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vendredi, 20 février 2009

Les oiseaux et le désert

La rubrique Fragment offre des morceaux de textes classiques, connus ou inconnus, qu'il est heureux de relire.

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George-Louis Leclerc,
comte de Buffon
(1707-1788)

Histoire Naturelle

(Deux extraits)

I Les oiseaux

« Peu d’oiseaux sont aussi ardents et puissants en amour que les moineaux ; ils ont été vus en train de copuler jusqu’à vingt fois de suite et toujours avec la même impatience, la même trépidation, la même expression de plaisir ; et, étrange à dire, c’est la femme qui semble perdre patience la première à un jeu qui devrait la fatiguer moins que le mâle, mais il peut également lui procurer bien moins de plaisir car il n’existe ni préliminaires, ni caresses, ni variantes à l’acte ; beaucoup de pétulance sans tendresse, des mouvements toujours hâtifs, n’indiquant qu’un besoin d’être satisfait pour la propre finalité de l’acte. Comparez les amours des pigeons et celles des moineaux et vous verrez toutes les nuances qui s’étendent entre le physique et le moral. (…) [Chez les pigeons on observe de tendres caresses, des mouvements doux, des baisers timides, qui ne deviennent intimes et pressants qu’au moment du plaisir ; ce moment lui-même, retrouvé en quelques secondes, par de nouveaux désirs, de nouvelles approches également nuancées ; une ardeur toujours durable, un goût toujours constant et encore un bénéfice plus grand : le pouvoir de les satisfaire sans fin ; pas de mauvaise humeur, de dégoût, de querelle ; une vie entière consacrée au service de l’amour et au soin de ses fruits ».

 

II Le désert

« Essayez d’imaginer un pays sans verdure et sans eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes plus arides encore, que l’œil balaie en vain et sur lequel le regard se perd sans fixer une seule fois un objet vivant ; une terre morte, comme dénudée par le vent chaud, n’offrant à la vue que des restes d’ossements, des pierres éparpillées, des affleurements de rochers, levés ou couchés, un désert sans secrets dans lequel jamais aucun voyageur n’a respiré dans l’ombre, ni rencontré un compagnon, ou quoi que ce soit qui lui rappelle la nature vivante : la solitude absolue, mille fois plus terrifiante que celle des forêts profondes, car les arbres sont d’autres êtres, et constituent une autre vie pour l’homme qui se voit seul, plus isolé, plus nu, plus perdu dans ces terres vides et sans limites, il fixe l’espace de tous côtés, l’espace qui ressemble à un tombeau ; la lumière du jour, plus mélancolique que les ombres de la nuit, ne renaît que pour briller sur sa nudité et son impuissance, que pour lui permettre de voir plus clairement l’horreur de la situation, repoussant les frontières du vide, étendant autour de lui l’abysse de l’immensité qui le sépare de la terre des hommes, une immensité qu’il tentera en vain de traverser, car la faim, la soif et la chaleur le harcèlent à tous les instants qui restent entre le désespoir et la mort ».

scala26_plage+_silhouettes2.jpgPhot Sara

vendredi, 13 février 2009

Où il y a jugement, il y a injustice

"Où il y a jugement, il y a injustice"

Leon Tolstoï

 

 

Un extrait de Guerre et Paix

Pierre Bezoukof a été fait prisonnier par des soldats de l'armée napoléonienne. Captif, il fait l'expérience de l'infini, de l'unité, de la liberté du monde.

Le soir était fini, mais la nuit n'était pas encore venue. Pierre quitta ses nouveaux camarades et s'en alla, entre les feux de bivouac, de l'autre côté de la route où, lui avait-on dit, étaient les soldats prisonniers. Il avait envie de leur parler. Sur la route, une sentinelle française l'arrêta et le fit revenir sur ses pas.

Pierre rebroussa chemin, mais non pas vers ses camarades, auprès du feu, il alla vers un chariot dételé près duquel il n'y avait personne. Les jambes ramenées sous lui et la tête baissée, il s'assit contre les roues sur la terre froide et resta longtemps immobile à réfléchir. Plus d'une heure s'écoula. Personne ne le dérangeait. Tout à coup il éclata de son bon gros rire, si bruyamment que de tous côtés des gens se retournèrent, surpris, vers ce rire étrange et manifestement solitaire.

