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mercredi, 10 octobre 2012

Grégoire de Tours II

Grégoire de Tours, jus de baobab, Histoire des Francs, Clovis, Vase de Soissons, salon littéraire

Hier, mardi 10 au soir, eut lieu la seconde séance de lecture de l'Histoire des Francs, de Grégoire de Tours.

Nous étions huit :

Alexandre

Vincent P

Dominique

Dalila

Jérémie

Mavra

Jean-Baptiste

Edith

Nous lûmes une partie du livre deux.

Celui-ci commence ainsi : "Comme nous suivons l'ordre du temps, nous rapportons pêle-mêle et confusément aussi bien les miracles des saints que les massacres des peuples".

Nous finîmes notre lecture juste après le fameux épisode du vase de Soissons. Voici la dernière phrase lue avant de refermer le livre et de se dire au-revoir : "C'est ainsi que pendant la dixième année de son règne, il [Clovis] déclara la guerre aux Thuringiens et les soumit à sa domination".

Nous bûmes du Touraine et du Bourgueil, et du jus de baobab. Nous pensons être les premiers à boire du jus de baobab en lisant Grégoire de Tours... A moins que dans les lycées de la République des colonies d'Afrique, il y a quelques décennies, les étudiants peut-être ont pu allier Grégoire de Tours et le jus de baobab ? Qui sait ?

Grégoire de Tours, jus de baobab, Histoire des Francs, Clovis, Vase de Soissons, salon littéraire

Voir aussi :

Mardi 2 octobre 2012 Grégoire de Tours I

Se procurer l'Histoire des Francs

mardi, 09 octobre 2012

Oh, zones...

Un billet d'Esther Mar sur une musique de Victor Tsoi et Kino.

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Il suffit qu'on change, un quart de seconde, le point de vue qu'on a sur la vie pour sortir de l'enfer et entrer dans un monde très beau.

Et ça on refuse de le faire, parce que c'est trop facile.

Et pourtant, ce n'est que ça, la résurrection.

 

Et pourtant les cauchemars continuent, nuit à après nuit. Insomniapolis mange mon sommeil. La ville nocturne m'emporte dans son monde gore où nous réalisons enfin que nous ne sommes que des zombies. Nos manteaux attaqués par la vermine, nos chaussures trouées traînent dans les flaques banlieusardes. Les monstrueux lambeaux de villes nouvelles, déjà noyées de grisaille et de rouille, vidées de tout ce qui ressemble au bonheur de vivre, s'étendent au-delà des horizons. Reste-t-il des forêts, des étangs, des animaux cachés quelque part en ce monde ?

Ô mon Dieu à quoi servirent nos adolescences ? Vous qui n'existez pas, vous seul, pourrez nous sauver du Vide qui nous entoure et qui n'a pas de fond.

Que reste-t-il de ce que nous fûmes, de ce que nous fîmes, de ce que nous fumâmes ? Où sont les photographies où l'on souriait encore, de ce sourire faux qui fait croire au bonheur et qui pousse l'autre au suicide ?

Nos idoles se sont jetées dans les ravins. Leurs voix tournent encore dans des ordinateurs aux cartes sonores distordues. Nous aimâmes l'idée que nous aimerions un jour comme nous avions aimé au cœur de l'enfance, au creux de notre confiance dans un monde dont nous ne voyions que les illusions, les lumières trompeuses.

Comme j'ai mal. Comme j'ai mal à cette enfance aux grands yeux qu'on a trucidée avec des mots. Comme j'ai mal à cette adolescence aux bouches mornes où pendaient des cigarettes, et qui attendait l'aurore. L'aurore est venue : elle était plus triste encore que les prisons déjà connues.

Les amours que nous rêvions gisent, avortées au bord de l'océan des déchets. Les cargos du bout du monde coulent au large. Quelques oiseaux volent encore, et je m'accroche à la jeunesse comme une folle alors que les premières rides ont creusé leur sillon de mort sur mon visage conscient et résolu.

Vivre, c'est avoir cru et voir qu'on s'était trompé.

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Esther Mar

 

mercredi, 03 octobre 2012

Grégoire de Tours I

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Cornélis Troot

Mardi 2 octobre, entre 20h30 et 22h, au fond d'une cour de Montparnasse, eut lieu la première séance de lecture de L'histoire des Francs, de Grégoire de Tours.

Les officiants de cette messe littéraire furent :

Mavra

Vincent

Anthony

Laurent

Xavier

Dominique

Arnaud

Francis

Jean-Pierre

Fabrice

Nicolas

Edith

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Sara

Saint Grégoire, évêque de Tours et historien (VI°siècle), a écrit le seul témoignage de cette trempe sur son époque mérovingienne troublée.

