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vendredi, 27 décembre 2013

Cinéma qui es-tu ?

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Voir le film d'Yves Robert, la Guerre des boutons, réalisé dans les années 60 d'après le roman de Louis Pergaud, magnifique, aux cadrages inventifs et charmants, aux trouvailles esthétiques et expressives incessantes, et voir ensuite ses adaptations datant des années 90 de la trilogie de Marcel Pagnol, La gloire de mon père, Le château de ma mère et Le temps des secrets, conduit à ne pas croire qu'il est l'auteur de ces films, en tout cas l'auteur le plus important. Car La guerre des boutons est un chef d'oeuvre ; la trilogie Pagnol, de sympathiques petits films académiques. Comment le même homme pourrait avoir réalisé ces films à la puissance si différente ? La même question se pose pour Alain Resnais : est-il possible qu'un même homme bouleverse le cinéma avec le somptueux film L'année dernière à Marienbad, et réalise ensuite des gentilleries fades telles que On connaît la chanson ? Un artiste ne pourrait pas se le permettre, il en serait incapable. Le gouffre qui sépare l'oeuvre enivrante, profonde et inventive du film distrayant sans idée de sens ni de forme est tel qu'il est impossible que le même homme les ait pensés et voulus. Je conclus donc que nous ignorons le nom de l'auteur – des auteurs, peut-être – de films tels que La guerre des boutons et L'année dernière à Marienbad. Dans l'avenir, peut-être que des noms inconnus à nos oreilles paraîtront familiers aux cinéphiles : des noms de producteurs, de directeurs de la photographie, d'assistants-réalisateurs restés anonymes ou obscurs jusqu'alors, mais la somme de leurs films restera comme les joyaux du cinéma et le lien émergerai de lui-même entre ces films aux réalisateurs si différents. Nous avons coutume de penser que le réalisateur est le cinéaste, l'artiste. C'est parfois, c'est souvent faux. Des noms émergeront. 

Katharina Flunch-Barrows

mardi, 24 décembre 2013

Demain, Paris

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Quand je traverse le treizième arrondissement de Paris, j'imagine toujours qu'un jour, ces tours construites sans amour, sans esthétique, sans grandeur d'âme, ne seront qu'un souvenir du temps où l'on entassait les gens à l'intérieur de tubes et de carrés de béton, de métal et de plastic. Nous marcherons au milieu des jardins, des cours d'eaux, des potagers, des lacs, des petits salons urbains, au printemps, à l'été et à l'automne, tentant vainement de décrire aux enfants qui nous entourent qu'à l'endroit de ce paradis il y eut un temps l'enfer urbanistique des années 1950-2020. L'hiver, sous les verrières, dans les salons d'hiver, nous contemplerons les serres et les œuvres éphémères créées par la trace de la pluie et par la neige.

Paris sera beau.

lundi, 23 décembre 2013

Du Victimat

 victimat, statut de victime

Une des plus grandes souffrances réside dans l'exclusion sociale. Or, cette exclusion étant pratiquée par l'ensemble de la société, elle est justifiée par cette société et n’apparaît pas comme une exclusion mais comme une justice.

Autrement dit ce n'est pas en tant qu'injustice qu'une injustice fait souffrir mais en tant que justice officielle.

Les victimes réelles d'une société ne peuvent être reconnues comme telles, sinon elles ne le seraient pas (victimes).
Les injustices, inégalités, ne peuvent être perçues comme telles par une société donnée. Elles ne sont perçues qu'à partir du moment où elles ne sont plus la norme, autrement dit a posteriori, quand l'analyse critique a gagné une bonne partie des couches sociétales.

Si donc une société, par le biais de ses politiques sociales, culturelles, médiatiques, offre un soutien quel qu'il soit, même critiquable, à des « victimes », on peut être sûr qu'il ne s'agit pas des principales victimes de cette société. Celles-ci sont cachées derrière le statut de coupables, ou leur existence n'est pas reconnue.

