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jeudi, 14 novembre 2013

Extrait II du journal de Baude Fastoul de Kevin de M-L

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16 novembre 2012

Je découvre l'histoire de Lizzie van Zyl, qui me fait comprendre à quel point Anglais et Américains ont créé les horreurs dont ils accusent les autres en permanence. Faut-il plonger dans le vertige face à l'horreur des souffrances qu'on inflige aux enfants, aux animaux, aux êtres ? Ou bien fermer les écoutilles et vivre la meilleure vie possible sans se laisser abattre par l'enfer qui nous frôle ? Christ, qu'en dis-tu ? Comment interpréter tes actes ?

La morale est-elle possible ? Ou bien le monde n'est-il qu'une suite de souffrances répétées ? Faut-il « se battre » pour une amélioration du monde ? Ou bien simplement prier et purifier son propre cœur ?

Enfants qui êtes nés pour subir les sévices d'êtres pour lesquels vous n'étiez qu'amour et générosité, bêtes qui ne comprenez pas qu'on vous transforme en chairs souffrantes et affolées, êtres de toutes sortes, abattus dans leur vol, puis mourant lentement au sol, dans l'incompréhension et le mépris... Quel est votre message ? Existez-vous ? Ne sommes-nous, les uns les autres, que les images de notre propre cauchemar ? Quel pouvoir avons-nous sur notre propre vie, sur la vie de celui qui est à côté de nous ? Est-il réellement possible de sauver quelqu'un ? Et si cette question existe, alors est-il réellement possible d'assassiner quelqu'un ? Cet éternel pourquoi devant la misère la plus poignante, a-t-il un sens ?

Quel est ce bouge que nous appelons « réalité » ? Et cette phrase qu'une étrange Édith Morning écrivit un jour : "Si j’avais su que les rêves sont réels et le monde illusion, j’aurais inversé ma vision de la liberté et celle de la prison. Mais les menteurs amers disent décriant les images qu’elles sont illusoires, et nous entraînent dans leur " réel " qui n’existe que dans leurs sombres couloirs".

Vérité, as-tu une consistance quelconque, quelque part ?

 

Kevin de Motz-Loviet

 

En savoir plus sur la Confrérie de Baude Fastoul

AlmaSoror avait déjà publié un premier extrait du journal de Kevin.

 

 

 

jeudi, 07 novembre 2013

La Noire Idole

Laurent Tailhade (Tarbes, 1854 - Combs-la-Ville, 1919) fut un poète, écrivain, anarchiste qui usa de nombreux pseudonymes, tels : Azède, El Cachetero, Dom Junipérien, Lorenzaccio, Patte-Pelue, Renzi, Tybalt. Fils et petits-fils de juges, il semble avoir pris le contrepied de la profession familiale, et s'être fait profession de juger les juges et tous les autres hommes - clercs, militaires, policiers, financiers - qui croient pouvoir décider à la place des autres de ce qui doit leur arriver. 
L'anarchiste virulent possédait un style de toute beauté, comme il apparaît dans son texte La noire idole - au titre inspiré par l'expression de l'écrivain anglais Thomas De Quincey.
Voici, plus bas, un extrait (tiré de Wikisource) de cette noire idole, dont le nom scientifique est : morphine.

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La Noire Idole

Étude sur la Morphinomanie

 

 

 

« … capa que cobre todos los humanos pensamientos, manjar que quita la hambre, agua que ahuyenta la sed, fuego que caliente el frío, frío que templa el ardor, y finalmente moneda general con que todas las cosas se compran, balanza y peso que iguala al pastor con el rey y al simple con el discreto ».
Don Quijote, Part. II, Cap 68.

 

 

 

PARIS

LIBRAIRIE LÉON VANIER, ÉDITEUR

A. MESSEIN, Succr

19, QUAI SAINT-MICHEL, 19

MCMVII

 

 

Les personnes étrangères aux études médicales : hommes de lettres ou du monde, romanciers, chroniqueurs, simples gobe-mouches qui parlent, écrivent, discourent sur le propos de la morphine et de la morphinomanie, ignorent, la plupart du temps, le premier mot de leur sujet. Ils préconisent avec un aplomb qui déconcerte, des lieux communs aussi vagues qu’erronés. Bon nombre de docteurs ne sont guère plus instruits que le public sur les arcanes du voluptueux et sinistre poison. Les plus avisés décernent leur clientèle au spécialiste ; d’autres, moins éclairés ou moins délicats,proposent des traitements infructueux et chimériques. Optimistes à l’excès, d’aucuns, regardent la morphinomanie comme une « mauvaise habitude », comparable à celle des cartes ou du tabac. Ils prétendent la guérir par des procédés aimables ou de spécieuses diversions : promenades, théâtre, injections d’eau claire et tout ce qui s’en suit. D’autres enfin, cyniques faiseurs de dupes, exploitent, sous couleur de la traiter, cette « maladie expérimentale » qui, à moins d’une cure efficace et rationnelle, permise aux thérapeutes seuls outillés pour cet objet, n’a d’autre aboutissant que le désespoir, la vésanie ou la mort.

 

 

Opium de l’Occident, la morphine est à peu près au suc de pavot, ingéré en pastilles ou fumé dans des pipes, ce que les brûlants alcools de grains ou de fruits : gin, hasselt, kirsch, genièvre ou schiedam, sont à la bière, au vin non frelatés. L’ivresse immédiate, foudroyante, ne permet pas à l’adepte un moment de répit. De prime abord, la possession est complète, comme chez ces démonopathes dont les juges ecclésiastiques ou civils : Boguet, Remigius, Lancre, del Rio ont, à leur insu, étudié la névrose. Une force inconnue et despotique s’empare de la victime, agit à sa place, dédouble en quelque manière sa personnalité. Au Moi raisonnant et social, un autre Moi se substitue en qui toute idée, en qui tout sentiment est aboli par l’appétit égoïste de la piqûre béatifiante.

Comment les peuples indo-européens, à qui leur activité permet de conquérir le monde et d’exproprier « les races incompétentes », se laissent-ils envoûter par ce morne sortilège, destructeur de la force et de la volonté, au moment précis où l’universelle concurrence impose à l’homme de vouloir et d’entreprendre sans une minute d’hésitation ni de repos ? Les actions les plus actives semblent renchérir sur ce goût. À Londres, le samedi au soir, les apothicaires débitent de l’extrait thébaïque et despilules d’opium brut, tout comme les bars versent du gin ou du whisky.

On entre dans la morphine par deux chemins inégalement semés de fleurs. Les uns, dans le but légitime d’accoiter leurs souffrances, ont recours aux vertus du terrible stupéfiant ; d’autres y cherchent impudemment une sensation de plaisir, un bien-être que le docteur Ball a qualifié, le premier, d’euphorie. Mais, quelle que soit la porte ouverte sur cet enfer, par la thérapeutique ou l’appétit des sensations nouvelles, pareille est la damnation. « La Noire Idole », comme Quincey appelait sa carafe de laudanum, ne lâche pas sans d’incroyables efforts les dévots qu’elle a conquis.

 

 

Quel est donc ce philtre magique, cet élixir de mort qui vend si cher ses prétendus bienfaits ? Sans remonter à Dioscoride, au médecin Andromachus, calmant les crisesépileptiques de Néron à grand renfort de thériaque, à Galien qui soignait les maladies nerveuses de Julia Mæsa, de Julia Domna et de leurs courtisans, les propriétés soporatives de l’opium furent connues et largement utilisées par les morticoles d’autrefois.

Contrairement à la doctrine du Malade imaginaire, l’opium ne fait pas dormir, ou, du moins, ne fait dormir qu’à très longue échéance. Il provoque tout d’abord une chaude ébriété ; il confère au patient l’oubli momentané des plus cruelles douleurs. C’est un « remède désangoissant », ainsi que l’appelle à bon droit le docteur Dubuisson.

 

Dans les premières années du XIXe siècle, le chimiste Sertüner isola, parmi d’autres alcalis organiques, un alcaloïde à la fois sédatif et convulsivant, que l’opium de Smyrne, de l’Inde ou d’Égypte renferme dans la proportion moyenne de 10 %.

L’empoisonneur Castaing utilisa, peu après (1823), la découverte du chimiste. Il « réalisa » son ami Ballet comme Lapommerais devait « réaliser », quarante et un ans plus tard, Mme de Paw, sa maîtresse, au moyen de la digitaline récemment acquise à la pharmacopée par Homolle et Quévenne. Hippolyte Ballet et Mme de Paw avaient commis l’erreur de souscrire une assurance sur la vie à leurs vénéneux compagnons. Castaing, après avoir attiré sa victime à Saint-Cloud (qui paraissait alors une villégiature suffisamment rustique), lui donna le boucon à l’auberge de la Tête noire. C’était, dans du vin chaud, une solution fortement chargée d’acétate de morphine. Ballet trouva le vin si amer qu’il n’en but qu’une gorgée, attribuant ce mauvais goût au zeste du citron. La nuit fut mauvaise. Castaing, le jour suivant, administra une potion au malade qui rendit superflue toute médication ultérieure. Le pauvre garçon en mourut après quelques instants.

 

 

À vrai dire, ce n’est pas la morphine elle-même, peu soluble dans l’eau, qu’utilisent médecins et toxicomanes, mais bien un sel de morphine, le chlorhydrate, qui merveilleusement se prête à cet emploi. Dissous, filtré, bouilli, décanté, mis à l’abri des poussières dans un flacon élégant de cristal, voici le philtre irrésistible qui permet au premier butor venu de cambrioler aisément la forteresse du Bonheur ! Ajoutez l’instrument bien en main auquel un orthopédiste lyonnais servit de parrain, vers 1860 et que, pendant la guerre de 1870, importèrent en France les praticiens de l’armée allemande : l’outillage sera complet. Le postulant des paradis artificiels peut consommer d’emblée ses fiançailles avec la Mort.