La première phrase que nous lûmes fut : "Le culte des belles lettre est en décadence et même il se meurt dans les villes de Gaule".

Suivit un résumé de toute l'histoire du monde telle qu'on la voyait à cette époque, depuis Adam et Eve jusqu'à Saint Martin de Tours.

La dernière phrase que nous lûmes fut : "Fin du premier livre contenant les 5596 années qui se sont écoulées de l'origine du monde jusqu'à la mort de saint Martin évêque".

Cette lecture fut accompagnée d'un vin de Franconie (qu'Emmanuelle avait apporté quelques jours auparavant à l'hôtesse de ces lectures) et de vins de Touraine (Montigny). Nectar de griottes et jus de carottes complétèrent ce tableau à boire.

Pour se procurer l'Histoire des Francs, on peut aller par là...

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Voir aussi :

Grégoire de Tours II

lundi, 01 octobre 2012

La fabuleuse plume de Jacques Benoist-Méchin

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N'est-ce pas l'un des plus grands écrivains du XX°siècle - n'est-ce pas le plus grand styliste ?

Un extrait de son Printemps arabe, publié par Albin Michel en 1959 :


"Nous passerons donc cette dernière nuit à l' « Oriental Palace ».

Mais avant de me rendre à l'hôtel, où j'ai fait déposer mes valises, je veux profiter de cette soirée pour faire un tour en voiture et flâner un peu au bord de la mer, au-delà de Shuwaik.

Depuis mon arrivée à Damman, où je l'ai aperçu pour la première fois, le golfe Persique m'est apparu comme une des régions les plus prenantes du monde. Je l'ai revu à Dahran, à Ras-Tanura, à Mina-el-Achmadi, et chaque fois mon bonheur n'a cessé de grandir. Cette étendue de sables et d'eaux entremêlés possède un pouvoir d'envoûtement auquel il est impossible de se soustraire. Je me représentais le golfe comme un bloc d'outremer, enchâssé dans des récifs cuivrés où les vagues viendraient battre sous un soleil implacable. Il n'en est rien. La terre est si lisse qu'on n'en voit pas la fin. Elle glisse sous l'eau par une pente insensible pour renaître quelques centaines de mètres plus loin sous formes d'écharpes de moire, comme si elle ne se résignait pas à mourir.

Le paysage est d'une douceur vraiment édénique. La mer est immobile. La côte a la pâleur du verre dépoli et le ciel répand sur elle un rayonnement diffus. Ce n'est pas par hasard si l'on trouvait ici, jadis, les plus belles perles du monde. Toute la nacre du ciel, de la terre et des eaux venait se condenser au fond des coquilles. Aujourd'hui, les pêcheries ont disparu. Mais le décor n'a pas changé. Il semble toujours prêt à engendrer ces petites sphères irisées, grandies au fond d'une mer caressante et laiteuse.

Le crépuscule descend. L'auto glisse sans bruit le long de la route qui épouse la courbe de la grève. Une plage à peine inclinée, d'une couleur indéfinissable, sépare la chaussée de la mer. Au loin, les palais des princes disséminés dans la plaine allument leurs girandoles roses. On dirait des cuirassés parés pour une fête. Le chauffeur abaisse une touche de son poste de radio. Une voix s'élève comme un sanglot au milieu de toute cette douceur. C'est une chanson française retransmise par Damas.

Oh, je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui...

L'auto poursuit sa course. Des formes indistinctes sont accroupies devant leurs maisons pour jouir du calme du soir. De loin en loin, des filets de pêche que l'on a mit à sécher tendent leur écran transparent, comme une offrande à la nuit.

Tu vois, je n'ai pas oublié
La chanson que tu me chantais

Oh non ! Je ne l'ai pas oubliée ! Que de fois ne l'ai-je pas entendue quand j'étais en prison ! De l'autre côté d'un mur d'enceinte qui le rendait invisible, un prisonnier la chantait à la tombée du jour et je l'écoutais, le cœur battant, à travers les barreaux de ma cellule. Ses accents nostalgiques éveillaient en moi les regrets de ma jeunesse écoulée, de visages aimés que je ne reverrais plus... Et voici que ce refrain vient me relancer jusque sur les bords du golfe Persique, au fond de ce crépuscule grandissant, pour me rappeler mes illusions enfuies et me faire monter les larmes aux yeux. Que la vie est étrange ! Qui m'eût dit qu'un jour j'entendrais s'élever au plus profond de l'Orient cet écho lointain de ma captivité !

C'est une chanson
Qui me ressemble
Toi qui m'aimais
Et je t'aimais

Et nous allions
Tous deux ensemble
Toi qui m'aimais
Moi qui t'aimais

L'un après l'autre, une couronne de feux rouges s'allume au sommet des châteaux d'eau qui dominent la ville. Leur partie haute est opaque. Mais leur base à claire-voie laisse filtrer les derniers rayons du soleil, de sorte qu'ils semblent flotter à la surface du jour.

Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement, sans faire de bruit...

Tout cesse et pourtant tout continue, comme ce paysage suspendu au bord de l'évanouissement. Malgré la tristesse qui m'envahit, je veux savourer pleinement l'enchantement de cette heure. Une vieille carène de felouque dresse vers le ciel ses côtes dénudées. Nous approchons du cimetière de bateaux. Sur la plage, qui semble à présent plus lumineuse que la mer, des jeunes gens dansent en se tenant par la main. Leur ronde tourne sur elle-même, lentement, comme les étoiles. Sentent-ils la mélancolie poignante de cet instant ? Ou n'est-il triste que pour moi ? Pourquoi faut-il toujours s'en aller, s'arracher à ce qu'on aime ?

Déjà les ombres gagnent. Elles dissolvent les formes immobiles accroupies sur le seuil de leurs portes, le profil des maisons, les étraves des navires. Tout cela aussi ne sera bientôt qu'un souvenir... je dis au chauffeur de faire demi-tour.

Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis

Au loin, indifférente à l'heure qui passe, Koweit scintille de tous ses feux".

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Jacques Benoist-Méchin, Un printemps arabe, fin de la troisième partie

 Sur AlmaSoror nous avions déjà mentionné cet écrivain :

Epuration : l'auteur raconte sa condamnation à mort à la Libération

Trois esthètes du XX°siècle : Romain Rolland, Jacques Benoist-Méchin, Raoul Vaneigem

Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin

L'invasion de l'Europe dans les années 700

 

Les photographies qui accompagnent ce billet sont de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

mercredi, 26 septembre 2012

les Sables de septembre

SAM_2864.JPG

Septembre, une fin d'après-midi aux Sables d'Olonne

Reportage de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

Sables d'Olonne, Sables de septembre

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lundi, 24 septembre 2012

Les marais de Bourges

Un reportage photographique de Sara, réalisé au mois de juillet 2012


Ces marais sont le prolongement de la bonne ville de Bourges...

Sara, marais de Bourges

Sara, marais de Bourges

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Allez donc, visiteur, découvrir le site de Sara

mercredi, 19 septembre 2012

L'abbé Suger, maître de l'an 3000

 

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Saint Denys dit la messe devant Charles Martel.
Peinture du Maître de Saint-Gilles

 

Un hommage à Suger par Esther Mar

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Phot Sara

 

Lisez l'épitaphe de l'abbé Suger de Saint-Denis, immense homme d'Etat français, lumière du douzième siècle, par le chanoine Simon Chèvre d'Or de Saint-Victor, qui le connaissait et l'aimait :

 

 

« Il est tombé l'abbé Suger, la fleur, le diamant, la couronne, la colonne, le drapeau, le bouclier, le casque, le flambeau, le plus haut honneur de l'église ; modèle de justice et de vertu, grave avec piété, pieux avec gravité, magnanime, sage, éloquent, libéral, honnête, toujours présent de corps au jugement des affaires d'autrui, et l'esprit toujours présent pour lui-même. Le roi gouverna par lui les affaires du royaume ; et lui, gouvernant le roi, était comme le roi du roi. Pendant que le roi passa plusieurs années outre mer, Suger tenant la place du roi, présida au soin du royaume. Il réunit deux choses qu'à peine quelque autre à pu réunir ; il fut bon pour les hommes et bon pour Dieu. Il répara les pertes de sa noble église, en embellit le siège et le choeur, et la fit croître en éclat, puissance et serviteurs. Il était petit de corps, petit de race, et atteint ainsi d'une double petitesse, dans sa petitesse il ne voulut pas demeurer petit. Le septième jour, jour de sainte Théophanie, lui a ravi le jour ; mais Théophanie l'a fait monter au jour pur et vrai, auprès de Dieu ».

 

L'abbé Suger, né en 1080, mort en 1151, fils de Hélinand, homme du peuple, fut remarqué par l'église, cette église à l'époque si active à travers toutes les franges de la société pour sélectionner des enfants qui montraient des aptitudes brillantes et leur donner les clefs de son Institution... En leur donnant les clefs de l’Épouse du Christ elle leur donnait celles des Cours d'Europe.

Artisan de la France moderne, il eut la primeur du sens de l’État et fut un ardent édificateur de l’État français. Sans l'abbé Suger, la France d'aujourd'hui n'existerait pas. Aussi la France n'est-elle pas qu'un accident de l'histoire, comme l'a dit un homme de notre temps au cours des préparatifs de l'élection présidentielle du mois de mai 2012 ; la France, telle qu'elle nous apparaît dans tous ses aspects géographiques, politiques, intellectuels, artistiques, reflète une construction ingénieuse et obstinée de quelques hommes visionnaires et acharnés. Ils eurent parfois fort à faire, ces hérauts, pour diriger peuples et rois dont ils avaient la charge !

