lundi, 10 décembre 2012
Carte d'identité, carte de fumée
Réponses d'Edith de CL aux jeunes Hugues et Dylan Gabridelis
18 mars 2012
Ta chanson préférée : Emmanuelle, de Pierre Bachelet.
Ton chanteur préféré : Viktor Tsoi et Jim Morrison.
Ta bande dessinée préférée : Orchidéa, de Cosey.
Ton tableau préféré : L'amour victorieux, du Caravage.
Ta statue préférée : La pietà de Michel-Ange et la piéta de l'église du Poiré sur Vie.
Ta musique préférée : Le corpus grégorien de l'église catholique.
Oui, mais ton disque préféré : Odyssée, de Terje Rypdal.
Ton film préféré : J'en ai trois.
Dis les trois : Un ange à ma table, de Jane Campion. Guerre et paix, de Serguei Bondartchouk. Cria cuervos, de Carlos Saura. Mais j'en ai des dizaines d'autres, des films préférés.
Tu n'as pas le droit de les dire.
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dimanche, 09 décembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un chien dans un fossé
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un chien dans un fossé
Transport de canards pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Un jour, alors que j’étais en déplacement dans le Finistère, je fis une drôle de rencontre sur le bord de la route. Après avoir visité un abattoir, je cherchais mon chemin en voiture. Je fus amené à faire un demi-tour sur un petit croisement. Après une manœuvre bien exécutée, j’allais reprendre ma direction quant une forme aux taches blanches attira mon regard vers le fossé. C’était un chien, apparemment mort.
Quoi de plus banal qu’un chien mort au bord d’une route, qui aurait été renversé par une voiture ? Tellement banal que le conducteur de la voiture qui me précédait n’avait pas jugé utile de vérifier l’état du chien. Pour ma part, il fallait que je m’en rende compte. Il était étalé dans le fossé, maigre, et semblait bien mort. Mais quand je me suis penché sur lui, il m’a surpris en remuant sa queue en signe de contentement. Il semblait heureux de voir quelqu’un, mais il était dans l’incapacité de se lever. Ce chien avait dû marcher durant plusieurs jours sans s’alimenter et avait dû tomber d’épuisement dans ce fossé.
Lorsque je lui demandais ce qu’il faisait là, il remuait encore plus la queue. C’était émouvant. Je pris une couverture pour l’enrouler et je le mis dans ma voiture. Je partis en direction du centre-ville à la recherche de la mairie. Après avoir fait plusieurs fois le tour du centre, j’ai enfin trouvé l’établissement administratif. Je suis rentré avec le chien et j’ai demandé à la secrétaire d’accueil quelle était la démarche à suivre lorsque l’on trouve un chien. Elle me demanda tout simplement, sans y jeter un coup d’œil, de le déposer dans le bâtiment des services techniques. Là mon sang ne fit qu’un tour. Je lui ai demandé si elle plaisantait, car le chien était en mauvais état et avait besoin de soins. Elle m’indiqua alors l’adresse d’un vétérinaire.
Je partis à la recherche du vétérinaire. Je fus accueilli dans sa clinique. Je lui expliquai la situation et lui présentai le chien. Ronchonnant, pas très content d’être sollicité pour un chien perdu, il l’examina quand même. Il me confia qu’il allait le mettre sous perfusion. Je lui demandai ce qu’il comptait faire de l’animal une fois qu’il serait remis sur patte. Il me répondit qu’il le ferait prendre par un refuge qui le proposerait à l’adoption. J’ai caressé le chien, remercié le vétérinaire, et suis reparti sur la route vers d’autres aventures, cependant peu rassuré sur le devenir du chien. Si j’avais pu, je l’aurais adopté, mais j’avais déjà le mien dans la voiture. Aujourd’hui, je regrette de ne pas l’avoir pris avec moi, j’aurais été plus tranquille quant à son devenir.
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mercredi, 05 décembre 2012
Position délictuelle
Un billet de N.S
Depuis huit jours, je vis dans mon lit. Il est possible que je n'en sorte plus jamais. Cela commença par une légère fatigue, un inconfort au bout de quelques heures assise face à mon ordinateur. Mes jambes en avaient marre de se cogner contre le coffre rangé sous la table, mon cou tiraillé souffrait, mes yeux penchés vers l'écran devenaient idiots.
J'ai pris le petit ordinateur portable et suis entrée dans mon lit. J'y ai travaillé plusieurs heures, contente de cette efficacité et de ce confort.