Une piqûre légère, point méchante, cuisante à peine pour les maladroits. Et soudain le charme opère. Une onde vous enveloppe, « un océan de délices », comme d’un sang plus vif et rajeuni. C’est « la lune de miel », ainsi que veut bien (après nous) dire le professeur Brouardel (Opium, Morphine et Cocaïne, J.-B. Baillière, éditeur). Dans cette période élévatoire, dans la crise initiale que provoque l’usage du terrible excitant, les idées affluent, les œuvres s’ébauchent, la parole surabonde, l’ivresse emporte l’hésitation et la timidité. La mémoire se colore et s’amplifie. Une eurythmie clairvoyante harmonise la pensée. Les chagrins sont en fuite et les sens abolis. Dans la plénitude heureuse de sa force et de sa joie, l’homme se sent devenir dieu.

Cette béatitude n’a rien de turbulent. La joie un peu vulgaire et communicative que déchaîne, après boire, l’usage des liqueurs fermentées ne ressemble en aucune façon au recueillement voluptueux suggéré par la morphine. Elle exalte au plus haut point l’opinion favorable que le sujet a de lui-même. Exempt des servitudes physiques, réduit à l’état de pur esprit, il contemple avec une dédaigneuse indulgence les espècesqui l’environnent. Il plane au-dessus des réalités quotidiennes. Il n’éprouve nul besoin de communiquer avec le troupeau congrégé à ses pieds. L’orgueil est le moins bavard de tous nos sentiments.

 

 

Une erreur fort commune est de croire que la morphine suscite des rêves, procure des visions, ajoute, en un mot, aux richesses intellectuelles de ses familiers. Son pouvoir est à la fois plus grandiose et moins extraordinaire. Elle porte en soi une énergie révélatrice qui montre à l’homme des coins insoupçonnés de mémoire et d’imagination, éclaire à ses propres yeux les dessous, les recoins obscurs de sa personnalité, avive, comme les caractères d’un palimpseste, tels souvenirs, telles images, tels émois presque effacés. Elle « interprète » à l’initié les moindres conjonctures, lui développe ses propres imaginations en des épiloguessavoureux. C’est le flambeau de Psyché qui s’allume au plus profond de l’être et fait palpiter à sa lumière le chatoiement des trésors ensevelis.

Bientôt, cependant, les brumes irisées, les flottantes gazes, les vapeurs de kief épaississent leur rideau. Le brouillard qui prêtait à l’existence le charme des contours indéterminés devient un mur impénétrable, un cachot d’où le prisonnier ne s’évadera qu’au prix d’exécrables douleurs.

En peu de temps, le malade perd mémoire, volonté, sommeil, tous les appétits. Il vit, incapable d’action, dans une somnolence énervée, il rêvasse à des actes qu’il n’accomplira point. Lorsque sous l’impulsion d’une dose insolite, il rentre un instant dans la vie ambiante, c’est pour intégrer des gestes baroques ou délictueux. Si déchu qu’il soit, le buveur de vin ou d’absinthe est susceptible encore d’une activité passagère, tandis que le morphinomane, prisonnier d’un besoin vital, indispensable au même titre que le besoin de respirer, demeure à jamais exclu del’action humaine. Pour tout dire, l’alcoolique est un impulsif, le morphinomane, un inhibé.

La suite se lit sur Wikisource...

On peut en outre lire un amusant article sur l'étrange Laurent Tailhade par ici.

mercredi, 30 octobre 2013

Une enfance littéraire française : Invitation au voyage II

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Gustave Doré - gravure pour Le petit poucet.

 

Voici la deuxième partie de la synthèse de la conférence, intitulée Une enfance littéraire française, que je donne aux étudiants du Cours de Civilisation Française de la Sorbonne.

La première partie, qui aborde le Moyen-Âge, le Grand Siècle et le Siècle des Lumières, est lisible à cet endroit.

J'avais déjà, sur AlmaSoror, donné l'essence de celle de mes conférences intitulée L'enfance, la civilisation et le monde sauvage.

Quant au blog de mon cours, encore en construction, il se consulte à cette adresse...

 

Le XIX°siècle

 

Gravroche : l'enfance fait une entrée fracassante en littérature.

Au XIXème siècle, l'enfance entre en littérature par deux portes à la fois. Par la première, les personnages d'enfants surgissent dans les romans ; par la seconde, des écrivains s’attellent à confectionner des romans spécialement pour les enfants.

Victor Hugo, dans son roman Les Misérables, créée les personnages enfantins de Gavroche et Cosette. C'est en découvrant le tableau de son contemporain, le peintre Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple, qu'il est absorbé par la figure du garçon révolté ; il médite ce personnage, qui deviendra Gavroche. On peut donc voir aujourd'hui, au Musée du Louvre, l'enfant peint qui inspira le premier héros enfantin de la littérature « adulte » française.

Gavroche, jeune révolutionnaire, participe aux fameuses barricades qui égrènent le XIX°siècle, jusqu'à l'écrasement total de la Commune de Paris. Celle, précisément, à laquelle il participe, a lieu en 1832. Gavroche, âgé de 12 ans, représente la fleur de Paris : son gamin des rues, fils de la ville et du peuple, gouailleur, courageux, parfois menteur et voleur, qui possède plus d'honneur que les rois et moins de biens que les gueux.

« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l'oiseau s'appelle le moineau ; l'enfant s'appelle le gamin.» Ce gamin peint par l'immense fresquiste littéraire du XIX°siècle,Gavroche, a pris son indépendance : il est sorti du roman de Victor Hugo pour devenir un personnage de la mythologie populaire. 

La mort héroïque de l'enfant Gavroche est l'un des passages les plus célèbres de la littérature universelle. Il a douze ans ; on est en 1832. A l’emplacement actuel de la rue Rambuteau, l'armée et le peuple de Paris s'affrontent autour d'une barricade. Il n'y a plus de balles dans le clan des insurgés. Qu'à cela ne tienne ! Le polisson Gavroche brave les balles des militaires pour aller ramasser les balles perdus qui traînent sur les pavés. En chantant.

Et sa chanson a fait le tour du monde, elle est chantée aujourd'hui par les chorales des écoles, elle rappelle le bon vieux temps où Voltaire et Rousseau se disputaient, l'un préférant la liberté, l'autre l'égalité, l'un vantant la culture, l'autre la nature.

On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à...

Gavroche ne finit pas la chanson, en dépit d'efforts démesurés pour donner une dernière fois de la voix. En effet, une balle vient de l'atteindre en plein cœur. Il dit adieu à la vie, et entre dans la mythologie populaire où il restera vénéré pour toujours comme un petit dieu facétieux et vivificateur.

 

Naissance des romans pour enfants : la comtesse de Ségur

En même temps que les enfants font irruption dans la littérature, naissent les premiers romans composés exprès pour eux.

La comtesse de Ségur connaît un grand succès, lorsqu'elle publie les livres qu'elle s'est mise à écrire pour les enfants de ses enfants. La grand-mère de Camille, Madeleine, Jacques, et tous les personnages présents dans ses romans, devient la grand-mère symbolique de milliers, de millions de petits lecteurs français. Elle est rapidement imitée, notamment par d'autres femmes, mais aucune n'atteint sa gloire et surtout, sa longévité. Peut-être est-ce dû au paradoxe de cette femme, qui parvient à être à la fois éminemment moraliste et totalement déjantée. Ainsi, elle ne manque pas de répéter, livre après livre, les poncifs moraux de l'époque, mais, pour les illustrer, elle se plonge avec délice dans la description d'enfants pas sages : nous suivons leurs états d'âme funestes, leurs bêtises inqualifiables, avec une gourmandise insatiable. La comtesse de Ségur nous entraîne sur la route du péché en faisant semblant de prôner le bien. De ce paradoxe, elle tire son universalité. Car, à lire les ouvrages de ses imitatrices, chapelet de contes dans lesquels le noir est très noir et le blanc, très blanc, on ne peut que s'ennuyer ; ce qui charmait l'air du temps laisse de marbre nos cœurs post-chrétiens, nos âmes mortelles, nos esprits citoyens égalitaristes, nos corps que nous faisons durer le plus longtemps possible.
Mais si nous plongeons dans les romans de la comtesse de Ségur, derrière la façade de ses leçons de morale, nous glissons dans la pratique fascinante et très profonde des 7 péchés capitaux. La violence, le trouble, l'hypocrisie, la déception et la tendresse, la mortification et les grands espoirs, y sont peints avec beaucoup d'amour, de tolérance et de vérité. La comtesse de Ségur est une grande psychanalyste, une alchimiste, une anarchiste déguisée en grand-mère conservatrice.
Elle est tellement intense que les éditeurs d'aujourd'hui ne manquent pas de la censurer. Ainsi, les éditions de La Martinière ont cru bon, dans l'édition de 2011, passer à la trappe les chapitres de Pauvre Blaise traitant de sa première communion.
Car, pour nos anciens moralistes, ce qui n'était pas très catholique allait au diable... Mais pour les nouveaux, ce qui est catholique est voué aux gémonies. Censure, censure, nous te modifions, nous t'inversons, nous te renversons, nous faisons semblant de te détester, mais qui peut se passer de toi ? Ni les blancs, ni les bleus, ni les rouges ; aucun monarchiste, aucun républicain, aucun communiste n'échappe à la tentation que tu leur tends, de reconfigurer le monde en fonction de nos esprits trop petits pour être honnêtes.

Née dans une famille de la haute aristocratie russe (c'est son père, le comte Rostopchine, que l'on soupçonne d'avoir incendié Moscou, pour que la mère des villes de la sainte Russie ne tombe pas entre les gros bras du parvenu Napoléon), élevée par une mère aux passions sadomasochistes bizarres, elle est devenue française (et catholique romaine) en épousant Eugène de Ségur, qu'elle n'aima point (« Si j'avais su à quel point vous aviez les yeux jaunes, Eugène, jamais je ne vous aurais épousé »). Mais elle aima les enfants qu'il lui donna, et encore les petits-enfants que ceux-ci lui donnèrent, et qui firent d'elle une des plus grandes écrivains françaises et la pionnière de la littérature enfantine.