- Ha, ha, ha ! riait Pierre. Et il prononça tout haut, se parlant à lui-même : Le soldat ne m'a pas laissé passer. On m'a pris, on m'a enfermé. On me garde prisonnier. Qui, moi ? Moi ? Moi - mon âme immortelle ! Ha, ha, ha !... Ha, ha, ha !... et à force de rire, des larmes lui vinrent aux yeux.

Quelqu'un se leva, s'approcha pour voir de quoi riait tout seul ce grand garçon bizarre. Pierre cessa de rire, s'éloigna du curieux et jeta un regard autour de lui.

L'immense bivouac qui s'étendait à perte de vue et qui, tout à l'heure, résonnait du crépitement des feux et des voix des hommes, s'apaisait ; les feux rouges s'éteignaient et pâlissaient. La pleine lune était haut dans le ciel clair. Les forêts et les champs, invisibles jusqu'alors en dehors du camp, se découvraient maintenant au loin. Et plus loin encore que ces forêts et ces champs, se voyait un lointain infini, clair, mouvant, qui attirait. Pierre regarda le ciel, la profondeur où scintillait les étoiles. " Et tout cela est à moi, et tout cela est en moi, et tout cela est moi ! pensa-t-il. Et c'est tout cela qu'ils ont pris et enfermé dans un baraquement entouré de planches !" Il sourit et alla s'étendre auprès de ses camarades.

Traduction d'Elisabeth Guertik

mercredi, 11 février 2009

sur Lucrèce...

Hommage

 

"La mort n'est donc rien et ne nous concerne nullement puisque la nature
de l'âme apparaît comme mortelle"

 

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Sur Lucrèce

Mystérieux poète et philosophe latin, né dans les années 90, et mort dans les années 50
du premier siècle avant JC.

 

 

 

"Jeté dans la folie par un philtre d'amour, après avoir écrit quelques livres dans les intervalles de sa folie - livres que Cicéron corrigea -, il se tua de sa propre main à l'âge de 43 ans," écrivit Saint-Jérôme (fin IVème, début Vème siècle).

 

En réalité on ne connaît rien de la vie de Lucrèce.

Ses contemporains n'ont presque pas parlé de lui.

On soupçonne Saint Jérôme de l'avoir dénigré parce qu'il était athée.

 

Ciceron écrit :" Lucreti poemata ut scribis ita sunt : multis luminibus ingenii, multae tamen artis" : "Lucrèce a de brillantes qualités naturelles, et aussi beaucoup de métier".


Ovide lui rend hommage :"Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit"

(Amores, I, 15, 23).


Un long poème en vers : de la nature des choses

En un long poème, De Rerum Natura, Lucrèce expose la théorie d’Epicure, qu’il admire. Il voudrait la remettre au goût du jour.

C’est un travail scientifique et linguistique de taille, que d’écrire ainsi la première grande œuvre philosophique en latin.

Lucrèce dédie De Rerum Natura à Memmius.
Mais qui était exactement Memmius ? Peut-être le sulfureux gendre du terrible Scylla.


Clinamen et Liberté

 

Pour Lucrèce le monde, infini, est composé d'atomes qui devraient suivre une trajectoire de haut en bas. Mais les atomes dévient spontanément de leur trajectoire initiale.Cette déviation, Lucrèce la nomme le clinamen.

 

Grâce à cette infime "déclinaison", se créent des agrégats, des tourbillons, des mondes. Lucrèce en déduit la liberté des êtres vivants. Son idée était de montrer que tout étant matière - rien ne se crée de rien - les êtres vivant étaient libres et pour cela il dotait la matière elle-même - les atomes - d'une liberté : le clinamen.

 

Le clinamen, déviation des atomes de leur course naturelle, fonde notre liberté. Ainsi nous ne devons pas notre destin aux dieux de l’Olympe, mais notre libre-arbitre à l’impertinence des atomes.

 

Le poème De Rerum Natura s’ouvre sur une sublime invocation à Vénus, déesse de l’amour, et se ferme peu après la terrible description de la peste d’Athènes. Lucrèce est un homme déchiré entre l’amour bon vivant de la vie et de la science, et l’angoisse de l’inconnu, de la mort.

 

 

 

« Ainsi le temps peu à peu dévoile chaque découverte l’une après l’autre et la raison se dresse aux rives 
de la lumière ».

 

mardi, 10 février 2009

Lucrèce et le clinamen

 


De rerum natura

Un extrait suivi d'une traduction

 

D'où vient la liberté que nous avons sur notre propre vie ?

Du mouvement des atomes, qui dévient de leur course, arrêtant ainsi le cours automatique du destin pour donner naissance au libre arbitre.

