dimanche, 10 novembre 2013
Paysage
Patrick Biau revient avec un nouveau sonnet sur AlmaSoror en ce mois de novembre. Nous avions déjà, de lui, publié Soleil noir foncé.
Le cadre est vertical. En haut, sur un bon quart,
occupant tout le large, un ciel d'un bleu marine
emprunte à l'océan ; un soleil de citrine
manœuvre dans ses flots comme un brûlant drakkar
guidé par une escorte : un corbeau est de quart.
En dessous, l'arbre est rare, et un ruisseau burine
à l'eau-forte, en crawlant de sa fureur taurine,
un mitan entre prés et moissons en jacquard.
Plus bas encor, posés sur leurs clous d'or sans tête,
des rollmops dorés font d'un fakir un esthète,
c'est pour l'heure, à gros traits, ce que crie la rumeur
à travers l'écheveau d'une haie maladroite.
Manque une ultime touche : en marge, en noir, à droite
de la composition, paraphe
Le Rimeur.
Patrick Biau est l'auteur d'un livre et d'un site sur le chansonnier Jules Jouy
... ainsi que d'un recueil de poèmes
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samedi, 09 novembre 2013
Édith de CL
Vous trouverez ici quelques éléments sur la tenancière d'AlmaSoror, parmi lesquelles une biographie d'elle, écrite par Katharina Flunch-Barrows à l'époque où elles pouvaient se parler sans se déchirer ; un certain nombre de pièces à conviction concernant le procès qui l'oppose, depuis de nombreuses années maintenant, à la productrice artistique, diva, écrivain et personnalité bipolaire Venexiana Atlantica ; des adresses pour la contacter ; enfin, des liens vers des cours et conférences qu'elle donna ici ou là.
Il va de soi que les informations contenues ici sont reproductibles, à condition toutefois de citer la source almasororale.
Merci de votre visite.
Contact
Sur le Web...
électro-adresse : almasoror.plateforme AT gmail.com
En Esprit...
code télépathique : 4 respirations - 1 inspiration longue - visualisation d'un nuage cumulus - une expiration double -visualisation d'un setter anglais courant dans une forêt de Vendée - 4 respirations - la croix celtique et l'hermine stylisée - 1 inspiration libre - visualisation du ciel vu du ciel - une expiration libre - visualisation de l'image qui vous apparait. Prononcer : Édith
Dans le ciel...
On peut me joindre à mon adresse satellitaire :
KLF-77Z. 2B « Édith »
Canal 49ème Parallèle
New York II
Ciel Ouest
Fuseau Horaire 660
Sur la terre...
Ou bien, si vous préférez me contacter sur la Terre, je possède une boite à l'hôpital post-psychiatrique Apsyaï où je séjourne régulièrement :
Édith de CL
Pavillon sans quartier
Hôpital d'Apsyaï
Atoll Te ria ria nao loa
Polynésie française autonome
Biographie
On peut lire une biographie rédigée par son amie Katharina Flunch-Barrows en cliquant sur ce lien :
Edith, biographie, titres et distinctions, par K F-B
Son intense et harassante biographie amoureuse se lit par là...
Procès en cours
Le procès qui m'oppose à Vénéxiana Atlantica depuis de nombreuses années me harasse plus que je ne voudrais l'exprimer. Ses lâchetés, ses mesquineries à répétition ont éprouvé l'idée que je me faisais de la confiance et de l'amitié. Ces deux mots sont-ils des écrans de fumée dissimulant un néant noir comme la mort, blanc comme le vide ?
Murée dans une ouate de silence, privé de mes repères depuis le début de cette lutte, mon cœur est déboussolé. Je n'ai plus de cap. Je n'ai plus de Cap de bonne espérance.
J'ai assez ouï de bêtises sur cette histoire navrante ; je ne sais que trop bien que celle qui fut mon amie ne cesse de harceler mon image et ma personne dans l'esprit de tous ceux qui la croisent. C'est pourquoi je relate ici les étapes de notre procès et je mets en disponibilité tous les documents utiles à ceux qui voudront se faire une opinion personnelle. Je les remercie par avance pour leur démarche, pour leur tentative d'exister libre, de ne pas rester "sous influence".