L'abbé Suger donna à la lumière un sens et un pouvoir immenses. Il insista pour que les églises soient inondées de lumière.

"Je suis la lumière du monde", dirent un jour le Chemin, la Vérité et la Vie. Suger l'entendit de cette oreille et il offrit aux pierres d'être le réceptacle de cette lumière et de la refléter sur les esprits aveugles, afin qu'ils s'élèvent.

Le tombeau de Suger dormit au fond de son œuvre, la basilique de Saint-Denis, durant de nombreux siècles. La fureur révolutionnaire profana la Basilique, les tombes des rois et celle de celui qui avait tant fait pour le peuple dont il était issu. On pourrait interpréter cette profanation comme le symbole de la mort de l'ancienne France, de ses vertus, de ses grandeurs et de ses inspirateurs. Que nenni, mes amis. Nous nous rendrons compte dans mille ans quel homme a été Suger, quand il brillera de toute sa gloire sur les hommes de l'an 3000 tournés vers lui avec plus d'admiration qu'ils n'en eurent jamais. Car alors ils accompliront, dans sa perfection, le rêve de lumière de l'abbé de Saint-Denis.

 

Esther Mar, 18 août 2012, pour AlmaSoror s'ils en veulent.

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Phot prise sur WP

 

mardi, 11 septembre 2012

Mariage et patronyme

Michel Issindou, Assemblée nationale, nom des époux, nom du conjoint, patronyme, questions à l'Assemblée nationale, Ministère de l'intérieur, outre-mer, collectivités territoriales, immigration, état civil, hommes mariés, reglementation, Journal Officiel, JO

Peu de citoyens connaissent la loi qui régit leur nom de famille.

Certains croient que la femme DOIT prendre le nom de son mari, quand en fait elle DOIT conserver le sien et PEUT user de celui de son mari ("le mariage n'a pas d'effet sur le nom des époux").

Peu savent que le mari peut tout à fait user du nom de sa femme. Seul l'usage nous donne l'impression que cette prise de nom est unisens.

Le 12 juillet 2011, le député Michel Issindou a posé cette question du nom des époux au Ministre de l'Intérieur.

Le 18, une réponse précisément formulée et instructive est tombée. Voici la question et la réponse, qu'on trouvera à cet endroit sur le site de l'Assemblée nationale.


13ème législature

Question N° : 113910 de M. Michel Issindou ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Isère ) Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration Ministère attributaire > Justice et libertés
Rubrique > état civil Tête d'analyse > nom Analyse > hommes mariés. réglementation
Question publiée au JO le : 12/07/2011 page : 7540
Réponse publiée au JO le : 18/10/2011 page : 11151
Date de changement d'attribution : 02/08/2011

Texte de la question

M. Michel Issindou attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur la situation des époux qui souhaitent adopter le nom patronymique de leur épouse à titre de nom d'usage. Dans sa réponse à la question écrite n° 616 en date du 8 janvier 2008, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique semblait considérer cette pratique comme légale en affirmant qu'en la matière " contrairement à une idée reçue ou une croyance commune, les textes applicables ne distinguent pas les situations en fonction de l'appartenance sexuelle ". En réalité, les intéressés continuent de se heurter au refus de l'administration qui invoque la circulaire du 26 juin 1986 relative à la mise en oeuvre de l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1885. Une réforme législative semble dès lors souhaitable afin de mettre fin à ces divergences d'appréciation et d'établir l'égalité des droits entre hommes et femmes dans ce domaine. Il le remercie de bien vouloir lui faire connaître sa position sur ce sujet.

Texte de la réponse

Le nom de chaque citoyen français est celui qui lui a été transmis selon les règles propres à chaque filiation ou attribué par l'autorité publique et qui figure sur son acte de naissance. Le mariage n'a pas d'effet sur le nom des époux ; chacun conservant son nom de famille. Cependant, en insérant à l'article 264 du code civil une disposition selon laquelle « à la suite du divorce, chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint », l'article 16 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a consacré la possibilité, pour chacun des époux, pendant le mariage, de prendre, à titre d'usage, le nom de son conjoint sans faire de distinction entre l'homme et la femme. Les époux peuvent ainsi adjoindre ou substituer à leur nom de famille celui de leur conjoint dont ils souhaitent faire usage, sans que la circulaire du 26 juin 1986 relative à la mise en oeuvre de l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, qui n'est plus applicable sur ce point, ne puisse leur être opposée. Un arrêté modifiant le modèle de livret de famille sera prochainement publié afin de mettre à jour l'annexe II portant sur les renseignements relatifs à l'état civil et au droit de la famille, et de rappeler ces différentes règles.