Inspirée d'Epicure, la pensée poétique de Lucrèce, qui veut prouver notre liberté, est une grande révolution intellectuelle et scientifique.

 

Denique si semper motus conectitur omnis,

et vetere exoritur semper novus ordine certo,

nec declinando faciunt primordia motus

principium quoddam quod fati foedera rumpat,

ex infinito ne causam causa sequatur,

libera per terras unde haec animantibus exstat,

unde est haec, inquam, fatis avolsa voluntas,

per quam progredimur quo ducit quemque voluptas,

declinamus item motus nec tempore certo

nec regione loci certa, sed ubi ipsa tulit mens ?

 

«  Si toujours tous les mouvements sont solidaires, si toujours un mouvement nouveau naît d’un plus ancien suivant un ordre inflexible, si par leur déclinaison les atomes ne prennent pas l’initiative d’un mouvement qui rompe les lois du destin pour empêcher la succession indéfinie des causes, d’où vient cette liberté accordée sur terre à tout ce qui respire, d’où vient, dis-je, cette volonté arrachée aux destins, qui nous fait aller partout où le plaisir entraîne chacun de nous, et, comme les atomes, nous permet de changer de direction, sans être déterminés par le temps ni par le lieu, mais suivant le gré de notre esprit lui-même ? »

 

dimanche, 08 février 2009

Dangereuse beauté

 

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Par S.Barynsflook

(phot Isabelle Ferrier pour VillaBar)

 

Dangereuse beauté

Tu vois que le soleil a cessé de briller

Et que je ne suis pas prêt de l’oublier

Dangereuse beauté

De ton étoile j’entends le râle des humains apeurés

Et alors que tous s’effondrent dans leurs pensées

Alors que tous s’efforcent d’oublier leur passé

Toi tu les regardes et recrées cette image lacérée

Dont tous tentent de se débarrasser

De leur âme a jamais offusquée par ta magie d’obscurité.

Que cherches-tu, pourquoi me prendre a tes cotés

Que puis je faire devant ta majesté

L’horreur est ta beauté

Tu me dégoûte je t’aime j’aime les entendre crier

Toutes les senteurs du monde sont à jamais exorcisées

 

Regarde-les s’entretuer, ils n’arrivent  plus à pleurer

Par ton toucher ils sont glacés.

 

Ce spectacle terrible, long et majestueux

Que nous regardons tous deux du haut des cieux

Merci, merci ignoble amour

D’avoir plongé ces peuples dans la damnation

Au point qu’instinctivement libres comme des pions

Ils mènent doucement leur lente éradication.

 

Merci profondément toi qui n’as pas de nom

Garde-moi près de toi quelle belle illustration

Nous les regarderons jusqu'à la fin des temps

Lutter et s’affirmer, crétinisme patent.

 

Leur naïveté palpable sera distraction

Et leur aveuglement sera notre passion

Et puis nous attendrons dans la délectation

La fin de l’age des hommes, d’une ère la scission.

 

 

S.Barynsflook

 

vendredi, 06 février 2009

Désir du soir

 

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Quand la ville entre dans le noir, tes yeux s’allument différemment.

 

Alors a lieu une fable nocturne.

 

Les rideaux du soir s’ouvrent sur le théâtre de la nuit. Les personnages entrent en scène.

Le soulographe, la prostituée, l’enfant fugueur. Quelques soldats en uniforme, désoeuvrés. Les masques sont fabuleux ; le rouge à lèvres déchire la nuit.

 

Un cri : un chien veut témoigner mais les mots ne lui viennent pas. On sait qu’il sait. Il sait qu’il sait, il sait qu’on sait qu’il sait. Entre la souffrance et la communication, naît le monde de la poésie. Nous rêvons tous d’un ange, nous sentons une présence, nous attendons. Le temps s’installe, assis dans la nuit, patient. Le sommeil me fait peur : je veux retourner à Insomniapolis.

 

L’aube est à l’autre bout du monde.

 

 

!