C'est un peu triste, d'ailleurs, l'histoire des fameuses petites filles, Camille et Madeleine, héroïnes du roman Les petites filles modèles. Car ces jeunes filles sages comme des images, devenues grandes, connurent l'amertume de la vraie vie. Camille épousa un gougnafier, un sale mec, vraiment, qui dépensa son fric (pour lequel il l'avait trompée et épousée), la violait, baisait avec des femmes devant elle, et elle mourut rapidement d'humiliation et de chagrin. Elle laissait un pauvre garçon, Paul, de santé fragile et très malheureux, qui mourut à la fin de l'adolescence. Quant à Madeleine, effarée par l'histoire de sa sœur, elle demeura célibataire. Les deux sœurs, aujourd'hui, sont enterrées côte à côte, pleurant ensemble, peut-être, la mort de l'enfance, la déception de grandir et la folie des éducations qui rendent bébête - et vulnérable.

On doit à la comtesse de Ségur la première autobiographie écrite en français par un animal : les Mémoires d'un âne, dans laquelle Cadichon expose aux humains (et aux autres ânes, peut-être), les grandeurs et les misères de sa condition. Ce célèbre âne-écrivain possède aujourd'hui sa rue, à Aube, village proche du château normand où la comtesse écrivait ; sur la place de la mairie, il a en outre une statue, qui le représente portant l'une des petites filles modèles sur son joli dos.


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La comtesse a rendu hommage à sa patrie russe, dans deux beaux ouvrages, L'auberge de l'ange gardien et Le général Dourakine. Un hommage aussi mitigé et paradoxal que tous les messages qu'elle tenta de faire passer.

 

Sans famille : chef d’œuvre romanesque

Mais le premier écrivain qui use du code romanesque de la littérature générale pour composer une œuvre enfantine peine de grâce et de rebondissements, dans un style littéraire qui n'a rien à envier aux romans que l'époque donne aux grandes personnes, c'est Hector Malot.

Père d'une petite fille nommée Lucille, à laquelle il dédie son chef d’œuvre, Malot créée, avec Sans famille, une œuvre romanesque à la fois ancrée dans son époque et capable de défier le temps.
Ce roman, très littéraire, raconte l'histoire d'un enfant trouvé, Rémi. Rémi est vendu à un musicien ambulant italien, nommé Vitalis. Ils parcourent les routes de France avec leurs animaux, en faisant des spectacles dans les villages ; après de nombreuses péripéties, Rémi finit par retrouver sa vraie famille.

Paru en 1878, ce roman, lu par des générations de francophones, fit l'objet d'une adaptation par le cinéaste de dessin animé Osamu Dezaki, sous la forme d'une série pour la télévision, dans les années 1977-78, soit cent ans après sa publication.

Entrez dans ce roman et vous n'en sortirez pas avant d'avoir laissé chaque phrase adoucir votre cœur :

Je suis un enfant trouvé.

Mais jusqu’à huit ans j’ai cru que, comme tous les autres enfants, j’avais une mère, car lorsque je pleurais, il y avait une femme qui me serrait si doucement dans ses bras, en me berçant, que mes larmes s’arrêtaient de couler.

Jamais je ne me couchais dans mon lit, sans qu’une femme vînt m’embrasser, et, quand le vent de décembre collait la neige contre les vitres blanchies, elle me prenait les pieds entre ses deux mains et elle restait à me les réchauffer en me chantant une chanson, dont je retrouve encore dans ma mémoire l’air, et quelques paroles.

Quand je gardais notre vache le long des chemins herbus ou dans les brandes, et que j’étais surpris par une pluie d’orage, elle accourait au-devant de moi et me forçait à m’abriter sous son jupon de laine relevé qu’elle me ramenait sur la tête et sur les épaules.

Enfin quand j’avais une querelle avec un de mes camarades, elle me faisait conter mes chagrins, et presque toujours elle trouvait de bonnes paroles pour me consoler ou me donner raison.

Par tout cela et par bien d’autres choses encore, par la façon dont elle me parlait, par la façon dont elle me regardait, par ses caresses, par la douceur qu’elle mettait dans ses gronderies, je croyais qu’elle était ma mère.

 

Gustave Doré, l'illustrateur

Parallèlement à cette double apparition de l'enfance dans les romans pour grandes personnes, et des livres pour enfants dans les librairies, le XIX°siècle voit la naissance de l'illustration à destination de la jeunesse.

Ici, il faut saluer le suprême artiste que fut Gustave Doré.

Né à Strasbourg en 1832 et mort à Paris, rue Saint-Dominique, il était graveur. Son père polyechnicien, brillant ingénieur, voulait qu'il fasse des hautes études, mais sa mère admirait ses beaux dessins d'enfant.

En effet, à 5 ans il dessine tout ce qui se passe autour de lui et dès l'âge de 8 ans il compose ses premières histoires dessinées, ce qui est très original pour son époque où les livres illustrés sont rares.

Il étudie la gravure et devient vite célèbre dans le monde. Il travaille entre Paris et Londres, où il possède une galerie qui a pignon sur vue.

En 1881, il est un dessinateur très célèbre et sa galerie londonienne a vu passer plus de 2 millions de visiteurs en 24 ans ! Mais sa mère meurt ; il ne le supporte pas. Il invite ses amis à dîner, se lève à la fin du repas, prononce une oraison funèbre en l'honneur de sa mère. Quelques jours plus tard, il meurt d'une crise cardiaque.

Honneur à ce fils aimant, qui nous offrit les plus belles illustrations de la Bible, des Fables de La Fontaine et des Contes de Perrault réalisées à ce jour.

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 C'était la deuxième partie de ma conférence du 24 octobre. La première partie est disponible ici.

Un épisode ultérieur du cours se situe par là bas.

lundi, 28 octobre 2013

La grande cohorte des âmes qui attendent

 âmes du purgatoire, saint alphonse de liguori, saint thomas d'aquin, docteur angélique, bellarmin, sylvius, cardinal gotti, saint bonaventure

 

Ce billet est dédié à la mémoire d'une dame qui s'appelait Anne et que les enfants appelaient Mamé. Lorsqu'elle descendait les escaliers de la vieille maison glacée, les soirs d'hiver, apeurée par la tempête qui faisait claquer les volets, elle entendait des voix lointaines gémir : "priez pour nous... priez pour nous". C'étaient les âmes du Purgatoire, pour lesquelles elle égrenait des chapelets jusque très tard dans la nuit, à la lueur vacillante d'une lampe à pétrole.

Dans cette maison, il reste, poussiéreux sur une bibliothèque mangée par les mulots, un livre qui donne la clef de ce fait mystérieux.

Ce livre s'appelle Le Grand Moyen de la Prière.


Un extrait de l'ouvrage Le grand moyen de la prière,
de Saint Alphonse de Liguori (XVII° siècle) 

Autre sujet de controverse : Y a-t-il lieu de se recommander aux âmes du Purgatoire ?
Certains répondent qu'elles ne peuvent pas prier pour nous. Ils s' appuient sur l'autorité de saint Thomas pour qui ces âmes, se purifiant au milieu des souffrances, nous sont inférieures et, de ce fait, elles ne sont point « intercesseurs, mais bien plutôt des gens pour qui l'on prie ». Cependant beaucoup d'autres docteurs, tels que Bellarmin, Sylvius, le Cardinal Gotti, etc... affirment le contraire comme très probable : on doit pieusement croire que Dieu leur fait connaître nos prières afin que ces saintes âmes prient pour nous, en sorte qu'il se fasse entre elles et nous un bel échange de charité : nous prions pour elles et elles prient pour nous. Ce qu'a écrit le Docteur Angélique, à savoir qu'elles ne sont pas en situation de prier, n'est pas absolument contraire à cette dernière opinion, comme le font remarquer Sylvius et Gotti : autre chose, en effet, est de ne pas être à même de prier par situation et autre chose de ne pas pouvoir prier. Ces saintes âmes ne sont pas habilitées à prier de par leur situation, c'est vrai, parce que, comme dit saint Thomas, elles sont là en train de souffrir, elles sont inférieures à nous et elles ont besoin au plus vite de nos prières. Elles peuvent pourtant fort bien prier pour nous parce que ce sont des âmes amies de Dieu. Si un père qui aime tendrement son fils le tient enfermé pour le punir de quelque faute, ce fils n'est plus alors en situation de prier pour lui-même, mais pourquoi ne pourrait-il pas prier pour les autres et espérer obtenir ce qu'il demande en vertu de l'affection que lui porte son père ? De même les âmes du Purgatoire sont très aimées de Dieu et confirmées en grâce. Rien ne peut leur interdire de prier pour nous. L'Église, c'est vrai, n'a pas coutume de les invoquer et d'implorer leur intercession, parce qu'ordinairement elles ne connaissent pas nos demandes. Mais l'on peut croire pieusement (comme on l'a dit) que le Seigneur leur fait connaître nos prières. Alors, elles qui sont remplies de charité, ne manquent certainement pas de prier pour nous. Quand sainte Catherine de Bologne désirait quelque grâce, elle recourait aux âmes du Purgatoire, et elle se voyait vite exaucée. Elle certifiait que beaucoup de grâces qu'elle n'avait pas obtenues par l'intercession des saints, elle les avait ensuite reçues par l'intercession des âmes du Purgatoire. Que l'on me permette de faire une digression au bénéfice de ces saintes âmes. Si nous voulons obtenir le secours de leurs prières, il est bon que nous-mêmes nous nous efforcions de les secourir par nos prières et nos œuvres. J'ai dit : Il est bon, mais il faut ajouter que c'est là une obligation chrétienne : la charité nous demande, en effet, de secourir le prochain chaque fois qu' il a besoin d' être aidé et que nous pouvons le faire sans que cela nous pèse beaucoup.
Or, il est certain que les âmes du Purgatoire sont aussi notre prochain. Bien qu'elles ne soient plus en ce monde, elles continuent pourtant de faire partie de la communion des Saints. « Car les âmes des justes à la mort, dit saint Augustin, ne sont pas séparées de l'Église ». Saint Thomas le déclare encore plus clairement : la charité qui est due aux défunts passés à l'autre vie en état de grâce est une extension de cette charité que nous devons à notre prochain d'ici-bas : « Le lien de la charité qui unit entre eux les membres de l’Église, n'embrasse pas seulement les vivants, mais aussi les morts qui ont quitté ce monde en état de charité ». Nous devons donc secourir, dans toute la mesure du possible, ces saintes âmes : elles sont aussi notre prochain : et même leurs besoins étant encore plus grands que ceux de notre prochain d'ici-bas, il semble donc que, sous ce rapport, soit encore plus grand notre devoir de leur venir en aide. Or, en quelle nécessité se retrouvent ces saintes prisonnières ? Il est certain que leurs peines sont immenses. Le feu qui les consume, dit saint Augustin, est plus douloureux que toutes les souffrances qui nous puissent affliger en cette vie. « Plus douloureux est ce feu que tout ce que l'on peut avoir à souffrir en cette vie ». Saint Thomas est du même avis et il ajoute que ce feu est identique à celui de l' Enfer. « C' est par le même feu qu' est tourmenté le damné et purifié l'élu ».