Édith, 24 janvier 2012
Nouvelles
Traductions
Prières pour la ville atlante, de Hanno Buddenbrook
Le châtiment, de Hanno Buddenbrook (avec Hélène Lammermoor)
Cours & Conférences
Je rends disponible ici les divers cours que j'ai conçu et donné dans diverses écoles et universités.
Une histoire du cinéma euro-américain des années 2030
Cycle de cours donné à la FaTransLiDaDat
Vidéo disponible : entretien avec Stella Mar
Profession : Auteur
Un article sur le statut social de l'auteur (daté de septembre 2013)
Une enfance littéraire française
Cycle de conférences donné au Cours de Civilisation française de la Sorbonne, 2011-2012
Séance : L'enfance, la civilisation et le monde sauvage
Un café littéraire à Smyrne
Conférence donnée à Izmir lors d'un café littéraire au Centre Culturel Français (2009)
La traduction de l'humanisme
Cours réalisé en tant qu'assistante du père Roberto Inti Q'uspha Nuñez à l'Université secrète d'Arequipa
Disponible en français sur l'Encyclopédie de l'Agora :
Quechua : l'humanisme au miroir d'une langue andine
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vendredi, 08 novembre 2013
SDF (Sans Domicile Fixe)
Photographie prise vers sept heures du soir, en octobre 2013, sur le boulevard Edgar Quinet.
Un passant me regarde appuyer sur mon téléphone et me dit :
- Les Français tombent comme des mouches.
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jeudi, 07 novembre 2013
La Noire Idole
PARIS
LIBRAIRIE LÉON VANIER, ÉDITEUR
A. MESSEIN, Succr
19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
―
MCMVII
Les personnes étrangères aux études médicales : hommes de lettres ou du monde, romanciers, chroniqueurs, simples gobe-mouches qui parlent, écrivent, discourent sur le propos de la morphine et de la morphinomanie, ignorent, la plupart du temps, le premier mot de leur sujet. Ils préconisent avec un aplomb qui déconcerte, des lieux communs aussi vagues qu’erronés. Bon nombre de docteurs ne sont guère plus instruits que le public sur les arcanes du voluptueux et sinistre poison. Les plus avisés décernent leur clientèle au spécialiste ; d’autres, moins éclairés ou moins délicats,proposent des traitements infructueux et chimériques. Optimistes à l’excès, d’aucuns, regardent la morphinomanie comme une « mauvaise habitude », comparable à celle des cartes ou du tabac. Ils prétendent la guérir par des procédés aimables ou de spécieuses diversions : promenades, théâtre, injections d’eau claire et tout ce qui s’en suit. D’autres enfin, cyniques faiseurs de dupes, exploitent, sous couleur de la traiter, cette « maladie expérimentale » qui, à moins d’une cure efficace et rationnelle, permise aux thérapeutes seuls outillés pour cet objet, n’a d’autre aboutissant que le désespoir, la vésanie ou la mort.
Opium de l’Occident, la morphine est à peu près au suc de pavot, ingéré en pastilles ou fumé dans des pipes, ce que les brûlants alcools de grains ou de fruits : gin, hasselt, kirsch, genièvre ou schiedam, sont à la bière, au vin non frelatés. L’ivresse immédiate, foudroyante, ne permet pas à l’adepte un moment de répit. De prime abord, la possession est complète, comme chez ces démonopathes dont les juges ecclésiastiques ou civils : Boguet, Remigius, Lancre, del Rio ont, à leur insu, étudié la névrose. Une force inconnue et despotique s’empare de la victime, agit à sa place, dédouble en quelque manière sa personnalité. Au Moi raisonnant et social, un autre Moi se substitue en qui toute idée, en qui tout sentiment est aboli par l’appétit égoïste de la piqûre béatifiante.