 

SAM_2590.JPG

Photos de Mavra

lundi, 10 septembre 2012

Calme, calme, calme à Zurich

 

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Un extrait de MARS, de Fritz Zorn, déchirant pamphlet datant des années 1970

"Dans ma maison de la Krongasse, à Zurich, tandis que je prends des notes pour cet essai, on crie par les fenêtres des maisons voisines : Du calme ! La Krongasse est un séjour privilégié de Zurich car la rue est si étroite que c'est à peine si les autos peuvent l'emprunter et quand par hasard il en passe une, elle glisse sans un bruit jusqu'au bas de la rue. C'est aussi un quartier convenable où il n'y a ni bistrots ni bars et où on n'entend jamais, la nuit, les braillements des ivrognes. Mais ce n'est pas encore assez calme pour les gens. Parfois en effet, à midi, de petits enfants jouent dans la rue, ce qui est commode pour eux justement parce qu'il n'y a pas de circulation. Ces enfants crient parfois en jouant et alors les vieilles femmes de la Krongasse se sentent en droit de crier par les fenêtres : « Du calme ! » Pourtat c'est déjà calme ici, mais il faut que ce soit encore plus calme et c'est pourquoi on crie par la fenêtre « Du calme ! ». Le soir, quand quelques jeunes gens chantent des chansons sur la terrasse, on appelle la police car chanter des chansons constitue un tapage nocturne. À Zurich, quand quelqu'un joue de la guitare après midi près d'une fontaine dans la vieille ville, on appelle aussi la police car c'est une violation de la sieste. Chaque heure du jour a son calme particulier et quand ce calme n'est pas respecté et que quelqu'un chante des chansons, alors la police arrive car, pour le bourgeois, le calme n'est pas seulement son premier devoir, c'est aussi son premier droit. Chacun s'abrutit dans le calme de ses quatre murs et lorsqu'il est dérangé dans son abrutissement par un bruit étranger, il se sent lésé dans son droit à s'abrutir et appelle la police".

 

Extrait de Mars, de Fritz Zorn

Traduit de l'allemand par Gilberte Lambrichs

1977

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jeudi, 06 septembre 2012

Hildegarde, abbesse d'antan

Hildegarde de Bingen, Hildegard von Bingen, O vis aeternatatis, doctoresse de l'église, an 1000

Peut-être qu'elle est la femme que j'admire le plus au monde. Elle demeure mystérieuse à mes yeux, à mon esprit. Je n'ai pas assez de connaissance sur sa vie, sur l'époque qui l'a vue vivre, sur son œuvre et je ne peux que tenter d'imaginer son allure, son regard, sa voix.
Elle soignait, elle composait, elle écrivait, elle dominait les choses du Ciel et celles de la Terre, celles de l'Air et celles du Feu.
J'aimerais qu'un ange de l'étrange entre dans ma chambre, par une belle nuit d'été, et me prenne par la main. Sur le boulevard du Montparnasse un cortège de licornes attendrait. Nous monterions sur l'une d'entre elles, un mâle de sept ans. Nous partirions au galop devant de jeunes passants et des clochards médusés, qui mettraient peut-être sur le compte de l'alcool cette vision d'une nuit de pleine lune, et qui écarquilleraient les yeux, dans une détente suprême de la raison, en voyant notre cortège s'envoler puissamment et poursuivre sa cavalcade à travers ciel.
L'Ange et ses licornes m'emporteraient vers elle. Je n'aurais rien à lui offrir, mais elle sourirait, dirait que cela n'est pas grave, que c'est elle qui va m'offrir à boire un élixir, qu'elle voulait de longue date converser avec moi.
Et nous parlerions ainsi, une nuit entière, dans une abbaye du ciel. Les chants des sœurs en prière dans la chapelle nous parviendraient amoindris par le vent. 
C'est mon rêve.


Elle m'invite la nuit pour parler de Dieu et des plantes, de musique et d'animaux, des mystères de l'âme et du cœur, des tentatives de vivre et des résurrections. Elle est fascinante comme l'aurore au lendemain du monde.
Elle s'appelle Hildegarde. Elle est de Bingen, et de l'an 1000.

 

E CL

vendredi, 31 août 2012

Un monde parfait

Les murs des villes nous dévoilent un monde parfait, un monde sans misère en Afrique et sans rides sur les visages européens, où la solidarité, la diversité et le grand métissage éliminent à tout jamais l'intolérance et l'individualisme. Un monde où les gens arrêtent de fumer et où ils marchent une demi-heure par jour, un monde où les cinq portions quotidiennes de légumes sains emplissent nos corps et où la vache qui rêve dans les champs sourit à l'idée d'être bientôt mangée par un bon citoyen.