Se plaindre (d'une enfance pauvre, d'une couleur de peau, d'un sexe maltraité) c'est savoir qu'on a les moyens de dominer un jour ou l'autre, c'est donc être sorti de l'exclusion profonde. Celui qui souffre au plus profond sait que sa plainte ne recueillera que le rire, l'indignation ou l'indifférence.

 

Toi

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Je ne sais pas qui tu es, toi, l'un des visiteurs d'AlmaSoror, toi qui par tes clics participes à cette statistique actuelle de 450 à 700 visites par jour sur ce blog qui te ressembles peut-être.

Tu ne commentes jamais, ou presque jamais, les billets que tu lis certainement.

Tu viens ; tu reviens.

Aussi est-ce un peu pour toi que je me lève le matin.

Quand l'architecture bancale de mon moral s'effrite, quand l'édifice incertain de mon mental s'effondre, il reste toi dont la trace sur mon tableau de bord participe à la régularité des battements de mon cœur.

Sur le conseil de certains, j'ai tenté, quelque temps, d'ajouter un moyen de paiement paypal dans la colonne de gauche, mais ce bouton me gênait. Parce que j'étais contente d'avoir créé un lieu aussi gratuit, intemporel et étrange que le monde dans lequel je voudrais vivre. Aussi l'ai-je ôté.

Je pense que je t'aime. Je ne suis pas sûre que nous nous aimerions si nous nous rencontrions dans un endroit dit réel. Pourtant il faut bien que l'on s'aime pour que je t'écrive et que tu viennes visiter les terres poussiéreuses d'AlmaSoror (d'une poussière blanche et lumineuse, intangible).

En quelque sorte, je voulais te dire Merci.

 

Edith d'AlmaSoror

dimanche, 22 décembre 2013

Appel à textes/photographies

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Visiteurs d'AlmaSoror,

voudrez-vous participer à l'Âme-Soeur, le temps d'un billet ? Le temps d'écrire, dessiner ou photographier quelque chose qui aurait pour titre :

 

À Saintes, dans cette chambre qui donne sur la rue Bourignon...

 

La date butoir pour envoyer votre contribution à AlmaSoror (almasoror.plateforme AT  gmail.com) est le 31 décembre 2013.

Les contributions seront publiées au compte-gouttes, chaque semaine.

vendredi, 20 décembre 2013

Monde parallèle et réalité officielle

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J'entends souvent accuser des gens d'être des "journalistes autoproclamés", comme si, pour dénicher, diffuser l'info à ses concitoyens, il fallait un agrément de l’État ou d'une école privée.

C'est le Centre National du Cinéma, institution publique, qui décide qui a le droit à la carte de producteur et quels films, français et étrangers, pourront sortir dans les salles de cinéma de France. Autrement dit, si l'on veut s'intéresser au cinéma libre, il est inutile de se rendre dans les salles de cinéma, ou de voir des films sortis officiellement, quel que soit le nombre de fois où les mots "résistant, audacieux, rebelle" sont prononcés à leur propos.

Hors subventions, directes ou indirectes, se trouve l'art parallèle, non officiel. De l'avis de beaucoup, il vaut moins, puisque ne bénéficie d'aucune reconnaissance des administrations, des institutions, des associations professionnelles.

Ce qui distingue l'officiel (le proclamé) de l'autoproclamé, ce n'est pas le propos, c'est le statut.

Or, ce statut n'est pas anodin. Ce statut donne à la personne - artiste, journaliste ou kwakseswa d'autre -, une chambre au Grand Hôtel de la Réalité Officielle. Le manque de statut force la personne à zoner parmi les rues sauvages du monde tel qu'il est.

Le statut influence les conditions de production de l’œuvre, les conditions de réalisation d'un reportage. Autrement dit, le statut se ressent dans le résultat final.

Ne pas attendre le statut pour agir, ainsi avance l'artiste libre, ainsi cherche le reporteur indépendant ; ne pas exiger le statut pour aimer, ainsi furète l'esthète autonome ; ne pas se fier au statut pour croire ou ne pas croire, ainsi se renseigne le citoyen conscient.

jeudi, 19 décembre 2013

R.I.P.

