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jeudi, 28 novembre 2013

Antre

«Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel, des nids ;
mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête».edith à la moto.jpg

mercredi, 27 novembre 2013

27 novembre : billet anniversaire

En 2009, on archivait Karamazov, avec la Variation 14, de Dorian de Smythe-Winther

En 2009, il était une fois l'animal...

AlmaSoror vous salue avec cette jeune fille qui doit être une dame de soixante ans aujourd'hui. Elle marche peut-être encore quelques fois dans le jardin du Palais Royal, regardant les jeunes filles et se souvenant d'un chat d'antan.

1974.Nathalène+Tovaritch324.jpg

Je crois qu'elle habitait dans la rue du Bouloi et que ce chat, qui n'était pas le sien, mais celui de la photographe, s'appelait Tovaritch.

Tout cela nous rappelle un autre souvenir de la rue du Bouloi, un homme plein de douceur nommé Lorenzo.

mardi, 26 novembre 2013

Comment la Province fait ses fous

 Amis de la Province, ne lisez pas ce billet, sauf si une surcharge d'adrénaline bilieuse vous ferait du bien à cet instant. 

Karl-des-Monts écrivit en 1863 son "Martyre dans une maison de fous", après plusieurs internements psychiatriques dus à ses opinions ultramontaines exacerbées. Ces internements abusifs ne lui ont pas fait perdre sa verve, dont il a alors usé pour expliquer au monde comment on fabrique les fous, et comment on les traite, en France, au XIX°siècle.

Ce fragment d'une lettre à son amante fait un sort à "la province".

karl-des-monts, ultramontain, Béotie, antipsychiatrie, internement abusif, asile d'aliénés, province, rumeur, opprobre publique, dénonciation, calomnie

 

«Plus je vais, plus j'observe, plus j'étudie ce qui se passe autour de moi, plus j'arrive à cette conclusion que l'esprit tracassier des petites localités est, par excellence, une des causes génératrices de folie. Malheur, tu le sais, à une imagination ardente et vive si elle vient à s'égarer au milieu de cette Sibérie intellectuelle qu'on nomme la Province. Elle y est bientôt proscrite, honnie, conspuée, car on n'y est admis et estimé qu'à condition de n'avoir ni idée, ni flamme, ni passion. Le terre-à-terre, la platitude dans la vie, le vol humain mesuré à la hauteur d'une pile d'écus, voilà le beau! Pour la médiocrité impuissante qui y grouille, l'imagination est le salpêtre qui rend dangereuses les poudres de perlimpinpin les plus inoffensives ; l'enthousiasme, une peste qu'il faut mettre en quarantaine. Arrière tout ce qui émeut, tout ce qui électrise l'âme, tout ce qui exalte le cœur ! Insensés, trois fois insensés ceux pour qui le boire et le manger n'est pas la seule occupation rationnelle, le but suprême de l'existence ! Dès que surgit une personnalité tranchée, elle y est bientôt mise à l'index, et quiconque se permet d'avoir des allures en dehors de la plate vulgarité des habitudes reçues peut être sûr de ne pas tarder d'exciter l'attention, la surprise et plus encore l'envie de ses compatriotes.

On commence à raconter sur lui des choses étranges, impossibles, stupides, dont les idiots seuls s'égaient d'abord, puis la rumeur montant, montant toujours, il devient pour tous l'original de la contrée, et Dieu sait combien de ces luttes d'un seul contre tous, combien de ces comédies sociales, d'abord futiles, finissent par s'élever à la proportion de drames terribles ! Autant en effet il est difficile aux grandes et sublimes idées de faire leur chemin, autant il n'est pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde qu'on ne fasse adopter bien vite aux oisifs d'une petite ville. Le tout est de bien s'y prendre, et c'est une triste justice à rendre à la province, mais elle fourmille sous ce rapport de gens d'une adresse à faire peur !

