dimanche, 14 août 2011
Petites histoires de guerre
Par Calélira
Après nous avoir décrit son pays d'Equihen-Plage, voici maintenant que Calélira nous livre les souvenirs de la guerre, que lui a transmis sa famille.
"Je pense que les anciens gardent une certaine rancune vis-à-vis des anglais, qui ont détruit leur ville, leur vie.
Ils ne pouvaient pas imaginer que les alliés auraient détruit tout ce qui leur était cher".
L'ensemble des textes de Calélira est regroupé sur cette page.
La côte a été occupée par les allemands, car ceux-ci pensaient que le débarquement aurait lieu dans notre région.
Certains habitants ont tout abandonné et ont enterré dans leur jardin, leurs biens les plus précieux, bijoux, vaisselle…avant de se réfugier dans des villes en zone libre.
Au Portel et à Equihen, de nombreux habitants sont restés et ont continué de vivre même si les temps étaient difficiles, tickets de ration, couvre-feu….Chacun vivait de ses petites combines pour améliorer le quotidien.
Ma grand-mère, qui était jeune fille à l’époque, allait à la Batterie, passait sur la plage le long des blockhaus pour vendre des pommes, des gâteaux aux allemands, elle n’était pas toujours très rassurée, mais c’était ainsi, il fallait y aller.
Ma tante âgée de 10 ans a été renversée par un jeune soldat à mobylette au Becquet, il a dû avoir aussi peur qu’elle, croyant l’avoir blessée, et elle, croyant qu’il allait la tuer, chacun crier de son côté dans sa propre langue sans se comprendre. Elle a vite pris ses jambes à son cou pour rentrer chez elle, se faire soigner car elle avait une plaie à la tête, mon arrière-grand-mère lui a versé de l’alcool à 90°, elle se souvient d’avoir hurlé lorsque l’alcool est entré dans la plaie.
Il y avait aussi des résistants, et certains ont eu le courage de les cacher à leur risque et péril, comme Mme Bette qui a caché un résistant au nom de « Jean ».
Les pêcheurs devaient respecter le couvre-feu, et faire attention de ne pas porter leur ret à crevettes sur l’épaule, car les soldats allemands pensaient que c’était un fusil et ouvraient le feu.
C’est ce qui s’est passé malheureusement pour un jeune de 16 ans qui revenait de crevettes.
Il reste encore des blockhaus dans les dunes, mais il y a aussi ce que nous appelons tous « le chemin des juifs », un chemin construit par les prisonniers juifs qui passe par les dunes d’Équihen jusqu’à dans la forêt d’Écault.
Les 4, 8 et 9 septembre 1943 les alliés bombardent le Portel et les villes alentours, le but de l’opération « Starkey » faire croire aux allemands que le débarquement aura lieu dans le Pas de Calais.
Le Portel fut détruit à 95 % et comptera 380 morts.
Lors des bombardements Equihen sera aussi touché. Les gens ont fini par partir dans d’autres régions souvent la Marne pour se réfugier.
A la fin de la guerre, les américains ont construit des baraquements en plaque fibro, ces baraquements se composaient de deux chambres, une salle de bain, une cuisine et des toilettes à l’intérieur. Les gens appelaient donc ces baraquements « les américains ».
Et il y avait aussi « les canadiens » construits par les canadiens, des baraquements tout en longueur pour loger deux familles, les toilettes étaient en extérieur.
Les prisonniers allemands travaillaient chez les particuliers, mon arrière-grand-mère avait trois prisonniers qui venaient scier le bois que les enfants avaient ramassé sur la plage. Chaque matin, un gardien les amenait chez mon arrière-grand-mère. Ma tante se souvient de Hans qui était très gentil, elle avait 10 ans à l’époque.
Ma grand-mère qui était jeune fille, a rencontré mon grand-père à la fin de la guerre. Mon grand-père était un démineur breton venu sur la côte, puisque de nombreuses mines avaient été enterrées sur la plage, ils se sont rencontrés, et cela a donné une belle famille de six enfants.
La guerre finie, ça aussi était des comptes à rendre pour ceux qui avaient collaborés avec l’ennemi, certaines femmes ont été tondues pour avoir été avec des allemands, certaines ont gardé un surnom comme « 4marks », puisqu’elle se prostituait pour 4 marks.
Je pense que les anciens gardent une certaine rancune vis-à-vis des anglais, qui ont détruit leur ville, leur vie. Ils ne pouvaient pas imaginer que les alliés auraient détruit tout ce qui leur était cher. Mais la guerre reste la guerre malheureusement et ces bombardements nous ont certainement fait gagner cette guerre.
Il ne faut pas oublier, ou effacer les traces du passé, il faut juste en parler pour que cela serve de leçon aux générations futures.
Calélira
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jeudi, 04 août 2011
Monsieur Kraus et la politique, un petit extrait
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dimanche, 24 juillet 2011
L'échec social et la mort
Philippe Ariès, dans L’homme devant la mort (tome I : le temps des gisants) discute la naissance de la notion d'échec social. Ses idées nous ont paru intéressantes et étranges. Voici un extrait.
"Chaque vie de pauvre a toujours été un destin imposé sur lequel il n’avait pas de prise.
Au contraire, à partir du XIIè siècle, chez les riches, les lettrés, les puissants, nous voyons monter l’idée que chacun possède une biographie personnelle".
« Pour bien comprendre le sens que la fin du Moyen Âge a donné à cette notion de désillusion et d’échec, il faut prendre du recul, laisser un moment de côté les documents du passé et la problématique des historiens et nous interroger nous-mêmes, hommes du XXè siècle.
Tous les hommes d’aujourd’hui ont éprouvé à un moment de leur vie le sentiment plus ou moins fort, plus ou moins avoué ou refoulé, d’échec : échec familial, échec professionnel. La volonté de promotion impose à chacun de ne jamais s’arrêter à l’étape, de poursuivre au-delà des buts nouveaux et plus difficiles. L’échec est d’autant plus fréquent et ressenti que la réussite est souhaitée et jamais suffisante, toujours reportée plus loin. Un jour vient cependant où l’homme ne soutient plus le rythme de ses ambitions progressives, il va moins vite que son désir, de moins en moins vite, il s’aperçoit que son modèle devient inaccessible. Alors il sent qu’il a raté sa vie.
C’est une épreuve qui est réservée aux mâles : les femmes la connaissent peut-être moins, protégées qu’elles sont encore par l’absence d’ambition, et par leur statut inférieur.
L’épreuve arrive en général autour de la quarantaine et elle tend même, de plus en plus, à se confondre avec les difficultés de l’adolescent à accéder au monde des adultes, difficultés qui peuvent mener à l’alcoolisme, à la drogue, au suicide. Toutefois, dans nos sociétés industrielles, l’âge de l’épreuve est toujours antérieur aux grandes défaillances de la vieillesse et de la mort. L’homme se découvre un jour comme un raté : il ne se voit jamais comme un mort. Il n’associe pas son amertume à la mort. L’homme du Moyen Âge, oui.
Ce sentiment d’échec est-il un trait permanent de la condition humaine ? Peut-être sous la forme d’une insuffisance métaphysique étendue à toute la vie, mais non pas sous la forme de la perception ponctuelle et subite d’un choc brutal.
Ce choc, les temps froids et lents de la mort apprivoisée ne l’ont pas connu. Chacun était promis à un destin qu’il ne pouvait ni ne souhaitait changer. Il en fut ainsi longtemps là où la richesse était rare. Chaque vie de pauvre a toujours été un destin imposé sur lequel il n’avait pas de prise.