Comment les peuples indo-européens, à qui leur activité permet de conquérir le monde et d’exproprier « les races incompétentes », se laissent-ils envoûter par ce morne sortilège, destructeur de la force et de la volonté, au moment précis où l’universelle concurrence impose à l’homme de vouloir et d’entreprendre sans une minute d’hésitation ni de repos ? Les actions les plus actives semblent renchérir sur ce goût. À Londres, le samedi au soir, les apothicaires débitent de l’extrait thébaïque et despilules d’opium brut, tout comme les bars versent du gin ou du whisky.
On entre dans la morphine par deux chemins inégalement semés de fleurs. Les uns, dans le but légitime d’accoiter leurs souffrances, ont recours aux vertus du terrible stupéfiant ; d’autres y cherchent impudemment une sensation de plaisir, un bien-être que le docteur Ball a qualifié, le premier, d’euphorie. Mais, quelle que soit la porte ouverte sur cet enfer, par la thérapeutique ou l’appétit des sensations nouvelles, pareille est la damnation. « La Noire Idole », comme Quincey appelait sa carafe de laudanum, ne lâche pas sans d’incroyables efforts les dévots qu’elle a conquis.
Quel est donc ce philtre magique, cet élixir de mort qui vend si cher ses prétendus bienfaits ? Sans remonter à Dioscoride, au médecin Andromachus, calmant les crisesépileptiques de Néron à grand renfort de thériaque, à Galien qui soignait les maladies nerveuses de Julia Mæsa, de Julia Domna et de leurs courtisans, les propriétés soporatives de l’opium furent connues et largement utilisées par les morticoles d’autrefois.
Contrairement à la doctrine du Malade imaginaire, l’opium ne fait pas dormir, ou, du moins, ne fait dormir qu’à très longue échéance. Il provoque tout d’abord une chaude ébriété ; il confère au patient l’oubli momentané des plus cruelles douleurs. C’est un « remède désangoissant », ainsi que l’appelle à bon droit le docteur Dubuisson.
Dans les premières années du XIXe siècle, le chimiste Sertüner isola, parmi d’autres alcalis organiques, un alcaloïde à la fois sédatif et convulsivant, que l’opium de Smyrne, de l’Inde ou d’Égypte renferme dans la proportion moyenne de 10 %.
L’empoisonneur Castaing utilisa, peu après (1823), la découverte du chimiste. Il « réalisa » son ami Ballet comme Lapommerais devait « réaliser », quarante et un ans plus tard, Mme de Paw, sa maîtresse, au moyen de la digitaline récemment acquise à la pharmacopée par Homolle et Quévenne. Hippolyte Ballet et Mme de Paw avaient commis l’erreur de souscrire une assurance sur la vie à leurs vénéneux compagnons. Castaing, après avoir attiré sa victime à Saint-Cloud (qui paraissait alors une villégiature suffisamment rustique), lui donna le boucon à l’auberge de la Tête noire. C’était, dans du vin chaud, une solution fortement chargée d’acétate de morphine. Ballet trouva le vin si amer qu’il n’en but qu’une gorgée, attribuant ce mauvais goût au zeste du citron. La nuit fut mauvaise. Castaing, le jour suivant, administra une potion au malade qui rendit superflue toute médication ultérieure. Le pauvre garçon en mourut après quelques instants.
À vrai dire, ce n’est pas la morphine elle-même, peu soluble dans l’eau, qu’utilisent médecins et toxicomanes, mais bien un sel de morphine, le chlorhydrate, qui merveilleusement se prête à cet emploi. Dissous, filtré, bouilli, décanté, mis à l’abri des poussières dans un flacon élégant de cristal, voici le philtre irrésistible qui permet au premier butor venu de cambrioler aisément la forteresse du Bonheur ! Ajoutez l’instrument bien en main auquel un orthopédiste lyonnais servit de parrain, vers 1860 et que, pendant la guerre de 1870, importèrent en France les praticiens de l’armée allemande : l’outillage sera complet. Le postulant des paradis artificiels peut consommer d’emblée ses fiançailles avec la Mort.