Hélène Lammermoor

mercredi, 04 février 2009

Die Insel der lesenden ArbeiterInnen

Epiphanie

 

 

PHOTO Lotte-500x334.jpgphot. Sara

 

Die Insel der lesenden ArbeiterInnen

 

Havanna, August 2006- es ist drückend heiß, vor der legendären Eisdiele „Coppelia“ stehen Menschentrauben in Gruppen, die unter den wenigen Bäumen den Schatten suchen und warten zum Teil mehrere Stunden bis sie von den Ordnern durchgelassen werden und einen Platz zugewiesen bekommen. Von den an den Informationstafeln an den Eingängen angeschlagenen Eissorten stehen dann zumeist nur noch ein bis zwei zur Auswahl. Nur vor den für Touristen abgetrennten Abteilungen des Eistempels, in denen die Kugeln in harter Währung, dem sog. konvertiblen kubanischen Peso, verkauft werden, stehen keine Schlangen, das Angebot ist breiter, die Sorten ausgefallener. Nicht selten gerät das Gespräch in den Warteschlangen angesichts dieser Abteilungen auf die 80er Jahre, die Zeit vor der Desintegration der wirtschaftlichen Kooperation der Ostblockstaaten, als nur eine einzige Währung zirkulierte und Konsumgüterknappheit kein Thema war. Neben dem unverändert wiederkehrenden Stöhnen über die Hitze, das fast automatisch Teil jeder Begrüßung ist, treten dann, wenn auch selten offen ausgesprochen, sondern zumeist in Form eines Witzes oder einer Anspielung verpackt, Unmutsäußerungen über die schwierigen Lebensbedingungen hinzu. Seit einigen Wochen ist die Atmosphäre an der Kreuzung 23/L jedoch gespannt. Die in dieser Gegend generell hohe Polizeipräsens wurde verstärkt, Gruppen, die aus beliebigen Gründen den Ordnungskräften missfallen, werden aufgefordert, den Ort zu verlassen, die Staatsmacht versucht informelle Menschenansammlungen weitestgehend zu unterbinden.

 

Deutschland, August 2006 – die Titelseiten der Tagespresse melden die Einlieferung Fidel Castros zu einer Notoperation ins Krankenhaus wenige Tage vor seinem 80. Geburtstag. Der kubanische Staatschef überträgt die Amtsgeschäfte wie im Artikel 94 der Verfassung des Landes vorgesehen, seinem fünf Jahre jüngeren Bruder und Vize-Präsidenten des Staatsrats Raul Castro. Während die kubanische Regierung bemüht ist, den Eindruck von Normalität zu vermitteln – die Verwendung des Begriffs in Reden von Regierungsvertretern, der Regierungspresse und den nationalen Radioprogrammen nimmt sprunghaft zu – schlagen international die Wellen hoch: Auf den Straßen von Miami feiern große Teile der exilkubanischen Community das Herannahen des Endes der Castro-Ära, US- und zahlreiche europäische Regierungen nutzen die Stunde für mahnende Forderungen an Kuba, eine demokratisch-kapitalistische Transition einzuleiten, Solidaritätsgruppen aus aller Welt senden Grußbotschaften und bekräftigen ihre Treue, die ersten Bilder des langsam genesenden Fidel Castros im Krankenbett füllen die europäischen Zeitungen und die LeitartiklerInnen überschlagen sich in biographischen Abrissen über den Maximo Líder und Spekulationen über die politische Zukunft auf der Insel. Einmal mehr wird Geschichte der großen Männer geschrieben und mit dem Leben Fidels die Bilanz der nachrevolutionären Geschichte Kubas gezogen: Aber kann die zentrale Frage sein, ob die Geschichte den Comandante en Jefe freisprechen wird, wie er es selbst in seiner Verteidigungsrede vor Gericht nach der Niederschlagung des von ihm geleiteten Angriffs auf die Moncada-Kaserne in Santiago de Cuba 1953 prophezeit hat? Oder muss sie sich, wie in eben dieser gegen die soziale Misere, Unterdrückung und Diskriminierung der Batista- Diktatur in den 1950er gerichteten Rede, nicht vielmehr auf den vielschichtigen sozialen Wandel richten, den die Insel seit den 50er Jahren durchlaufen hat?

 

Zwar kann man die politische Situation Kubas im Sommer 2006 keineswegs als normal bezeichnen: Zum ersten Mal seit 1959 hat Fidel Castro, wenn auch zunächst nur „vorübergehend“ seine offiziellen Funktionen delegiert, was für die 70% der KubanerInnen, die nach der Revolution geboren wurden, bedeutet, erstmalig formell eine andere Person an der Spitze des Staats stehend zu erleben. Das führt in einem politischen System, das hochgradig personalisiert funktioniert, in dem Fidel Castro in der Öffentlichkeit ständig präsent war und zudem große Unsicherheiten über die Entwicklungen nach seinem Tod bestehen, zu Verunsicherung. „Warum zeigt sich Raul nicht“, fragt ein Student der Universität Havanna und zeigt sich der Erklärung des Präsidenten der Volksversammlung Ricardo Alarcón gegenüber uneinsichtig. Dieser gab laut, dass Raul Castro kein Filmstar, sondern der verfassungsmäßige Vertreter seines temporär abwesenden Bruders sei und genau dieser Funktion auch gerecht würde.