Au contraire, à partir du XIIè siècle, chez les riches, les lettrés, les puissants, nous voyons monter l’idée que chacun possède une biographie personnelle. Cette biographie a d’abord été faite seulement d’actes, bons ou mauvais, soumis à un jugement global : de l’être. Ensuite, elle a été faite aussi de choses, d’animaux, de personnes, passionnément aimés, et aussi d’une renommée : de l’avoir. A la fin du Moyen Âge la conscience de soi et de sa biographie s’est confondue avec l’amour de la vie. La mort n’a plus été seulement une conclusion de l’être, mais une séparation de l’avoir : il faut laisser maisons et vergers et jardins.
En pleine santé, en pleine jeunesse, la jouissance des choses s’est trouvée altérée par la vue de la mort. Alors la mort a cessé d’être balance, liquidation des comptes, jugement, ou encore sommeil, pour devenir charogne et pourriture, non plus fin de la vie et dernier souffle, mais mort physique, souffrance et décomposition ».
Philippe Ariès
L’homme devant la mort
(tome I : le temps des gisants)
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dimanche, 17 juillet 2011
La mort et les matérialistes
Nous avons peine aujourd’hui à comprendre l’intensité du rapport ancien entre les hommes et les choses.
(...)
Le déclin des croyances religieuses, des morales idéalistes et normatives, n’aboutit pas à la découverte d’un monde plus matériel.
Philippe Ariès, dans son beau livre sur la mort, nous soutient que notre monde moderne n'est pas matérialiste.
« Nous avons peine aujourd’hui à comprendre l’intensité du rapport ancien entre les hommes et les choses. Il subsiste pourtant toujours chez le collectionneur qui nourrit pour les objets de sa collection une passion réelle, qui aime les contempler. Cette passion n’est d’ailleurs jamais tout à fait désintéressée ; même si les objets pris isolément peuvent être sans valeur, le fait de les avoir réunis en une série rare leur en a donné une. Un collectionneur est donc nécessairement un spéculateur. Or, contemplation et spéculation qui caractérisent la psychologie du collectionneur, sont aussi les traits spécifiques du protocapitaliste, tel qu’il apparaît dans la seconde moitié du Moyen Âge et de la Renaissance. Trop en deçà du capitalisme, les choses ne méritaient pas encore d’être vues, ni retenues, ni désirées. C’est pourquoi le premier Moyen Âge a été plutôt indifférent. Bien que le commerce n’ait jamais déserté l’Occident, qu’on n’ait jamais cessé d’y tenir foires et marchés, la richesse n’apparaissait pas comme la possession des choses, elle était confondue avec le pouvoir sur les hommes – comme la pauvreté avec la solitude. Ainsi le moribond de la chanson de geste ne pense-t-il pas comme celui de l’ars à son trésor, mais à son seigneur, à ses pairs, à ses hommes.
Pour s’imposer au désir du mourant, il a fallu que les biens matériels soient devenus à la fois moins rares et plus recherchés, qu’ils aient acquis une valeur d’usage et d’échange. Trop en avant dans l’évolution capitaliste, l’aptitude à la spéculation est conservée, mais le penchant à la contemplation a disparu et il n’y a plus de lien sensuel entre l’homme et ses richesses. Un bon exemple est donné par la voiture. Malgré son énorme pouvoir sur le rêve, la voiture, une fois acquise, ne nourrit plus longtemps la contemplation. L’objet du sentiment actuel n’est plus cette voiture- là, mais le modèle plus récent qui l’a déjà remplacée dans le désir. Ou encore, on aime moins cette voiture-là que la série, la marque à laquelle elle appartient et qui remporte toutes les performances. Nos civilisations industrielles ne reconnaissent plus aux choses une âme « qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ». Les choses sont devenues des moyens de produire, ou des objets à consommer, à dévorer. Ils ne constituent plus un « trésor ».
L’amour d’Harpagon pour sa cassette serait aujourd’hui un signe de sous-développement, d’arriération économique. Les biens ne sauraient plus être désignés par les mots denses du latin : substantia, facultates.
Peut-on dire d’une civilisation qui a ainsi vidé les choses qu’elle est matérialiste ? C’est le second Moyen Âge, jusqu’au début des temps modernes, qui était matérialiste ! Le déclin des croyances religieuses, des morales idéalistes et normatives, n’aboutit pas à la découverte d’un monde plus matériel. Les savants et les philosophes peuvent revendiquer la connaissance de la matière, l’homme quelconque, dans sa vie quotidienne, ne croit pas plus à la matière qu’à Dieu. L’homme du Moyen Âge croyait à la fois à la matière et à Dieu, à la vie et à la mort, à la jouissance des choses et à leur renoncement. Le tort des historiens est d’avoir essayé d’opposer des notions en les affectant à des époques différentes, alors que ces notions étaient en fait contemporaines et d’ailleurs aussi complémentaires qu’opposées ».
Philippe Ariès
L’homme devant la mort
(tome I : le temps des gisants)
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mercredi, 06 juillet 2011
BNP Paribas : la bêtise et le mépris
La banque BNP dévoile son idéologie à travers une webpublicité.
Si vous êtes client de la BNP et que vous ressemblez à ce garçon, sachez que votre banque vous trouve laid, mal coiffé ; votre banque estime que votre mode de vie est pitoyable et que vous devriez en changer. Votre banque estime qu’avec 1000 euros, vous serez plus beau et – votre banque a le sens de l’argent, mais pas celui des réalités – vous pourrez quitter votre mère. Car pour la BNP, quitter sa mère est le préalable à une vie respectable.
L’image d’un garçon et d’une mère proches l’un de l’autre, n’est là que pour en montrer le ridicule. Pour la BNP, il est ridicule de vivre avec un parent passé un certain âge, il est ridicule d’être coiffé d’une certaine façon, etc.
Être un winner (il n'y a pas de mot français pour les valeurs mises en avant par la BNP), être un winner donc, nécessite d'avoir une coupe de cheveux et des habits à la mode, de cracher sur les gens qui vous aiment et vous nourrissent, de hanter les lieux branchés avec une carte bleue et de vivre entre gens du même âge, loin des vieux, des enfants et de tous les gens ayant des habits ou des coupes de cheveux non conformes.
Rejoignez la BNP, la banque d'un monde uniforme, balisé, mesquin, étriqué, où tout se paye. Rejoignez la BNP, une banque qui vous fera oublier peu à peu l'amour, l'intelligence, la beauté, la liberté, la sauvagerie de la terre et le raffinement de la culture.
David N Steene et Edith de CL
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mercredi, 29 juin 2011
... comme l'éclatante lumière du Midi
En 1786, un scandale fait rage en France et eclabousse la reine Marie-Antoinette. C'est "l'affaire du collier", dont Goethe dira : " Ces intrigues détruisirent la dignité royale. Aussi l’histoire du collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. Elle en est le fondement".
Si le scandale est monté de toute pièce, l'un des personnages est demeuré fort mystérieux. Il s'agit du Comte de Cagliostro, pseudonyme de Joseph Balsamo, qui mit à la mode la franc-maçonnerie en France.
A son procès, voici comment le mage Cagliostro se défendit d'avoir participé au complot du collier : ce texte est demeuré célèbre parmi les "ésotéristes" :
« Je ne suis d'aucune époque ni d'aucun lieu ; en dehors du temps et de l'espace, mon être spirituel vit son éternelle existence et, si je plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j'étends mon esprit vers un mode d'existence éloigné de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire. Participant consciemment à l'Etre absolu, je règle mon action selon le milieu qui m'entoure.
Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis, ainsi que ma fonction, parce que je suis libre ; mon pays est celui où je fixe momentanément mes pas. Datez-vous d'hier, si vous le voulez, en vous rehaussant d'années vécues par des ancêtres qui vous furent étrangers ; ou de demain, par l'orgueil illusoire d'une grandeur qui ne sera peut-être jamais la vôtre ; moi, je suis Celui qui Est.
Je n'ai qu'un père : différentes circonstances de ma vie m'ont fait soupçonner à ce sujet de grandes et émouvantes vérités ; mais les mystères de cette origine, et les rapports qui m'unissent à ce père inconnu, sont et restent mes secrets ; que ceux qui seront appelés à les deviner, à les entrevoir comme je l'ai fait, me comprennent et m'approuvent. Quant au lieu, à l'heure où mon corps matériel, il y a quelque quarante ans, se forma sur cette terre ; quant à la famille que j'ai choisie pour cela, je veux l'ignorer ; je ne veux pas me souvenir du passé pour ne pas augmenter les responsabilités déjà lourdes de ceux qui m'ont connu, car il est écrit : "Tu ne feras pas tomber l'aveugle." Je ne suis pas né de la chair, ni de la volonté de l'homme ; je suis né de l'esprit. Mon nom, celui qui est à moi et de moi, celui que j'ai choisi pour paraître au milieu de vous voilà celui que je réclame. Celui dont on m'appela à ma naissance, ce qu'on m'a donné dans ma jeunesse, ce sous lesquels, en d'autres temps et lieux, je fus connu, je les ai laissés, comme j'aurais laissé des vêtements démodés et désormais inutiles.
Me voici : le suis Noble et Voyageur ; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d'anciennes paroles ; une voix, qui est en vous, et qui s'était tue depuis bien longtemps, répond à l'appel de la mienne ; j'agis, et la paix revient en vos cœurs, la santé dans vos corps, l'espoir et le courage dans vos âmes. Tous les hommes sont mes frères ; tous les pays me sont chers ; je les parcours pour que, partout, l'Esprit puisse descendre et trouver un chemin vers vous. Je ne demande aux rois, dont je respecte la puissance, que l'hospitalité sur leurs terres, et, lorsqu'elle m'est accordée, je passe, faisant autour de moi le plus de bien possible ; mais je ne fais que passer. Suis-je un Noble Voyageur ?
Comme le vent du Sud, comme l'éclatante lumière du Midi qui caractérise la pleine connaissance des choses et la communion active avec Dieu, je viens vers le Nord, vers la brume et le froid, abandonnant partout à mon passage quelques parcelles de moi, me dépensant, me diminuant à chaque station, mais vous laissant un peu de clarté, un peu de chaleur, un peu de force, jusqu'à ce que je sois enfin arrêté et fixé définitivement au terme de ma carrière, à l'heure où la rose fleurira sur la croix. Je suis Cagliostro.
Pourquoi vous faut-il quelque chose de plus ? Si vous étiez des enfants de Dieu, si votre âme n'était pas si vaine et si curieuse, vous auriez déjà compris ! Mais il vous faut des détails, des signes et des paraboles. Or, écoutez !
Remontons bien loin dans le passé, puisque vous le voulez.
Toute lumière vient de l'Orient ; toute initiation, de l'Égypte ; j'ai eu trois ans comme vous, puis sept ans, puis l'âge d'homme, et, à partir de cet âge, je n'ai plus compté. Trois septénaires d'années font vingt et un ans et réalisent la plénitude du développement humain. Dans ma première enfance, sous la loi de rigueur et justice, j'ai souffert en exil, comme Israël parmi les nations étrangères.
Mais, comme Israël avait avec lui la présence de Dieu, comme un Métatron le gardait en ses chemins, de même un ange puissant veillait sur moi, dirigeait mes actes, éclairait mon âme, développant les forces latentes en moi. Lui était mon maître et mon guide. Ma raison se formait et se précisait ; je m'interrogeais, je m'étudiais et je prenais conscience de tout ce qui m'entourait ; j'ai fait des voyages, plusieurs voyages, tant autour de la chambre de mes réflexions que dans les temples et dans les quatre parties du monde ; mais lorsque je voulais pénétrer l'origine de mon être et monter vers Dieu dans un élan de mon âme, alors, ma raison impuissante se taisait et me laissait livré à mes conjectures. Un amour qui m'attirait vers toute créature d'une façon impulsive, une ambition irrésistible, un sentiment profond de mes droits à toute chose de la Terre au Ciel, me poussaient et me jetaient vers la vie, et l'expérience progressive de mes forces, de leur sphère d'action, de leur jeu et de leurs limites, fut la lutte que j'eus à soutenir contre les puissances du monde ; je fus abandonné et tenté dans le désert ; j'ai lutté avec l'ange comme Jacob, avec les hommes et avec les démons, et ceux-ci, vaincus, m'ont appris les secrets, qui concernent l'empire des ténèbres pour que je ne puisse jamais m'égarer dans aucune des routes d'où l'on ne revient pas.
Un jour après combien de voyages et d'années le Ciel exauça mes efforts : il se souvint de son serviteur et, revêtu d'habits nuptiaux, j'eus la grâce d'être admis, comme Moïse, devant l'Eternel. Dès lors je reçus, avec un nom nouveau, une mission unique. Libre et maître de la vie, je ne songeai plus qu'à l'employer pour l'œuvre de Dieu. Je savais qu'il confirmerait mes actes et mes paroles, comme je confirmerais son nom et son royaume sur la terre. Il y a des êtres qui n'ont plus d'anges gardiens ; je fus de ceux-là. Voilà mon enfance, ma jeunesse, telle que votre esprit inquiet et désireux de mots la réclame ; mais qu'elle ait duré plus ou moins d'années, qu'elle se soit écoulée au pays de vos pères ou dans d'autres contrées, qu'importe à vous ? Ne suis-je pas un homme libre ? Jugez mes mœurs, c'est-à-dire mes actions ; dites si elles sont bonnes, dites si vous en avez vu de plus puissantes, et, dès lors, ne vous occupez pas de ma nationalité, de mon rang et de ma religion.
Si, poursuivant le cours heureux de ses voyages, quelqu'un d'entre vous aborde un jour à ces terres d'Orient qui m'ont vu naître, qu'il se souvienne seulement de moi, qu'il prononce mon nom, et les serviteurs de mon père ouvriront devant lui les portes de la Ville Sainte. Alors, qu'il revienne dire à ses frères si j'ai abusé parmi vous d'un prestige mensonger, si j'ai pris dans vos demeures quelque chose qui ne m'appartenait pas !»
Cagliostro
Photos de Carvos Loup
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samedi, 25 juin 2011
Aime-moi (baise-moi ?), Matelot
Le seul roman de gare entièrement lu devant une cour suprême très sérieuse.
Robert Close. Plusieurs personnes s’appelèrent Robert Close, parmi lesquelles un écrivain australien. J’ai découvert Close lorsque mon amie Laure T m’annonça qu’elle allait jeter des tas de livres sans intérêt qu’elle avait récupérés dans le grenier de ses grands-parents. Je lui ai interdit de le faire. Je lui ai proposé de prendre ses livres en dépôt tout le temps qu’elle voudrait.