Le lendemain matin, à l'heure où j'allume mon ordinateur tous les matins depuis de nombreuses années, j'allumai mon ordinateur, m'asseyant à cette table sous laquelle dort le vieux coffre de voyage qui ne voyage plus depuis longtemps. Mais, au bout de quelques minutes, je me dis : « Et pourquoi ne ferais-je pas comme hier ? »
Je me remis au lit, avec l'ordinateur portable. Je travaillai, comme tous les matins.
Je me levai pour déjeuner, puis je voulus m'installer au grand ordinateur, à ma table. Il faut être sérieux, voyons, pensais-je. J'y allais, mais, finalement, je quittai vite cette position inconfortable de bureau et retournai avec le petit ordinateur dans mon lit. Là, je travaillai avec efficacité toute la journée.
Je ne sais plus quand vint le moment où la corde qui me ramenait toujours à la table se cassa. Depuis, je vis au lit.
Et j'ai honte.
Je ne travaille pas moins qu'avant. Je suis écrivain et je travaille autant alitée que lorsque je vivais debout. La sensation délictueuse, pourtant, me harcèle ; la culpabilité m'habite.
J'ai mis mon lit face à la seule fenêtre de l'appartement par laquelle passe la lumière du ciel. Mon visage est exposé à la lumière naturelle, en ce moment la grande lumière blanche du ciel de l'automne.
Je flotte au milieu des couettes comme une mouette se laissant transporter par une vague : j'aime cette attente jamais exaucée. J'attends un événement qui ne vient pas et l'inutilité de cette activité inonde mon âme de plénitude. Que m'arrive-t-il ? Je suis happée par le néant et je me laisse avaler.
Les voisins d'un autre immeuble ont vue sur ma fenêtre. Je sens qu'il me jugent : ils se disent : « elle est foutue ». Je gagne de l'argent comme avant, je communique par mails comme avant, je ne sors plus que pour faire les courses et me rendre aux rendez-vous nécessaires. Le reste du temps, je le passe dans mon lit. Avant, je le passai à ma table. Ai-je chuté comme la feuille, pour parler comme Isaïe ? Cecidimus quasi folium universi et iniquitates nostrae quasi ventus abstulerunt nos... Comme des feuilles mortes nous avons chuté, et comme le vent nos iniquités nous ont balayés...
Suis-je entrée dans mon tombeau pour y attendre la fin du monde, comme un des héros de La Voce della Luna, ou bien ai-je simplement trouvé une position plus agréable pour travailler ?
N.S.
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mardi, 04 décembre 2012
Une chanson, trois films
Black Sun : un documentaire de Gary Tarn sur Hugues de Montalembert, artiste français qui, à 35 ans, vivant à New York, rentre chez lui et trouve deux Noirs-Américains en pleine cambriole de son appartement. Il se rixe avec eux ; l'un d'eux lui balance de l'acide dans les yeux. Il pousse un hurlement de bête horrifiée : trop tard. Quelques heures plus tard, l'acide a fait le travail : il ne voit plus que la nuit, la nuit intérieure. Alors il sombre dans le désespoir.
Et puis il apprend à écouter, l'homme si visuel, et même à jouer de la musique.
Il retourne, seul, sans prévenir son entourage, en Indonésie, pays dont il aime les gens, dont il parle la langue. C'est la Renaissance d'un homme blessé dans sa passion, dans sa liberté.
(Au milieu des problèmes qui m'assaillent, des Que faire ?, de la rancoeur qui monte à propos de tant de gens, J'écoute « à la manic », du chanteur québécois Georges Dor, c'est beau, et je plonge dans l'univers d'Hugues de Montalembert qui a tellement plus de choses à pardonner...)
Le vent des amoureux (Bâdeh Saaba), c'était un film pour grandes personnes, le premier qu'Albert Lamorisse, cinéaste du Ballon Rouge, de Bim le petit âne, de Crin Blanc, réalisait. Un documentaire pour les coeurs d'adultes, pour un fois. Mais Albert Lamorisse est mort dans un accident d'hélicoptère, comme si le magicien des films d'enfant se refusait à voir son oeuvre adultine. Mehrdad Azarmi a fini de monter ce film iranien après la mort de son ami.
(Quelle oeuvre en cours sera achevée par un ami pour la gloire d'un pays bien-aimé ?)
Il faut s'élever au-dessus de la médocrité qui nous encercle, renoncer à tout ressentiment - le pire venin qui soit. S'échapper comme Wang Fou, dont Marguerite Yourcenar a raconté deux fois l'histoire, une première fois pour les adultes, une deuxième pour les enfants, et que René Laloux a animé :
Plus nos pardons sont grands, plus notre âme est légère. Peu importe les chaînes de ceux qui s'ébattent et se débattent dans les paniers de crabes. Fiers d'être en haut ? Honteux d'être en bas ? C'est pourtant toujours le même panier !
