samedi, 24 janvier 2009
Une Marche humaine
Texte écrit avant la marche du 24 mars 2007
sara (photo)
Les conditions d’existence des animaux sont très dégradées depuis que l’homme a pris les commandes de toute la surface terrestre. La manière de les traiter fait débat, et les tenants de tous les camps se battent à coup d’arguments biologiques, philosophiques, religieux. Pour chacun, il s’agit de prouver la véritable place de l’homme et les droits que cette place lui confère.
Faut-il alors se persuader, comme dans la Ferme des animaux de George Orwell, que « tous les animaux sont égaux, mais il y a des animaux plus égaux que d’autres » ? Ou penser, avec Marguerite Yourcenar, que « La protection de l'animal, c'est au fond le même combat que la protection de l'homme » ?
La procession des voix pour les sans voix
«Je continuerais à me nourrir de manière végétarienne même si le monde entier commençait à manger de la viande. Cela est mon opposition à l’ère atomique, la famine, la cruauté - nous devons lutter contre. Mon premier pas est le végétarisme et je pense que c’est un grand pas». Isaac Bashevis Singer
Une procession aura lieu le 24 du mois de mars de l’année 2007. Elle partira à deux heures de l’après-midi de la place du Panthéon.
Des êtres humains se rassembleront pour demander à ce que leur dignité humaine soit respectée, et qu’on ne massacre plus en leur nom.
La cause animale est une très vieille cause, mais elle n’a jamais fait l’objet de grands débats publics dans nos sociétés, ou bien ces débats ont sombré dans l’oubli. Elle est parfois couverte de ridicule, comme si la cause animale était une passion enfantine. Pourtant, comme le disait Emile Zola, «la cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser».
La nature animale ou les individus animaux
Il y a plusieurs façons de vouloir protéger les animaux. Deux grandes tendances se dégagent du paysage varié de la réflexion sur la condition animale en terre humaine.
La première est globale : les associations de défense de la nature représentent ce courant : on y défend les loups parce qu’ils font partie de la nature. Il s’agit de préserver la diversité des espaces et la capacité de la terre d’accueillir la vie sauvage.
La seconde est fondée sur le respect de l’être animal, qui représente un « humanisme élargi ». Ainsi, les fondations qui prônent cette vision ne défendront pas une politique visant à réintégrer des ours dans une région, parce que cette politique privilégie le groupe des ours au détriment des individus qui seront sacrifiés (transports, adaptation…) à la cause du groupe. Cette fraternité-là envers les animaux leur reconnaît une identité de « personne ».
Mais ces deux tendances, globale et individuelle, sont souvent appelées à soutenir les mêmes causes.
Une fraternité élargie
«Très jeune j’ai renoncé à manger de la viande et le temps viendra où les hommes regarderont les meurtriers d’animaux avec les mêmes yeux que les meurtriers d’êtres humains ».Léonard de Vinci
Une des premières réactions qui nuit à la défense des animaux consiste à penser que leur protection se ferait sur le dos d’êtres humains. Ce n’est pas le cas ; la plupart des associations se situent dans une ligne résolument humaniste. De grands philanthropes ont soutenu la cause des bêtes, tel le médecin Albert Schweitzer, l’astrophysicien Hubert Reeves, ou encore le Mahatma Gandhi, qui disait : "Je hais la vivisection de toute mon âme. Toutes les découvertes scientifiques entachées du sang des innocents sont pour moi sans valeur."
De façon moins soucieuse et plus cruelle, on reproche aux défenseurs des animaux de faire montre d’une sensiblerie niaise, faible. Mais l’aventurier Mark Twain, qui prit des risques de toutes sortes au cours de sa vie, prit aussi celui du « ridicule » : "Peu m'importe que la vivisection ait ou non permis d'obtenir des résultats utiles pour l'homme. La souffrance qu'elle inflige à des animaux non consentants est le fondement même et la justification pour moi suffisante de mon aversion, un point c'est tout."
Assimilation et opposition de l’animal et de l’homme
Quelle propagande nous a construit ces croyances auxquelles nous nous accrochons comme à une bouée de sauvetage ? Celle qui oppose à l’Art, la nécessité ; celle qui oppose à l’affection, l’instinct ; celle qui oppose à la pensée verbale, le néant ; et celle qui oppose à la souffrance humaine, l’insensibilité animale ?
Nous avons déjà bien montré que nous sommes capables des pires atrocités, sur nous-mêmes, les hommes, sur les bêtes et sur la nature. Il nous reste à témoigner de nos aspirations à la liberté, à la beauté de la nature, au pacifisme de l’Art et au respect de la vie.
S’il faut absolument s’extraire du monde animal, plutôt que par l’assassinat et l’exploitation massifs, optons pour l’attitude fraternelle de celui qui a les moyens de maîtriser ses propres besoins et peut tendre une main amie.
La fête sanglante
Mais pour cela, il faut d’abord contempler le monde tel qu’il est au risque de le voir plus horrible que ce que l’on voulait imaginer. Comme l’écrit Florence Burgat, « lever le silence qui entoure ce massacre trouble impardonnablement une fête qui en passe par le sacrifice animal. Mais notre luxe le plus profond tient surtout dans la douleur tonitruante d’animaux dont nous avons manqué la rencontre, et qui, au fond de leur cachot, attendent quelque chose que nous ne leur donnons pas ».
«Déserte est la nuit de l'homme abstrait».
Raoul Vaneigem
Le 24 mars 2007, à Paris, des humains rassemblés défileront silencieusement par solidarité envers ceux qui n’ont point la parole.
Car de nos jours où tout est bétonné, enserré, mécanisé, qu’il soit homme ou bête, désert est le jour de l’animal concret.
Edith de cornulier lucinière
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mercredi, 21 janvier 2009
Le sexe des anges
Le sexe des anges
H.L. accompagnée d'Edith de CL s'interroge sur deux des plus belles femmes du monde :
Nolimé et Véronique
Voir
un film de Krzysztof Kieslowski
1991
sorti en DVD par MK2 en 2006
Lire et voir
dessins de Béja
Textes de Nataël
Editions Casterman, 1995
Deux œuvres
Comme dans le film La Double Vie de Véronique, la bande dessinée Nolimé Tangéré, grande œuvre littéraire et esthétique, propose une intéressante version d’un certain incertain donjuanisme romantique.
Le film, comme le livre, questionnent le rapport entre l’auteur et ses créatures. L’auteur fictif de la bande dessinée et le marionnettiste du film voudraient entrer dans la vie de leurs personnages mais ils n’osent pas : ils ont peur de briser leur rêve.
Le rêve sera inexorablement brisé.
Dans Nolimé Tangéré, l’auteur voit horrifié sa plus belle idole, son personnage Nolimé, renoncer à sa pureté, sortir de son œuvre pour entrer dans la vie et rejoindre un homme.
Dans la Double Vie de Véronique, la jeune femme sort de son propre rêve pour partager la vie de l’artiste qu’elle inspire.
Les deux oeuvres s'arrêtent avant que l’amant ne se lasse, avant que tout s’écroule. On finit entre deux mondes, dans une tension de réalisation, mais l’héroïne est morte en tant que telle. Elle n’est plus qu’une femme. Ce qui faisait toute la séduction de la femme inaccessible meurt avec son engagement tangible.
Qu’est-ce qu’une femme ?
C’est la question que posent ces œuvres, qui nous peignent des femmes chargées de magnificence.