Dans ce monde merveilleux qui nous domine, ce monde des affiches publicitaires, sanitaires et associatives, reste-t-il une place pour ton coeur ? Oui, bien sûr, à condition qu'il soit conforme.

C'est ce monde que je te dévoile, via ces affiches que j'ai vues et prises en photo au moyen de mon téléphone androïde HTC.

ECL

 

Pour voir ces images en grande taille, clique ci-dessous et tu rajeuniras :

mercredi, 15 août 2012

Calme du coeur. Les vents suspendus. L'air immobile...

 

Voici un extrait de Jean-Christophe, de Romain Rolland, sur la force véritablement créatrice, qui naît de la douleur et se distingue de la simple vie artistique.

Jean-Christophe, Romain Rolland

 

"Calme du coeur. Les vents suspendus. L'air immobile...

 

Christophe était tranquille ; la paix était en lui. Il éprouvait quelque fierté de l'avoir conquise. Et secrètement, il en était contrit. Il s'étonnait du silence. Ses passions étaient endormies ; il croyait, de bonne foi, qu'elles ne se réveilleraient plus.

 

Sa grande force, un peu brutale, s'assoupissait, sans objet, désoeuvrée. Au fond, un vide secret, un "à quoi bon", caché ; peut-être le sentiment du bonheur qu'il n'avait pas su saisir. Il n'avait plus assez à lutter, ni contre soi, ni contre les autres. Il n'avait plus assez de peine, même à travailler. Il était arrivé au terme d'une étape ; il bénéficiait de la somme de ses efforts antérieurs ; il épuisait trop aisément la veine musicale qu'il avait ouverte ; et tandis que le public, naturellement en retard, découvrait et admirait ses oeuvres passées, lui, s'en détachait, sans savoir encore s'il irait plus avant. Il jouissait, dans la création, d'un bonheur uniforme. L'art n'était plus pour lui, à cet instant de sa vie, qu'un bel instrument dont il jouait en virtuose. Il se sentait, avec honte, devenir dilettante.

 

« Il faut, disait Ibsen, pour persévérer dans l'art, autre chose et plus qu'un génie naturel : des passions, des douleurs qui remplissent la vie et lui donnent un sens. Sinon, l'on ne créée pas, on écrit des livres ».

 

Christophe écrivait des livres. Il n'y était pas habitué. Ces livres étaient beaux. Ils les eût préférés moins beaux et plus vivants. Cet athlète au repos, qui ne savait que faire de ses muscles, regardait, avec le bâillement d'un fauve qui s'ennuie, les années de tranquille travail qui l'attendaient. Et comme, avec son vieux germanique, il se persuadait volontiers que tout était pour le mieux, il pensait que c'était là sans doute le terme inévitable ; il se flattait d'être sorti de la tourmente, d'être devenu son maître. Ce n'était pas beaucoup dire... Enfin ! On règne sur ce qu'on a, on est ce qu'on peut être... Il se croyait arrivé au port".

 

Romain Rolland - Jean-Christophe

Romain Rolland, Jean-Christophe

Un petit groupe se réunit le mardi soir pour lire Jean-Christophe...

Autres extraits de Jean-Christophe :

Digérer les immigrés

France profonde et élite cosmopolite

Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde

 

Sur l'expérience de lecture commune, lire par ici et par là

 

jeudi, 09 août 2012

Le recrutement des hommes qui ont choisi le métier de juger

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L'avocat Isorni s'exprimait ainsi sur les juges.

"Aucune réforme n'aboutit là où n'aboutirait qu'une réforme de la nature humaine. Le recrutement des hommes qui ont choisi le métier de juger fait qu'ils sont en général honnêtes, timides et dociles. Il les faudrait audacieux et révoltés. Mais s'ils étaient audacieux et révoltés, ils n'entreraient pas dans la magistrature. (...) Aucune loi ne donne de l'indépendance à une nature qui s'incline, aucun règlement ne durcit une colonne vertébrale prête à se courber, aucune circulaire n'ouvre des yeux,qui désirent rester clos. (...) Il faudrait une réforme telle que ce serait d'autres personnes qui ambitionneraient de devenir magistrats, une réforme qui ferait que ceux qui revendiquent la mission de juger ne soient plus des citoyens à la recherche d'une vie tranquille et d'une retraite décente. Il n'en est qu'une : assurer aux juges une totale liberté, c'est-à-dire une totale indépendance."

Jacques Isorni
Cité par Gilles Antonowicz, dans sa biographie "Isorni, L'avocat de tous les combats"

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AlmaSoror avait déjà mentionné la phrase de Tolstoï, "Là où il y a jugement, il y a injustice..."

 

 

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lundi, 30 juillet 2012

Le monde, cet hôpital...

 

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"Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté".