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Il n'y a aucune raison, aucune raison pour que je parte, aucune raison pour que je reste. Il y eut des soleils matinaux et des après-midi de pluie, ton regard éternel et ta silhouette qui vaquait. Désolation de savoir que nous nous sommes si peu compris. Il y eut l'attente, la terreur, les mots durs, l'âme chiffonnée et l'envie d'en finir - et puis toujours la carte bancaire qui autorisait une réconciliation au milieu des autres, au cœur de la ville, là où toutes les disputes commencent et s'achèvent. Il y eut les tentatives d'isolement, quinze jours à la campagne avec une voiture qui démarrait une fois sur deux. Tes bouteilles d'alcool dans le coffre et mon renoncement à te faire des réflexions. J'avais l'impression réelle de vivre, à certains moments, dans les rires comme dans les pleurs et dans les courses après les amis qui allaient et venaient. Il y eut surtout l'impression de sous-vivre, de ne pas vivre, de ne plus ressentir ni le manque, ni la nuit en impulsion. Je ne sais même plus comment nous nous sommes rencontrés, sans doute un jour sans soleil ni pluie où nous avons cru pouvoir croire à un éternel présent ?

Te voilà parti, fils du rock français et de la chanson américaine, amoureux de tout ce qui ne te remettait pas trop en question. Te voilà claqué, sans avoir été trop longtemps HS. Te voilà habillé de velours, dans ce linceul qui te sied mal. Te voilà perdu pour les sensations, pour les bars, pour les étonnements, pour les cris, pour les larmes et pour la stimulation intellectuelle. La bande passante de tes humeurs s'est stoppée net. Des images de toi, des photographies de nous  - ratées -, des dialogues amusants que nous eûmes surgissent du passé et se dressent en un panthéon dans mon esprit mortel, mais vivant.

Ta mort me touche, ta mort s'exprime tellement mieux que nous tous. Elle dit : "c'est fini" et elle ajoute "et c'est tout". Qu'importe les disputes psycho-sociales autour de ta dépouille et de cet accompagnement aux portes de l'Adieu... D'autres souffrent beaucoup plus que moi, d'autres ont tout perdu et n'emportent, de ces longues années à tes côtés, que l'image finale d'un mercredi matin où tout a basculé.

R.I.P. : ce pourrait être une marque de fringues, un groupe musical, un code clanique ; ce sont les initiales de Requiescat in pace.

Ce matin, j'écoutais Hyacinthe House en contemplant rien du tout qui passait par la fenêtre.

mardi, 17 décembre 2013

La maternité

la maternité, mathieu simonet

"Parfois, elle arrête le temps pour écouter, fervente, Can't get enough de Barry White, ou les Nocturnes de Chopin. Elle aurait voulu être un gros bonhomme noir américain originaire de la Nouvelle-Orléans, qui fume des cigares en faisant le piano-bar dans des boites new-yorkaises. C'est raté".

Témoignage 199

Sur l'un des blogs de Mathieu Simonet, La Maternité, les témoignages se succèdent et coexistent.

dimanche, 15 décembre 2013

Songe d'une brume gothique

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 Ils se sont pendus dans la maison où dormaient tranquillement leurs enfants. Ils ont sauté par la fenêtre un jour d'été (au déjeuner il y avait eu une crise de fou rire, puis de la musique pendant un bon café). Ils se sont jetés sous un train une semaine après l'annonce d'une bonne nouvelle. Ils ont avalé cent pilules dans une salle de bains éclairée aux néons. Ils ont décroché le fusil de chasse du vieux mur et l'ont tournés sur eux par une nuit étoilée. Il ont sauté du Pont-Neuf ou du pont du Gard, ils ont roulé à 280  kilomètres heures vers un platane.

Des gens les aimaient. Des enfants les attendaient. Des chiens les veillaient. Des parents les pleurent encore.