D'abord un bruit léger, rasant le sol comme l'hirondelle avant l'orage, pianissimo, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille et piano vous le glisse perfidement à l'oreille. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine et, rinforzando, de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, je ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d’œil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, la bêtise humaine aidant, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription... C'en est fait ! Le mot d'ordre est donné. Chacun crie : « Au fou ! au fou ! » Une porte d'asile d'aliénés s'ouvre... On y précipite celui qui a – comme dit Voltaire – le grand tort d'avoir raison contre tout le monde, et la pauvre victime de l'idiotisme ambiant s'en va méditer au fond d'un cabanon sur la mauvaise étoile qui l'a fait naître dans une succursale de la Béotie ».

 Karl-des-Monts (à l'état-civil Ernest de Garay). Un martyre dans une maison de fous. Bruxelles, 1863.

AlmaSoror et les fous :

La liberté mentale en Europe

Post psychiatrique

Dauphins

Dictionnaire inachevé de la délivrance psychique

Essai de psychonomie

Où est la folie ?

Philosophie d'un grabat d'asile

Le salariat, une aliénation en contradiction avec l'humanisme

dimanche, 24 novembre 2013

Trois splendeurs pour un dimanche soir

Tu entres dans le Panis Angelicus de César Franck. Tu supplies : Ô mon Dieu, que vous existiez ou non, je vous en supplie du plus profond de ce que je connais de mon être, donnez un sens à ma vie !

La musique ne répond jamais rien de verbal aux demandes de l'esprit. Tu ne peux qu'assister aux échanges muets qu'elle et ton âme partagent. Mais quand la musique s'éteint, tu comprends que se donner à un être, à une cause, voilà un vrai sens. Se donner à une patrie, à un art, pourquoi ne le fais-tu pas ? Tu ne renonces jamais vraiment à cet ego qui te fait souffrir. Tu ne plonges jamais sans retour dans le don qui délivre.

Tu t'enfonces dans les Litanies de la Vierge noire de Francis Poulenc. Comme Talleyrand, le Prince boiteux, n'abandonna jamais les régimes politiques qu'il servit avant que ceux-ci ne se fussent abandonnés eux-mêmes, tu ne te trahiras pas afin que les autres puissent toujours te relever quand tu chutes. Celui-là même que tu nommes ton ennemi, te relèvera s'il sait par ta droiture que tu n'as jamais renoncé au noyau dur de ton être.

Tu le laisses t'emporter plus loin que tous les pas de tous les hommes, au fond du Requiem de Duruflé.

Vaincre l'angoisse : celle qui se lève presque en même temps que toi, ou bien, qui s'était déjà levée et que tu reconnais au moment où tu poses ton pied nu sur le parquet rustique de ta chambre. Tant qu'elle est là, elle est le signe et le témoin de ton absence d'espérance, de foi et de charité, car ces trois vertus prendraient autrement toute la place dans ta poitrine.

Le matin éclate de beauté ; pourtant la nuit tombe : splendeur des mystères de la musique qui réconcilie les pôles.

 

(- Qu'entends-je ? Quel est ce bruit ?

- Un chant.

- Le chant du crépuscule ?

- Le chant des druides qui monte du fond du chœur des choristes, à leur insu.

- Les druides ? Dans ces musiques de messe ?

- Jamais les prêtres du gui n'ont abandonné leur peuple celte. Ils se sont dissimulés dans les lieux intérieurs, en attendant que leur gloire éclate à nouveau, folle de joie.)

 

samedi, 23 novembre 2013

Sanctuaire

La maison natale est plus qu'un corps de logis, elle est un corps de songes.

Gaston Bachelard

vendredi, 22 novembre 2013

Une bibliothèque Cornulier : Citadelle

(La bibliothèque dont on vous parle fut créée, trente ans durant, dans un appartement au fond d’une cour du 13 boulevard du Montparnasse, avant de devenir une bibliothèque éparpillée).

 

Titre : Citadelle

Auteur : Antoine de Saint-Éxupéry

Éditions Gallimard - Date 1972

Provenance : achat d'Anne, quel age avait-elle ? Longtemps elle lut ce livre, morceau par fragment, fragment par morceau, avide d'y boire une ambroisie qui la rapprocherait de son propre cœur. "Citadelle, je te bâtirai dans le cœur de l'homme". Mais le cœur de l'homme, où est-il ?