Elle m’amena donc des livres très à la mode dans les années 20 et 30 (du vingtième siècle). Deux types de livres se dégagèrent : des histoires à l’eau de rose, tendance scabreuse, et des histoires édifiantes. Les premières furent sans doute achetées sur les quais de gare et dans les kiosques populaires ; les secondes furent données, comme prix, à des écoliers et étudiants disciplinés, ou encore achetées à la kermesse chrétienne du village. La plupart de ces livres sont nullissimes, d’un point de vue littéraire. Ils n’en demeurent pas moins passionnants, témoins d’une mentalité qui a disparu mais qui devait baigner toute la France de ce temps-là. Imaginez que, dans presque cent ans, quelqu’un retrouve et lise notre bibliothèque, ou celle de nos voisins. L’ensemble des livres de fiction les plus vendus dans les années 2000. Ce lecteur du futur aurait sans doute profondément pitié de l’indigence intellectuelle et artistique de nos contemporains ; il serait probablement fasciné par la morale ambiante, dans ses relents politiques, sociaux, affectifs…
Parmi, donc, ces livres que j’ai stoqués dans mes toilettes, l’un, en anglais, affichait une couverture amusante à force d’être sulfureuse. Le titre, « love me sailor », ne manque pas de piquant romantique. Je décidai de le lire, mais ne le fis pas. Pourtant, à force de voir cet objet sous mes yeux à chaque fois que j’avais trop bu, je finis, dans un moment d’ennui ou d’absence, par taper le titre et le nom de l’auteur sur Internet. C’est ainsi que je vis que Love me sailor fut lu, en entier, pendant de longues heures, devant une cour de justice. Le livre, et à travers lui son auteur, ou peut-être au contraire, l’auteur et à travers lui son livre, passaient en justice pour obscénité.
En 1946, un an après sa sortie, le livre fit l’objet d’un retentissant procès qui se termina devant la cour suprême de la ville de Victoria. Robert Close, qui avait raconté l’histoire d’une femme-proie embarquée seule au milieu de marins déchaînés, sur une mer déchaînée, sur un bateau passif, fut condamné à trois mois de prison et une amende. Il fit finalement, grâce à un passage en appel, dix jours de prison et préféra après cette histoire venir vivre en France quelque temps.
Contempler des hommes en longues robes judiciaires, sans aucun humour, persuadés de sauver les jeunes gens en interdisant, au cours d’un procès retentissant, un livre qui les attirera évidemment d’autant plus ; entendre son livre (frappé ensuite d’interdiction en Australie) être lu, pendant plusieurs heures devant une cour suprême, voilà ce que n’aurait pas dénigré le Zénon de l’œuvre au noir, de Yourcenar, ou encore Giordano Bruno le Nolain, ou Voltaire, et tous ceux qui contemplent les juges moraux avec le recul des libres-penseurs.
Voilà l’histoire de la censure, sans cesse recommencée, qui croit toujours qu’elle porte un autre nom que « censure » et qu’elle est l’urgence du Bien face à la prolifération du mal. Loi Gayssot, loi Taubira, loi 49 sur les publications destinées à la jeunesse, loi Evin, lois de censure vous ne serez jamais abolies, vous serez toujours renouvelées par les infatigables sauveurs du monde.
Edith de CL
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mardi, 21 juin 2011
Un petit bout de liberté
par Calélira
Calélira raconte son pays : Équihen-Plage.
Nous la remercions pour cette belle déclaration d'amour à une terre qu'elle connaît par coeur - par coeur, dans les deux sens du terme.
Équihen-Plage, Équihen ne va pas sans plage, car lorsque l’on prend la rue principale, on arrive à la descente à bateaux, là où les anciens remontaient les flobards, type d’embarcations qui servaient par la suite d’habitations aux plus pauvres, qui s’appelaient les quilles en l’air.
Équihen, c’était un village de pêcheurs, les hommes partaient à la mer, tandis que les femmes pêchaient les crevettes et allaient ramasser les moules. La plupart des familles vivaient dans des quilles en l’air, coques de bateaux retournées, car Équihen n’était pas riche. Mais les gens d’Équihen ont du tempérament, j’ai toujours vu mon arrière grand-mère faire son jardin et ses lapins, même à 80 ans passés, avec ces cotron (grande jupe) et son foulard à carreaux noué autour de son cou, et parfois elle prisait (elle prenait du tabac qu’elle mettait sur sa main et aspirer avec le nez ) et parfois elle chiquait (mâchouiller le tabac ) et de longs cheveux blancs mis en chignon, c’était typique chez nous de voir, les grands mères vêtues ainsi, maintenant on n’en voit plus, les traditions se perdent de plus en plus.
Une tradition perpétue, c’est le carnaval, cette coutume est la plus importante à Équihen. Il est habituel que les marins passent une marée à terre et que les ouvriers posent trois jours de congés afin de ne pas manquer le carnaval. Le carnaval est le signe d’une grande vitalité . Pendant trois jours on fête. Le dimanche on éponge (éponger signifier faire honneur en déambulant). Les habits sont de toutes sortes. Les «droules» partent en quête d’argent en vendant toutes sortes d’objets.
Le lundi c’est PEC-PEC. Les marins revêtent leur ciré jaune, un masque et brandissent un bâton au bout duquel pend un fil auquel est accroché un bonbon, que les enfants devront attraper avec la bouche.
Le mardi, c’est le défilé, chacun revêt des habits multicolores dont la préférence va aux superbes mousquetaires (costume fait par une couturière, un mousquetaire, c’est une richesse, chez moi, on a tous eu un ou plusieurs mousquetaires, que mes enfants revêtent à présent, et un jour je leur en payerai un, c’est ainsi, c’est une partie de notre histoire) C’est le grand défilé, au son des musiques traditionnelles, le soir, il y a le bal qui durera jusqu’à l’aube.
Et le mercredi des cendres, vers 8 heures tout le monde se rassemble, bien fatigué. Chacun a ramené du bois, des brindilles, de vieilles choses susceptibles de brûler. Le mannequin fabriqué et habillé, prénommé est placé en tête du cortège. On se dirige alors vers le bûcher, les masques tombent, exténués par une nuit de danse, certains s’étendent sur le sol, après les derniers chants et dernières rondes autour du grand feu, chacun s’en retourne chez soi pour un repos bien mérité.
Cette tradition, n’est pas prête à disparaître, elle est restée chez les jeunes de ma génération, certains reviennent juste à Équihen pour le carnaval.
On y vit bien à Équihen, lorsque j’ouvre la fenêtre de ma chambre, je vois cette superbe étendue de sable, j’entends le clapotis des vagues sur les rochers, et j’hume les embruns, c’est le bonheur, que demander de plus, j’ai une petite maison bien remplie avec ma petite famille, mais mon plus grand bonheur, c’est de vivre dans cette petite maison au bord de la mer, de découvrir les différents tons de la mer, d’avoir une vue superbe, des nuages qui jouent avec la mer, le soleil qui se couche, ce sont de superbes tableaux.
Je pense que c’est pour cela qu’Équihen attirait les peintres, les poètes, les chansonniers, les acteurs de cinéma. Dénommé « le coin des artistes » Équihen-Plage a toujours été fréquenté par des artistes illustres, séduits par la beauté de ce petit village de pêcheurs. Voici quelques noms, Jean-charles CAZIN , peintre, Edmond de PALEZIEUX, peintre, DROBECQ, peintre et architecte, Gil FRANCO, peintre, André GALOPET dit GABRIEL …
La maison de Gabriello demeure solidement amarrée à un rocher, il l’a baptisée FA-ZOU (diminutif du prénom de ses deux filles, France et Suzanne ), elle est toujours là, habitée par un couple depuis plus de trente ans, c’est une maison qui tient à la falaise. C’est la « principauté d’Équihen ».