Ne cherche pas d'indices dans leur vie, dans leurs rapports avec les gens qui les entourent, dans leurs hauts et bas ; c'est leur âme qui appartient à la mort. Nul culpabilité ; mais un engrenage, un cercle infernal au sein duquel ils sont prisonniers, comme dans des sables mouvants.

Ne te fouette pas, ne t'ensevelis pas sous des seaux de culpabilité inadéquats. C'est leur âme qui appartient à la mort, comme la tienne appartient à la vie. Vos chemins se sont croisés sans que tu n'aies rien pu faire. Tu les as aimés tous les jours de ta vie sans que cela les retienne.

Ils étaient détestés, charmants, enviés, adorés, tolérés, beaux, laids, forts, fragiles, intelligents, médiocres, tendres, violents, fidèles, instables, rigides, détendus, amoureux, solitaires, fêtards, religieux, bon vivants, végétaliens, chasseurs, surfeurs, poètes, comptables, souriants, boudeurs. Vous vous ressembliez comme deux gouttes d'eau peut-être. Tu te demandes pourquoi tu te lèves encore lorsqu'ils ont quitté cette vie par effraction. C'est leur âme qui appartenait à la mort et qu'aucun contre-sortilège n'a su charmer.

 Edith

(Sur AlmaSoror : les yeux, les tombeaux, l'esclave)

 

samedi, 14 décembre 2013

κούφα σοι χθὼν ἐπάνωθε πέσοι

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Image extrait d'À TRAVERS LA VILLE, de Sara

 Alexandre Marius Jacob fut l'anarchiste qui inspira à Maurice Leblanc le personnage d'Arsène Lupin. Chef de la bande des Travailleurs de la nuit, rois de la cambriole, il mena plus de 150 vols de riches maisons, récolta un butin démentiel (qui équivaudrait aujourd'hui, d'après de savants calculs, à 15 millions d'euros), butin consacré entièrement à la cause anarchiste (publication aux revues, aide aux familles des prisonniers...)

Face à ses juges, M.A. Jacob ne perdait ni sa verve, ni le Nord, comme en témoigne le texte qu'il leur adressa, Pourquoi j'ai volé.

"Plutôt que d’être cloîtré dans une usine, comme dans un bagne ; plutôt que mendier ce à quoi j’avais droit, j’ai préféré m’insurger et combattre pied à pied mes ennemis en faisant la guerre aux riches, en attaquant leurs biens. Certes, je conçois que vous auriez préféré que je me soumette à vos lois ; qu’ouvrier docile et avachi j’eusse créé des richesses en échange d’un salaire dérisoire et, lorsque le corps usé et le cerveau abêti, je m’en fusse crever au coin d’une rue. Alors vous ne m’appelleriez pas « bandit cynique », mais « honnête ouvrier ». Usant de la flatterie, vous m’auriez même accordé la médaille du travail. Les prêtres promettent un paradis à leurs dupes ; vous, vous êtes moins abstraits, vous leur offrez un chiffon de papier.

Je vous remercie beaucoup de tant de bonté, de tant de gratitude, messieurs. Je préfère être un cynique conscient de mes droits qu’un automate, qu’une cariatide.

Dès que j’eus possession de ma conscience, je me livrai au vol sans aucun scrupule. Je ne coupe pas dans votre prétendue morale, qui prône le respect de la propriété comme une vertu, alors qu’en réalité il n’y a de pires voleurs que les propriétaires.

Estimez-vous heureux, messieurs, que ce préjugé ait pris racine dans le peuple, car c’est là votre meilleur gendarme. Connaissant l’impuissance de la loi, de la force pour mieux dire, vous en avez fait le plus solide de vos protecteurs. Mais prenez-y garde ; tout n’a qu’un temps. Tout ce qui est construit, édifié par la ruse et la force, la ruse et la force peuvent le démolir.

Le peuple évolue tous les jours".

La suite se lit par ici...