Première phrase : "Car j'ai trop vu souvent la pitié s'égarer". 

Première phrase de la page 30 : "Car ils me proposaient, pour s'y promener plus à l'aise, de jeter bas les murs du palais de mon père où tous les pas avaient un sens". 

Dernière phrase : "Tu es le noeud essentiel d'actes divers". 

Au hasard du livre : Mon cœur d'homme, je t'enfermerai au centre de la citadelle et tu deviendras Dieu et Néant.

 

Titres d'une bibliothèque Cornulier 

 

jeudi, 21 novembre 2013

tout change, les mœurs, les dieux, la langue, les maîtres

 Il signa Khou-Mi ; on croit savoir qu'il s'appelait Jules Boissière. Il mourut à trente-quatre ans, au mois d'août de l'année 1897, à Hanoï.

Ce fragment des Propos d'un intoxiqué nous initie à son style littéraire relevant d'un Parnasse des colonies.

Il nous rappellera peut-être, à nous, AlmaSororiens, les fulgurances de la Noire idole ou encore d'autres expériences psychédéliques. A moins que nous ne préférions les substances des bars de Caracas. Mais quelle fuite ne se termine pas au confessionnal du cœur ?

 

«Depuis une semaine, je délaisse les bouquins longtemps étudiés : j'évoque les plus étranges souvenirs, à travers les magies de l'opium.

En amont de Hué, un matin, nous allions à travers des cours immenses : sur les murs de pierre, une haute futaie faisait déborder ses frondaisons ; des éléphants de calcaire formaient la haie, alternant avec des Titans hécatonchires et des guerriers. Nous arrivions, par de larges escaliers, à des salles que supportaient des charpentes de teck, tordues en chimères, en dragons, en guivres furieuses ; on eût juré que tout cela allait s'animer, ramper, siffler, et se tordre en d'épouvantables combats.

Mais non, tout était mort ; dans les jardins, des ponts de pierre enjambaient de vastes fossés, d'une seule arche ; et de silencieux bonzes y passaient sans daigner nous voir.
... Sous un dôme de granit se dresse une pyramide de marbre ; des caractères d'or y narrent les exploits de S. M. Minh-mang, l'organisateur génial des provinces reconquises par le demi-dieu Gia-long – Minh-mang, le dur dévot, le vieux maître rageur. Il repose près d'ici, et son orgueil se survit dans ce roc érigé pour l'éternité. Sa gloire, célébrée sur le bronze et sur le granit, s'impose à la Terre, tandis que le Roi mort a sa place, comme haut fonctionnaire, à la cour de l'Empereur céleste Ngoc-Hoang.

L'atmosphère de l'obscure pagode où nous entrons, lourde d'encens, prédispose aux hallucinations étranges ; et voici que dans la nuit profonde où scintillent des points de feu, une main inconnue soulève une tenture de soie jaune : deux formes vagues apparaissent près d'un autel. Des prêtres ? non, des femmes en suaire blanc, quelque fantomatique apparition d'outre-tombe.
Elles psalmodient à mi-voix, et j'entends des paroles, tristes comme un regret.

Oh ! ces femmes ! comme elles sont vieilles, les doigts fluets, le visage émacié ! Leur voix claire et tremblante tinte comme un bris de cristal. Et tandis que je me crois le jouet d'une vision, notre guide me souffle à l'oreille : « Regardez ce que vous ne verrez plus jamais : les dernières épouses de Minh-mang ! »

Pendant cinquante ans et plus, elles ont prié dans leur solitude pour celui qui fut le Maître et qui fut l'Époux ; Thieu-tri et Tu-duc sont passés, et après eux passa le triste défilé des rois fantômes, Duc-duc, Hiep-hoa, Kien-phuoc : immuablement fidèles, elles ont prié, devant cette procession d'ombres vaines, elles ont attesté l'immortalité de Minh-mang. Sur cette terre où depuis quelques années tout change, les mœurs, les dieux, la langue, les maîtres, seules elles n'ont pas changé ; tandis que des millions d'êtres en ce demi-siècle ont multiplié leurs génuflexions devant tant d'idoles, elles ont tout oublié, tout ignoré, pour le mort qui, pour elles, comme en elles, vit toujours.
Quand elles disparaîtront à leur tour, il survivra quelque chose de leur amour et de leur prière, qui planera comme un vague parfum d'encensoir dans la lourde atmosphère, sous la crypte sombre où lampes s'éteindront enfin».