« Solitude... Je ne crois pas comme ils croient. Je ne vis pas comme ils vivent. Je n’aime pas comme ils aiment... Je mourrai comme ils meurent ».
Yourcenar, dans sa jeunesse
Edith CL
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lundi, 03 décembre 2012
Gesril
Un souvenir d'enfance de Chateaubriand, qui parle de Gesril.
Gesril, meilleur ami de l'écrivain et compagnon des jeux et des bêtises de son enfance, sera fusillé à la Révolution. La France est la gouvernante des enfants Chateaubriand.
"J"allais avec Gesril à Saint-Servan, faubourg séparé de Saint-Malo par le port marchand. Pour y arriver à basse mer, on franchit des courants d'eau sur des ponts étroits de pierres plates, que recouvre la marée montante. Les domestiques qui nous accompagnaient, étaient restés assez loin derrière nous. Nous apercevons à l'extrémité d'un de ces ponts deux mousses qui venaient à notre rencontre ; Gesril me dit : "Laisserons-nous passer ces gueux-là ," et aussitôt il leur crie : A l'eau, canards !". Ceux-ci, en qualité de mousses, n'entendant pas raillerie, avancent ; Gesril recule ; nous nous plaçons au bout du pont, et saisissant des galets, nous les jetons à la tête des mousses. Ils fondent sur nous, nous obligent à lâcher pied, s'arment eux-mêmes de cailloux, et nous mènent battant jusqu'à notre corps de réserve, c'est-à-dire jusqu'à nos domestiques. Je ne fus pas comme Horatius frappé à l’œil : une pierre m'atteignit si durement que mon oreille gauche, à moitié détachée, tombait sur mon épaule.
Je ne pensai point à mon mal, mais à mon retour. Quand mon ami rapportait de ses courses un oeil poché, un habit déchiré, il était plaint, caressé, choyé, rhabillé : en pareil cas, j'étais mis en pénitence. Le coup que j'avais reçu était dangereux, mais jamais La France ne put me persuader de rentrer, tant j'étais effrayé. Je m'allais cacher au second étage de la maison, chez Gesril qui m'entortilla la tête d'une serviette. Cette serviette le mit en train : elle lui représenta une mitre ; il me transforma en évêque, et me fit chanter la grand'messe avec lui et ses sœurs jusqu'à l'heure du souper. Le pontife fut alors obligé de descendre : le cœur me battait. Surpris de ma figure débiffée et barbouillée de sang, mon père ne dit pas un mot ; ma mère poussa un cri ; La France conta mon cas piteux, en m'excusant ; je n'en fus pas moins rabroué. On pansa mon oreille, et monsieur et madame de Chateaubriand résolurent de me séparer de Gesril le plus tôt possible."
Mémoires d'Outre-tombe - François-René de Chateaubriand
(Photo : au large des Sables d'Olonne, par Mavra V-N)
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dimanche, 02 décembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un chariot de lapins blancs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un chariot de lapins blancs
En Moselle, la visite d’un abattoir de lapins et de l’élevage attenant à l’abattoir s’était révélée pitoyable. La production en tuerie était de 8000 à 10000 lapins blancs par semaine, provenant d'élevages intensifs de Bretagne, de Hollande et de la région. 1000 lapins par semaine provenaient de l'élevage personnel du propriétaire de l’établissement. Les lapins, arrivés par camion, étaient entassés dans des caisses en plastique très basses, les unes sur les autres. Lors de l'abattage, l’employé attrapait un des lapins dans la caisse, et plaçait la tête de l'animal sur une petite table où se trouvaient des broches électriques : deux broches qui, en entrant en contact avec la tête, provoquaient l’électrocution de l’animal. Le choc électrique provoquait des résultats différents suivant la manière dont l’employé s’y prenait. On pouvait d’ailleurs voir certains lapins suspendus se débattre beaucoup. Il fallait alors les saigner immédiatement, et un peu plus que les autres. Le propriétaire m’indiqua recevoir la visite régulière des services vétérinaires. L’appareil à électronarcose, qui doit toujours être agréé avant sa mise en service, n’était pas pourvu de la plaquette mentionnant la date et le numéro de l’agrément. Le directeur de l’abattoir n’avait pas les papiers qui m’auraient prouvé que l’agrément avait été bien donné. L’appareil avait été installé par un électricien, mais le directeur m’avoua que l’appareil n’avait pas reçu de procédure d’agrément. Pourtant, comme il me l’indiqua, les services vétérinaires visitaient régulièrement son abattoir, certainement pour l’hygiène et la salubrité des viandes, mais à l’évidence pas pour la protection des animaux. Le directeur m’avoua aussi que toute la matinée, l’appareil électrique était tombé en panne, et que cela les mettait dans une situation de crise, car une commande devait partir à 14 heures.