Équihen, c’est un village de caractère, on pourrait parler des heures, c’est des histoires de sobriquets encore maintenant quand je discute avec des anciens, je me présente avec le sobriquet de ma famille, et les gens savent ainsi que je suis la petite fille d’un tel, je suis fière de mon village, du moins de son histoire, de ce courage que possèdent les gens d’Équihen, cette façon de ne jamais baisser les bras, de cette force de caractère, et aussi de cette croyance, il n’y a plus de marins, sauf des pêcheurs à pieds, mais les Équihennois sont assez pratiquants, la bénédiction de la mer regroupe beaucoup d’habitants, certains s’habillent avec le costume traditionnel, pour les femmes mariées, une jupe noire avec un tablier, un caraco, et un châle crème, et en coiffe, le soleil, bonnet fait en dentelle à la main. Pour les demoiselles, jupe rouge, chemisier blanc et châle de couleur, et le soleil, qui sert souvent les oreilles.
Calélira
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dimanche, 22 mai 2011
L'intelligence contre le diplôme
Paul Valéry, en 1936, dans une conférence intitulée le bilan de l’intelligence, livre une critique belle et sévère du diplôme. Voici justement l'extrait qui concerne le diplôme.
Phot. Sara pour VillaBar (on reconnaît Florian Guy)
Je n’hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l’ennemi mortel de la culture. Plus les diplômes ont pris d’importance dans la vie (et cette importance n’a fait que croître à cause des circonstances économiques), plus le rendement de l’enseignement a été faible. Plus le contrôle s’est exercé, s’est multiplié, plus les résultats ont été mauvais.
Mauvais par ses effets sur l’esprit public et sur l’esprit tout court. Mauvais parce qu’il crée des espoirs, des illusions de droits acquis. Mauvais par tous les stratagèmes et subterfuges qu’il suggère ; les recommandations, les préparations stratégiques, et, en somme, l’emploi de tous expédients pour franchir le seuil redoutable. C’est là, il faut l’avouer, une étrange et détestable initiation à la vie intellectuelle et civique.
D’ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute manière, aboutit à vicier l’action, à la pervertir… Je vous l’ai déjà dit : dès qu’une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n’est plus l’action même, mais il conçoit d’abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle. Le contrôle des études n’est qu’un cas particulier et une démonstration éclatante de cette observation très générale.
Le diplôme fondamental, chez nous, c’est le baccalauréat. Il a conduit à orienter les études sur un programme strictement défini et en considération d’épreuves qui, avant tout, représentent, pour les examinateurs, les professeurs et les patients, une perte totale, radicale et non compensée, de temps et de travail. Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s’organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens. Le but de l’enseignement n’étant plus la formation de l’esprit, mais l’acquisition du diplôme, c’est le minimum exigible qui devient l’objet des études. Il ne s’agit plus d’apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie. Il s’agit d’emprunter, et non plus d’acquérir, d’emprunter ce qu’il faut pour passer le baccalauréat.
Ce n’est pas tout. Le diplôme donne à la société un fantôme de garantie, et aux diplômés des fantômes de droits. Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d’une science momentanée et purement expédiente. D’autre part, ce diplômé au nom de la loi est porté à croire qu’on lui doit quelque chose. Jamais convention plus néfaste à tout le monde, à l’Etat et aux individus (et, en particulier, à la culture), n’a été instituée. C’est en considération du diplôme, par exemple, que l’on a vu se substituer à la lecture des auteurs l’usage des résumés, des manuels, des comprimés de science extravagants, les recueils de questions et de réponses toutes faites, extraits et autres abominations. Il en résulte que plus rien dans cette culture adultérée ne peut aider ni convenir à la vie d’un esprit qui se développe.
Paul Valéry, in Le Bilan de l’intelligence, 1935
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jeudi, 28 avril 2011
Les vieux écrivains (L’hypocrisie et la lâcheté)
Depuis le 8 avril il ne se passait plus rien sur l'AlmaSoror blog. Nous en demandons pardon à ceux qui viennent souvent ici, cueillir des fleurs. Nous avons été occupés, surtout moi, Edith, occupés par des activités qui nous laissaient trop peu d'espace mental pour venir faire la cuisine d'AlmaSoror.
Voici, présente et proposé par Sara, un texte de Piotr Rawic, écrivain qui détesta Mai 68 et raconte une scène 68arde qui ne manque pas de piquant. Un écrivain regrette que le Louvre n'ait pas été fracassé par les Révolutionnaires !
L’hypocrisie et la lâcheté
L’auteur avoue dans une post-face qu’il n’est pas “contre-révolutionnaire” mais se contente de rapporter des propos critiques ou moqueurs de ses amis sur les événements de mai 1968 au moment où ils le vivaient.
Peu sympathique, ambigu et mal écrit, ce livre est cependant intéressant puisqu’il donne les points de vue d’intellectuels parisiens tels qu’ils les exprimaient en privé. C’est rare.
Récit de X. :
“Littérature et Révolution” à la nouvelle Faculté de médecine, le 27 juin au soir :
Que de mesquineries, que d’ambitions non assouvies, que de demi-gloires qui n’aspirent qu’à devenir gloires “à part entière” fût-ce grâce à des soirées de cette sorte !
- Une dame fanée, parée de fleurs fanées, déguisée en fleur fanée invoque sa participation à la “prise” de l’hôtel Massa comme un acte d’héroïsme révolutionnaire ;
- un représentant connu du “nouveau roman” se prévaut des “coups de pied au cul” reçus à l’âge de seize ans d’un patron fasciste et de la modicité de ses droits d’auteur (“inférieurs à ce que vous autres les étudiants gagnerez dans quelques années quand vous serez médecins”) et se justifie, s’excuse humblement d’être le propriétaire d’une petite voiture ; un prix Goncourt pousse des hurlements car, dans cette salle, toute banalité devient “révolutionnaire” à condition d’être accompagnée de puissants effets acoustiques ;
- une vieille dame, présentée comme critique littéraire, n’oublie pas de souligner qu’elle écrit “aussi” des poèmes ;
- une autre dame âgée ( la plus convenable et la plus lucide de toutes) souligne avec volupté que “nous autres, les vieux, nous n’avons rien à vous apprendre, car toutes nos révolutions ont été loupées...”
Du côté des jeunes on use et on abuse du langage ordurier :
- Tais-toi, vieux con ! Tu as été dans la Résistance, à ce que tu dis... On s’en fout !
Messieurs les écrivains font de la lèche. Ils cherchent à imiter le langage “vigoureux” des étudiants. Des deux côtés, les mots “révolution” et “socialisme” sont maniés comme si leur signification était claire et concrète. Comme s’ils recouvraient un espace sémantique, un contenu humain bien connus et bien déterminés. Un vieux monsieur qui ose rappeler les assassinats d’écrivains commis après Octobre, au nom du socialisme, se fait traiter de “contre-révolutionnaire”... sans aucune aménité.
Il y aurait pour un sociologue (si cette engeance survit) une étude à faire sur les rapports entre les “révolutions” et les effets acoustiques.
M.S. (soixante ans, lunettes cerclées de métal, vétéran du mouvement trotskiste ; sa pomme d’Adam ne cesse de bouger ce qui met en évidence sa maigreur surnaturelle) :
Pourquoi n’y a-t-il pas eu de morts (sauf quelques accidents) ni de vraies destructions. La Sorbonne, Notre-Dame, le Louvre sont toujours debout...
Eh bien, la foi de ceux qui combattaient n’était pas assez forte. J’aurais été désolé, bien sûr, pour le Louvre. J’y passe mes dimanches. Mais la faiblesse de la foi est mauvais signe. C’est le signe de la dégénérescence...”