Khou-Mi, IN Propos d'un Intoxiqué

 



 

 

mercredi, 20 novembre 2013

Le soldat inconnu

Jean Bouchenoire, notre frère égaré dans des zones mentales sans ozone, nous autorise à publier quelques extraits de son roman Baksoumat. IMG02632-20131014-1833.jpg

C'était il y a vingt ans, encore ; le jour d'une fête nationale du mois de novembre 1984 ou 1985 ; un grand soleil d'hiver éclairait la colline de Montmartre. La ville était somptueuse, les passants de bonne humeur.
Le petit groupe d'amis qui naviguaient entre l'angoisse et la nonchalance, entre la bande et la solitude, s'était retrouvé sur une place montmartroise, pour flâner sans rien accomplir, comme ils faisaient si souvent. Claire Bourdette, Charles Nattua, Karim Fangue, Tugdual Dieubarre et Douglas Jackstone s'étiraient comme des chats sur la place des Abbesses, attendant les amies qui n'arrivaient pas. C'était le 11 novembre, jour où le président de la République française, un bleuet à la boutonnière, dépose un bouquet de fleur sur la tombe disposée sous l’arc de triomphe où repose le Soldat Inconnu devant lequel un pupille de la nation française a déposé, un jour de novembre 1920, dans la chapelle ardente de la froide citadelle de Verdun, une gerbe d’œillets blancs et rouges.
Les jeunes femmes qu'on attendait arrivèrent au rendez-vous sur la place montmartroise, pavoisées de papiers collés à leurs vêtements, portant des pancartes vindicatives.

Elles annoncèrent qu’elles allaient, sous la bannière du féminisme, se recueillir sur la tombe de la femme du soldat inconnu.

- La femme du soldat inconnu ? S'étonnèrent leurs amis.

Estelle Valpré, Catherine Lemanesco, Muriel Labouje, Danièle Galiéreau et d'autres jeunes femmes dont Douglas avait depuis oublié les noms, démontrèrent à quel point la cérémonie du soldat inconnu était misogyne. La femme, qui avait porté seule la société, durant les deux guerres mondiales du XXème siècle, en 1914-18 et en 1939-45, quand les hommes étaient tous sur le front, ne méritait-elle pas un hommage ?
Douglas, Charles et Karim, placides, acquiesçaient. On remarqua trop tard la pâleur extrême qui s'était faite sur les joues de l'archange. Les babillages anodins des jeunes gens allaient reprendre, quand la foudre monta du tréfonds du corps de Tugdual.
Il hurla comme le tonnerre.
Debout face à ces femmes qu'il toisait de haine, il cracha sa révolte. Ainsi, elles osaient comparer le sort du soldat esclave, déchiqueté dans la boue des tranchées, et la femme restée dans son village ? Sans honte, elles commémoraient la femme du soldat inconnu comme si son statut avait droit à autant de commisération et d’amour que celui du Sacrifié.

- S'il faut commémorer une victime féminine inconnue, criait-t-il, érigez une statue à la femme enceinte de père inconnu. La domestique violée, la jeune cousine bousculée, la femme enceinte d’un homme qui a passé son chemin et la laissera seule élever un enfant dont il ne s'est pas soucié d'empêcher l'existence. Laissez sa misère au soldat inconnu, laissez-lui  sa  misère, laissez-lui sa gloire !

Les touristes japonais et américains que la place des Abbesses accueillait écoutaient, médusés, cet homme accabler des manifestantes bariolées de pancartes féministes.