Neben den Spekulationen über die ungewisse Zukunft des politischen Systems der Insel bleibt für den überwiegenden Teil der kubanischen Bevölkerung die Bewältigung des Alltags, der halb ironisch- halb sarkastisch oft la lucha, der Kampf genannt wird, weiter die primäre Aufgabe. Eine Studie des psycho-sozialen Forschungszentrums in Havanna schätzt, dass 80% der Bevölkerung von ihrem Lohn nicht leben können und auf Zusatzverdienste angewiesen sind, legale wie illegale. Da ist die 75 jährige Anna, die ihre beiden Zimmer in einem verfallenen Kolonialhaus in Alt-Havanna mit ihrem Sohn, seiner Frau und ihren drei Kindern teilt. Sie verkauft um die schmale Rente aufzubessern, geröstete Erdnüsse für einen Peso pro Tüte an PassantInnen, eine Tätigkeit, die der Staat seit der partiellen Legalisierung privatwirtschaftlicher Tätigkeiten 1993 die euphemistisch „Arbeit auf eigene Rechnung“ heißt, toleriert, jedoch durch die Vergabe von Lizenzen und Erhebung von Steuern sogar für diese KleinstunternehmerInnen in engen Schranken hält. Ihr Tag beginnt, bevor sie die Kinder für die Schule weckt, um sechs Uhr früh und ist angefüllt mit der Beschaffung der Nüsse, der Herstellung der Tüten, dem Säubern, Rösten und Verpacken und schließlich der Verkaufstätigkeit auf der Straße, bei der sie bis zu 10 Stunden draußen verbringt. Vielleicht trifft sie dabei Ernesto, der morgens in einer langen Schlange mit anderen Rentnern vor den Zeitungsbuden wartet, bis die Parteizeitungen Granma und Juventud Rebelde aus den staatlichen Druckereien geliefert werden. Diese kaufen sie für 20 Peso-Cent, um sie als fliegende Händler für einen Peso weiterzuverkaufen. Vielleicht treffen sie sich aber auch abends im Theater, dessen Besuch durch die hohe Subventionierung der Eintrittskarten für breite Bevölkerungsschichten möglich ist – auch wenn das Ballet mittlerweile überwiegend vor Pappkulissen tanzt.

Seine Zeitung verkauft Ernesto zum Beispiel an Pepito, einen knapp 70-jährigen Kettenraucher, der zu Beginn der 50er Jahre aus Spanien nach Kuba einwanderte, um als Einzelhändler sein Glück zu machen. Die Revolution machte ihm einen Strich durch die Rechnung: Kaum sechs Jahre im Land, wurde er enteignet, entschloss sich aber wegen Frau und Kindern, die er mittlerweile in Havanna hatte, zu bleiben und arbeitete 30 Jahre für eine staatliche Lebensmittelverteilungszentrale. Er gehört zu den wohlhabenderen Personen der Stadt und verfügt über ein Zimmer, das er seit 1996 an Touristen vermietet: Zunächst legal, als die Steuern von der Regierung immer weiter angehoben wurden, um die Preise in die Höhe zu treiben und so der geringen Auslastung der staatlichen Hotels entgegenzuwirken, gab er schließlich seine Lizenz zurück, vermietet unter der Hand und schmiert hie und da die staatlichen Kontrolleure, um Strafen zu entgehen. Unterdessen sitzt er auf der Treppe vor seinem Haus, raucht und flucht auf die Revolution und lässt seinem, in der kubanischen Öffentlichkeit nicht tolerierten, Rassismus freien Lauf. Für ihn stellte die Revolution das Ende seiner Karrierehoffnungen dar, die er als gewaltsamen Einbruch einer Welt des Pöbels in sein an der Lebensführung der US-amerikanischen Mittel- und Oberschicht ausgerichteten Lebensentwurfs wahrnahm. Als Migrant europäischer Herkunft gehörte er zu der vergleichsweise breiten urbanen Mittelschicht der 50er Jahre, die im Laufe der Nationalisierungswellen der Jahre 1959 und 60 einen beträchtlichen Teil ihres produktiven Eigentums, ebenso wie ihre gesellschaftlichen Privilegien weitgehend verlor. Auch wenn sie nicht wie der Großteil der US- amerikanischen AusländerInnen und mit ausländischen Großunternehmen kooperierenden nationalen Bourgeoisie das Land verließ und auch wenn diese Schicht weiterhin über mehr Eigentum verfügte, als der Durchschnitt der kubanischen Bevölkerung, endete mit 1959 die Ära ihrer formellen Privilegien. Und diese beiden Punkte gehören zu den zentralen Dreh- und Angelpunkten, die den Erfolg der Revolution ermöglichten und durch diesen hervorgebracht wurden: Die Überwindung der Abhängigkeit von den USA, den mit diesen kooperierenden Agraroligarchien und der Unterdrückung durch den Diktator Fulgencio Batista, ebenso wie die von stark equitativen Elementen gezeichnete Konsolidierung eines Staatsvolks, der Schaffung einer nationalen Identität. Wird nach dem Zusammenbruch des osteuropäischen Realsozialismus über den Fortbestand des kubanischen spekuliert, wird dabei zumeist vergessen, dass Kuba zwar im Laufe der aus der historischen Situation des Kalten Krieges geborenen Kooperation mit dem Ostblock eine Vielzahl realsozialistischer Charakteristika übernommen hat, der nationale Konsens, soweit man von diesem sprechen kann, sich aber weit mehr auf der Überwindung des neokolonialen Status der 1950er Jahre und der Konsolidierung als Nation gründen, als auf materiellen Plankennziffern. Dem entspricht die Änderung der Verfassung von 1992 in der der Nationalheld José Martí eine herausragende Position eingeräumt bekommt. Zeitgleich begann im ganzen Land sukzessive die Parole „Vaterland oder Tod“ die alte Losung „Sozialismus oder Tod“ zu ersetzen.