Dans la vraie vie, c’est si difficile de ressembler à une image d’Epinal qui semble délivrée des charges animales quand on partage plus de 95% de son patrimoine génétique avec les orangs-outangs…
Ces hommes et ces femmes auxquels nous essayons de ressembler, nous, enfants déguisés en adultes, animaux déguisés en humains, nous ne pouvons les rencontrer que dans des œuvres d’art.
Tant qu’on la rêve, une femme est un ange. Quand on la rencontre, avec nos mains, avec notre cœur et notre corps, la femme s’estompe et fait place à l’être humain, l’être humain qui est un animal comme les autres. Alors le rêve est déchu.
“Thanks to the girls who fed me”, Merci aux filles qui m’ont nourri, a écrit Jim Morrison. Mais sans doute ces filles-là n’ont jamais existé. C’est son regard à lui qui les inventait pour ne plus être seul.
Car chacun sait que l’homme et la femme nus ne sont qu’un brillant artifact du passé, chante Leonard Cohen. Everybody knows the naked man and woman, are just a shining artifact of the past...
Mais les hommes aussi sont doubles : des archanges ou des salauds.
Tel cet homme dont parlait Virginia Woolf : le frère affectueux et protecteur envers sa sœur - mais quand elle veut le retrouver dans d’autres hommes, elle découvre son autre face : un brutal méprisant pour les femmes.
Nous sommes métamorphosés par nos maquillages, et ne savons plus retourner à notre vérité naturelle, qui est brisée comme l’enfance est brisée dans l’adulte. Alors, on met des masques, et quand le masque ne tient pas bien certaines se parent volontairement de déchéance : adolescentes libérées, vieilles putes.
A quoi ressemble Véronique quand le film est fini ? Qu'est devenue Nolimé quand la dernière page s'est tournée ?
Impossible rencontre de soi et de la pureté...
Don Juan est épouvanté par lui-même.
A cause de l’horreur du regard tueur ; nous désirons quelque chose, à peine nous l’obtenons, nous n’en voulons plus. Car ce qui est à nous ne peut être bien. L’amour de l’extérieur nous vient souvent de la haine de l’intérieur. Dès lors tout ce que nous touchons, ne peut-être que souillé. La haine de soi à l’extrême se traduit par le mépris de l’autre. L’homme par rapport à l’animal, l’homme par rapport à la femme, la femme par rapport à l’homme, etc.
Don Juan se hait.
Il est assoiffé de lui même, mais se cherche dans l’autre. S’il laisse ses victimes exsangues, sa vie à lui est un long dévidement.
C’est Don Juan vidé de lui-même, qui ne peut jamais croître, en chasse, en survie permanente – Don Juan est un vampire.
Don Juan est éternel
Plus que séducteur, au fond, la particularité de Don Juan est d’être séduit… jamais centré sur lui-même, il est séduit chaque fois qu’il sent palpiter un peu de vie.
Il est le séducteur, il est la séductrice, il est l’ethnologue ou le passionné des enfants : il voudrait ne faire qu’observer, ne peut s’empêcher de posséder et il hait et méprise tout ce qu’il touche.
Don Juan est aux femmes ce que les ethnologues sont aux peuples « primitifs », ce que les scientifiques sont à la terre vierge.
Même la science est Don Juan : la science qui brûle ou casse tout ce qu’elle touche, un peu comme Lenny dans des souris et des hommes, de John Steinbeck, parce qu’il cherche le pur, et le vierge, mais que son regard de vivisectionniste, souille et déflore. Alors, immédiatement déçu, il doit chercher ailleurs la pureté et la virginité, et le charme fugitif de la découverte.
Fuite éternelle de soi : Don Juan est l’être en fuite, tellement apeuré par la mort qu’il s’y précipite deux fois plus vite que les autres.
Nolimé Tangéré et Véronique sont des anges. Leurs amoureux transis croient qu’ils aiment des femmes ; mais les anges n’ont pas de sexe.
H.L. et E de CL
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dimanche, 18 janvier 2009
Les Dames
Les Dames
Lire :
Le Livre de la Cité des Dames
Christine de Pizan
Traduction de l'ancien français en français actuel : Thérèse Moreau et Eric Hicks
Stock
Ecrit en 1404/1405
Une Chambre à soi
Virginia Woolf
Traduit de l'anglais par Clara Malraux
Denoël/Gonthier
Publié pour la première fois en 1929
Au début du XV° siècle paraissait "Le Livre de la Cité des Dames" écrit par Christine de Pizan. Blessée et humiliée par le mépris dans lequel les hommes tiennent les femmes à son époque, Christine de Pizan propose de construire une forteresse imaginaire dans laquelle se regrouperaient toutes les femmes de grande qualité afin de prouver au monde qu'elles ne valent pas moins que les hommes.
Au début du XX° siècle, Virginia Woolf, blessée et humiliée par le sort inférieur fait aux femmes, imagine que ce qui leur manque pour valoir autant que les hommes, c'est "Une chambre à soi", du loisir et de l'argent qui permettent aux femmes de penser, de réfléchir, d'écrire.
Le féminisme est né de cette douleur. L'éphémère journal "Le torchon brûle" des années 68 était tout rempli de ces plaintes.
Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes n'en reviennent pas du sort qui leur est fait. Ou plutôt elles se creusent la tête pour comprendre ce qui fait d'elles des parias, des esclaves, des moins que rien.
La tentation de beaucoup d'entre elles est de considérer que les hommes sont des brutes et que les femmes sont opprimées en vertu de leur supériorité.
Aujourd'hui de nombreuses femmes ont accédé à des postes de pouvoir, certaines sont devenues astronautes, chercheuses, ont traversé l'Atlantique en solitaire, etc…. Il n'est pas de domaines dans lesquels certaines femmes n'ont pas brillé. Les êtres humains de sexe féminin n'ont plus grande chose à prouver à ceux de sexe masculin.
Cependant, nous qui sommes des gens ordinaires, hommes ou femmes, ou mêmes animaux, nous qui avons vu des femmes réussir aux plus hauts postes dans les entreprises ou à l'université, nous avons pu prendre bonne note que, oui, les femmes réussissent admirablement quand elles en ont les moyens ; nous avons pu vérifier également qu'elles ne valent pas mieux que les hommes quand elles sont dans la même situation de pouvoir. Nous avons pu vérifier cent fois qu'il n'y a pas de nature féminine de meilleure qualité que celle des hommes.
La lecture de ces deux livres est essentielle pour comprendre la nécessité, le bien-fondé de la lutte féministe. Il faudrait pourtant changer de point de vue. Il ne s'agirait plus de lutter contre l'oppression de tel ou tel groupe particulier - serait-ce celui des femmes - mais de se battre pour le libre développement de chacun quel que soit son sexe, sa couleur de peau, son origine sociale. Contre la sottise, l'arrogance, la méchanceté, quel que soit le sexe, la couleur de la peau, l'origine sociale de son détenteur.
Sara Univers de sara
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jeudi, 15 janvier 2009
Un voyage féodal
1) Vie de saint Louis par Jean de Joinville (XIII° siècle), Classique Garnier, 1995.
2) Histoire de l'Afrique noire par Joseph Ki-Zerbo (XX° siècle), éditions Hatier, 1978.
3) Abbrégé chronologique ou extrait de l'histoire de France par le Sr De Mezeray (XVII° siècle), historiographe de France, Tome I (et suivants pour ceux qui les trouvent), 1698.
Un seigneur champenois du début du XIII siècle, Jean de Joinville, accompagne le roi saint Louis dans ses croisades pour délivrer le tombeau du Christ. Il en fait la chronique dans son livre, "Vie de saint Louis".