Une piqûre légère, point méchante, cuisante à peine pour les maladroits. Et soudain le charme opère. Une onde vous enveloppe, « un océan de délices », comme d’un sang plus vif et rajeuni. C’est « la lune de miel », ainsi que veut bien (après nous) dire le professeur Brouardel (Opium, Morphine et Cocaïne, J.-B. Baillière, éditeur). Dans cette période élévatoire, dans la crise initiale que provoque l’usage du terrible excitant, les idées affluent, les œuvres s’ébauchent, la parole surabonde, l’ivresse emporte l’hésitation et la timidité. La mémoire se colore et s’amplifie. Une eurythmie clairvoyante harmonise la pensée. Les chagrins sont en fuite et les sens abolis. Dans la plénitude heureuse de sa force et de sa joie, l’homme se sent devenir dieu.
Cette béatitude n’a rien de turbulent. La joie un peu vulgaire et communicative que déchaîne, après boire, l’usage des liqueurs fermentées ne ressemble en aucune façon au recueillement voluptueux suggéré par la morphine. Elle exalte au plus haut point l’opinion favorable que le sujet a de lui-même. Exempt des servitudes physiques, réduit à l’état de pur esprit, il contemple avec une dédaigneuse indulgence les espècesqui l’environnent. Il plane au-dessus des réalités quotidiennes. Il n’éprouve nul besoin de communiquer avec le troupeau congrégé à ses pieds. L’orgueil est le moins bavard de tous nos sentiments.
Une erreur fort commune est de croire que la morphine suscite des rêves, procure des visions, ajoute, en un mot, aux richesses intellectuelles de ses familiers. Son pouvoir est à la fois plus grandiose et moins extraordinaire. Elle porte en soi une énergie révélatrice qui montre à l’homme des coins insoupçonnés de mémoire et d’imagination, éclaire à ses propres yeux les dessous, les recoins obscurs de sa personnalité, avive, comme les caractères d’un palimpseste, tels souvenirs, telles images, tels émois presque effacés. Elle « interprète » à l’initié les moindres conjonctures, lui développe ses propres imaginations en des épiloguessavoureux. C’est le flambeau de Psyché qui s’allume au plus profond de l’être et fait palpiter à sa lumière le chatoiement des trésors ensevelis.
Bientôt, cependant, les brumes irisées, les flottantes gazes, les vapeurs de kief épaississent leur rideau. Le brouillard qui prêtait à l’existence le charme des contours indéterminés devient un mur impénétrable, un cachot d’où le prisonnier ne s’évadera qu’au prix d’exécrables douleurs.
En peu de temps, le malade perd mémoire, volonté, sommeil, tous les appétits. Il vit, incapable d’action, dans une somnolence énervée, il rêvasse à des actes qu’il n’accomplira point. Lorsque sous l’impulsion d’une dose insolite, il rentre un instant dans la vie ambiante, c’est pour intégrer des gestes baroques ou délictueux. Si déchu qu’il soit, le buveur de vin ou d’absinthe est susceptible encore d’une activité passagère, tandis que le morphinomane, prisonnier d’un besoin vital, indispensable au même titre que le besoin de respirer, demeure à jamais exclu del’action humaine. Pour tout dire, l’alcoolique est un impulsif, le morphinomane, un inhibé.
La suite se lit sur Wikisource...
On peut en outre lire un amusant article sur l'étrange Laurent Tailhade par ici.
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lundi, 04 novembre 2013
Des thèmes, quelques œuvres
J'évoquerai, par ce frais matin de novembre, quelques thèmes littéraires ou cinématographiques : la diplomatie ; la ville, le crime et la folie ; et enfin la dissolution. J'invoquerai deux ou trois œuvres qui peignent, dessinent, filment ou chantent ces thèmes. Je donnerai à lire un fragment du docteur Étienne de Greef.
Sébastien Saint-Kevin
La diplomatie est le premier thème que je souhaite évoquer. Le film coloré India Song et la bande dessinée noire et blanche Corps diplomatique font de la diplomatie, française pour le premier, internationale pour le second, un décor de choix.