Lors de ma visite, la machine est d’ailleurs une nouvelle fois tombée en panne. Le directeur décida alors d'arrêter les abattages et d'apporter l'appareil chez un électricien. Naïvement, je pensais que les lapins allaient rester dans les caisses en attendant la réparation de l’appareil. Mais alors que je réécris cette histoire, je me rends compte qu’après ma visite, les abattages ont dû reprendre sans étourdissement préalable, c’est-à-dire en saignant les lapins directement. Cela me paraît tout à coup évident : on n’aurait pas laissé les lapins sans boire et sans manger dans les caisses en attendant la réparation du matériel, alors que la commande de 14 heures devait être honorée.
Au moment où j’arrivai à l’abattoir, une employée revenait de l’élevage qui se trouvait à proximité. Elle se dirigeait vers le local d'abattage avec un chariot métallique (une sorte de grand caddie) rempli de lapins (il y avait trois à quatre couches de lapins vivants, superposés les uns sur les autres). Le Directeur, un peu gêné, me dit que d’habitude, il lui demandait de les mettre dans deux chariots ! Comme par hasard, alors que j’étais là, elle n’avait pas suivi ses recommandations. Ces lapins restèrent entassés dans le chariot au moins une heure. Je m’aperçus que ceux qui se trouvaient tout à fait en dessous étaient écrasés, compressés contre les grilles métalliques. Des lapins avaient les yeux qui leur sortaient véritablement des orbites. Il était inutile d’être pourvu d’une âme sensible pour lire la détresse et juger préjudiciable la situation que vivaient ces lapins. Je suis allé demander au directeur de faire décharger (immédiatement) ce chariot. Pendant ce temps, ce dernier, qui n’avait pas l’apparence d’un être sans cœur, me fit visiter l'élevage.
À notre retour, cinq lapins étaient morts au fond du chariot qui avait enfin été vidé de son contenu. Le directeur me dit que ce n'était rien, que c’était habituel et sans gravité. Il se justifiait en disant qu’il s’agissait de lapins de réforme qui seraient morts de toute façon. Je lui ai répondu que cela, de toute façon, ne se faisait pas. Il m'a assuré qu’on ne procédait pas de cette manière d'habitude. Cela paraît peu probable puisque cette façon de faire semblait coutumière, et que c’était moi qui me suis inquiété du sort des animaux. Lui jugeait cela sans importance. J'ai donc eu du mal à le croire. Manifestement, aucune considération pour ces petites bêtes n’émanait de la part des employés. J’ai aussi vu que, sans ménagement, des lapins qui se trouvaient sur une caisse en hauteur avaient été jetés vers d'autres caisses en contrebas.
Lors de la visite de l'élevage de type intensif, j’observai une multitude de cages alignées dans un bâtiment au plafond assez bas, avec un nombre important de lapins par cage, laissant ainsi peu de place pour chaque animal. Je vis que le sol grillagé des cages provoquait des blessures aux pattes et de l’inconfort. Il n’y avait pas d’éclairage naturel. Le directeur m’assura que durant les deux dernières semaines de vie, un lapin par cage est enlevé, ceci afin que les animaux gagnent du poids, tout en reconnaissant qu'ils se sentent aussi un peu mieux avec cet espace supplémentaire. Au total, ils sont engraissés pendant trois ou quatre mois. Quant aux lapines reproductrices, elles donnent des petits durant une année. Lorsqu'elles sont abattues, elles ne sont plus bonnes pour la consommation. Ce qui explique le manque de considération que j’ai constaté à leur égard : on les empile dans un chariot métallique, en ne leur épargnant aucune souffrance, puisque les lapines de réforme n’ont pas de valeur marchande. J'ai également pu constater les blessures aux pattes dues au grillage qui revêt le sol de leur cage. Faute de ne pouvoir ronger, leurs incisives sont extrêmement longues et provoquent des blessures dans la bouche. Certains lapins perdaient leurs poils par plaques entières. Enfin, leur charpente osseuse est si misérable, qu'ils semblaient pouvoir se casser comme du verre. Amis consommateurs, pratiquement 100 % des lapins sont élevés ainsi.
Transport de dindes pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
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