On peut aussi lire ses Souvenirs d'un révolté par là.

 

Alexandre Marius Jacob passa 23 ans au bagne de Cayenne, puis revint vivre dans la commune de Reuilly. Il s'y suicida en 1954 par injection volontaire d'une overdose de morphine (et suicida aussi son chien Negro), le jour de ses 75 ans, après avoir offert un dernier goûter aux enfants du village, et l'on retrouva chez lui ces mots : ...linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J'ai la cosse. Excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la paneterie. À votre santé

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Sit tibi terra levis...

vendredi, 13 décembre 2013

Hors les murs

Cette nuit au creux d'un rêve, deux femmes ne parlaient presque pas dans le grand salon d'un appartement dont les fenêtres donnaient sur Beaubourg. Au-dessus des lumières artificielles de la ville, la face de la lune souriait. Une musique d'Interzone donnait l'impression de naviguer sur un vaisseau de sons. Chacune sirotait son verre de porto, l'une à la fenêtre, l'autre accoudée à un grand fauteuil de cuir bordeaux. 

L'interprétation des rêves m'a été enseignée par Venexiana, mon ennemie jurée. Celui-ci me laisse songeuse ; aujourd'hui que je dors éveillée, au milieu des pilules et des kleenex, en écoutant le ciel passer de l'autre côté de la vitre, je me fais l'exégète de ces non-dits nocturnes, et je crois que leur signification reflète la Grande Ourse. 

Car si l'on accepte de regarder en face son désir, quel fracas pourra éclore d'une vie possible ? 

Mais je divague. Instances pures, ruines du temps passé, caresses ébauchées, à peine osées, délires à naître, je vous somme de prendre forme. Votre symbole m'accompagnera. 

Et toi qui buvais (cette nuit, sans le savoir) ce porto dans cette grande pièce créée pour nous, sache que ton coeur et ton regard forment le ciel et la mer d'un horizon fascinant. 

Sache que ton style est un ciselet qui sculpte des phrases que j'apprends par coeur. 

Sache que ton corps est le temple de la majestueuse et délicate Adoration. 

Sache que ta vibration résonne en moi comme mille cordes de guitares pincées au fond d'un puits sans fond. 

Mais je divague. Présence pure, bruines des temps à venir, soleils brouillés, à peine remarqués, plaisir de renaître, je crois qu'une aventure a commencé. Quand le rêve et le réel se reconnaissent, échos et reflets jouent le grand jeu de la beauté. 

 

Édith

mercredi, 11 décembre 2013

Le flot urbain

Jean Bouchenoire, frère égaré dans des zones mentales, sans ozone imaginaire, nous autorise à publier quelques extraits de son roman Baksoumat.

Année 1969. Un vieux village de l'Île de France mourait sous le déversoir des camions de béton : des maisons d'un âge désuet, qui avaient vu naître et mourir des générations familiales à travers les décennies, tombaient sous les coups, pour être remplacées par de hautes tours de béton et de fer. Les possesseurs de ces anciennes maisons recevaient un petite somme qui ne comblait pas la perte de leur histoire, de leur région, de leur village, et qui ne leur permettait même pas de s'acheter une autre maison. Aussi étaient-ils relogés dans un appartement d'une de ces tours.

Ces immeubles s’élevaient dans la satisfaction des architectes et des hommes politiques, fiers de bâtir ainsi la grande œuvre du XXème siècle : la civilisation universelle, où les flux de routes longent des champs de tours capables d’abriter des centaines d’habitations. En échange de la disparition des villages, des familles et des coutumes locales, en échange de la mort des cerfs, des sangliers, des chevreuils, des oiseaux de l’Île de France, des villes nouvelles traduiraient la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen en réalité.