Nicht desto trotz hat die Einbindung in den Ostblock das Land nicht nur institutionell, sondern auch ideologisch verändert und zur Etablierung eines Wertesystems beigetragen, dass auch über die politische Orientierung an der kommunistischen Partei PCC hinaus den Alltag der Bevölkerung prägt: Es ist Sonntag, die Massenorganisation „Komitees zur Verteidigung der Revolution“ (CDR), die in den 50er Jahren gegründet wurden, um konterrevolutionären Umtriebigkeiten in den barrios zu verhindern und nun die Funktion erfüllen, die Menschen auf der Ebene der Viertel durch gegenseitige Kontrolle, aber auch die Übernahme gemeinsamer Aufgaben in das hierarchische Herrschaftssystem einzubinden, rufen auf zur Verschönerung des Wohnblocks. Der überwiegende Teil der BewohnerInnen machen sich mit Harken, Sensen und Besen daran, Gras zu schneiden, Müll zu entfernen und Farbe zu klecksen. Als Yanislaydis Söhne sich weigern, ihren freien Sonntag mit gemeinnütziger Arbeit zu verbringen, hält sie ihnen böse eine Standpauke, dass es die Aufgabe der Gemeinschaft wäre, sich um den Block zu kümmern und sie sich amoralisch verhalten würden, wenn sie daran nicht teilnehmen. Im nächsten Satz vertritt sie im Brustton der Überzeugung, dass sie mit Politik nichts zu tun haben wolle.

Zugleich aber bröckelt die soziale Kohäsion – und das nicht primär aus politischen Gründen: „Es kann nicht sein, dass ich mit meinem abgeschlossenen Medizinstudium weiter bei meiner Mutter wohnen muss und nicht über die Runden komme“, beschwert sich Oswaldo und blickt herausfordernd seinen Freund Emilio an. Beide sind Mitglieder der Jungkommunisten (UJC), beide überlegen für einen Arbeitsaufenthalt als Mediziner oder Sozialarbeiter im Rahmen einer der großen Gruppen junger Fachkräfte, die Kuba derzeit nach Venezuela entsendet, um den dort stattfindenden „bolivarianischen Prozess“ zu unterstützen, das Land für eine Weile zu verlassen. Oswaldo ist Sohn einer hohen Staatsfunktionärin und in Havanna aufgewachsen. Emilio hingegen verbrachte seine Jugend in einem winzigen Dorf in der Provinz Las Tunas, wo er mit seiner Mutter ein Bett in einer Holzhütte teilte, die bis heute keinen Stromanschluss hat. Aufgrund seines Erfolgs während seines Militärdienstes gewährte ihm der Staat ein Stipendium an der Universität Havanna, brachte ihn in einem der Achtbettzimmer des Studentenwohnheims unter und garantierte die täglichen Mahlzeiten: Reis und Bohnen, manchmal ein Stück Ei oder Huhn. Er kam mit 20 Peso und einer Hose in der Hauptstadt an, stellte fest, dass diese bei weitem nicht zum Leben reichten und begann, sich hochzuarbeiten: Nach fünf Jahren Geschichtsstudium schloss er als Bester seines Jahrgangs ab und hat durch eine Mischung aus politischem Opportunismus und dem klaren Ziel, soviel Macht wie möglich zu erhalten, die Position des Vorsitzenden der Studentenvereinigung FEU erreicht. Oswaldo spricht vier Sprachen, diskutiert ebenso eifrig über Max Weber, wie über die Frage, ob man die BushRegierung als faschistisch bezeichnen könne. Doch nach Abschluss seines Studiums muss er, wenn er in Havanna keinen legalen Wohnsitz nachweisen kann, der kaum auf anderem Weg als über Verwandte oder Geld zu erhalten ist, in sein Dorf zurückkehren und dort 13jährige SchülerInnen unterrichten.