Au milieu du XX° siècle, un historien africain, Joseph Ki-Zerbo (né en Haute-Volta et agrégé d'histoire en France en 1956) sillonne l'Afrique de part en part à la recherche de récits anciens qui dorment dans les bibliothèques, et de traditions orales qu'il recueille auprès de conteurs, de sages… Il écrit une monumentale "Histoire de l'Afrique noire".
La lecture quasi simultanée de ces deux livres entraîne le lecteur dans un incroyable voyage dans le temps du moyen âge, en compagnie des contemporains de cette époque très agitée. Joinville raconte "sa guerre" aux côtés de saint Louis. Joseph Ki-Zerbo cite des voyageurs arabes ou musulmans. Le lecteur compare les dates. Que se passait-il dans telle région d'Afrique noire au moment des Croisades ? Quels regards les uns portaient-ils sur les autres ? Qui étaient ces "seigneurs" européens, ces sultans musulmans, ces rois prêtres noirs qui se ressemblent étonnement, sinon dans les mœurs, du moins dans leur comportement de fauves, de prédateurs, de guerriers : c'est l'époque des grands féodaux. Ils se reconnaissent entre eux, se combattent avec violence, mais ils se respectent. Les fils des rois noirs tués sont élevés à la cour de celui qui les a vaincus. Le cri "cousin du roi" suffit pour que les sarrasins gardent Joinville en vie.
Le troisième livre est plus difficile d'accès : seuls des libraires spécialisés ou bien des sites Internet de livres anciens permettent de le trouver : c'est l'"Abrégé Chronologique ou extrait de l'Histoire de France", de Mezeray. Je n'ai trouvé que le tome I. C'est le livre d'histoire du XVII° siècle. Il retrace la chronologie des rois de France depuis Faramond (418).
Voilà un livre qui se lit avec stupeur et crainte car il décrit l'extrême violence de ces époques. Il fut écrit pour tenter de donner un sens à l'histoire de la royauté française, d'en montrer la cohérence. Il a un autre intérêt, partagé avec le livre de Joinville : c'est celui d'introduire le lecteur dans le système compliqué de la féodalité européenne.
Enfin, ces lectures éclairent du poids de l'histoire les guerres contemporaines du Proche-Orient : cette partie de l'Afrique est devenue chrétienne (II°, IV° siècles) quand l'Empire romain déclinant, s'est converti. Les vieilles religions de l'Antiquité ont alors disparu. Et, très vite après sa naissance au VII° siècle en Arabie, l'Islam envahit toute cette région qui devient musulmane, sauf l’Éthiopie et quelques foyers de résistance, copte en particulier.
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lundi, 12 janvier 2009
Courir le monde
Lire :
Itinéraire de Paris à Jérusalem
François-René de Chateaubriand
Garnier Flammarion
Première parution : 1811
Sites sur lesquels on peut lire des études de chercheurs sur ce livre :
Jules Verne
Le Livre de Poche
Première parution : 1873
Site de la cité des sciences qui propose un "tour du monde en 10 minutes" sur les traces de Philéas Fogg :
Il fallait acheter l'"Itinéraire de Paris à Jérusalem" dans la collection préfacée par l'universitaire autorisé si l'on en croit les articles de chercheurs mis à la disposition des candidats à l'agrégation sur les sites spécialisés. En effet, ce livre est au programme de l'agrégation cette année. J'avais l'autre édition dans ma bibliothèque et m'en suis contentée.
Mais j'ai lu les articles pour ma culture personnelle.
Ce qui étonne dans ce livre, c'est la manière de voyager de François-René de Chateaubriand. Il voyage comme s'il voulait en finir au plus vite. Il part le 13 juillet 1806 de Paris, Il arrive le 23 à Venise après 10 jours de voyage . Il y reste cinq jours, pars en "Chariot" à Trieste pour en repartir le 1er août en bateau. Il visite Athènes, Constantinople (Istanbul), Jérusalem, Alexandrie et retrouve Madame de Noailles le 10 avril à Cordoue. Neuf mois de voyage Il saute d'un bateau à un autre, fait des équipées à cheval pendant des journées de onze heures. Il traverse les ruines, les lieux saints dans une course que rien n'arrête. Certes la récompense du trajet c'est la rencontre tant attendue avec la femme dont il est amoureux !
Pour lui, le voyage, c'est la fuite. Fuite de sa femme qui l'ennuyait un peu. Fuite de son mal, le "mal du siècle", le mal être des romantiques : "toujours se promettant de rester au port, et toujours déployant ses voiles ; cherchant des îles enchantées où il n'arrive presque jamais, et dans lesquelles il s'ennuie s'il y touche ; ne parlant que de repos, et n'aimant que les tempêtes;"
Pendant qu'il se hâtait lentement, l'anglais, Richard Trevithick (1771-1833), fabriquait la première locomotive du monde capable de tracter 10 tonnes (en 1804). Tandis que les premiers bateaux à vapeur ne voient le jour qu'à partir de 1840.
Soixante dix ans plus tard, paraît "Le tour du monde en quatre-vingts jours" dans lequel Philéas Fogg mise toute sa fortune dans un pari contre le temps. Les moyens de transport se sont considérablement améliorés et se multiplient sur la planète. Il estime donc qu'il est possible de faire le tour du monde en 80 journées. Est-ce possible ? La scène se passe en 1872 à Hong-Kong :
"Vous chargez-vous de me conduire à Yokohama ?"
Le marin, à ces mots, demeura les bras ballants, les yeux écarquillés.
"Votre honneur veut rire ? dit-il.
- Non ! J'ai manqué le départ du Carnatic, et il faut que je sois le 14, au plus tard, à Yokohama, pour prendre le paquebot de San Francisco.
- -Je le regrette, répondit le pilote, mais c'est impossible.
- -Je vous offre cent livres (2500 F) par jour, et une prime de deux cents livres, s'y j'arrive à temps.
- - C'est sérieux ? demanda le pilote.
- -Très sérieux", répondit Mr Fogg"
Aider de son fidèle domestique Passepartout, il triomphe de tous les obstacles à coups de volonté et à coup d'argent. On dirai une charmante caricature de l'Itinéraire, une de plus - car il y en a eu, paraît-il, beaucoup au XIX° siècle -. Et au bout du voyage, il y a aussi l'amour de la belle Indoue, Mrs Aouda.
Nous avons changé de civilisation à tout jamais. Tant mieux pour les chevaux. C'est le début de la fin de l'esclavage pour eux : en 1850, la Loi Grammont interdit aux cochers de les maltraiter. Les machines sont là, sans âmes, qui ont pris le relais. Mais le mal-être humain reste le même. L'état d'esprit des voyageurs n'a pas évolué :ces deux livres annoncent le tourisme de masse de notre époque : de nombreuses personnes traversent le monde au pas de charge, rapportant des quantités de "photos" et de propos sur les lieux qu'ils ont "faits" selon la formule maintenant consacrée.
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vendredi, 09 janvier 2009
L'ange et l'archange
Deux adolescents dans la tourmente de la Révolution française...
Lire :
Saint-Just
D. Centore-Bineau
(Première publication : 1936)
Payot 1980
de La Rochejaquelein
1772-1857
Mercure de France,1984
J'ai lu Saint-Just, flamboyante biographie de l'ange de la Terreur, écrite en 1936 par Centore-Bineau. Ensuite, j'ai lu les mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, cousine du héros vendéen. Et je reste avec deux souvenirs fracassants, deux jeunesses violemment fauchées en pleine Révolution, deux courages voués et dévoués à une cause. Saint Just, l'archange de la terreur, et La Rochejaquelein, ange de la contre-Révolution. Que de points communs entre ces deux jeunesses ennemies. Tous deux sont morts très jeunes, courageusement, pour une cause à laquelle ils croyaient.
