dimanche, 28 juillet 2013
Tadzio
Aschenbach, assis près de la balustrade, trempait parfois ses lèvres dans le rafraîchissant mélange de sirop de grenadine et d'eau de Seltz dont les rubis scintillaient devant lui dans son verre. Ses nerfs accueillaient avidemment cette musique de bastringue, aux mélodies vulgaires et langoureuses ; car la passion oblitère le sens critique et se commet de parfaite bonne foi dans des jouissances que de sang-froid l'on trouverait ridicules ou repousserait avec impatience. Aux tours du bateleur, ses traits se contractaient d'un sourrire fixe et déjà douloureux. Il était assis nochalamment, pendant qu'une attention extrême lui crispait le coeur : à six pas de lui, en effet, Tadzio s'appuyait à la balustrade de pierre.
Extrait de La mort à Venise, de Thomas Mann, dans la traduction de Félix Bertaux et Charles Sigwalt
Publié dans Fragments | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
Les commentaires sont fermés.