Politik? Mayra winkt ab, wippt leicht in ihrem Schaukelstuhl und wird erst wieder lebhafter, als die Nachbarin klingelt und berichtet, nebenan verkaufe jemand Milchpulver. Warum erzählen, wie sie in den 50er Jahren als Hausmädchen für eine reiche Familie tätig war? Sicher, das musste sie danach nie wieder, lebte aber auf engem Raum in einer verkommenen Arbeiterviertel Havannas, immer noch arm, immer noch damit beschäftigt, zu überleben. Und dann, sie wendet die Augen kurz von der Strickanleitung, die sie seit der großen Alphabetisierungskampagne in den 1960er Jahren lesen kann, bezog die Familie in den 80er Jahren diese Wohnung in einem 12-stöckigen Plattenbau, den die Regierung im Osten Havannas nach realsozialistischen Vorbild hatte errichten lassen. Seit dem haben sie drei Zimmer. Dann wendet sie sich wieder ihrer Handarbeit zu.

 

„Wie werde ich leben”, heißt ein Lied des kubanischen Trovadoren Pedro Luis Ferrer und dann, aufmüpfig, „sie sollen mir nicht immer das Gleiche sagen“. So unterschiedlich die soziale Situation und die politischen Positionen der in Kuba lebenden KubanerInnen darstellen, in einem Punkt besteht zwischen fast allen Einigkeit: Die Bilder der auf den Straßen tanzenden Exil-KubanerInnen in Miami haben einen Schock hinterlassen und übereinstimmend hört man von vielen BewohnerInnen Havannas, was auch passieren werde, eines wolle man nicht: Diese Menschen dort – und mit einer vagen Handbewegung weist die junge Frau, die mit einem Mickey Mouse T-Shirt bekleidet an der Küstenpromenade Havannas steht, gen Norden, in Richtung des 90 Meilen entfernt liegenden Floridas – sollten in Kuba nie wieder das Sagen haben.

 

Lotte Arndt, La Havana-Berlin

 

'Aus: Lateinamerikanachrichten, Heft Nr. 387/388'

(Anmerkung: Der Artikel beruht auf Interviews, die die AutorIn im Sommer 2004 in Havanna führte und auf den Berichten der Havanna-Korrespondentin von RFI, Sara Roumette. Ihr sei herzlich gedankt.)

 

dimanche, 01 février 2009

Le trafic à la muette

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Carte d'Afrique de l'Ouest du XVIIIème siècle
 

Quelquefois, le silence suffit. C'est ce que montrent ces trois textes issus de l'Antiquité et du Moyen âge. Ils prouvent qu'une belle intégrité suffit pour qu'une économie se développe harmonieusement. L'or, ce beau métal, est traité avec toute la dignité qu'il mérite.

Un texte et une photo de Sara

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5° siècle avant J.C.

Hérodote, historien grec, raconte comment les Carthaginois échangeaient des marchandises contre de l'or.

"Il y a au-delà des colonnes d'Hercule un pays qu'habitent des hommes. Lorsque les Carthaginois arrivent chez ces peuplades, ils déchargent leurs marchandises, les rangent le long du rivage, puis remontent à bord et allument des feux pour faire de la fumée. Lorsque les indigènes voient la fumée, ils viennent sur le bord de la mer, placent de l'or vis-à-vis des marchandises et s'éloignent.