Le film et sa musique nous emportent au cœur de l'homme qui traverse la mort pour tirer sur des lépreux et crier son amour à une femme.
Cette femme, Anne-Marie Stretter, est un miroir vide dans le reflet duquel de grands hommes minces se noient avec langueur, jour après jour, sous la chaleur de Calcutta.
Mais à Genève, quelques décennies plus tard, Corps Diplomatique met en scène Léocadie Lulla, diplomate à la CNUCED. La neige, le lac Léman, une amie mannequin, un ami professeur d'histoire-géographie et, bien sûr, les méchants en costards, cravatés, riches et manipulateurs.
La ville, le crime et la folie hantent nos cœurs ravagés par la modernité du monde. Née dans les années 60, la vie bétonnée entrave la libre expérience de nos neurones, bloque la circulation sanguine, et, plus grave, installe le désespoir, ou du moins la désespérance, au creux de nos estomacs.
Oh mon désœuvrement ! Je t'ai noyé dans les pages des Âmes criminelles, que le médecin Étienne de Greef écrivit de sa belge plume acérée. Vous verrez au bas de ce billet ce qu'il dit de l'honnête homme, ce « je » fragile.
Mais ce n'est plus dans la Belgique gauloise, c'est dans la rouge Afrique du Sud qu'Alan Paton situe son roman de la ville corruptrice. Pleure Ô pays bien-aimé se passe à Johannesburg, la ville maudite où les bons pères de famille, noirs et blancs, contemplent ensemble le triste fruit de leurs haines.
Loin des rages de l'Afrique, loin de l'Europe détraquée, parmi les cocotiers et les arbres à pain qui bruissent au-dessus des lagons, dans les campagnes peuplées de moutons, dans les fermes où l'on dévore les romans d'amour importés du monde civilisé, dans les villes à l'architecture qui ne ressemble à nulle autre, Un ange à ma table, filmé par Jane Campion, évoque la rousseur des femmes, la blancheur des lobotomies, la noirceur des institutions. Sous l'impalpable lumière de la Nouvelle-Zélande, l'écriture est le chemin, la nudité et la vie.
C'est lui qui a, non le dernier mot, mais le cercle le plus parfait : Lain Sinclair a écrit London Orbital, le tracé d'une promenade périphérique, autour de Londres, ville du peuple de l'abîme et des financiers de la City. Supermarchés, hangars, rails, stations service, terrains vagues et zones squattées forment le décor informe et protéiforme d'une errance dans les paysages post-naturels. Quelques oiseaux attendent leur heure, postés sur des fils électriques.
Si la diplomatie est l'hypocrisie qui plane au-dessus de la ville hantée par le crime et la folie, il ne nous reste plus que la dissolution, dans l'amour, dans le vide ou dans la mort. La dissolution, comme ultime aspiration à la vie retrouvée.
Jean de La Ville de Mirmonts a conté la dissolution de l'employé dans sa vie quotidienne le long des pages du roman Les dimanches de Jean Dezert.
Monique Martin (alias Gabrielle Vincent) raconte au fusain la rencontre ultime, éternelle, qui met un point final à l'abandon dans Un jour, un chien.
Et l'homme du groupe de rock britannique Radiohead s'inspire d'un bouquin anarchiste américain pour flotter dans le vide sidéral : How to disappear compeletely and never be found ?