Une époque, deux trajectoires
Racontée avec passion par une historienne et admiratrice, la vie de Saint-Just (les gens de l'époque prononçaient Saint-Je) commence par une enfance et une adolescence douloureuse.
Celle de La Rochejaquelein, racontée par sa cousine, est au contraire une histoire de famille heureuse et compréhensive.
La surprise
Louis Antoine de Saint-Just : il a la surprise de découvrir que dans son innocence d'enfant, on le prend pour un criminel ; pour des broutilles, des désobéissances sans conséquences, la femme qui l'a enfantée et qu'il aime l'enferme en prison. Enfermé par lettre de cachet sur l'ordre de sa mère avant vingt ans...
Henri de La Rochejacquelein : il a la surprise de découvrir que la douceur du nid familial, régional, imaginaire est assassinée par une violence que rien de ce qu'il a vu ne justifie. Les circonstances éclatent son bonheur en mille morceaux avant ses vingt ans.
La révolte
Louis-Antoine : il se révolte contre les enfermeurs, les exploiteurs, les moralistes, les riches...
Henri : il se révolte contre les blasphémateurs, les tueurs, les immoraux, les arrivistes...
L'élection
Les paysans et ouvriers de la région de Louis-Armand venaient à lui pour qu'il mène la révolte. Il leur offre son intelligence intrépide.
Les paysans de Vendée s'en vinrent chercher Henri afin qu'il les mène à la bataille. Il redresse la tête, accepte et s'engage.
Etrange destin de ces jeunes hommes de vingt ans qui par leur charisme inconscient recueillent une responsabilité dont ils mesurent avec peur la portée, et qu'ils acceptent.
Le Choix
Louis-Antoine et Henri : il font le choix de défendre les opprimés et de leur offrir leur vie.
Le courage
Louis-Antoine et Henri : ils trouvent le courage d'assumer leur choix. De demeurer honnêtes malgré les roublards qui s'empressent de récupérer leur cause.
Jusqu'au bout...
Louis-Antoine : « Je ne suis d'aucune faction. Je les combattrai toutes »...
Henri : « Si je recule, tuez-moi ; si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ».
La Mort
Louis-Antoine : à 28 ans, il marche courageusement à la guillotine, lui qui avait voté la mort du roi : « On ne juge pas un roi. On le tue ».
Il avait peu à peu perdu tous ses amis, parce qu'il était resté fidèle à sa cause et inflexible. « Celui qui dit qu'il ne croit pas à l'amitié ou qui n'a point d'amis, est banni » ( avait-il pourtant écrit dans ses Fragments sur les Institutions républicaines).
Henri : il est tué à la bataille... Fauché à 22 ans.
Il avait, raconte la mémorialiste, changé de visage et d'attitude à l'instant où il avait répondu « oui » à ceux qui lui demandaient d'entrer dans l'armée. Il portait des petits mouchoirs à son habit pour que les paysans de l'armée vendéenne – amateurs se battant à la fourche - reconnaissent leur chef.
L'expérience, l'attitude et l'idéologie
Les personnalités sont indépendantes des idéologies. Ceux qui confondent leur personnalité avec leurs idées se trompent.
Il y a plus de ressemblance entre Saint-Just et La Rochejaquelein – leur courage, leur détermination – qu'entre Saint-Just et les plupart de ses corévolutionnaires, qu'entre La Rochejaquelein et les contre-révolutionnaires.
Si ce n'est la personnalité qui détermine l'idéologie, peut-être alors est-ce l'expérience de vie de la personne ?
Deux expériences, deux choix
Saint-Just, enfermé par lettre de cachet sur la demande de sa mère, hait les pratiques de l'Ancien Régime. Très jeune il est rongé de l'intérieur par la révolte et l'injustice.
La Rochejaquelein, choyé par sa famille, éprouve une grande confiance dans les valeurs qu'on lui inculque. Il est en accord avec le monde qui l'entoure.
Les familles de ces jeunes gens n'ont-elles pas eu les attitudes déterminantes de leur choix ?
L'expérience que nous vivons au fond de nous-mêmes – la confiance, ou bien une douleur insurmontable... - pèse sans doute plus lourd dans nos choix idéologiques que notre appréciation intellectuelle. L'appréciation intellectuelle n'est qu'une justification a posteriori.
Vieux roublards et jeunes héros
Les vieux fauteurs de guerre roublards et hypocrites manoeuvrent et embrigadent de jeunes courageux qui meurent de croire en leur idées.
Aujourd'hui, les ex-militants d'Action Directe croupissent depuis vingt ans en prison, y souffrent et meurent. Mais leurs inspirateurs vivent tranquilles, hurlant des idées qu'ils transforment au fil des modes, sachant se reconvertir ou se faire oublier quand il le faut.
Certaine jeunesse est trop intègre : elle agit et se perd par honnêteté. Elle se rend compte trop tard – s'il lui en reste le triste loisir - qu'il ne faut jamais faire ce qu'on dit, qu'il ne faut jamais dire ce qu'on fait : c'est seulement ainsi qu'on survit et qu'on s'enrichit.
Et c'est pourquoi Brassens, qui croyait plus en la réalité fraîche et simple des gens tels qu'ils sont dans leur vie quotidienne qu'aux grands idéaux qu'ils proclament, rappelant que ceux qui crient le plus la vertu laissent des innocents payer son prix, chantait « Mourir pour des idées, d'accord mais de mort lente, d'accord, mais de mort lente ».
Edith de Cornulier-Lucinière
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jeudi, 08 janvier 2009
Voeux pour l'an deux-mille-neuf
AlmaSoror vous souhaite une année héroïque
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lundi, 05 janvier 2009
La liberté d'échouer
Henry James
Traduit par Fabrice Hugot
(Première publication : 1903)
Criterion
Par Alexandre Dumas
(Première publication :1846)
Gallimard (La Pléiade)
Ces deux livres décrivent l'amer regret d'avoir échoué la rencontre avec l'être aimé. La lâcheté, l'égoïsme, le manque de foi dans la vie, la complaisance à soi-même ont été les raisons d'un tel désastre. Le personnage du roman, qui est en cause, recule, effrayé, atterré, au moment où - après des années d'aveuglement - il a soudain la vision lucide de son échec. Il résiste furieusement devant l'évidence : il aurait pu se déterminer autrement. Il aurait pu être libre.
"Malheureux ! s'écria Mercédès, si je croyais que Dieu m'eût donné le libre arbitre, que me resterait-il donc pour me sauver du désespoir !" (chapitre CXII. Le Départ). Oui, toute la question est là. La fiancée d'Edmond Dantès aurait-elle du lui rester fidèle au lieu d'épouser son cousin ? Elle a beaucoup de circonstances atténuantes : elle était pauvre, seule. Elle n'avait aucun moyen de sauver son fiancé. Elle ne savait même pas où la police l'avait emmené, dans quel cachot la justice l'avait jeté. Elle n'était même pas sûre qu'il était encore en vie. Quand un demi-siècle plus tard, elle revoit Edmond Dantès devenu le richissime Comte de Monte-Cristo dans toute sa gloire, c'est au moment exact où elle-même chute dans l'opprobre et le malheur. Comment pourrait-elle alors entrevoir qu'elle a librement fait le mauvais choix? Il est plus facile de croire que c'était son destin d'être ainsi broyée. Sauf à sombrer dans le désespoir et la rage impuissante des regrets et des remords.