Bloc-notes d’un contre-révolutionnaire ou la gueule de bois, de Piotr Rawicz (pour voir qui est cet écrivain : http://www.fundacioars.org/dictionnaire/rawicz.html), Gallimard, 1969
Sara (billet et photos)
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lundi, 21 mars 2011
L’invasion de l’Europe (années 700)
Jacques Benoist-Méchin conte l'invasion islamique des années 700, épopée spectaculaire qui s'arrêta par une débâcle en plein Poitou,
en 732.
« Le successeur de Hassan, Mousa-Ibn-Noseïr, fut une des plus grandes figures de l’épopée islamique. Rompant avec la politique de son prédécesseur, il se rallia les Maures vaincus, et sut leur inspirer confiance par ses mesures de clémence. Il les attira auprès de lui, les incorpora à ses troupes et les invita « à le suivre où il les conduirait » (709).
En agissant ainsi, Mousa travaillait à la réalisation d’un plan qui mûrissait depuis longtemps dans son esprit. Face à la côte africaine, il voyait se déployer à l’horizon un autre littoral qui exerçait sur lui une fascination étrange. C’était l’Espagne. Comme les voyageurs ne cessaient de lui vanter l’opulence de ses villes, l’enchantement de ses jardins et la fertilité de ses plaines, il résolut de s’en emparer.
Ayant obtenu l’autorisation de Walid, Mousa accéléra ses préparatifs. Mais le fils de Noseïr était un homme prudent. Ne voulant pas engager ses meilleures troupes dans une entreprise qui comportait beaucoup d’aléas, il décida d’envoyer en avant-garde ses régiments maures, sous le commandement de leur chef, Tarik. Celui-ci franchit le détroit de Calpé, débarqua sur la côte espagnole et dressa son camp au pied d’une falaise abrupte qu’il baptisa Djebel-al-Tarik (Gibraltar). Puis, ayant passé une dernière fois ses hommes en revue, il brûla ses embarcations pour leur montrer que l’aventure dans laquelle il s’engageait était sans retour, et s’enfonça vers l’intérieur du pays (710).
Les Wisigoths, qui occupaient à cette époque la péninsule ibérique avaient beaucoup perdu de leur vigueur primitive. Leur roi Roderic était un prince raffiné, d’une grande élévation d’esprit, mais émasculé par la mollesse et le luxe de sa cour. « Ses vêtements couverts d’or, son char d’ivoire, sa selle tout incrustée de pierreries cachaient sous leur éclat le fer, qui seul, en ce moment, avait de la valeur. Les nobles qui l’entouraient, équipés magnifiquement, se fiaient bien moins à leur courage qu’au nombre de leurs soldats, esclaves embrigadés de force qui ne combattaient qu’à contre-cœur. En face d’eux, les Berbères, commandés par un chef intelligent et prêts à accepter la mort comme un bienfait, puisqu’elle devait leur assurer le ciel, semblaient avoir oublié leur infériorité numérique. » (Sédillot)
Le choc décisif eut lieu dans la plaine de Guadalete, non loin de Xérès. Pendant sept jours, les deux armées s’épuisèrent en escarmouches et en combats singuliers. Enfin Tarik, voulant forcer le destin, chargea impétueusement les Wisigoths à la tête de sa cavalerie et réussit à couper les forces ennemies en plusieurs tronçons. Aussitôt, les Wisigoths commencèrent à perdre pied. Les voyant se débander, l’évêque de Séville et les troupes qu’il commandait, se rangèrent du côté de l’envahisseur. Roderic, trahi, chercha en vain à rallier ses escadrons qui fuyaient de tous côtés. Il fut entraîné dans la déroute générale et périt dans les eaux du Guadalquivir (711).
Tarik sut exploiter à fond cette éclatante victoire. Il fonça sur Tolède, la capitale du royaume, après s’être emparé d’Ecija, de Malaga, d’Elvira, de Grenade et de Cordoue. Tolède, privée de défenseurs, capitula. Tarik poursuivit sa marche vers le nord et parvint, par Saragosse et Pampelune, jusqu’à Giron, sur le golfe de Biscaye.
Mousa, ne voulant pas laisser à son lieutenant tout le bénéfice de cette campagne, se hâta de traverser à son tour le détroit de Gibraltar et pénétra en Andalousie, qui n’était pas encore entièrement subjuguée. Ayant pris Mérida, Carmona et Séville, il alla rejoindre Tarik à Tolède, tandis que son jeune fils Abdelaziz, qui avait amené d’Afrique un renfort de 7000 hommes, se rendait maître de la Lusitanie et de l’Estrémature.
Toute l’Espagne était aux mains de l’Islam. Cette proie splendide fut partagée entre les légions victorieuses. La légion de Damas s’établit à Cordoue ; celle d’Emèse, à Séville ; celle de Kinnesrin (Chalcis), à Jaen ; celle de Palestine, à Médina-Sidonia et à Algéziras ; celle de Perse, à Xérès de la Frontera ; celle de l’Yémèn, à Tolède ; celle de l’Irak, à Grenade ; celle d’Egypte, à Murcie et à Lisbonne. Enfin, 10 000 cavaliers du Nedjed et du Hedjaz se virent attribuer les plaines les plus fertiles de l’intérieur. On eût dit qu’une « Arabie nouvelle », avec toutes ses provinces, s’était constituée derrière les colonnes d’Hercule, à cette pointe extrême du Ponant.
Mais pour Mousa, la conquête de l’Espagne n’était qu’un commencement. Remettant à son fils Abdelaziz le soin d’administrer le pays et laissant en arrière des garnisons suffisantes pour y assurer l’ordre, il partit pour le nord avec le reste de ses troupes. Lorsqu’il fut parvenu au sommet des Pyrénées et qu’il vit se déployer à ses pieds les riches plaines de la Narbonnaise, Mousa « suspendu sur l’Europe » conçut un plan grandiose : il décida de rejoindre le Bosphore par la voie de terre et de prendre Constantinople de revers, en subjuguant tous les peuples qu’il rencontrerait sur sa route. Ce projet lui était inspiré « par un orgueil démesuré et par son vieil instinct nomade, pour qui les distances ne comptent pas ».
Il détacha une avant-garde, sous le commandement de l’Emir Alsamah, et lui enjoignit de conquérir la Septimanie. Narbonne fut occupée en 719. Alsamah ayant été tué au cours d’un combat, son successeur Ambizah s’empara de Carcassonne, d’Adge, de Béziers et de Nîmes, mais se heurta à une résistance vigoureuse d’Eudes, duc d’Aquitaine, qui lui interdit l’accès de Toulouse (721). Ambizah et ses cavaliers s’infléchirent alors vers la vallée du Rhône, qu’ils remontèrent pas étapes. L’Albigeois, le Rouergue, le Gévaudan, le Velay subirent leurs déprédations. Poursuivant leur avance le long de la Saône, les forces musulmanes parvinrent en Bourgogne. Beaune fut prise et ravagée. Sens se racheta par un tribut. Autun fut enlevé d’assaut et pillé (725). Auxerre faillit connaître le même sort. Les Arabes campèrent dans les vallées de l’Aube et de l’Absinthe à peu près là où devait s’élever plus tard l’abbaye de Clairvaux. Troyes barricada ses portes, en prévision d’un siège.
Ces opérations coïncidèrent avec un débarquement effectué par la flotte sarrazine dans la région de Fréjus (Fraxinet). Les escadrons musulmans s’installèrent en force dans le massif dit des Maures. De là, ils rayonnèrent jusqu’en Provence, où ils occupèrent Arles et Avignon (730).