- Agenouillez-vous, lâches, devant la mémoire de celle qu'on appela la fille-mère, dont l’enfant n’aura pas les mêmes chances que celui que son géniteur aura reconnu : combien d’enfants sans père ont ignoré que l’homme qui leur avait, dans un geste de mépris souverain, donné la vie, avait épousé une autre femme et remplissait ses devoirs paternels en méprisant beaucoup les femmes seules avec leurs bâtards ? Combien de chrétiens défilent pieusement à des manifestations contre l'avortement, en oubliant les coups qu'ils ont tirés chez des prostituées de treize ou quatorze ans, durant les deux années de service militaire en Afrique ? Chantez celle que les bourgeoises mariées ont moqué ou considéré avec condescendance, sans savoir que c'était leur père, leur mari, leur fils l'auteur du péché. Remémorez-vous le courage de la mère seule, l'ignominie du riche qui pistonne ses légitimes aux places de patrons et refuse les droits sociaux à ses bâtards ignorés, mais paix ! Paix ! Paix à celui qui s'est battu à votre place. Paix à celui qui tremblait de peur au milieu des obus, dans une fraternité de désespoir avec les autres mâles sacrifiés comme des bêtes, pendant que les mères, les femmes, les sœurs leur tricotaient tranquillement des chaussettes dans leurs chaumières. La femme du soldat inconnu a eu faim ? Pauvre petite ! Elle a remplacé l’homme à l’usine ? Comme c’est triste ! Et elle se plaint de ne pas avoir la même flamme allumée que celui qui rendait ses tripes dans la boue ? C’est donc cela, le féminisme, la revendication des larves à être admirées autant que les papillons ?

Murmures et grondements s'emparaient des badauds. Tugdual se tourna vers la foule et cria :

- Agenouillez-vous devant le soldat éventré, tailladé, mutilé, abandonné dans la boue !

Tugdual signait, ce jour là, sur la place des Abbesses, son arrêt de mort dans l'esprit de presque toutes ses amies. Seule Catherine - l’étrange, la sympathique Catherine Lemanesco - l’avait pris par l’épaule et lui avait murmuré des secrets. Une conversation chuchotée dont Tugdual n’avait jamais répété la teneur à Douglas. Que s'étaient-ils raconté de leurs vies respectives, jusqu'où avaient-ils marché après s'être éloignés du groupe et descendu une rue dégagée de la butte Montmartre, d'où on voyait Paris s’étendre sur la plaine ? Ils étaient descendus vers le ventre de la ville et en étaient revenus silencieux.
Estelle Valpré et Danièle Galiéreau n'avaient plus jamais adressé la parole au « monstre » ; Muriel, toute jeune, n'avait pas paru insensible aux arguments de l'archange. Elle était hésitante, ne sachant à qui donner raison.

Extrait de Baksoumat, de Jean Bouchenoire

 

lundi, 18 novembre 2013

Saba

émile mâle, L'art religieux du XII° siècle au XVIII° siècle, austris, saint-sernin, dijon, reine pédauque, reine de saba, légende occidentale, pied d'oie, pied d'âne, saint-bénigne

J'écoute une douce musique américaine, d'un de ces nombreux princes versatiles de la ville de New York. Dehors, la nuit est déjà tombée : l'automne s'enfonce vers l'hiver. Quelques fenêtres forment des rectangles oranges ou jaunes, à cause des lumières intérieures qui les éclairent. Le reste de la cour, de la façade, est plongé dans les ténèbres. Je suis à moitié allongée sur mon lit. J'ai une vision métaphysique que je tente de faire passer en respirant profondément. A l'autre bout de la maison, ma mère déchire du papier dans son bureau en face de la cuisine. Quand je lève la tête, je m'amuse, moi à discerner les gravures mignonnes et grossières de ma petite armoire bretonne. Je lis un livre intitulé L'art religieux du XII° siècle au XVIII° siècle, publié en 1945 par l'historien de l'art Émile Mâle. En voici un fragment, qui raconte un peu la belle et mystérieuse reine de Saba.

"Au portail de l'église Saint-Bénigne de Dijon, qui ne nous est connu que par un dessin de Dom Plancher, on retrouvait le Christ apocalyptique et les grandes statues ; près des rois bibliques on voyait une reine.