John Marcher, le héros de La bête dans la jungle, savait qu'un jour, inéluctablement, la "bête"- qu'il sentait rôder autour de lui depuis tant d'années - allait bondir. Mais il ne l'avait pas prévue aussi effrayante, diabolique. "C'était là l'horrible secret, la réponse à tout ce qui s'était passé, la vision dont l'effroyable limpidité le glaça d'un froid aussi grand que celui de la tombe qui était à ses pieds". Cette fulgurante vision c'est qu'il est passé, par sa faute, à côté de la femme de sa vie. Il sait que c'est son arrogance et son égoïsme qui l'ont aveuglé toutes ces années. Il est plus impardonnable que Mercédès. Mais plus qu'elle, il a le courage de la lucidité. "Il avait rempli sa mesure, celle d'un homme à qui rien ne devait jamais arriver. Il aurait pu échapper à son destin en l'aimant, alors, oui, alors, il aurait vécu. C'est ce que la compagne de son attente avait à un moment compris et elle lui avait alors offert d'échapper à son destin." Il avait refusé de le comprendre. La vision "immense et effroyable" de la liberté qu'il avait eu de choisir son malheur le foudroie sur le tombeau même de l'être aimé.
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jeudi, 01 janvier 2009
IN MEMORIAM GANGE
In Memoriam Gange
(lettre à une chienne)
Gange
Mais je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans l'océan
Tu es je ne sais où, je suis toujours ici
Mais au fond nous sommes un poisson
Ton départ a tout effacé, sauf ta présence.
Tes cendres frémissent dans leur boite,
Sur le piano.
Et je ris lors des grands dîners,
Je ris derrière mon masque.
Car je sais que nous sommes un poisson.
Tu as quitté ton corps,
Dans la mort.
Et j'ai quitté le mien, (l'air de rien)
Pour te suivre.
Voilà comment nous sommes devenues poisson.
Comme toujours, silencieuses,
Et comme toujours, amoureuses
De cet océan seul et immense,
Salé et sans souci
Qui nous noie inlassablement.
Seules certaines musiques
Endiablées mais lentes
Seules quelques musiques
Lancinantes
Laissent le poisson
Coloré
Nager dans l'air chaud du salon
Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans les vagues de fumée
Et sans drogue
Soeur de coeur
Sans alcool ni opium
Rien que le souvenir
De ton regard sans fond
Coeur de soeur
Pour rejoindre les fonds
Bas fonds
Tréfonds
De l'océan universel
Dans lequel
Toi et moi,
Le poisson,
Nous nageons.
Oui je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans le néant
Tu es je ne sais où, je suis je ne sais qui
Et c'est fou, nous sommes un poisson...
Au fond de mes yeux astrologues
Mon amour soeur
De mon ventre océanographe
Mon amour chienne
De mon coeur astrophysicien
Mon amour Gange
Au creux de mes mains géographes
La planète, petite comme une bulle
Ronde comme une pastille dans un tube
Danse
Et l'univers immense et nébuleux
Mène la transe
C'est ainsi que je sais
Que je sens
Que toi que moi que nous
Sommes Une
Nageant
Dans l'océan
Qu'importe que je parle à d'autres gens ?
Que je sois quelque part, à quelque moment ?
Puisque le temps n'est qu'un mirage
Et l'espace invisible...
Si le réel n'est que la vérité,
Nous ne faisons qu'une
Et nous faisons phe phe phe
Ton départ a tout effacé
Sauf mon absence
Et les cendres de mes cigarettes
Près du piano.
Et je ris lors des grands dîners
Je ris derrière mon casque.
Car je crois que nous sommes un poisson.
Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans l'écume-fumée.
Edith de Cornulier-Lucinière
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mercredi, 31 décembre 2008
Entrevista con la Lengua
L'Art, la toile, le monde...
Antonio Zamora
Entrevista con la Lengua
—Doña Lengua, ¿es usted la que habla a través de nosotros o somos nosotros los que hablamos utilizándola?
—¿Es la tabla de surf la que transporta al surfista o es él quien la utiliza para deslizarse sobre la ola?
—Doña Lengua, parece que la gente que la utiliza no se entiende entre sí. Eso me sugiere una pregunta importante : ¿es usted una única entidad que aparece bajo distintos ropajes llamados idiomas o más bien sucede que hay tantas entidades como idiomas?
—¿Son todas las tablas de surf la misma? ¿Son todas las olas iguales?
—Si es usted Una, ¿dice las mismas cosas en todos los idiomas que la representan ? Y si hay muchas lenguas distintas y usted sólo es la Lengua Española, ¿puede decirme cómo son sus relaciones con sus colegas?
—Las mismas cosas... ¡Nunca digo “las mismas cosas”! Cada vez que me hablan digo cosas distintas, incluso con las mismas palabras. Un mismo giro de la tabla adquiere un sentido distinto según cómo sea la altura, la velocidad y la inclinación de la ola en la que se desliza, según cómo hayan sido los giros anteriores, según cuál sea la intención del surfista, según qué ojos le contemplen. Nunca digo las mismas cosas. Por eso sé que mis hermanas las otras lenguas (somos hijas de la Vida Humana) no dicen lo mismo que yo. Son tablas distintas. Y, sin embargo...
—¿En que tipo de bocas prefiere hablar?
—En las que me hacen sentir viva y amada.
—¿Qué cosas prefiere decir? ¿Hay cosas que odia decir?
—Sufro con la mentira y la manipulación. Cada vez que soy usada para el engaño o el autoengaño, siento que muero un poco. Me gusta deslizarme sobre las olas, no sobre la arena. Me siento viva y amada cuando expreso realidades. No me importa que a veces sean duras y hagan llorar. No me importa que la ola nos derribe, si nuestro esfuerzo para dominarla ha sido honrado. Sirve para aprender. Y para alcanzar la verdad, el conocimiento, el amor. Soy feliz expresándolos. También disfruto mucho con la risa, hasta cuando me hace desaparecer y sólo queda ella, como la pirueta del surfista que abandona voluntariamente su tabla justo antes de ser derribado.
—¿Te gustaria ser utilizada por los otros animales?
—Sería bonito ser amada y amar a los otros animales, y a menudo fantaseo con ello. Pero soy humana. Ellos deben aspirar a otros amores.
—¿Por qué favoreces a los humanos ? ¿Es realmente un favor?
—Nos hemos hecho mutuamente. No es un favor. Me hicieron y les hice. Me hacen y les hago. ¿Por qué favorecen las hojas a los árboles?
—¿Tienes un papel en la felicidad y la pena de la gente ? ¿O no tienes nada que ver con los dramas humanos?
—La Humanidad me necesita para deslizarse por su ola, pero también puede utilizarme para alejarse de ella y ser desgraciada.
—Para terminar, doña Lengua, díganos algo importante.
—…
Antonio Zamora
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lundi, 29 décembre 2008
Hommage à Jean Monnet
AlmaSoror de temps en temps offre un hommage à nos étoiles des temps proches et lointains, veut saluer des êtres dont le souffle, la vision, la parole nous aident à vivre et à penser.
JEAN MONNET
1888-1979par Agnès de Cornulier
« Il y a deux sortes d’Hommes : ceux qui veulent être quelqu’un et ceux qui veulent faire quelque chose »
Dwight Morrow
Le 25 mars 2007 l'Europe célèbre le cinquantième anniversaire du Traité de Rome, qui fonda la Communauté européenne. Jean Monnet en fut l'un des négociateurs.
Jean Monnet est à le contraire d'un idéaliste : ce négociant en cognac et l'un des pères de l'Europe a, toute sa vie, oeuvré en faveur de la paix avec pragmatisme.