 

Ceci concerne la peine du sens, mais beaucoup plus grande encore est la peine du dam, c'est-à-dire la privation de la vue de Dieu pour ses saintes épouses. Non seulement l'amour naturel mais aussi l'amour surnaturel, dont elles brûlent pour Dieu, poussent ces âmes avec une grande force à vouloir s'unir à leur souverain bien. S'en voyant empêchées par leurs fautes, elles en éprouvent une douleur très amère. Si elles pouvaient mourir, elles en mourraient à chaque instant. Selon saint Jean Chrysostome, cette privation de Dieu les fait souffrir infiniment plus que la peine du sens : « Mille feux de l'enfer réunis ne feraient pas autant souffrir que la seule peine du dam ». Ces saintes épouses préféreraient donc endurer tout autre supplice plutôt que d'être privées, un seul instant, de cette union tant désirée avec Dieu. C'est pourquoi , dit le Docteur Angélique, la souffrance du Purgatoire surpasse toutes les douleurs de cette vie : « Il faut que la peine du Purgatoire excède toute peine de cette vie ». Denis le Chartreux rapporte qu'un défunt, ressuscité par l'intercession de saint Jérôme, dit à saint Cyrille de Jérusalem que tous les tourments de cette terre ne sont que soulagement et délices à côté de la plus petite peine du Purgatoire : « Si l'on compare tous les tourments du monde à la plus petite peine du Purgatoire, ce sont des consolations ». Et il ajoute : « Si quelqu'un avait éprouvé ces souffrances, il préférerait endurer plutôt toutes les peines du monde, subies ou à subir par les hommes jusqu'au jugement dernier, que d'être soumis un seul jour à la plus petite des peines du Purgatoire. Ce qui fait dire à saint Cyrille que ces peines sont les mêmes que celles de l'Enfer quant à leur intensité, la seule différence étant qu'elles ne sont pas éternelles. Les douleurs de ces âmes sont donc très grandes. D'autre part, elles ne peuvent pas se soulager elles-mêmes. Comme le dit Job : « Il les lie avec des chaînes, ils sont pris dans les liens de l'affliction » (Jb 36, 8). Ces saintes Reines sont déjà destinées à entrer dans le Royaume mais leur prise de possession est différée jusqu'au terme de leur purification. Elles ne peuvent pas réussir par elles-mêmes (au moins pleinement, si l'on veut accorder crédit à certains docteurs, selon qui ces âmes peuvent tout de même par leurs prières obtenir quelque soulagement) à se libérer de leurs chaînes, tant qu'elles n'ont pas pleinement satisfait à la justice divine. Un moine cistercien dit un jour, depuis le Purgatoire, au sacristain de son monastère : « Aidez-moi par vos prières, je vous en supplie, parce que de moi-même je ne peux rien obtenir ». Cela est conforme au mot de saint Bonaventure : « Leur état de mendicité les empêche de se libérer », c'est-à-dire que ces âmes sont si pauvres qu'elles n'ont pas de quoi acquitter leurs dettes. Par contre, il est certain et même de foi que nous pouvons soulager ces saintes âmes par nos suffrages personnels et surtout par les prières recommandées dans l'Eglise.. Je ne sais donc pas comment on peut excuser de péché celui qui néglige de les secourir tout au moins par ses prières. Si nous ne nous y décidons pas par devoir, que ce soit au moins à cause du plaisir que nous procurons à Jésus Christ : c'est avec joie qu'il nous voit nous appliquer à libérer ces chères âmes pour qu' il les ait avec lui en Paradis. Faisons-le aussi à cause des grands mérites que nous pouvons acquérir par notre acte de charité à leur égard ; en retour, elles nous sont très reconnaissantes et apprécient le grand bienfait que nous leur accordons, en les soulageant de leurs peines et en leur obtenant d'anticiper leur entrée dans la Gloire. Lorsqu'elles y seront parvenues, elles ne manqueront pas de prier pour nous. Si le Seigneur promet sa miséricorde à ceux qui se montrent miséricordieux envers leur prochain : « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).Ils ont bonne raison d'espérer leur salut ceux qui s'appliquent à aider ces saintes âmes si affligées et si chères à Dieu. Jonathan, après avoir sauvé les Hébreux par sa victoire sur les ennemis fut condamné à mort par son père Saül pour avoir goûté du miel malgré sa défense, le peuple se présenta devant le roi et cria : « Est-ce que Jonathan va mourir, lui qui a opéré cette grande victoire en Israël ? » (1 S 14, 45). Ainsi devons-nous justement espérer que, si l'un d'entre nous obtient par ses prières qu'une âme sorte du Purgatoire et entre au Paradis, cette âme dira à Dieu : Seigneur, ne permettez pas que se perde celui qui m'a délivrée des tourments ! Et si Saül accorda la vie à Jonathan à cause des supplications du peuple, Dieu ne refusera pas le salut éternel à ce fidèle à cause des prières d'une âme, qui est son épouse. Bien plus, selon saint Augustin : Ceux qui auront, en cette vie, le plus secouru ces saintes âmes, Dieu fera en sorte, s'ils vont au Purgatoire, qu'ils soient davantage secourus par d'autres. Observons ici qu'en pratique c'est un puissant suffrage en faveur des âmes du Purgatoire que d'entendre la messe pour elles et de les y recommander à Dieu par les mérites de la passion de Jésus Christ : « Père éternel, je vous offre ce sacrifice du Corps et du Sang de Jésus Christ, avec toutes les souffrances qu'il a endurées durant sa vie et à sa mort ; et par les mérites de sa Passion, je vous recommande les âmes du Purgatoire, particulièrement etc... » Et c'est aussi un acte de grande charité que de recommander aussi en même temps les âmes de tous les agonisants.

 Saint Alphonse de Liguori, IN Le grand moyen de la prière

mercredi, 09 octobre 2013

La voilà soeur de la Pologne et de l'Irlande

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«Alors que toutes les provinces sont devenues des départements, la Vendée est le seul département qui soit devenu une province. D'un coup de reins vigoureux, elle a bousculé le cadastre officiel, brisant les limites trop étroites qu'on lui avait imposées. Elle est venue border la Loire, s'est emparée du coin des Deux-Sèvres qui lui plaisait, s'est offert en apanage une partie de l'Anjou, et tout cela au pas de charge, en quelques journées et pour toujours. Pour le monde entier, la voilà sœur de la Pologne et de l'Irlande».

Jean Yole

 

à lire aussi sur AlmaSoror :

Vendée, 1794 - Rwanda, 1994

Exterminer avec compassion et pitié

L'ange et l'archange

mercredi, 25 septembre 2013

Sur Chatterton, sur l'écrivain maudit, sur l'écrivain subventionné

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 Le professeur Henri Maugis, dans son introduction au drame Chatterton, d'Alfred de Vigny (Classiques Larousse, 1937), commente la profession de poète...

Le poète, d'après Vigny, demande à la société le droit à la vie en même temps que le droit de rêver, il réclame le pain et les loisirs. Mais la vocation du poète ou de l'écrivain est, comme les autres, une chance à courir et ne saurait constituer un droit, à plus forte raison un privilège pour les protections gouvernementales.

L'art même, sous peine de dégénérer, peut, mais ne doit pas être une source de profit. Comment la société pourrait-elle distinguer à l'avance l'être de génie du médiocre et du parasite ? Ne risquerait-elle pas le plus souvent de faire un marché de dupe, en encourageant des vocations incertaines quand elles sont sincères, intéressées quand elles sont hypocrites et mensongères ? On se plaint aujourd'hui de l'abus des concours et des prix littéraires qui n'avantagent pas toujours les plus méritants et dont les lauriers sont le bénéfice des relations et de l'intrigue au moins autant que la récompense du vrai talent. Qu'adviendrait-il si, avec tous les aléas de la politique, la distribution de cette manne officielle était confiée à quelque ministère des loisirs, voire au chef de cabinet d'un ministère d’Éducation nationale ? Ce serait un nouvel empiètement de la "République des camarades" avec ses abus si souvent dénoncés. L'Etat-Providence peut être considéré comme parfaitement incompétent pour deviner, prospecter et subventionner les vocations littéraires et artistiques. L'exemple au XVII° siècle du médiocre et plat Chapelain, distributeur des grâces et des pensions royales, sorte de sous-secrétaire d'Etat des beaux-arts in partibus ne prouve-t-il pas suffisamment le danger et l'injustice qu'il peut y avoir à confier à quelque Directeur des lettres la charge de juger les écrivains, de reconnaître les talents et de répartir les récompenses et les faveurs "du Prince" ?

Nul mieux que Sainte-Beuve, à propos précisément du drame de Chatterton, n'a souligné les périls d'une pareille revendication : "le danger est trop grand, écrivait-il en1864, en voulant favoriser le talent, de fomenter ou d'exciter du même coup la médiocrité ou la sottise. Prenez garde qu'elles ne s'élèvent par essaims, et que la nuée des moucherons et des frelons n'évince et n'étouffe encore une fois les abeilles. Et puis, pour parer au mal, il faudrait, à la tête de cet ordre de la société et dans les premiers rangs du pouvoir, je ne sais quel personnage de tact, de goût à la fois et de bonté, qui choisît, qui devinât, qui sût, qui fût comme s'il était du métier et qui n'en fût pas, qui aimât les belles choses pour elles-mêmes, qui discernât les talents, qui les protégeât sans leur rien demander en retour, ni flatterie, ni éloge, ni dépendance... un Mécène comme il ne s'en est jamais vu..."