Paris, le 4 novembre 2013
Sébastien Saint-Kevin
Extrait des Âmes criminelles, d’Étienne de Greef :
"L'idée selon laquelle l'honnête homme est celui, qui, pouvant choisir de devenir criminel, choisit de rester honnête et selon laquelle le criminel est celui qui, devant la même alternative, choisit de devenir criminel est une de ces idées simplistes que l'expérience dément tous les jours. Nous ne sommes réellement libres que dans une zone restreinte qui varie d'un peuple à l'autre, d'une génération à l'autre, d'une région à l'autre. L'homme moralement parfait est une abstraction ; un honnête homme est un sujet qui se trouve constamment en équilibre instable ; il est toujours en train de perdre son honnêteté, il est toujours en train de la retrouver. L'existence de ces oscillations est normale ; l'homme perçoit son balancement vers l'acte répréhensible et s'il se juge sincèrement et objectivement il imagine en lui des propensions criminelles bien plus grandes qu'elles ne le sont réellement. Le juré s'imagine facilement à la place de l'accusé et le comprend assez pour éprouver le besoin de s'absoudre en l'acquittant ; ce n'est que dans le cas où il possède assez de sens moral pour s'être rendu compte de sa propre honnêteté qu'il peut conserver assez d'objectivité. Il y a aussi le juré qui se défend contre des tentations si puissantes qu'elles réclament de sa part une sorte d'acharnement dans la résistance ; aux prises avec Asmodée, le juré se défend dans un état de transe aveugle sous le signe du tremblement anxieux et condamne atrocement la faute à laquelle il ne peut accorder la moindre [11] marque de faveur sans s'exposer à un vertige mortel. Les fautes les plus réprouvées correspondent aux tendances les plus puissantes et les plus précairement refoulées. À l'exaltation avec laquelle un homme s'insurge contre un péché, vous mesurez l'étendue de ses difficultés ; il est le seul à ne pas savoir ce que tout le monde lit en lui. Même le cinéma américain connaît ce vieux thème ; c'est dire qu'il est éternel.
À vrai dire l'étude réelle du crime ne suscite guère de travaux. Beaucoup de gens s'en occupent, mais avec les idées du profane ; et si les livres relatant les causes célèbres sont les ouvrages de criminologie les plus vendus, c'est beaucoup moins par ce qu'ils apportent de nouveau au lecteur que par la fascination qu'exerce sur lui, cette image de son propre inconscient, qu'il reconnaît dans les autres, sans se reconnaître lui-même".
Étienne de Greef, les âmes criminelles - 1949
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4 novembre : billet anniversaire
AlmaSoror, où en étiez-vous le 4 novembre de l'année dernière ?
En crise de larmes.
Le 4 novembre de l'année d'avant ?
En pause.
En 2010 ?
Que dalle.
En 2009 ?
En vol libre.
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dimanche, 03 novembre 2013
Champ d'honneur
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vendredi, 01 novembre 2013
Etoffes de pierre
Je l'avais retrouvée dans la rue d'Aboukir, elle m'avait emmenée manger un sandwich au chèvre, au miel et au pesto, accompagné d'un coca cola et suivi d'un fromage blanc aux marrons. Et puis nous avions erré quelques temps dans un passage des Grands Boulevards, je ne sais plus lequel. J'étais repartie en portant dans mon sac quelques livres achetés dans une librairie d'ouvrages anciens. Il faisait frais ; pas encore froid. On était au début du mois d'octobre. Paris ne me fascinait plus depuis longtemps : trop gris, trop sale, trop brutal. Pourtant, quelque chose de l'atmosphère de ce jour m'est resté - quelque chose de nostalgique.
J'ai attendu un peu avant d'ouvrir l'Art religieux du XII au XVIII°siècle, d’Émile Mâle.