Enhardi par ces succès, Mousa ordonna à un autre de ses généraux, l’Emir Abderrahman, de conquérir le reste de la Gaule. A la tête d’une armée nombreuse, Abderrahman franchit le col de Puygcerda. Cette fois-ci, le duc d’Aquitaine ne put résister à l’envahisseur. Battu sur les bords de la Garonne, Eudes dut se replier en toute hâte vers le nord-est, ouvrant aux Arabes la route de Bordeaux, qui fut emportée d’assaut. Abderrahman, vainqueur de nouveau au passage de la Dordogne, se dirigea vers Tours, dans l’intention de s’emparer de l’Abbaye de Saint-Martin, qui était, à cette époque, le sanctuaire national des Francs.
La nouvelle de l’arrivée des Arabes sur les bords de la Loire, souleva, dans toute la Gaule, une émotion indescriptible. L’Europe allait-elle devenir musulmane ? Charles, fils de Pépin d’Héristal, que soutenait la fortune ascendante de sa famille, résolut de sauver la Chrétienté menacée. Il appela les Leudes aux armes, convoqua le ban et l’arrière-ban des guerriers francs et meusiens. Tous les hommes en état de se battre répondirent à son appel. Abderrahman décrocha de la Loire et attendit son ennemi à Vouillé, entre Tours et Poitiers. C’est là qu’allait se décider le sort de l’Occident (732).
« Les Arabes comptaient sur une seconde bataille de Xérès, et furent déçus dans leurs espérances. Les Francs austrasiens ne ressemblaient pas aux Wisigoths dégénérés. Ils ne portaient point d’or sur leurs vêtements et se présentaient au combat tout bardés de fer. Là, point d’esclaves combattant pour un maître détesté, mais des compagnons entourant un chef qui se disait leur égal. Pendant les six premiers jours, il n’y eut que des engagements partiels, où les musulmans eurent l’avantage. Le septième, l’action devint générale ; elle fut sanglante et solennelle. Les Arabes, accablés par la force et la stature des Francs, furent mis en déroute par l’impétuosité de Charles, qui gagne dans cette batille le nom de Martel » (Sédillot).
Abderrahman fut tué au cours de la mêlée. Dans la nuit qui suivit, les Arabes, privés de leur chef, perdus dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, furent pris de panique et se querellèrent entre eux. On vit alors, dans les clairières du Poitou, les tribus du Hedjaz, de l’Yémen et du Nedjd tourner leurs armes les uns contre les autres et s’entredéchirer avec fureur. L’armée se volatilisa sous l’effet du désastre. Ses débris se replièrent péniblement vers la Septimanie, harcelés par Charles Martel et son frère Childebrand. Ils ne se retrouvèrent en sûreté que derrière les remparts de Narbonne et de Carcassonne.
Stoppée en Occident par la victoire de Charles Martel, bloquée devant Byzance par la résistance de Léon III et de Justinien II, l’expansion arabe avait atteint en 743, des limites qu’elle ne dépasserait plus. Grâce à la force des Francs et à la ténacité des Grecs, l’Europe devait rester en dehors de son emprise. Mais la domination musulmane ne s’en étendait pas moins de Narbonne à Kashgar ; et le Calife, « cette image de la divinité sur terre » se trouvait à la tête d’un empire plus vaste que ceux de Darius ou d’Alexandre le Grand.
Jamais entreprise aussi considérable n’avait été réalisée en un aussi petit laps de temps, et les chroniqueurs de l’époque n’eurent pas tort de la comparer à une tempête. Plus de douze mille kilomètres séparaient les positions extrêmes occupées par les Arabes en Orient et en Occident. Pourtant il ne s’était écoulé que cent vingt-deux ans depuis le serment d’Akaba, c’est-à-dire depuis le jour où, rassemblant autour de lui une quarantaine de guerriers, Mahomet avait constitué le noyau initial des armées islamiques ».
Jacques Benoist-Méchin, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume.
Beaune floue depuis un téléphone androïde, par une fin d'après-midi en 2010
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vendredi, 18 mars 2011
extrait d'un manifeste contre le travail II
Que le travail et l'asservissement soient identiques, voilà ce qui se laisse démontrer non seulement empiriquement, mais aussi conceptuellement. Il y a encore quelques siècles, les hommes étaient conscients du lien entre travail et contrainte sociale. Dans la plupart des langues européennes, le concept de "travail" ne se réfère à l'origine qu'à l'activité des hommes asservis, dépendants : les serfs ou les esclaves. Dans les langues germaniques, le mot désigne la corvée d'un enfant devenu serf parce qu'il est orphelin. Laboraresignifie en latin quelque chose comme "chanceler sous le poids d'un fardeau", et désigne plus communément la souffrance et le labeur harassant des esclaves. Dans les langues romanes, des mots tels que travail, trabajo,etc., viennent du latin tripalium,une sorte de joug utilisé pour torturer et punir les esclaves et les autres hommes non libres. On trouve un écho de cette signification dans l'expression "joug du travail".
Même par son étymologie, le "travail" n'est donc pas synonyme d'activité humaine autodéterminée, mais renvoie à une destinée sociale malheureuse. C'est l'activité de ceux qui ont perdu leur liberté. L'extension du travail à tous les membres de la société n'est par conséquent que la généralisation de la dépendance servile, de même que l'adoration moderne du travail ne représente que l'exaltation quasi religieuse de cette situation.
Ce lien a pu être refoulé avec succès et l'exigence sociale qu'il représente a pu être intériorisée, parce que la généralisation du travail est allée de pair avec son "objectivation" par le système de production marchande moderne : la plupart des hommes ne sont plus sous le knout d'un seigneur incarné dans un individu. La dépendance sociale est devenue une structure systémique abstraite - et justement par là totale. On la ressent partout, et c'est pour cette raison même qu'elle est à peine saisissable. Là où chacun est esclave, chacun est en même temps son propre maître — son propre négrier et son propre surveillant. Et chacun d'obéir à l'idole invisible du système, au "grand frère" de la valorisation du capital qui l'a envoyé sous le tripalium.
Le site source : http://kropot.free.fr/manifestevstrav.htm
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mardi, 15 mars 2011
extrait d'un manifeste contre le travail
Nous (Axel) présentons un extrait du manifeste contre le travail publié par le site anarchiste Kropot.
"Autrefois, les hommes travaillaient pour gagner de l'argent. Aujourd'hui, l'État ne regarde pas à la dépense pour que des centaines de milliers d'hommes et de femmes simulent le travail disparu dans d'étranges "ateliers de formation" ou "entreprises d'insertion" afin de garder la forme pour des "emplois" qu'ils n'auront jamais. On invente toujours des "mesures" nouvelles et encore plus stupides simplement pour maintenir l'illusion que la machine sociale, qui tourne à vide, peut continuer à fonctionner indéfiniment. Plus la contrainte du travail devient absurde, plus on doit nous bourrer le crâne avec l'idée que la moindre demi-baguette se paie. À cet égard, le New Labour et ses imitateurs partout dans le monde montrent qu'ils sont tout à fait en phase avec le modèle néo-libéral de sélection
sociale. En simulant "l'emploi" et en faisant miroiter un futur positif de la société de travail, on crée la légitimation morale nécessaire pour sévir encore plus durement contre les chômeurs et ceux qui refusent de travailler. En même temps, la contrainte au travail imposée par l'État, les subventions salariales et la fameuse " économie solidaire " abaissent toujours plus le coût du travail. On encourage ainsi massivement le secteur foisonnant des bas salaires et du working poor.
La "politique active de l'emploi" prônée par le New Labour n'épargne personne, ni les malades chroniques ni les mères célibataires avec enfants en bas âge. Pour ceux qui perçoivent des aides publiques, l'étau des autorités ne se desserre qu'au moment où leur cadavre repose à la morgue. Tant d'insistance n'a qu'un sens : dissuader le maximum de gens de réclamer à l'État le moindre subside et montrer aux exclus des instruments de torture tellement répugnants qu'en comparaison le boulot le plus misérable doit leur paraître désirable.