Cette mystérieuse reine va, cette fois, nous livrer son secret. En étudiant le dessin de cette figure, on remarque un détail, qui semblerait incroyable, si des témoignages anciens ne le confirmaient : la reine du portail de Saint-Bénigne avait un pied d'oie. L'artiste de Dijon avait donc représenté cette fameuse reine Pédauque, qui n'était autre que la reine de Saba.

L'imagination juive et l'imagination arabe travaillèrent longtemps sur la reine de Saba. L'Orient lui créa une légende romanesque, où les djinns ont leur rôle. Sur l'ordre de Salomon, ils apportent à Jérusalem le trône d'or de la reine, qui le reconnaît avec surprise dans le palais du roi. Salomon la reçoit dans une salle au pavé de cristal : la belle reine, se croyant au bord de l'eau, relève sa robe et laisse voir ses pieds hideux. La légende orientale parle de pieds d'âne, la légende occidentale, de pieds d'oie. Dès le XII° siècle, un texte qui s'est conservé dans un manuscrit allemand nous représente la reine de Saba avec un pied d'oie. On ne trouve pas de texte aussi ancien en France, mais la statue de Dijon prouve qu'au XII° siècle la tradition y était parfaitement connue. Il se pourrait que cette reine au pied d'oie eût été représentée pour la première fois par les ateliers toulousains, car on voyait encore, du temps de Rabelais, une image de la reine Pédauque à Toulouse ; on y montrait son palais et ses bains, et on associa longtemps sa légende à celle de la jeune princesse Austris, baptisée par Saint Sernin.

La reine au pied d'oie du portail de Dijon était donc, on n'en saurait douter, la reine de Saba. Et il devient non moins certain que la statue de roi, qui lui faisait face, représentait Salomon ; c'est David, sans doute, qui l'accompagnait. Pourquoi la reine de Saba avait-elle été figurée dans la compagnie des héros de l'Ancienne Loi et des apôtres de la Loi Nouvelle ? C'est que, suivant la doctrine du moyen âge, elle symbolisait le monde païen venant au Christ, elle préfigurait ces Mages qui, comme elle, cherchaient le vrai Dieu. Or, le Voyage et l'Adoration des Mages étaient précisément représentés au linteau de Saint-Bénigne."

Extrait de L'art religieux du XII° siècle au XVIII° siècle, d’Émile Mâle.

D'Emile Mâle, sur AlmaSoror, on avait aussi les étoffes de pierre...

18 novembre : billet anniversaire

Au 18 novembre 2012, dans AlmaSoror :

L'orgueil, extrait du manuel de spiritualité de l'abbé Saudreau

Et : Ces bêtes qu'on abat, des chevaux qui attendent...

 

Au 18 novembre 2011 :

Vigny aux temps électros

 

Au 18 novembre 2010 :

Une mère présente Hommes sans mère, d'Hubert Mingarelli

 

Au 18 novembre 2009 :

L'archivage de Karamazov avec les Songes, de Paul de Cornulier

1974.Alice,Tovaritch,AnnedeLaRocheSaintAndré346.jpg

vendredi, 15 novembre 2013

Une bibliothèque Cornulier : Le pays où l'on n'arrive jamais

(La bibliothèque dont on vous parle fut créée, trente ans durant, dans un appartement au fond d’une cour du 13 boulevard du Montparnasse, avant de devenir une bibliothèque éparpillée).

 

Titre : Le pays où l'on n'arrive jamais

Auteur : André Dhôtel

Illustrations : Michel Gourlier

Éditions Mame

Date 1959

Provenance : acheté à Villes-sur-Auzon, en août 2011, au Cagibi, sur la place, par Édith. Le libraire jouait aux boules sur la place. Nous nous perdions et nous retrouvions dans sa librairie fascinante, petite et si encombrée. Pour payer, nous l'appelâmes : il laissa ses boules, vint encaisser nos chèques, s'en repartit jouer. 

Première phrase : "Il y a dans le même pays plusieurs mondes véritablement". 

Première phrase de la page 30 : "Il n'apercevait pas le chemin de la scierie, mais les prairies vallonnées qui descendaient vers une lisière lointaine".