En dépit de la destruction du pittoresque, une croyance lumineuse interdisait toute plainte : l’espoir qu’enfin meurent les patries figées, refermées sur leur histoire locale, au profit du rassemblement de l’humanité. Comment regretter des maisons, et leurs humbles histoire, des rivières, et leurs cours discret entre des bois méconnus, des plantes, et leur charme ignoré, des allées, et leurs passants oubliés, des histoires particulières, si jolies soient elles, quand c’était le chant de l’avenir qui se dressait, certes laid comme un adolescent boutonneux aux proportions déséquilibrées par la croissance, mais chargé d'énergie nouvelle ?

Jean Bouchenoire, In BAKSOUMAT


Jean Bouchenoire sur AlmaSoror

Autres extraits de Baksoumat

mardi, 10 décembre 2013

Vous reviendrez vivre et aimer

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Photographie de David Hamilton

 

Amis, lecteurs inconnus, lecteurs mystérieux, visiteurs d'AlmaSoror, vous que nous ne connaissons pas et qui venez quelquefois, ou si souvent,

voudrez-vous participer à l'Âme-Soeur, le temps d'un billet ? Le temps d'écrire, dessiner ou photographier quelque chose qui aurait pour titre :

 

À Saintes, dans cette chambre qui donne sur la rue Bourignon...

 

La date butoir pour envoyer votre contribution à AlmaSoror (almasoror.plateforme AT  gmail.com) est le 31 décembre 2013.

Car c'est pour ouvrir en beauté l'année 2014 qu'AlmaSoror vous désire, ardemment. Les contributions seront publiées au compte-gouttes, chaque semaine.

 

Edith, barmaid du blogzinc

dimanche, 08 décembre 2013

Coco littérature

J'ai demandé à quelques personnes de m'envoyer un texte contenant ces éléments :

oh mon âme
le plus vieil été du monde
c'était si pur
ta
mère absente
coco

Répondirent à l'appel : J.B, Alexandre Loisnac, Mathieu Granier, Henri-Pierre Rodriguez, Mavra Novogrochneïeva, Les Calcinés, Laurence Bordenave, Martin, Kevin de Motz-Loviet et moi-même.

(Nous attendons quelques retardataires : qu'ils envoient quand ils le peuvent !)


Voici ce que nous pondîmes :


J-6 avant l'automne, de Mathieu Granier

Dialogus, de J.B

Eau de coco, de Laurence Bordenave

Oh mon âme..., d'Henri-Pierre Rodriguez

Eh Coco ? De Mavra Novogrochneïeva

Je n'abats jamais, des Calcinés

1984, de Martin

Vers, de Kevin de Motz-Loviet

Poème, d'Aleixandre Loisnac

Aranjuez, d'Edith de Cornulier-Lucinière


samedi, 07 décembre 2013

Eau de coco, de Laurence Bordenave

Laurence Bordenave se balade entre deux mondes, elle connaît celui des toutes petites bêtes et celui des textes et des images.

En décembre 2013, elle répond à l'appel d'AlmaSoror, qui propose d'écrire un texte contenant :

oh mon âme
le plus vieil été du monde
c'était si pur
ta mère absente
coco

 

Eau de Coco

Ce quidam, tu sais, celui qui ne savait pas ce qu’il voulait combattre. Un officier que seule la lune pouvait voir. Il est mort.

Il n’a pas fallu longtemps au massacreur pour subjuguer notre inconscient tant il est vrai qu’apparemment la mouche et l’homme se ressemblent.

Avec l’été – le plus vieil été du monde, maintenant, je le sais, l’orage grondait au fond d’un cri que ni toi, ni moi, n’aurions pu percevoir, ou peut-être le chat. Les chats perçoivent.

Mais dans cet air putride et vert, gonflé d’un océan d’oiseaux, l’officier, que l’eau de coco n’a pas suffit à ranimer, chargea le cœur des médecins d’une douleur inavouable. Que faire alors ? Aucun de nous ne s’attarda sur ce conflit. Ta mère absente, la mienne aussi, nous étions donc unis par les liens de la fuite. Te souviens-tu alors quand nous courûmes ?

Oh, mon âme ! Te souviens-tu ?

C’était si pur.

 

Laurence Bordenave