 Un extrait de Jean-Christophe, de Romain Rolland

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Christophe et Olivier se lancent à corps perdus dans les luttes sociales, après qu'une famille ouvrière de leurs voisinage - les parents et cinq enfants - s'est suicidée de misère.

Nous sommes à peu près en 1910. Le roman a été publié en 1912.

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[La souffrance] "remplissait le monde. Le monde, cet hôpital... Ô douleurs, agonies ! Tortures de chair blessée, pantelante, qui pourrit vivante ! Supplices silencieux des coeurs que le chagrin consume ! Enfants privés de tendresse, filles privées d'espoir, femmes séduites et trahies, hommes déçus dans leurs amitiés, leurs amours et leur foi, lamentable cortège des malheureux que la vie a meurtris ! Le plus atroce n'est pas la misère et la maladie ; c'est la cruauté des hommes les uns envers les autres. Àpeine Olivier eut-il levé la trappe qui fermait l'enfer humain que monta vers lui la clameur de tous les opprimés : prolétaires exploités, peuples persécutés, l'Arménie massacrée, la Finlande étouffée, la Pologne écartelée, la Russie martyrisée, l'Afrique livrée en curée aux loups européens, les misérables de tout le genre humain. Il en fut suffoqué ; il l'entendait partout, il ne pouvait plus concevoir qu'on pensât à autre chose. Il en parlait sans cesse à Christophe. Christophe, troublé, disait :

- Tais-toi ! Laisse-moi travailler.

Et comme il avait peine à reprendre son équilibre, il s'irritait, jurait :

- Au diable ! Ma journée est perdue ! Te voilà bien avancé.

Olivier s'excusait.

- Mon petit, disait Christophe, il ne faut pas toujours regarder dans le gouffre. On ne peut plus vivre.

- Il faut tendre la main à ceux qui sont dans le gouffre.

- Sans doute. Mais comment ? En nous y jetant aussi ? Car c'est cela que tu veux. Tu as une propension à ne plus voir dans la vie que ce qu'elle a de triste. Que le bon Dieu te bénisse ! Ce pessimisme est charitable, assurément ; mais il est déprimant. Veux-tu faire du bonheur ? D'abord, sois heureux !

- Heureux ! Comment peut-on avoir le coeur de l'être, quand on voit tant de souffrances ? Il ne peut y avoir de bonheur qu'à tâcher de les diminuer.

- Fort bien. Mais ce n'est pas en allant me battre à tort et à travers que j'aiderai les malheureux. Un mauvais soldat de pus, ce n'est guère. Mais je puis consoler par mon art, répandre la force et la joie. Sais-tu combien de misérables ont été soutenus dans leurs peines par la beauté d'une chanson ailée ? À chacun son métier ! Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté. - Mon premier devoir, c'est de faire ce que je fais, et de vous fabriquer une musique saine, qui vous redonne du sang et mette en vous le soleil. 

Pour répandre le soleil sur les autres, il faut l'avoir en soi. Olivier en manquait. Comme les meilleurs d'aujourd'hui, il n'était pas assez fort pour rayonner la force à lui tout seul. Il ne l'aurait pu qu'en s'unissant avec d'autres. Mais avec qui s'unir ? Libre d'esprit et religieux de coeur, il était rejeté de tous les partis politiques et religieux".

 

 

Romain Rolland, in Jean-CHristophe

 

jeudi, 19 juillet 2012

Visa pour Caracas : ouverture

John Peshran-Boor, Jean Bruce, Sara, Visa pour Caracas, VillaBar

Le meilleur livre de Jean Bruce : un polar franco-vénézuélien qui mêle tourments de toutes sortes dans les lieux les plus paradisiaques et qui démontre comment le plaisir des uns se nourrit de la misère des autres. Où l'on s'aperçoit que la plus apparente des sollicitudes cache la plus ignoble des manipulations, et où la mère et l'enfant finissent ensemble dans un monde meilleur.

Conseil de lecture : été, transat, ti punch et musique d'Anouar Brahem.

John Peshran-Boor, Jean Bruce, Sara, Visa pour Caracas, VillaBar
(c)Roman Photo John Peshran-Boor

 

"Éliza fumait, assise au bar. Son regard étrangement fixe lui donnait un air hautain mais, en l'observant de plus près, on remarquait ses pupilles dilatées et une vague expression d'hébétude sous le masque faussement dédaigneux.

Elle portait un fourreau de soie rouge, outrageusement décolleté et fendu très haut sur la cuisse, destiné sans doute à mettre son type nordique en valeur. C'était un chef-d’œuvre de mauvais goût et de vulgarité, mais elle avait une telle distinction naturelle que même ainsi accoutrée, dans le grand salon du bordel le plus coûteux de Caracas, elle avait toujours l'air d'une grande dame, et pas d'une putain ; ce qu'elle était pourtant.