Officiellement, l'État paternaliste ne brandit jamais son fouet que par amour et pour éduquer sévèrement ses enfants, traités de "feignants", au nom de leur développement personnel. En réalité, ces mesures "pédagogiques" ont un seul et unique but : chasser de la maison le quémandeur à coups de pied aux fesses. Quel autre sens pourrait avoir le fait de forcer les chômeurs à ramasser des asperges? Là, ils doivent chasser les saisonniers polonais qui n'acceptent ces salaires de misère que parce que le taux de change leur permet de les transformer en un revenu acceptable dans leur pays. Cette mesure n'aide pas le travailleur forcé, ni ne lui ouvre aucune "perspective d'emploi". Et pour les cultivateurs, les diplômés et les ouvriers qualifiés aigris qu'on a eu la bonté de leur envoyer ne sont qu'une source de tracas. Mais quand, après douze heures de travail sur le sol de la patrie, l'idée imbécile d'ouvrir, faute de mieux, une pizzéria ambulante paraît nimbée d'une lumière plus agréable, alors l'"aide à la flexibilisation" a atteint le résultat néo-britannique escompté.
" N'importe quel travail vaut mieux que pas de travail du tout. "
Bill Clinton, 1998
" Il n'y a pas de boulot plus dur que de ne pas en avoir du tout. "
Slogan d'une affiche d'exposition de l'Office du pacte de coordination des
initiatives de chômeurs en Allemagne, 1998
" L'engagement civique doit être récompensé et non pas rémunéré. [.] Celui
qui pratique l'engagement civique perd aussi la souillure d'être chômeur et
de toucher une aide sociale.
Ulrich Beck, l'Âme de la démocratie,1997"
Ce n'était qu'un infime extrait portant sur cette ignominie de forcer les chômeurs à "travailler", c'est à dire à prouver qu'ils acceptent inconditionnellement le projet que la société a pour eux.
(note d'Axel Randers)
Le texte intégral est sur Le site Kropot
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dimanche, 06 mars 2011
L'art de boire les vins
Extrait d'une brochure intitulée Nos grands vins de Bordeaux, publiée Féret & Fils, Editeurs à la fin des années (19)40.
"Savoir boire le vin n'est donné qu'à un gourmet exercé ; savoir le faire boire à ses convives n'appartient qu'à un maître de maison doué d'un tact exquis et d'un goût éclairé.
Un tableau de maître a besoin d'une lumière et d'un entourage favorables pour faire apprécier le talent du peintre ; aucune femme, malgré sa beauté souveraine, n'ignore et ne dédaigne l'art de rehausser ses charmes par un accord harmonieux ou par un contraste savant. Il est, de même, une science et un art de boire les grands vins. Il faut d'abord connaître les caractères qui distinguent chacun des vins que l'on veut servir à ses convives. Il est nécessaire de savoir les offrir avec les mets qui seront de nature à les faire apprécier et d'observer la famme, savamment graduée, qui permettra de faire ressotir tous leurs mérites. Ils gagnent à être servis dans de grands verres en cristal fin.
Après avoir étudié le menu, on décidera quels sont les vins qu'on doit offrir et dans quel ordre ils seront dégustés. Les bouteilles choisies seront prises dans le caveau, apportées avec précaution dans l'office, dans la position verticale, après les avoir relevées délicatement et fait une marque pour savoir où se trouve le dépôt de lie. De cette façon, on évite un va-et-vient qui ne saurait manquer de se produire et troublerait le vin. En le versant soigneusement et dans la même position qu'elle avait dans le caveau, la très vieille bouteille ne sera décantée qu'au moment où elle devra être bue, pour conserver l'arôme et le bouquet du vin. Un vin dans la plénitude de ses qualités doit être décanté quelques heures avant d'être bu.
Le vin rouge doit être chambré, c'est-à-dire porté à graduellement à la température de la salle à manger.
Le flacon qui doit recevoir le vin doit être, en hiver, attiédi légèrement, mais il ne faut pas chauffer le vin. Quand on n'aura pas eu le temps de laisser prendre au vin rouge la température de l'appartement, on pourra y remédier en plongeant dans l'eau chaude les carafes qui serviront à décanter le vin.
Aucun des instruments inventés pour décanter le vin ne vaut la précaution de ne pas déplacr le dépôt et la sûreté de la main.
Dans quel ordre les vins seront-ils servis ?
La règle à observer pour la concordance des vins avec les mets est celle-ci : avec les poissons, les vins blancs ; avec les viandes, les vins rouges généreux ; à la fin du repas, les vins rouges les plus vieux ; au dessert, les vins blancs liquoreux et mousseux.
Les vins blancs seront d'autant plus fortement frappés qu'ils seront plus liquoreux.
Pour la dégustation des vins blancs liquoreux, tels que ceux de Sauternes, il y a parmi les gourmets deux écoles : l'une qui les préfère au dessert, l'autre, au commencement du repas, avec le poisson.
La règle pour la graduation des vins rouges est de commencer par les plus jeunes et les moins célèbres.
Voyons comment ces règles sont observées par les gourmets.
Quelques cuillerées de potage ont, par leur douce chaleur, préparé le palais et l'estomac à remplir leurs utiles et agréables fonctions. Avec les huitres, que suivent le saumon ou le turbot, apparaissent les grands vins blancs de Bordeaux, secs, demi-secs ou liquoreux ; mais, à notre avis, les vins blancs trop liquoreux au début d'un repas empêchent de bien goûter les bons vins rouges qui suivent. Dès que le poisson est enlevé, le sommelier cesse de verser les vins blancs.
Quand le chef sert les viandes, on offre les grands ordinaires et les bourgeois du Médoc, pleins de moelleux et de corps, à la robe purpurine, au bouquet parfumé. C'est avec les grosses viandes, le boeuf roti, le sanglier, le chevreuil, qu'on servira les excellents vins corsés et capiteux, premiers crus de Saint-Emilion ou de Pomerol.
Quand, vers le milieu du repas, les convives sont arrivés peu à peu à cet état de satisfaction où l'estomac, docile encore, ne manifeste plus d'impétueuses exigences ; où le goût, préparé par une savante graduation de sensations, est susceptible des impressions les plus délicates, les grands vins rouges du Médoc font leur entrée triomphale et le sommelier annonce avec orgueil des noms et des dates illustres.
Après ces vins, on peut encore savourer les Sauternes liquoreux et vider quelques coupes écumantes de Champagne".
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jeudi, 10 février 2011
Vanité des arts, vides esthétiques, vacuité des audiences
Une réflexion de Jean Bouchenoire sur la vanité des arts.
Pourquoi l'art contemporain est-il souvent vain ? Parce que bourgeois et artistes se confondent, qu'ils sont à la fois les créateurs d'art, les mécènes (via les grandes entreprises et la fonction publique) et le principal public : c'est la même classe qui créée, qui juge, qui « consomme ».
Le mécénat doit être indépendant de la classe artistique. C'est pourquoi un système dans lequel la même classe (chez nous, la bourgeoisie) se partage la haute fonction publique, les arts, le mécénat d'Etat, etc, est vouée à produire des oeuvres complaisantes, dénuées d'universalité.
L'aristocratie de l'Ancien Régime et le soviétisme ont mieux réussi à soutenir un art somptueux, parce que les artistes ne faisaient pas partie de la classe mécène.
Jean Bouchenoire
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