Dernière phrase : "Mais quelles que soient les aventures nouvelles qui nous attendent en compagnie d'un cheval pie traversé par la foudre, JAMAIS NOUS NE QUITTERONS LE GRAND PAYS". 

Cri silencieux du cœur : Un livre qui m'avait fait rêver à la sortie de l'enfance. Je devais avoir dix ans. Je n'ose plus le relire, comme ces livres qu'on a trop aimés.

 

Une bibliothèque Cornulier : les titres

 

jeudi, 14 novembre 2013

Extrait II du journal de Baude Fastoul de Kevin de M-L

 journal, baude fastoul, confrérie

16 novembre 2012

Je découvre l'histoire de Lizzie van Zyl, qui me fait comprendre à quel point Anglais et Américains ont créé les horreurs dont ils accusent les autres en permanence. Faut-il plonger dans le vertige face à l'horreur des souffrances qu'on inflige aux enfants, aux animaux, aux êtres ? Ou bien fermer les écoutilles et vivre la meilleure vie possible sans se laisser abattre par l'enfer qui nous frôle ? Christ, qu'en dis-tu ? Comment interpréter tes actes ?

La morale est-elle possible ? Ou bien le monde n'est-il qu'une suite de souffrances répétées ? Faut-il « se battre » pour une amélioration du monde ? Ou bien simplement prier et purifier son propre cœur ?

Enfants qui êtes nés pour subir les sévices d'êtres pour lesquels vous n'étiez qu'amour et générosité, bêtes qui ne comprenez pas qu'on vous transforme en chairs souffrantes et affolées, êtres de toutes sortes, abattus dans leur vol, puis mourant lentement au sol, dans l'incompréhension et le mépris... Quel est votre message ? Existez-vous ? Ne sommes-nous, les uns les autres, que les images de notre propre cauchemar ? Quel pouvoir avons-nous sur notre propre vie, sur la vie de celui qui est à côté de nous ? Est-il réellement possible de sauver quelqu'un ? Et si cette question existe, alors est-il réellement possible d'assassiner quelqu'un ? Cet éternel pourquoi devant la misère la plus poignante, a-t-il un sens ?

Quel est ce bouge que nous appelons « réalité » ? Et cette phrase qu'une étrange Édith Morning écrivit un jour : "Si j’avais su que les rêves sont réels et le monde illusion, j’aurais inversé ma vision de la liberté et celle de la prison. Mais les menteurs amers disent décriant les images qu’elles sont illusoires, et nous entraînent dans leur " réel " qui n’existe que dans leurs sombres couloirs".

Vérité, as-tu une consistance quelconque, quelque part ?

 

Kevin de Motz-Loviet

 

En savoir plus sur la Confrérie de Baude Fastoul

AlmaSoror avait déjà publié un premier extrait du journal de Kevin.

 

 

 

mercredi, 13 novembre 2013

Contes pour l'âge de raison

Le presseur d'orange

Visite nocturne

Mémoires d'une gangster

Peine de cœur

L'Olonnois

Pavillon sans quartier

mardi, 12 novembre 2013

12 novembre : billet anniversaire

12/09/12 : entre dans le journal de Léonard de Vinci

12/09/10 : Poétique d'Armel Guerne

12/09/09 : L'intégrale pour présenter quelques fonctions usuelles

Leonard de Vinci, Armel Guerne, Laurent Moonens, Fonctions usuelles, intégrale

lundi, 11 novembre 2013

La paix du jour

13, boulevard du montparnassePhot Edith

Un jour férié, indécis, au cours duquel alternent des rayons de soleil jaunes et des halos de blancheur. L'asphalte parisien accueille mes chaussures usées de l'arpenter, un air de piano britannique trotte en mon esprit. Je n'en reviens pas d'être vivante aujourd'hui, pour un temps si court, dans lequel pourtant s'immisce quelquefois l'ennui. Construire ma vie, une grande difficulté à mes yeux incertains. Tant qu'on est là, pourquoi ne pas essayer ? Entre deux souffles, entre deux morts, entre deux eaux, suivre le fil des saisons en tâchant de respirer à leur rythme.

rue de bagnolet

phot Lau