En voici un extrait :
"A chaque instant les monuments romans nous émeuvent par d'étranges symboles chargés de siècles. Un tailloir du cloître de Moissac est décoré d'une suite d'aigles à deux têtes ; le même aigle à deux têtes reparaît, sur un montant, au portail de l'église de Civray (Vienne) et sur un chapiteau de l'église Saint-Maurice de Vienne. Nous voici emportés par l'imagination jusqu'au berceau du monde, jusqu'à l'antique Chaldée. C'est qu'en effet un très ancien cylindre chaldéen nous montre, pour la première fois, l'aigle à deux têtes, et on y a vu le blason d'une des villes les plus antiques de la Chaldée, Sirpoula. C'est un grand aigle, une sorte d'oiseau rok des Mille et une nuits, qui pose chacune de ses serres sur le dos d'un lion. Dans l'art du vieil Orient, l'aigle est l'oiseau noble qui accompagne le roi, qui dompte le lion, qui aide l'Hercule chaldéen dans sa lutte contre les monstres. Cette image avait pour les peuples de l'Asie une signification religieuse et une vertu, car nous la retrouvons, bien des siècles après, chez les Hittites. Ce grand peuple des Hittites, que connaît la Bible, à qui Salomon demanda plusieurs de ses femmes, occupa longtemps la Syrie et les plateaux de l'Asie Mineure. Il reçut son art de la vallée du Tigre et de l'Euphrate, et les rudes monuments qu'il a laissés en Cappadoce reportent sans cesse la pensée vers la Chaldée. C'est en Cappadoce, sur les rochers de Ptérium, que l'on voit sculpté l'aigle à deux têtes avec une proie sous chacune de ses serres. L'aigle à deux têtes ne disparut pas de ces régions, car on le voit encore aujourd'hui sur les tours musulmanes de Diarbékir, l'antique Amida. Les Turcs Seldjoucides le sculptèrent sur la porte de Konia, leur capitale, et semblent l'avoir mis de bonne heure sur leurs étendards. - Comment se vieux symbole de l'Orient est-il venu jusqu'à nous ?
Par les tissus, comme d'ordinaire. Une étoffe de Sens (qui n'est plus qu'un lambeau) est ornée d'aigles à deux têtes dessinés en jaune sur un fond de pourpre violette ; c'est une étoffe byzantine du IX° ou du X° siècle, qui reproduit sans aucun doute un ancien modèle sassanide. Un suaire célèbre de Périgueux est décoré de la même manière. La Mésopotamie gardait fidèlement la même image, car, au XIII° siècle, on voit reparaître l'aigle à deux têtes sur une étoffe de Bagdad : là, l'aigle bicéphale est enfermé dans un écusson, et l'on croirait voir le blason des empereurs d'Allemagne. C'est de l'Orient, en effet, on n'en saurait douter, qu'est venu ce blason ; il fut emprunté aux tissus orientaux et peut-être aux étendards musulmans. Chose étonnante, les Turcs purent voir à Lépante, sur les vaisseaux de don Juan d'Autriche, l'aigle à deux têtes qui avait jadis orné leurs drapeau ; mais le vieil aigle de la Chaldée, qui les avait jadis fait vaincre, se tournait maintenant contre eux. On voit quelle part a prise l'antique Chaldée non seulement à la création de l'art décoratif, mais à la création de l'art héraldique du moyen âge...
Il ne saurait être question maintenant de chercher le sens symbolique des lions affrontés, des oiseaux aux cous entrelacés, des aigles à deux têtes, qui ont tant préoccupé nos devanciers. Saint Bernard avait cent fois raison ; il est devenu évident que les monstres des chapiteaux - à quelques exceptions près -, n'ont aucun sens. Ils n'étaient pas destinés à instruire, mais à plaire. Saint Bernard jugeait ces fantaisies puériles et risibles : qu'eut-il dit, s'il eût su, comme nous le savons aujourd'hui, que ces monstres étaient le legs des vieux paganismes de l'Asie, et qu'ils mettaient sous les yeux du chrétien des génies, des démons, des idoles ? Il eût sans doute tonné, comme le prophète, contre les faux dieux.
Pour nous qui savons mieux l'histoire, nous ne jugeons pas risibles, comme le grand docteur, les monstres de nos chapiteaux. Ils nous paraissent, au contraire, merveilleusement poétiques, chargés, comme ils le sont, des rêves de quatre ou cinq peuples qui se les transmirent les uns aux autres pendant des milliers d'années. Ils introduisent dans l'église romane la Chaldée et l'Assyrie, la Perse des Achéménides et la Perse des Sassanides, l'Orient grec et l'Orient arabe. Toute l'Asie apporte ses présents au christianisme, comme jadis les Mages à l'Enfant".
Extrait de l'Art religieux du XII° au XVIII° siècle, d’Émile Mâle
Sur la lecture des arts religieux, AlmaSoror avait publié ce beau commentaire d'Albert Pomme de Mirimonde, sur une vanité...
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