Il n'est pas connu car il n'est pas un idéologue et ne s'est jamais mis en avant. Cependant il fut l'artisan de la coopération entre la France et l'Angleterre des deux guerres mondiales.
Il fut aussi à l'origine de l'entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés des alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il donnait les idées et coordonnait dans l'ombre.
L'Europe représentait pour lui le moyen d'instaurer une paix durable et prospère : L'objectif semblait inatteignable aux yeux de ses contemporains, qui voyaient deux fois par siècle l'Europe se déchirer.
1888 : Jean Monnet naît à Cognac le 9 novembre, dans une famille de négociants en Cognac
1904 : Jean Monnet a 16 ans, il arrête ses études et est envoyé à Londres par son père avec le conseil suivant : « N'emporte pas de livres. Personne ne peut réfléchir pour toi. Regarde par la fenêtre, parle aux gens. Prête attention à celui qui est à côté de toi »
"Je ne suis pas optimiste, je suis déterminé »
1919 : Lors de la création de la Société des Nations (ancêtre de l'ONU), Jean Monnet en devient le secrétaire général adjoint. C'est la première union des nations visant à régler pacifiquement les différends. En 1923 il démissionne de cette organisation internationale pour reprendre l'entreprise familiale en difficulté.
« Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes »
1940 : Le premier ministre britannique Churchill l'envoie aux États-unis pour y négocier des achats de matériel militaire.
1950 : En avril, Jean Monnet conçoit le projet du pool du charbon et de l’acier entre l’Allemagne et la France et participe à la rédaction de la « déclaration Schuman » du 9 mai (le 9 mai est devenu le jour de la fête de l'Europe).
« Mieux vaut se disputer autour d’une table que sur un champ de bataille.»
1951 : Six États – l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas – signent le traité créant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA).
« Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. »
1975 : Après avoir travaillé pendant près de vingt ans à l’approfondissement et l’élargissement de la Communauté économique européenne, Jean Monnet se retire dans sa maison d’Houjarray, dans les Yvelines, où il écrit ses mémoires.
1979 : Il meurt le 16 mars 1979.
« Les nations souveraines du passé ne sont plus le cadre où peuvent se résoudre les problèmes du présent. Et la Communauté elle-même n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain »
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dimanche, 28 décembre 2008
Enheduanna
« Moi aussi je veux célébrer à souhait la reine des batailles, la grande fille de Sin »
Enheduanna est le plus ancien auteur littéraire dont nous connaissons le nom.
Vers 2300 avant notre ère, elle a utilisé la première personne du singulier dans ses oeuvres : une audace presque étrange pour l'époque.
Elle vécût à Akkad, Cité-Etat de Mésopotamie, au XXIVème siècle avant notre ère. L'Empire d'Akkad domina la Mésopotamie durant deux longs siècles.
C'est le père d'Enheduana, Sargon, qui lança la domination d'Akkad. Après lui Akkad prit la place de Sumer dans son rôle de phare de la civilisation en Mésopotamie.
« Altière souveraine, Inanna,
Experte à déclencher les guerres,
Tu dévastes la terre et conquiers les pays
Par tes flèches à longue portée
Ici-bas et là-haut, tu a rugi comme un fauve
Et frappé les populations ! »
Fille de Sargon, grand conquérant et roi d'Akkad, son père la nomme prêtresse, « épouse » du dieu Nanna (la Lune). Elle vit dans le temple de la ville sumérienne d'Ur.
« Puisqu'il n'a point baisé la terre devant moi,
Ni, de sa barbe, devant moi, balayé la poussière,
Je vais porter la main sur ce pays provocateur:
Je lui apprendrai à me craindre »
De l'épouse de la Lune une cinquantaine de compositions nous sont parvenues. Hymnes du temple, dont trois hymnes à la déesse sumérienne Innana, connue à Akkad sous le nom Ishtar, qui inspira la figure de l'héroïne biblique Esther. Ces écrits participent à justifier la prépondérance de son père Sargon.
« Aussi ai-je élevé un temple, où j'ai inauguré de grandes choses:
Je m'y suis érigé un tròne inébranlable!
J'y ai donné aux cinèdes poignard et épée,
Tambourin et tambour aux invertis,
J'y ai changé la personnalité des travestis! »
Nous finissons ce court hommage à cette première signature littéraire, ancêtre de tous les poètes de l’Écrit. C'est aussi un hommage à l'Irak, où elle vécut.
Les extraits de cet hymne à la déesse Inanna, attribué à Enheduanna
sont une traduction de Jean Bottéro.
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samedi, 27 décembre 2008
Sumergidos
Sumergidos
por Antonio Zamora
Cegado por el sol, señala hacia abajo con el pulgar y con la mano izquierda activa el mecanismo de expulsión de aire de su chaleco. La pérdida de volumen sumerge su rostro en el agua templada. La realidad se vuelve densa, ingrávida, un silencio azul traspasado por sordos sonidos a cámara lenta. El primer aire exhalado a través del regulador irrumpe anunciando una nueva forma de vida, amortiguada y rítmica. Su pareja de buceo, frente a él, ha realizado los mismos movimientos. A los dos metros la columna de agua se deja sentir sobre sus tímpanos. Un leve pinzamiento de la nariz y el aire sin salida inunda las trompas de Eustaquio compensando la presión. Repiten la operación varias veces mientras descienden en suave caída libre.
A pocos metros del ancla, unos diez de profundidad, los oídos dejan de molestar. Es el momento de lanzar una primera mirada al nuevo mundo en el que se adentran. Sobrevuelan un tupido bosque de posidonias, del que entran y salen multitud de nerviosos pececillos. Más allá, a unos quince metros de distancia, entrevén una enorme piedra junto a la que intuyen ejemplares mayores. Al llegar al ancla, devuelven un poco de aire al chaleco y se dicen que todo va bien formando un círculo con el índice y el pulgar. Antes de iniciar la exploración, se gira unos segundos para contemplar un intenso cielo de plata habitado por burbujas ascendentes que en este momento se cruzan con un oscuro y veloz banco de jureles. Lo señala sonriendo.
Avanzan ahora unos metros hacia la gran roca, aleteando muy despacio, con los brazos extendidos a lo largo del cuerpo. Algo le hace detenerse. Tira del brazo de su pareja mientras señala un punto muy preciso. Al otro lado de la piedra, en la cara que desciende más allá de lo que les está permitido, perfila inmóvil una enorme figura verdosa a punto de confundirse con el profundo azul del que ha emergido. Es el mayor mero que han visto jamás. Lo admiran reverencialmente quietos, hasta que, con un brusco movimiento, la figura se desvanece. Veinte años antes, cuando devoraba un viejo manual de “escafandrismo autónomo” rescatado por casualidad de entre los libros olvidados de la biblioteca familiar, cuando su conocimiento del fondo marino estaba irremisiblemente ligado a la superficie, esta experiencia le habría parecido un sueño irrealizable.