Plus loin :

Vigny possède cette foi romantique dans l'apostolat social du poète. Les espérances de réforme sociale et d'émancipation intellectuelle, déçues dès le lendemain de 1830 par la monarchie très positive et matérialiste de Louis-Philippe, trouvèrent en Vigny un défenseur indigné, dont la grande voix de missionnaire, du fond de sa noble solitude, jette un cri d'alarme et fait entendre une véhémente protestation où il y a moins de colère que de pitié. Car ce dont au fond il s'agit, c'est de sauvegarder les élites, de sauver les droits de l'intelligence, écrasés par la seule discipline du nombre, étouffés par une civilisation sans idéal, toute aux jouissances matérielles ou aux rivalités sans grandeur. Vigny, comme Lamartine, ne croit pas au progrès fondé uniquement sur l'amélioration du bien-être et l'assouvissement de la bête humaine. Le mal qu'il dénonce n'est donc pas simplement une révolte passagère, une attitude romantique, mais il y voit le conflit éternel qui sépare le monde, soumis aux intérêts prosaïques, du penseur idéaliste et du philosophe désintéressé. Les peuples ont besoin de pain, mais aussi d'idées pour se conduire, d'idéal pour s'élever sur le plan vraiment humain. Le progrès n'est pas dans la mécanisation de l'existence, mais dans les consciences et dans les cœurs. L'économique n'est pas tout : la vie de l'esprit est un besoin, une jouissance, en même temps qu'une dignité. Qui pourrait nier l'actualité d'un si noble point de vue, dans une heure aussi tourmentée que la nôtre, où le poète, c'est-à-dire le penseur, est, comme le souhaitait injustement Platon, chassé de la chose publique en proie aux professionnels de la politique ? Le monde, ayant perdu la notion des valeurs spirituelles, semble reconnaître amèrement que les seuls perfectionnements dus aux applications pratiques de la science n'ont apporté aux hommes ni la bonté ni même le bonheur. Et voilà pourquoi la plainte si chimérique de Chatterton nous trouble pourtant et nous émeut. Entre les deux camps, celui des êtres grossiers, des habiles et des profiteurs, à qui vont le plus souvent les honneurs et l'argent, et celui des êtres délicats et fragiles qui vivent pour le rêve, pour la justice et pour l'amour, et que meurtrit ou brise la loi moderne d'airain, Vigny, avec tout l'élan d'une pitié attendrie et frémissante, a pris délibérément parti. Et son exhortation a gardé, à travers quelques outrances, de tels accents de sincérité et de grandeur que, nous aussi, ne pouvons pas, dans ce drame du suicide et de la mort, ne pas être pour les faibles contre les forts et ne pas préférer à l'égoïsme des puissants, à la dureté des bourreaux, le malheur pitoyable et fier des victimes et des vaincus.

(Henri Maugis, 1937)

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Sur l'éventuelle profession d'écrivain, AlmaSoror a déjà commis :

Profession : auteur

 

Et sur Alfred de Vigny :

Les poètes maudits

Loges d'antan

Le dédain sur la bouche

Deux portraits de Vigny

Le temps, l'ennui, la mort

Vigny aux temps électros

Fin d'un amour, rue de Bourgogne à Paris

Journal de bord

Le temps de Vigny : Chatterton

Mystique littéraire

 

Sur la littérature :

Littérateurs décadents du XIX°siècle vus par Romain Rolland

Calme du coeur. Les vents suspendus... L'air immobile (Jean-Christophe, de Romain Rolland)

Et enfin, le croiriez-vous ? L'abbé Prévost osait comparer....................................................

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vendredi, 13 septembre 2013

Les romans vénéneux

roman feuilleton

Alceste Chapuys-Montlaville s'exprima sur les romans-feuilletons, à la Chambre des députés, le 13 juin 1843. Son discours moraliste ne manque pas d'honnêteté intellectuelle, notamment vis-à-vis de l'opposition politique.

Ce discours contre le roman populaire dégradant, ne fut pas isolé à cette époque et l'on peut lire La querelle du roman-feuilleton, de Lise Dumasy, ou encore l'article de la dormeuse blogue sur Frédéric Soulié, l'auteur à succès qu'on accusa d'avoir poussé ses lectrices au crime... par ses romans vénéneux.

 

"(...)

Nous ne le dissimulons pas, les âmes françaises tendent à s'amollir ; il est triste de le dire, mais, depuis quelque temps, on quitte les choses sérieuses pour les choses légères. Les œuvres d'une imagination sans règle et sans mesure, sont accueillies avec une ferveur marquée ; aussi l'avidité mercantile s'est-elle empressée de chercher par tous les moyens à les faire pénétrer dans les masses, afin de gagner de l'argent. La spéculation, messieurs, vous le savez, s'inquiète peu de la valeur morale des marchandises qu'elle vend, pourvu qu'elle ait un grand débit et qu'elle fasse bien ses affaires, peu lui importe si elle altère ou fortifie la santé publique. La spéculation est de par sa nature aveugle, insensible, elle vend de l'opium aux Chinois et des romans à la France.

Que voyons-nous, en effet, depuis quelque temps ? Une littérature nouvelle s'est emparée des esprits, on ne produit plus des ouvrages sérieux, honnêtes et utiles, on ne fait usage du talent qui vous a été donné par la Providence que pour composer des romans en feuilletons, dans lesquels abondent les tableaux les plus vifs, les expressions les plus passionnées, les situations les plus immorales, les principes les plus pervers.

Il semble qu'on se plaît à augmenter par de déplorables entraînements les dispositions de notre peuple à se laisser séduire et emporter par les élans de l'imagination, principal, brillant, mais dangereux attribut (quand il n'est pas réglé par le jugement) de notre nature française.

On en est arrivé à un point extrême où on ne respecte rien, ni la grammaire ni le bon goût littéraire, ni les mœurs ni la religion : même les secrets des ménages ont été répandus sur la place, non pas avec des noms supposés, mais avec des noms retournés, de sorte qu'il ne s'agissait que de rétablir les lettres dans leur ordre naturel, pour connaître les dates, les familles et les personnages.

On se moque agréablement et il faut le reconnaître, souvent avec une certaine grâce d'intelligence et une certaine fleur de langage, de tout ce qu'il y a de plus sacré et de plus religieux parmi les hommes et, chose inouïe, ce ne sont pas des jeunes gens et des littérateurs de pacotille qui se rendent coupables de ces faits, ce sont des hommes éminents par l'intelligence, déjà vieux d'âge et de renommée et qui n'ont pas à donner pour excuse leur inexpérience ou les difficultés de leur position.

Les effets de cette diffusion des mauvais romans et des pernicieuses doctrines se font sentir dans toutes les classes de la société. Il n'est pas une ville, pas un village, pas un salon, pas une taverne, où ils ne pénètrent et ne fassent de grands ravages dans les âmes.

Au lieu de vivre tout simplement suivant la vieille mode du genre humain sur le sol, au milieu des joies et des labeurs alternatifs de la vie réelle, on vit dans le monde idéal, on se berce d'illusions, on se repaît de chimères, chacun, après avoir bu à cette coupe parfumée, remplie des liqueurs les plus enivrantes, perd le sentiment et le goût de la réalité ; les effets de ce redoutable opium se révèlent bientôt. Alors on reçoit en songe les plus brillantes et les plus inconcevables fortunes, les fleurs, les femmes, les applaudissements, les richesses de toutes sortes pleuvent sur la tête du patient, qui prend en pitié sa situation réelle, qui se met à mépriser l'habit, l'outil, le cabinet, l'étude, la maison de son père, et n'aspire plus qu'à quitter son modeste patrimoine, pour aller se précipiter dans les hasards et dans les flammes des grandes villes, où il rencontre, pour achever sa perte, des fêtes que je ne qualifierai pas et des théâtres dont la licence est proverbiale.

Certes, ce n'est pas à l'opposition que le pays peut attribuer un pareil désordre, car non seulement elle gémit des causes qui le produisent, mais elle donne elle-même l'exemple de la retenue. L'organe le plus avancé de la cause démocratique, le National, et je le dis à son grand honneur, a toujours refusé d'admettre dans ses colonnes les romans de l'espèce dont je parle.

Quelle est au contraire la feuille qui a publié le roman le plus détestable, où les doctrines les plus saintes, les plus nécessaires à la société étaient foulées au pied, avec un cynisme révoltant ; c'est le journal officiel du gouvernement, c'est le Messager.

(…)"

roman feuilleton

 

mardi, 13 août 2013

Militants radicaux des deux extrémités du centre

 1974.LaGrostie_re.Tovaritch.jpg

AlmaSoror avait déjà présenté quelques Affiches des deux bouts de la politique, fasciné(e) par la percutance des graphismes au service de mouvements radicalement militants. Le graphisme de la rébellion, en quelque sorte, la puissance visuelle du côté gauche comme du côté droit des dits "extrêmes".

1974.Israel.Marche_1.jpg

Voici maintenant deux textes, émanant de deux groupes.

L'un, le "groupe de Tarnac", comme les médias l'ont appelé, anarchistes d'extrême-gauche inspirés du situationnisme. Accusés par un gouvernement de droite d'avoir décroché des caténaires de la SNCF et ralenti le trafic de nombreux trains durant de longues heures, ses membres ont été arrêtés par les meilleurs services de police français, gardés à vue le temps imparti aux dangereux terroristes, incarcérés pour certains. Nous présentons l'entrevue que Julien Coupat a donné aux journalistes du Monde, alors qu'il était en détention. (Les prisonniers ont été libérés et le dossier semble abandonné).

L'autre groupe, Génération identitaire, s'est illustré par deux actions pacifiques, ressemblant aux actions des Sans-papiers ou des Femen : ils sont montés sur la mosquée de Poitiers en protestation contre l'islamisation de la France et l'immigration de masse ; ils sont montés sur le toit du quartier général du parti socialiste aujourd'hui au gouvernement. Les membres ont été poursuivis par la justice et sévèrement punis par comparaison avec d'autres d'actions du même type, commises au service d'autres causes. Ce groupe "Génération identitaire" vient de publier, sur son site, un texte intitulé "Déclaration de guerre".

