans la chambre médiévale. Ta folie orthodoxe me donnait envie de te suivre partout où tu allais, elle te poussait à partir toujours plus loin des gens qui s'attachaient à toi. Et je t'imaginais enfant, aux côtés de ta mère géorgienne flûtiste et de ton père suisse, banquier, s'admirant et se méprisant l'un l'autre pour la rigueur protestante du mari et la sensibilité fiévreuse de l'épouse. J'imaginais ta sœur, la perte de ta sœur, je tentais de prendre la température de ton cœur, qui battait sans sentir mon impérieux appel.

Ce fut le dernier matin. Nous nous sommes croisés deux fois depuis, alors que vingt ans se sont écoulés : à Marmande et à New York. Je t'ai peut-être aperçu au centre de musique baroque de Versailles, mais je n'ai pas eu le courage de m'approcher de cette silhouette voûtée.

dimanche, 10 juin 2018

au jour le jour, images téléphonées

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Sur Latitude, la trace visuelle des jours qui fuient.

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Mes photos sont souvent ratées, toujours prises avec mon téléphone portable. Je ne les retouche pas, je les laisse parler de ce que je crois vivre.

C'est ici que, dans un dévergondage de compétition sociale, je me vante visuellement de mes expériences. Regardez comme ma vie est belle, oh oui, whisky le soir devant un coucher de soleil urbain en écoutant la guitare de Ry Cooder se promener dans les étendues du Texas. Ou simplement une vague, ne t'inquiète pas si tu t'ennuies dans le métro la boule au ventre en allant au boulot, je viens de la surfer, cette vague bleue de la baie dont je tairai le nom. Sur ces autoportraits je suis une dissidente politique, une écrivain libre, une voyageuse à la parole errante, j'ai des livres, des amitiés, des rendez-vous, et tellement de temps libre - à la mode et irrécupérable. La preuve par images, rien de mieux.
Mais si tu crois un jour que tu m'aimes, reviens de temps en temps poser ton regard sur le vide entre les photos. Tu entendras ma voix, la vraie, sombre, bien plus sombre que celle qui résonne quand j'éclate de rire.

samedi, 09 juin 2018

Liquéfaction

Devant l'écran d'ordinateur, toi, devant l'écran d'ordinateur, moi, chacune à quelques mètres de distance, sur des chaises, nous tournant le dos. Les fauteuils sont vides. Dans la bibliothèque, les livres dorment. Par les stores, le crépuscule dissout peu à peu les lumières. Nous ne voyons pas les ombres qui se tordent sur les meubles et le tapis. Liquéfaction de la relation, de la soirée, de la vie.

Deux boussoles attendent sur la table de nuit : Julien l'apostat (ses lettres) et Vladimir Grossman (Vie et destin). Mais... les boussoles de papier paraissent des dieux morts à l'ère des écrans avaleurs du Temps.

 

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samedi, 02 juin 2018

Des désirs secrets

Une purification, malgré la lourdeur des mots, la banalité des intentions. Un voyage qui se créée malgré l'absence d'harmonie. Des halages, des pauses, la chanson de Johnny Guitar qui rappelle des étés, des bières dans des bars, des attentes trop chaudes. Des halages, des pauses, des désirs secrets. Des non-dits, des impensés, des tentatives de voir clair. J'entends quelquefois mon autre voix surgir du temps passé, revenir un instant, au creux du temps présent.

Et les nuages, par le vasistas, dans les ciel très haut. Des halages, des pauses, des éphémérides. Une femme rousse à qui je n'ai jamais, jamais osé dire la vérité. Une guitare et un garçon qui ne s'appelle pas Johnny. Plutôt Kévin. Je le trouve beau. Nous nous regardons à peine. Comme une rencontre manquée.

C'était avant mes premiers cheveux blancs. C'était quand il restait encore le temps. Le temps de choisir d'autres voies. Le temps d'aimer par d'autres moyens. C'était encore le temps du processus biologique, c'était le temps des insouciances (courses, nuits blanches à la montagne Sainte-Victoire puis grasses matinées jusqu'au zénith, bouteilles du Var et de la Catalogne, nectars ensoleillés). Je regarde cette femme qui a cinquante-quatre ans je crois et qui semble sûre d'elle, mais l'est-elle ? Je ne sais si je l'aime ou la crains, je ne m'en détache pas encore. Elle ressemble un peu à ce que je voudrais être et pense tout ce que je déteste. Et des halages, des pauses, des plaisirs discrets. Avant d'ouvrir le portail à la Mort, cette beauté fatale qui exige un baiser rouge pour vous prendre avec elle pour toujours.