Les autres filles l'appelaient «La Française », avec une pointe de sarcasme et d'envie, et la détestaient parce qu'elle avait toujours refusé d'avoir avec ses compagnes d'infortune d'autres rapports que ceux qui ne pouvaient vraiment être évités. Mais les clients ne s'y trompaient pas : jamais aucun d'eux ne lui avait manqué de respect et les affaires du bordel n'avaient jamais si bien marché que depuis son arrivée.

L'électrophone, dissimulé derrière le bar, diffusait une musique douce. Les lumières tamisées laissaient de vastes coins d'ombre dans le salon or et rouge, au luxe tapageur. Presque toutes les filles étaient là ; une seule étant montée, quelques instants plus tôt, avec un officier de marine européen qui avait longuement hésité avant de faire son choix.

Il était encore très tôt, à peine dix heures. Les clients n'arrivaient généralement pas avant onze heures. C'était un bordel de luxe, pas comme ces « botiquines » du quartier populaire de Catia où se pratiquait « l'abattage » et où l'après-midi était presque aussi chargé que le soir.

Madame Aurora entra soudain, précédant un homme vêtu de sombre. Elle souriait, malgré la torture permanente que lui infligeait sa gaine trop étroite.

 - Suzy, mon petit, voici un compatriote. Il veut absolument connaître une Française car il ne parle pas espagnol.

Elle fit un pas de côté, découvrant un homme brun, trapu, au visage buriné, qui dissimulait son regard derrière les verres fumés de lunettes à monture épaisse. L'homme était vêtu d'un complet léger de fresco bleu marine, d'une chemise blanche avec cravate grise, et portait des chaussures noires aérées. Il baissait légèrement la tête et cachait derrière son dos ses mains fortes couvertes de poils noirs.

Éliza le regarda à peine. Elle ne s'était pas encore habituée à ce qu'on l'appelât Suzy, sous prétexte que cela faisait plus français, et les sourires de « Madame Aurora » lui donnaient envie de hurler.

Madame Aurora demanda au client s'il voulait boire la traditionnelle et obligatoire bouteille de champagne dans un des boxes qui entouraient le salon, ou bien dans la chambre. L'homme préféra dans la chambre. Il le dit d'une voix sourde, à peine audible.

Éliza descendit du tabouret et guida le client vers la porte qui donnait accès au patio. L'un derrière l'autre, sans mot dire, ils montèrent l'escalier de bois qui conduisait à la galerie desservant les chambres. Chaque chambre ouvrait sur cette galerie par une porte-fenêtre. Pas d'autre ouverture, les volets fermés indiquaient que l'endroit était occupé.

Éliza était la seule, parmi les pensionnaires de l'établissement, à posséder une chambre attitrée. Elle avait dit à Madame Aurora ne pouvoir supporter de s'allonger sur un lit encore humide de la sueur des autres, et Madame Aurora, contre toute attente, avait cédé. Cela n'avait fait qu'attiser les jalousies et l'hostilité que la jeune femme avait à supporter ; mais elle s'en moquait bien. Elle vivait dans un monde à part, d'une vie purement végétative, où la marijuana (1) l'aidait à ne plus penser.

(1) Drogue de hachisch. Se fume en cigarettes.

Elle ouvrit la porte, laissa entrer l'homme et referma. Il leur fallait attendre que l'on apportât le champagne. Elle le dit à son compagnon, du ton monocorde qui lui était devenu habituel. Il parut ennuyé, fourra ses mains dans ses poches, sans répondre, et lui tourna le dos pour regarder les gravures licencieuses accrochées au mur.

Elle s'assit sur le lit, laissant l'unique et vaste fauteuil pour l'homme dont le comportement commençait à l'intriguer. Habituellement, ils se jetaient aussitôt sur elle, comme des bêtes, même si la femme de chambre devait entrer d'un instant à l'autre. Celui-ci semblait avoir une préoccupation, qui n'était pas de faire l'amour. Pourquoi était-il venu, alors ? Le cerveau d'Éliza fonctionnait lentement, engourdi par la drogue. Elle pensa soudain que les mains de l'homme lui rappelaient quelque chose... Ces mains fortes et nerveuses, anormalement poilues, elle les avait déjà vues... Quand ? Où ? Dans quelles circonstances ? Sa mémoire refusait de le dire. Elle s'était trop appliquée à tuer sa mémoire, pendant des jours et des jours. Elle baissa les yeux, soudain fatiguée, et cessa de penser. Le vide, le vide bienfaisant..."

Jean Bruce - Visa pour Caracas - 1956 (Presses de la Cité)

John Peshran-Boor, Jean Bruce, Sara, Visa pour Caracas, VillaBar