Nous reproduisons ces deux textes, l'entrevue avec Julien Coupat et la Déclaration de Génération identitaire, avec l'idée que, d'une part, bien souvent, on n'écoute ces gens que par le biais des médias, qui nous expliquent en même temps ce qu'il faut en penser ; d'autre part, on les oppose de façon catégorique puisqu'ils sont issus des extrêmes opposés, les uns internationalistes de gauche, les autres identitaires, alors que bien des aspects les rassemblent, notamment : une certaine clarté du langage, une absence de peur vis-à-vis de l'opprobre sociale, un conflit ouvert contre tous les pouvoirs et contre-pouvoirs en place, et la certitude tranquille qu'en dépit de leur petit nombre, ils finiront par gagner le pays à leur cause. Et, peut-être, cette petite chose à laquelle le Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand ne voulait pour rien au monde renoncer :

- Oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J'emporte malgré vous,
Et c'est...
- C'est ?...
- Mon panache.

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 Le Monde : (25 mai 2009)

"Voici les réponses aux questions que nous avons posées par écrit à Julien Coupat. Mis en examen le 15 novembre 2008 pour "terrorisme" avec huit autres personnes interpellées à Tarnac (Corrèze) et Paris, il est soupçonné d'avoir saboté des caténaires SNCF. Il est le dernier à être toujours incarcéré. (Il a demandé que certains mots soient en italique.)"

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?

Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau milieu d'un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans une de leurs "prisons du peuple" en nous assommant de questions où l'absurde le disputait à l'obscène.

Celui qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des "services", là-haut, où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité.

Les sabotages sur les caténaires SNCF en France ont été revendiqués en Allemagne. Qu'en dites-vous?

Au moment de notre arrestation, la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu'elle voudrait nous attribuer, d'autres attaques survenues simultanément en Allemagne. Ce tract présente de nombreux inconvénients : il est posté depuis Hanovre, rédigé en allemand et envoyé à des journaux d'outre-Rhin exclusivement, mais surtout il ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l'attaque au cœur de l'Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public.

Il est vrai que le sabotage des lignes de train y perd beaucoup de son aura de mystère : il s'agissait simplement de protester contre le transport vers l'Allemagne par voie ferroviaire de déchets nucléaires ultraradioactifs et de dénoncer au passage la grande arnaque de "la crise". Le communiqué se conclut par un très SNCF "nous remercions les voyageurs des trains concernés de leur compréhension". Quel tact, tout de même, chez ces "terroristes"!

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de "mouvance anarcho-autonome" et d'"ultragauche"?

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n'a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l'importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s'imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les "anarcho-autonomes". On leur prêtait, pour commencer, l'organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le "triomphe électoral" du nouveau président.

Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.

Il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se reconnaître "anarcho-autonome" ni que l'ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de marxologie. Au reste, la récente fortune du terme "ultragauche" qui a permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache ce que fut l'ultragauche, ni même qu'elle ait jamais existé.

A ce point, et en prévision des débordements qui ne peuvent que se systématiser face aux provocations d'une oligarchie mondiale et française aux abois, l'utilité policière de ces catégories ne devrait bientôt plus souffrir de débats. On ne saurait prédire, cependant, lequel d'"anarcho-autonome" ou d'"ultragauche" emportera finalement les faveurs du Spectacle, afin de reléguer dans l'inexplicable une révolte que tout justifie.

La police vous considère comme le chef d'un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu'en pensez-vous?

Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le point de basculer dans le néant.

Que signifie pour vous le mot terrorisme?

Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d'expliquer non plus la soudaine transmutation du "terroriste" en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d'Evian, en policier irakien ou en "taliban modéré" de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d'avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s'exécutera avec promptitude. Qui n'étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – "terroristes" devenus l'un premier ministre d'Israël, l'autre président de l'Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Le flou qui entoure la qualification de "terrorisme", l'impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l'on peut, elle, très bien définir : l'antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L'antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite "psychologique", pour rester poli.

L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. Il s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance, d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l'"action psychologique", de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la "menace subversive" en associant, au sein de la population, l'ennemi intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur.

L'essentiel, dans la guerre moderne, est cette "bataille des cœurs et des esprits" où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. "La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l'arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu'une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l'effort de guerre de la façon la plus discrète possible", conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

Une fois n'est pas coutume, dans notre cas, l'antiterrorisme a fait un four. On n'est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée "raisonnable" est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l'échec; comme est compréhensible l'acharnement un peu mesquin des "services", depuis le 11 novembre, à nous prêter par voie de presse les méfaits les plus fantasques, ou à filocher le moindre de nos camarades. Combien cette logique de représailles a d'emprise sur l'institution policière, et sur le petit cœur des juges, voilà ce qu'auront eu le mérite de révéler, ces derniers temps, les arrestations cadencées des "proches de Julien Coupat".

Il faut dire que certains jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière, comme Alain Bauer [criminologue], d'autres le lancement de leurs nouveaux services, comme le pauvre M. Squarcini [directeur central du renseignement intérieur], d'autres encore la crédibilité qu'ils n'ont jamais eue et qu'ils n'auront jamais, comme Michèle Alliot-Marie.

Vous êtes issu d'un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction...

"Il y a de la plèbe dans toutes les classes" (Hegel).

Pourquoi Tarnac?

Allez-y, vous comprendrez. Si vous ne comprenez pas, nul ne pourra vous l'expliquer, je le crains.

Vous définissez-vous comme un intellectuel? Un philosophe ?

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon entend déjà la parole d'Héraclite comme échappée d'un monde révolu. A l'heure de l'intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait spécifier "l'intellectuel", sinon l'étendue du fossé qui sépare, chez lui, la faculté de penser de l'aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

Etes-vous l'auteur du livre L'insurrection qui vient ?

C'est l'aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé intégralement au dossier d'instruction, des interrogatoires où l'on essaie de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L'insurrection qui vient, que vous manifestez comme le préconise L'insurrection qui vient, que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d'Etat bolchevique d'octobre 1917, puisqu'il est mentionné dans L'insurrection qui vient, un éditeur convoqué par les services antiterroristes.

De mémoire française, il ne s'était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d'un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient.

Ce qui fonde l'accusation de terrorisme, nous concernant, c'est le soupçon de la coïncidence d'une pensée et d'une vie; ce qui fait l'association de malfaiteurs, c'est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l'héroïsme individuel, mais serait l'objet d'une attention commune. Négativement, cela signifie que l'on ne suspecte aucun de ceux qui signent de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en pratique la moindre de leurs fermes résolutions; l'injure est de taille. Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de L'insurrection qui vient – et toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère essentiellement policier de la fonction auteur.

J'en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai mieux compris la hargne hystérique que l'on met, en haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre, c'est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai, et ne cesse de s'avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s'avère, sous les dehors d'une "crise économique", d'un "effondrement de la confiance", d'un "rejet massif des classes dirigeantes", c'est bien la fin d'une civilisation, l'implosion d'un paradigme : celui du gouvernement, qui réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que l'ordre politique, la religion ou l'organisation des entreprises. Il y a, à tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n'offrira de remède.

Ce n'est pas en nous transperçant de peines de prison, de surveillance tatillonne, de contrôles judiciaires, et d'interdictions de communiquer au motif que nous serions les auteurs de ce constat lucide, que l'on fera s'évanouir ce qui est constaté. Le propre des vérités est d'échapper, à peine énoncées, à ceux qui les formulent. Gouvernants, il ne vous aura servi de rien de nous assigner en justice, tout au contraire.

Vous lisez "Surveiller et punir" de Michel Foucault. Cette analyse vous paraît-elle encore pertinente?

La prison est bien le sale petit secret de la société française, la clé, et non la marge des rapports sociaux les plus présentables. Ce qui se concentre ici en un tout compact, ce n'est pas un tas de barbares ensauvagés comme on se plaît à le faire croire, mais bien l'ensemble des disciplines qui trament, au-dehors, l'existence dite "normale". Surveillants, cantine, parties de foot dans la cour, emploi du temps, divisions, camaraderie, baston, laideur des architectures : il faut avoir séjourné en prison pour prendre la pleine mesure de ce que l'école, l'innocente école de la République, contient, par exemple, de carcéral.

Envisagée sous cet angle imprenable, ce n'est pas la prison qui serait un repaire pour les ratés de la société, mais la société présente qui fait l'effet d'une prison ratée. La même organisation de la séparation, la même administration de la misère par le shit, la télé, le sport, et le porno règne partout ailleurs avec certes moins de méthode. Pour finir, ces hauts murs ne dérobent aux regards que cette vérité d'une banalité explosive : ce sont des vies et des âmes en tout point semblables qui se traînent de part et d'autre des barbelés et à cause d'eux.

Si l'on traque avec tant d'avidité les témoignages "de l'intérieur" qui exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c'est pour mieux occulter le secret qu'elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos gestes.

Toute l'indignation vertueuse qui entoure la noirceur des geôles françaises et leurs suicides à répétition, toute la grossière contre-propagande de l'administration pénitentiaire qui met en scène pour les caméras des matons dévoués au bien-être du détenu et des directeurs de tôle soucieux du "sens de la peine", bref : tout ce débat sur l'horreur de l'incarcération et la nécessaire humanisation de la détention est vieux comme la prison. Il fait même partie de son efficace, permettant de combiner la terreur qu'elle doit inspirer avec son hypocrite statut de châtiment "civilisé". Le petit système d'espionnage, d'humiliation et de ravage que l'Etat français dispose plus fanatiquement qu'aucun autre en Europe autour du détenu n'est même pas scandaleux. L'Etat le paie chaque jour au centuple dans ses banlieues, et ce n'est de toute évidence qu'un début : la vengeance est l'hygiène de la plèbe.