Fue en aquella época cuando conoció a Silvia. Un día de julio, recién terminado su segundo año de Filosofía, acababa de llegar a Florencia para participar en un seminario sobre el pensamiento posmoderno dirigido a universitarios europeos. En un palacete del siglo XVI situado cinco kilómetros al sur de la ciudad, entre un espeso bosque de pinos y un pequeño lago, aislados del mundo, veintitrés alumnos de distintas nacionalidades se disponían a compartir dos semanas de estudio y aventura. Soñaba por entonces con llegar a ser un gran pensador y aquella prometía ser una memorable escala en su lento ascenso a las estrellas. Esa noche era la víspera del comienzo de las clases. Distribuidos en cuatro grandes mesas circulares, cenaban animadamente en compañía de algunos de los profesores, con el inglés como lengua franca. Apenas había tenido ocasión aún ni tan siquiera de fijarse en la mayoría de sus nuevos compañeros. A su lado, un estudiante de Lovaina le enumeraba con entusiasmo una interminable lista de grandes personalidades belgas que el mundo tenía obcecadamente por francesas, y hasta eso resultaba excitante. Entonces alzó la mirada y ya no pudo apartarla. Sus asombrados ojos verdes le cautivaron sin remisión desde la mesa más alejada. No pudo dejar de admirarla hasta que acabó la cena. Más tarde, en el salón de juegos, se armó de valor y la saludó con forzado desparpajo: “¡Hello! ¡I’m Pedro, from Madrid!” “Silvia, de Graná”, contestó ella con una amplia sonrisa que le dejó completamente aturdido. Tardó en reaccionar a su mano extendida. Estudiaba Filología Española y quería ser escritora. Eran los únicos españoles del programa y desde ese momento, hasta el final del verano, fueron inseparables. De día y de noche. En agosto recorrieron juntos las playas de Almería.
Mira el pequeño ordenador asido a su muñeca izquierda y comprueba que ya han alcanzado los 25 metros de profundidad, el máximo previsto. Un vistazo al manómetro que cuelga a su derecha le basta para saber que la presión del aire en la botella es de 110 atmósferas, algo más de la mitad que al comienzo. Todo va bien. Avanzan lentamente, casi sin esfuerzo, a través del denso y silencioso mundo azul. Sólo oyen la rítmica y quebrada salida del aire desde el regulador. La sensación de liviandad es tal que a veces parece que, más que avanzar ellos, son los paisajes los que se suceden ante sus gafas submarinas. Un enorme pulpo sorprendido fuera de su oquedad cambia bruscamente de color cuando pasa a su lado. Poco más allá, una morena acecha amenazante en la negra boca de su cueva. Distraídamente la obliga a retroceder acercando el manómetro a su hocico de bruja. Asciende ahora ligeramente sobre un pasadizo entre dos grandes piedras, hasta que una inesperada depresión deja ante él un extenso valle en el que decenas de salpas platean en busca de alimento entre la vegetación. A la izquierda del valle se alza una pared casi vertical, junto a la que flotan inmóviles, entre majestuosas y fantasmales, algunas familias de mojarras, perfectamente reconocibles por las dos franjas negras que atraviesan los extremos de su aplastada figura grisácea. Los peces más pequeños, los de mayor colorido, juguetean al pie de la pared sobre un fondo salpicado de rojas estrellas de mar y depósitos de conchas y caracolas. Se lanza sin pensarlo sobre el valle, desplazando vida en todas direcciones. Vuelve a girarse para mirar al cielo de plata y suspendido entre columnas de burbujas se deja arrastrar por el torbellino de formas y luces, por la embriagadora sensación de levedad.
De pronto, cae en la cuenta de que hace un rato que ha perdido de vista a su pareja de buceo. Busca alrededor hasta que unas burbujas lejanas le sugieren su presencia. Aletea hacia allí.
Meses después dejó atrás a Sivia. Sin saber muy bien cómo o por qué. Quizás porque vivía demasiado lejos, o porque eran demasiado jóvenes. Y la vida era generosa con él. Cada día había una nueva experiencia que vivir, nuevos amigos que conocer, nuevas mujeres de las que enamorarse, nuevas playas que recorrer. Era fácil. Otros destinos, próximos o lejanos, fueron arrinconando el recuerdo de Florencia y Almería. Nuevas asociaciones fueron acumulándose en su memoria: Rosa y Marruecos; Jorge, Ramón, Clara y los Andes; Alice y las playas de Huelva; Katherina y ese curso en Berlín; su mochila, Australia y aquella muchacha... ¿Cómo se llamaba? En algún momento acabó sus estudios y empezó a trabajar como profesor ayudante en la universidad, mientras preparaba su tesis sobre Heidegger. Tenía menos tiempo, pero también más dinero para viajar. Poco a poco había ido olvidando sus ilusiones de grandeza filosófica y se contentó con la plaza de profesor titular que acabó obteniendo en una universidad madrileña de segunda fila. Eso fue hace cinco años. Lo celebró regalándose un viaje a México con Alejandro, Eva y Luisa, una nueva asociación. Luisa. Aún no sabe qué es lo que falló esta vez. Se entendían muy bien y está seguro de que ella le quería. Sólo recuerda que en algún momento del viaje la contempló en silencio y supo con tristeza que la abandonaría al llegar a Madrid.
Se aproxima aliviado a la figura negra de la que proceden las burbujas. Pero no, no, se ha equivocado... Las aletas que busca son amarillas. Empieza a bucear en círculos, cada vez más inquieto. No entiende cómo ha podido despistarse así. Ahora ni siquiera reconoce el fondo. Sólo ve arena, azul y nada más. No sabe dónde buscarla. Trata de regresar al punto en el que dejaron de verse. Siente que los minutos se aceleran fatalmente cuando comprueba que ya lleva cincuenta de inmersión. Y un nuevo sobresalto: la presión del aire en su botella es de sólo cuarenta atmósferas. Está en la reserva. Solo. Queda muy poco tiempo. ¡Y ahora pita el ordenador! Lo que faltaba, tiene que empezar a ascender si no quiere entrar en descompresión.
Hace un año todo cambió. Maite era alumna suya de primer curso. Siempre se sentaba delante en la clase de Filosofía de la Ciencia. Su figura menuda, bien proporcionada y de una belleza morena extrañamente exótica, le observaba con una mezcla de avidez y sumisión que le desconcertaba. La misma sumisión que leyó en sus ojos cuando una tarde de otoño acudió a su despacho con el pretexto de consultar bibliografía. Fue tan fácil... Ella abandonó a su novio y durante algún tiempo la disfrutó cuantas noches quiso. Hasta que empezó a cansarse de aquella entrega incondicional. Una noche, después de cenar algo, tomaban una copa en el Honky Tonk y, entre sorbo y sorbo, él la besaba mecánicamente. Aprovechó un momento en que ella fue al servicio para intercambiar sonrisas con una rubia que lucía una escueta minifalda en una mesa próxima. A su acompañante no parecía importarle. Cuando Maite volvió, la rubia y él charlaban con evidente complicidad. La chica de la minifalda animó a su amigo a entretener a Maite mientras le invitaba a él a tomar un tequila. Dudó unos segundos, mirando el rostro desconcertado y como a punto de llorar de su alumna. Por fin se dejó llevar como un pelele a la barra, sintiendo que ya no le quedaban límites por traspasar. Poco después, el acompañante de la rubia se acercó a ellos para decirle que su amiga se acababa de ir. Siguió paralizado. No volvió a verla nunca más. Su única respuesta, días después, fue un mensaje de móvil: “Nadie me había hecho tanto daño. Espero no saber nunca más de ti.” Sintió el abismo.
Cuando más desesperado está, siente un tirón en su aleta derecha. Se vuelve y de la alegría casi pierde el regulador. ¡Por fin las aletas amarillas! Se hacen gestos de que hay que volver cuanto antes al punto de partida. Tras largos minutos, con tan sólo veinte atmósferas en las botellas, encuentran el ancla. Inician lentamente el ascenso (la ascesis, se le ocurre pensar). Han traspasado la curva de seguridad y el ordenador indica que tienen que parar durante cinco minutos a diez metros de profundidad. Esperan con calma, dejando tiempo para que el nitrógeno concentrado en sus tejidos pueda ir abandonándolos lentamente sin formar burbujas letales. La sombra de la zodiac se recorta con nitidez en la brillante superficie del agua. Pueden volver a ascender, pero aún deben detenerse tres minutos más a cuatro metros. El ancla es apenas un diminuto punto allá abajo. Por fin, ya casi sin aire, pueden emerger.