Mais la plus remarquable imposture du système judiciaro-pénitentiaire consiste certainement à prétendre qu'il serait là pour punir les criminels quand il ne fait que gérer les illégalismes. N'importe quel patron – et pas seulement celui de Total –, n'importe quel président de conseil général – et pas seulement celui des Hauts-de-Seine–, n'importe quel flic sait ce qu'il faut d'illégalismes pour exercer correctement son métier. Le chaos des lois est tel, de nos jours, que l'on fait bien de ne pas trop chercher à les faire respecter et les stups, eux aussi, font bien de seulement réguler le trafic, et non de le réprimer, ce qui serait socialement et politiquement suicidaire.

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire, entre le légal et l'illégal, entre les innocents et les criminels, mais entre les criminels que l'on juge opportun de poursuivre et ceux qu'on laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n'est pas à ce à quoi vous condamne la justice : la peine, c'est la justice elle-même, il n'est donc pas question pour mes camarades et moi de "clamer notre innocence", ainsi que la presse s'est rituellement laissée aller à l'écrire, mais de mettre en déroute l'hasardeuse offensive politique que constitue toute cette infecte procédure. Voilà quelques-unes des conclusions auxquelles l'esprit est porté à relire Surveiller et punir depuis la Santé. On ne saurait trop suggérer, au vu de ce que les Foucaliens font, depuis vingt ans, des travaux de Foucault, de les expédier en pension, quelque temps, par ici.

Comment analysez-vous ce qui vous arrive?

Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure judiciaire "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n'y a pas d'"affaire de Tarnac" pas plus que d'"affaire Coupat", ou d'"affaire Hazan" [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

Ce qu'il y a, c'est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d'un paradigme de gouvernement à un paradigme de l'habiter au prix d'une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s'instaurer, à l'échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d'une gestion "décomplexée", une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s'est jamais vu qu'une classe dominante se suicide de bon cœur.

La révolte a des conditions, elle n'a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l'Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d'opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu'un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n'a aucun titre à exister et mérite seulement d'être mis à bas ? C'est une affaire de sensibilité.

La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage.

Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Caroline Monnot

Israël, Palestine, Tarnac, groupe de Tarnac, Julien Coupat, Génération identitaire, Le monde, Caroline Monnot, affiches politiques, immigration, gauche, droite, militants extrémistes, SOS Racisme, chômage, dette sociale, cyrano de BErgerac, Edmond Rostand, racisme anti-blanc, SNCF, Isabelle Mandraud, Mazarin, neuroleptiques, affaire coupat, michel foucault, surveiller et punir, l'insurrection qui vient, mosquée de poitiers, solférino, antiterrorisme, DST, attentats, prix nobel de la paix, clairoix, cités

Voici maintenant la "déclaration" du groupe Génération Identitaire :

Déclaration de guerre

(2013)

Nous sommes la GENERATION IDENTITAIRE.

 

« Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

Notre seul héritage c’est notre terre, notre sang, notre identité. Nous sommes les héritiers de notre destin.
Nous avons éteint la télévision pour descendre à nouveau dans la rue. Nous avons peint nos slogans sur les murs, scandé « la Jeunesse au pouvoir » dans nos mégaphones, brandi bien haut nos drapeaux frappés du lambda. Ce lambda qui ornait le bouclier des glorieux Spartiates est notre symbole. Vous ne comprenez pas ce qu’il représente ? Il signifie que nous ne reculerons pas, que nous ne renoncerons pas. Lassés de toutes vos lâchetés, nous ne refuserons aucune bataille, aucun défi.

Vous êtes les Trente Glorieuses, les retraites par répartition, SOS Racisme, la « diversité », le regroupement familial, la liberté sexuelle et les sacs de riz de Bernard Kouchner. Nous sommes 25% de chômage, la dette sociale, l’explosion de la société multiculturelle, le racisme anti-blanc, les familles éclatées, et un jeune soldat français qui meurt en Afghanistan.
Vous ne nous aurez pas avec un regard condescendant, des emplois-jeunes et une tape sur l’épaule : pour nous, la vie est un combat.
Nous n’avons pas besoin de votre politique de la jeunesse. La jeunesse est notre politique.

Ne vous méprenez pas : ce texte n’est pas un simple manifeste, c’est une déclaration de guerre.

Nous sommes demain, vous êtes hier. Nous sommes la Génération Identitaire ».

Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

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Nous sommes la GÉNÉRATION IDENTITAIRE

Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

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Revoir, sur AlmaSoror, Beauté des affiches des deux bouts de la politique

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dimanche, 11 août 2013

Extrait du journal de Baude Fastoul de Kevin de M-L

 Kevin de Motz-Loviet, ange, dauphin, sables d'olonneperdre le Nord, être à l'Ouest, compétence, capitaine, pont de bateau, nature, ego

11 août 2013

Je t'aime, monde. Je t'aime, vie. Mais j'ai du mal à vous supporter, la plupart du temps. Peu à peu je calmerai mon cœur, j'approfondirai la connaissance de mon corps et je laisserai mon âme les emplir d'une paix plus large que les tribulations du mental, ce drôle de capitaine qui court sur le pont pour ne pas perdre le Nord, toujours un peu trop à l'Ouest, de bonne volonté, de moins bonne compétence...

Peu à peu j'apprendrai la simplicité du bonheur, la solidarité des êtres déchargés de leur ego malfaisant, la douceur de l'amitié dénuée des comparaisons pernicieuses. Peu à peu je comprendrai comment on doit vivre et mourir en accord avec la Nature.

Peu à peu j'adapterai mon souffle au souffle des dauphins, qui savent si bien unir l'air et la mer, l'homme et le poisson. Ils sont les anges de cette planète.

Peu à peu je deviendrai un ange.

 

Kevin de Motz-Loviet

 

En savoir plus sur la Confrérie de Baude Fastoul

 

mercredi, 07 août 2013

La duplication de Mari

 centre régional des lettres d'aquitaine,1999,les voyages extraordinaires,division cellulaire,mode de reproduction,biologie,microbiologie,laurence bordenave,broutille,microbe,bactérie,littérature scientifique,fiction scientifique,danse de saint-guy,alpinobacter,glucose,gélule,laboratoire de recherche,tube à essai,univers

Dans sa nouvelle intitulée Broutille, Laurence Bordenave met en scène des personnages minuscules : des microbes. Dans ce passage, qui constitue le chapitre 4, la bactérie Mari subit une duplication, mode traditionnel de reproduction de ces charmants petits êtres.

«La partie centrale de son corps se resserra. Elle discerna comme un dédoublement à l’intérieur. Puis tout s’accéléra. Elle sentit un pincement, puis un remodèlement et enfin comme une deuxième vie. Mari s’était divisée. A côté d’elle, la nouvelle se mit à gigoter dans tous les sens sans avoir dit un mot de remerciements. Son excitation agaça légèrement Mari qui attendait autre chose qu’une danse de Saint-Guy comme premiers échanges fraternels. Les présentations eurent tout de même lieu, l’excitée fut baptisée Speedybacter et une canette de glucose fut débouchée pour fêter l’événement.

   C’était le début d’une nombreuse descendance, une nouvelle lignée des alpinobacter. En quelques heures, à la suite de divisions régulières, on compta presque un millier de gélules à l’intérieur de ce qui semblait devoir devenir le nouveau site d’escalade de la famille : les parois de verre d’un tube à essai du laboratoire de recherche en Microbes de l’Univers».

Broutille, de Laurence Bordenave

IN Les voyages extraordinaires
Centre régional des Lettres d'Aquitaine, 1999

 

dimanche, 04 août 2013

Préface d'un père aimant

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Au fronton du recueil poétique posthume du poète Prosper Jourdan (1854-1866), son père, le patron de presse saint-simonien Louis Jourdan,  a écrit une lettre d'amour à son fils décédé.

C'est un extrait de cette lettre qu'AlmaSoror vous propose aujourd'hui.

 

«Mon fils bien-aimé, mon Prosper, mon ami, mon cher et doux poëte, tu étais près de moi, il n'y a pas trois mois encore, près de nous qui t'aimions et t'aimons toujours si tendrement; tu vivais de notre vie, tu nous prodiguais toutes les délicatesses de ton amour, tout le charme de ton esprit; tu nous parlais de ton avenir, de tes projets ... et maintenant nous voici seuls et tristes! Tu nous as quittés pour toujours, et ton pauvre père affligé, ton vieil ami t'écrit comme si tu pouvais encore l'entendre, comme si tes yeux pouvaient déchiffrer encore cette écriture que tu aimais tant, cher enfant adoré !

Tu nous as quittés! Que de peine j'ai à me le persuader et que de larmes quand cette vérité m'apparaît dans toute sa tristesse ! Une fièvre, quelques jours de maladie, ont suffi pour éteindre la belle intelligence, pour arrêter les battements de ce coeur loyal d'où  n'approchèrent jamais ni un sentiment bas ni une passion grossière ! Tu nous as quittés en pleine jeunesse, dans la fleur de les vingt-six ans, mon Prosper chéri! Pourquoi si tôt? Pourquoi notre amour n'a-t-il pu te rattacher à la vie ? Ne savais-tu donc pas que ton départ nous laisserait  une incurable blessure ?

Quand tu vivais près de nous, ami de mon âme, je n'avais pas de secrets pour toi, tu lisais dans ma vie comme dans un livre ouvert. Je ne veux pas perdre ces douces et chères habitudes de notre intimité; je continue à te parler et à l'écrire, à te livrer mon coeur tout plein de toi.

Et pourquoi ne le ferais-je pas ?

Tu vis, mon fils aimé; je suis trop imparfait pour savoir, quelle est la forme que tu as revêtue, quel est le milieu où tu te développes, mais je crois à ta vie loin de nous aussi fermement que je croyais à ta vie quand j'avais le bonheur de te presser dans mes bras et d'entendre la voix si douce à mes oreilles et à mon coeur.

Je crois à ta vie actuelle comme je croyais, comme je crois encore à ton amour. Je t'ai vu expirer dans nos bras, j'ai contemplé ton beau visage glacé par la mort, j'ai entendu la terre tomber, par lourdes pelletées, sur le cercueil qui renfermait ta dépouille mortelle; mes yeux se remplissent de larmes, mon coeur se déchire à ces cruels souvenirs, et cependant je ne crois pas à la mort ! Je te sens vivant d'une vie supérieure à la mienne, mon Prosper, et quand sonnera ma dernière heure, je me consolerai de quitter ceux que nous avons aimés ensemble, en  pensant que je vais te retrouver et te rejoindre.