Hace unas horas, la persiana a medio cerrar dejaba entrar en la habitación los primeros rayos de la mañana y por unos instantes no hubo nada más que rumor de mar y luz. Cuando el universo se recompuso, comprendió que hacía mucho tiempo que no se sentía tan bien. Recordó que habían llegado ayer de Madrid, una rápida escapada al apartamento de la playa en busca de horizonte. Salió al balcón y agradeció una vez más la familiar placidez con la que se mostraba la vieja bahía de Mazarrón, iluminada desde las montañas de levante con suaves reflejos de melocotón. Agradeció, sobre todo, que ella hubiera vuelto a su vida para devolverle la ilusión, para salvarle. Sería un buen día de buceo.
Sale a la superficie y la mira. Se ha quitado ya las gafas y sus ojos verdes le sonríen. Esos ojos, esa sonrisa, siguen teniendo la facultad de aturdirle. Se quedan así, sonriéndose, mientras el mar los mece suavemente.
Antonio Zamora
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jeudi, 25 décembre 2008
Les Italiennes
Cette chronique se propose d'offrir au lecteur un choix de livres et de films lui permettant des voyages dans le temps, dans l'espace ou dans les idées grâce à un principe simple : lire simultanément des livres aux points de vue différents, d'époques variées, avec comme objectif de construire son propre regard sur le monde.
Les Italiennes
et Florence
par Stendhal (1826),
Gallimard Folio, 1987.
par Jean-François
Revel (1958),éditions
René Julliard, 1958.
sur l'Italie
par DH Lawrence
(écrit en 1916),
traduit de l'anglais
par André Belamich,
Gallimard, 1954.
Le voyage en Italie est une tradition. J'ai voulu le faire, moi aussi. Mais le temps m'a manqué. Je me suis résolue à voyager autour de ma chambre grâce aux récits de quelques écrivains.
J'ai bien sûr choisi dans ma bibliothèque Rome, Naples et Florence de Stendhal dont je gardais un bon souvenir. Puis Pour l'Italie de Jean François Revel dont je me souvenais de quelques phrases à l'emporte-pièce. Mais je n'ai pu choisir parmi les trois livres relatant les voyages méditerranéens de D. H. Lawrence : Sardaigne et Méditerranée, Promenades étrusques et Crépuscule sur l'Italie. Ce sont mes préférés.
À la lecture de ces trois auteurs, le sentiment qui domine est celui-ci : pour ces trois hommes, leur intérêt pour l'Italie s'efface à certains moments devant le sort fait aux Italiennes. Sur deux siècles, les contraintes qui pèsent sur elles s'aggravent en sens inverse de la libération des mœurs. De légères au début du XIX° siècle, les Italiennes deviennent des êtres affolés de leur destinée au milieu du XX° siècle. Du début à la fin, l'humain de sexe masculin est l'alpha et l'oméga de leur vie, la condition de leur existence.
Dans son récit Rome, Naples et Florence, Stendhal désire rompre avec les écrivains qui l'ont précédé et qui, dit-il, ne décrivent que des ruines. C'est la société italienne qu'il veut peindre, mais pas n'importe quelle société, celle des bourgeois, celle de la bourgeoisie montante.
Il note alors que "Le ridicule, pour une jolie femme en ce pays-ci, c'est de ne pas avoir de tendre engagement…On dit, en haussant les épaules : "è una sciocca" (c'est une oie), et les jeunes gens la laissent se morfondre sur sa banquette". Une Italienne, selon lui, se doit d’être légère. Sans cette condition, tous la fuient.
Un siècle et demi plus tard, Jean François Revel réside quelque temps en Italie et écrit, en 1958, Pour l'Italie. La situation des femmes ne s'est pas améliorée. Son héroïne explique qu'une femme qui n'est pas mariée n'existe pas. À l'attention tendre et étonnée de Stendhal devant cette même condition féminine, succède la brutalité et la vulgarité des propos de Jean François Revel sur les rapports des femmes italiennes avec les hommes, son mépris arrogant pour leur personne ("Une Italienne est toujours jalouse d'une cour que vous devriez lui faire en vain, et qu'elle sous-entend que vous lui faites, même quand vous ne jetez jamais les yeux sur elle").
Le laid, le souffrant DH Lawrence fait preuve, au contraire d'une grande sensibilité aux conditions de vie des êtres humains qu'il rencontre en ce début du XX° siècle. Ce sont les hommes autant que les femmes qu'il décrit. Comme les deux autres écrivains, il décrit cette même contrainte qui sévit sur les esprits et sur les corps, ces relations difficiles entre hommes et femmes. Il s'en émeut. Loin de les mépriser ou de porter des jugements durs sur eux, il les comprend, il analyse leur âme, il a confiance en leur possible rédemption. Il les respecte.
Au lecteur déconfit par les relations humaines, il reste, de ces cinq livres, les paysages, les musées et les ruines. On s'y promène finalement avec délices.
Sara
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mercredi, 24 décembre 2008
Laïka
Avant de s’aventurer lui-même dans l’espace, l’homme a envoyé des sous-hommes : des animaux.
Laïka n’est pas le seul animal à avoir été envoyé dans l’espace. Mais elle, on l’avait baptisée et on connaissait son nom.
Le 3 novembre 1957, elle est partie dans sa fusée soviétique Spoutnik 2. Elle est sans doute morte quelques heures après, de panique et de chaleur. Mais l’expérience prouva qu’on pouvait survivre en apesanteur.
Elle portait une combinaison dans une très étroite cabine ; des chaînes l’empêchaient de faire trop de mouvements. Aucun dispositif n’avait été prévu pour son retour : elle était donc vouée à la mort. Ses réactions physiques étaient surveillées de loin. On peut encore écouter son cœur battre au Memorial Museum of Cosmautics et sur des sites Internet.
La question de l’utilisation de l’animal par la science est si simple qu’elle pourrait être drôle.
Ils nous ressemblent assez pour servir de modèles, de brouillons, de cobayes ; ils nous ressemblent assez pour être sacrifiés à notre place. Mais ils nous dissemblent trop pour que nous nous en inquiétions.
Quelle honnêteté intellectuelle y a-t-il à, d’un côté, invoquer la ressemblance entre l’animal et l’homme pour justifier scientifiquement une expérience, et, de l’autre côté, évoquer la dissemblance pour justifier éthiquement la douleur et la maltraitance qu’impliquent ces expériences ?
Le scientifique Oleg Gazenco, qui a participé à l’envoi de Laïka dans l’espace, a dit : "Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n'aurions pas dû le faire... Nous n'avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de la chienne."
La phrase du scientifique oscille. Faire souffrir utilement un animal est acceptable ; faire souffrir inutilement un animal ne l’est pas. Le plus curieux est sans doute que l’utilité (et donc la moralité) pouvant être calculée après la mission scientifique, en fonction des résultats. C'est-à-dire que, quelque soit son action sur l’animal, un scientifique saura au moment des conclusions de l’expérience s’il a été quelqu’un de bien ou un salaud.
Mais l’éthique, n’est-ce pas justement faire passer le respect de l’autre avant l’utilité qu’on peut en tirer ?
Il parait qu’ « ils ne ressentent pas l’affection, ils ne souffrent pas comme nous ».
Haleter, se déshydrater, hurler au secours, se convulser dans la solitude d’une cabine, révèle pourtant une certaine indigence sentimentale des êtres humains.
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