Je sais que cette consolation ne me viendra pas sans efforts, je sais qu'il faudra la conquérir en travaillant courageusement à ma propre amélioration comme à celle des autres; je ferai du moins tout ce qu'il sera en mon pouvoir de faire pour mériter la récompense que  j'ambitionne: te retrouver.

Ton souvenir est le phare qui nous guide et le point d'appui qui nous soutient. A travers les ténèbres qui nous enveloppent, nous apercevons un point lumineux vers lequel nous marchons résolument; ce point est celui où tu vis, mon fils, auprès de tous ceux que j'ai aimés ici-bas et  qui sont partis avant moi pour leur vie nouvelle...»

 

Louis Jourdan

(journaliste et patron de presse saint-simonien)

 

On peut lire la préface, et l'oeuvre du fils chéri, sur la page dédiée de Gutemberg.

AlmaSoror vous avait parlé d'un autre père transpercé, le musicien Herbert Howells

Quant à notre vieil article sur les pères, n'est-ce pas le moment de le relire, amis qui hantent nos pages ?

 

mardi, 30 juillet 2013

La philosophie de la Révolution, extrait de l'opuscule de Nasser

Gamal Abd El-Nasser, Philosophie de la Révolution, cap de Bonne-Espérance

Voici, Amis, ce fragment de La philosophie de la Révolution, opuscule rédigé par Gamal Abd El-Nasser en 1953.

Gamal Abd El-Nasser, Philosophie de la Révolution, cap de Bonne-Espérance

Le destin a voulu que notre pays soit situé au carrefour du monde.

Notre territoire fut maintes fois la proie des envahisseurs. Il nous est donc impossible de juger notre peuple sans prendre en considération les facteurs psychologiques découlant des conditions de vie qui ont prévalu tout au long de ces siècles de servitude.

Remontons à l'histoire des Pharaons, à la fusion de l'esprit grec avec le nôtre, à la conquête romaine, à la conquête arabe.

Ne perdons pas de vue les conditions de vie qui ont prévalu au moyen-âge.

Si les croisades furent, pour l'Europe, une aube de renaissance, elles furent, pour notre peuple, le début d'une ère ténébreuse. Car le peuple égyptien supporta, presque seul, tout le poids des croisades, qui le laissèrent appauvri et affaibli.

A cette même époque, le peuple dut subir le joug des Mongols, ces esclaves achetés à prix d'argent qui devinrent les maîtres de l'Egypte.

Ils débarquaient en mamelouks sur cette douce terre, pour prendre, quelque temps après, les rênes du gouvernement.

L'oppression, l'injustice et la ruine constituaient la règle du gouvernement de l'Egypte, au cours des longs siècles que dura leur règne.

Pendant toute cette période, le pays ressembla à la jungle où les fauves cherchaient leur proie. Cette proie, c'était nous, nos biens, nos terres.

 

Parfois, en parcourant les pages de notre histoire, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un sentiment de douleur en arrivant à cette période où la féodalité nous suçait le sang, piétinait nos sentiments, annihilait notre dignité, nous léguait ces tares héréditaires qui ne guérissent qu'au prix d'un effort surhumain.

Les effets moraux de l'oppression expliquent en grande partie certains aspects de notre vie politique. Ainsi, il me semble parfois qu'un grand nombre d'Egyptiens assistent en spectateurs au développement de la Révolution, attendant le résultat de la lutte sans y prendre part.

Cet état de choses me révolta un jour :

"Pourquoi, dis-je à mes camarades, ces gens, ne sortent-ils pas de leur indifférence ?"

La seule explication possible est que ceci serait un vestige du règne des Mamelouks.

A leur époque, les chefs s'entretuaient sur la place publique, pendant que les gens, autour d'eux, les regardaient faire sans broncher.

La plupart d'entre nous n'ont pas encore pu se débarrasser de ce sentiment héréditaire que leur pays ne leur appartient pas, et qu'ils n'y sont que des hôtes de passage.

Même les cris de révolte qu'il nous arrivait de proférer de temps à autre au cours de notre enfance, rappelaient, dans leur forme et dans leur accent, ce que profétaient nos aïeux au temps des Mamelouks, avec la différence que l'ennemi d'aujourd'hui est l'Angleterre.

Gamal Abd El-Nasser, Philosophie de la Révolution, cap de Bonne-Espérance

Que nous advint-il après le règne des Mamelouks ?

L'expédition française brisa les chaînes forgées par les Mongols : des idées nouvelles se firent jour, nous ouvrant de nouveaux horizons.

Mohammad Ali voulut continuer la tradition des Mamelouks tout en s'adaptant aux nécessités de l'heure et en tenant compte de l'état d'esprit créé par les Français. C'est ainsi que, sortant de notre isolement, nous reprîmes contact avec l'Europe et le monde civilisé.

C'était le début de la renaissance, en même temps que le commencement d'une nouvelle période critique.

L'Egypte ressemblait à un malade qui a passé plusieurs jours dans une chambre au point d'étouffer. Mais voilà que soudainement une tempête s'élève faisant voler en éclats portes et fenêtres, laissant pénétrer dans la chambre un flot d'air frais qui fouette son corps anémié.

Les nations d'Europe sont parvenues graduellement à l'état où nous les voyons aujourd'hui ; quant à nous, notre évolution s'est produite d'un coup.

Nous vivions dans un étau serré. Brusquement cet étau se desserre. Nous étions isolés du reste du monde, surtout après la découverte du cap de Bonne Espérance : brusquement nous sommes devenus la proie des Puissances ocidentales et leurs point de contact avec leurs colonies du Sud et de l'Est.

Des courants d'idées nouvelles nous envahirent, alors que nous n'étions pas prêts à les recevoir.

Nos âmes vivaient encore au XIIIème siècle, alors qu'en apparence nous semblions vivre au XIX°siècle, voire au XX°siècle.

Nous tâchions de rejoindre le train du progrès, alors que cinq siècles nous en séparaient... Le chemin était long et la course tragique.

Ainsi donc, si nous ne nous sommes pas unis, la cause en est dans la situation expliquée plus haut.

 

Gamal Abd El-Nasser, In Philosophie de la Révolution - Livre I - Dar Al-Maaref, Le Caire
Brochure diffusée en langue française -1953

Gamal Abd El-Nasser, Philosophie de la Révolution, cap de Bonne-Espérance

Nous avions mentionné Nasser sur AlmaSoror, dans le billet:

Gamal abd el-Nasser en 1953 : Le charme et la liberté

Plusieurs idées mentionnées par Nasser ici furent évoquées par Jacques Benoist-Méchin, voir par exemple la fin de ce billet :

Fragment d'un printemps arabe

dimanche, 28 juillet 2013

Tadzio

la mort à venise, thomas mann

Aschenbach, assis près de la balustrade, trempait parfois ses lèvres dans le rafraîchissant mélange de sirop de grenadine et d'eau de Seltz dont les rubis scintillaient devant lui dans son verre. Ses nerfs accueillaient avidemment cette musique de bastringue, aux mélodies vulgaires et langoureuses ; car la passion oblitère le sens critique et se commet de parfaite bonne foi dans des jouissances que de sang-froid l'on trouverait ridicules ou repousserait avec impatience. Aux tours du bateleur, ses traits se contractaient d'un sourrire fixe et déjà douloureux. Il était assis nochalamment, pendant qu'une attention extrême lui crispait le coeur : à six pas de lui, en effet, Tadzio s'appuyait à la balustrade de pierre.

Extrait de La mort à Venise, de Thomas Mann, dans la traduction de Félix Bertaux et Charles Sigwalt

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samedi, 27 juillet 2013

Patmos

roselyne de féraudy, patmosPatmos - R de Féraudy

 

«Qu'est-ce que la photographie pour moi ? Que suppose-t-elle pour moi ?

Mes images vivent en moi, comme à mon insu. Aussi la naissance d'une image n'est-elle jamais fortuite, elle exige de l'énergie, une certaine détermination, un effort de mise en route.

La photographie est intervenue tard dans ma vie, je m'y suis consacrée, après avoir longtemps travaillé sur l'icône. J'ai découvert, un jour l'Île de Patmos, l'île des visions johanniques, et je ne l'ai plus quittée. La lumière y est si intense qu'elle anime toute surface et transforme toute chose.

Le sujet de l'image en soi a peu d'importance : murs, façades, portes, escaliers, deviennent une source inépuisable de variations abstraites que sculpte la lumière. Le ciel lui-même devient acteur d'un décor fait de masses dynamiques qui tournent, se superposent, s'entrecroisent, sans jamais se figer.

Ces photos m'ont conduite comme au-delà des apparences dans un voyage intérieur, vers une source invisible. Celles que j'aime le plus sont celles qui tendent toujours davantage vers l'abstraction, car elles expriment ainsi, le désir du silence qui m'habite.

Ruelles, murs et escaliers de Patmos en réalité, n'existent plus comme simples objets du visibles mais comme autre chose, cet autre chose que je poursuis et ne cesse de rechercher».

Roselyne de Féraudy - texte de présentation à l'une de ses expositions

Roselyne de Féraudy, Patmos, visions johanniques, photographie, lumière, abstraction

Sur AlmaSoror, à propos de la lumière, on peut lire un hommage à l'abbé Suger et Encore un peu d'Hopper ?


Ou encore :

Lumière du Sud, sang du monde

La matière du rêve


Et puis encore :

Lux et Nox

7

Où les ténèbres se font, là...

Le jour d'après

Ses galops de lumière à tous les étages du ciel

Les bras maritimes

L'ésotérisme


Et enfin :

Toute la poussière du monde

Hommage au Caravage

Hommage à Lucrèce

mardi, 23 juillet 2013

Les haies

françois andelkovic, haie, haies

«Entre prés et champs, les haies forment, à l'interstice des espaces de production, un entre-monde et un monde en soi, de liberté, où se réfugient les oiseaux et d'où naissent les légendes».

François Andelkovic

(vidéo prise par Mara sur son balcon parisien)