Les Carthaginois débarquent alors et vont se rendre compte si l'or leur semble égal au prix des marchandises, ils le prennent et s'en vont, sinon ils remontent à bord et attendent. Alors les Indigènes reviennent, ajoutent de l'or à celui qu'ils ont mis, jusqu'à ce qu'ils soient d'accord. Ni les uns, ni les autres ne sont malhonnêtes. Les Carthaginois ne touchent pas à l'or, tant qu'il ne leur paraît pas payer leurs marchandises, et les Indigènes ne touchent pas aux marchandises avant que les Carthaginois n'aient pris l'or." (Texte trouvé dans les "notes" de Joseph Bourilly, publiées par E. Laoust en 1932)

7° siècle après J.C.

Plus précis, Yacout, chroniqueur arabe, décrit les transactions des marchands maghrébins contre la poudre d'or et nomme le pays : Bambouk (c'est-à-dire le Sénégal) :

"Les marchands maugrebins arrivés à proximité du Sénégal annoncent leur arrivée par des battements de tambour. "Les Noirs des pays aurifères… dès qu'ils entendaient le son du tambour, sortaient de leurs cachettes et attendaient sans bouger à une certaine distance ; les commerçants déballaient leurs marchandises ; …puis tous s'éloignaient… Les Noirs s'approchaient alors… et disposaient une quantité déterminée de poudre d'or, puis se retiraient… Les marchands revenaient ensuite et chacun prenait ce qu'il trouvait d'or à côté de son tas de marchandises : ils s'en retournaient en battant du tambour pour annoncer leur départ, laissant les marchandises." (Selon E. F. Gautier, "Le passé de l'Afrique du Nord, les siècles obscurs", chez Payot en 1937)

Ce commerce muet devait se pratiquer aussi à l'est, vers l'Ethiopie, selon l'historien Joseph Ki-Zerbo qui le raconte dans son "Histoire de l'Afrique noire" (Hatier, 1978)

6° Siècle après J.C.

Un marchand grec, Cosme "qui avait beaucoup bourlingué" écrivit un livre intitulé "La cosmographie chrétienne pour réfuter les théories sacrilèges et païennes sur la rotondité de la terre" Il décrit, rapporte Joseph Ki-Zerbo, "des caravanes armées jusqu'aux dents qui, tous les deux ans, conduisaient des centaines de marchands chez les Sasou du Sud-Ethiopien, avec du bétail, des barres de sel ou du fer, etc Arrivés sur place, ils disposaient par lots, sel, fer, morceaux de viande, et pratiquaient le commerce muet qui leur permettait de ramener des produits du sud consistant surtout en pépites d'or."

Ce commerce est donc attesté par des auteurs d'époques et d'origines diverses qui n'ont pu, disent les historiens, connaîtrent les écrits des uns et des autres. Ces textes m'ont donné l'envie de proposer une nouvelle rubrique à ma rédactrice en chef sur le thème de l'économie, moi qui n'y connais rien.

Sara

mardi, 27 janvier 2009

Napoléon

Napoléon

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Lire :

mmoiresdoutretombe-small.jpg1) Mémoires d'outre-tombe, par François-René de Chateaubriand (texte de l'édiition originale 1849), présenté par Pierre Clarac, le Livre de Poche, 1973.

 

 

guerreetpaixlelivre-small.jpg2) La Guerre et la Paix, par Léon Tolstoï (publié en 1878), traduction par Elisabeth Guertic, éditions Fernand Hazan, 1950, 2vol. + étui.

 

 

voinaimir-small.jpgRegarder :

3) Guerre et Paix, film de Serge Bondartchouk réalisé en quatre parties entre 1965 et 1967, projeté pour la première fois en France enaoût 2004, dans son intégralité lors du festival annuel "Cinéma et Littérature russes", au cinéma L'Arlequin, rue de Rennes à Paris.

4) Le site www.napoleonicsociety.com

 

François de Chateaubriand consacre plus de 200 pages de ses Mémoires d'outre-tombe à Napoléon. Il décrit celui-ci comme un homme qui a su rétablir l'ordre après le bain de sang de la "Terreur". Mais il le déclare un homme de l'ancien régime, démocrate par opportunisme et seulement pour un temps.  Il est à la fois admirateur de son "génie" et refroidi par ses crimes. "Je n'ai jamais salué la parole ou le boulet" dit-il et en effet, comme Victor Hugo, il s'est vite éloigné de Napoléon.

Léon Tolstoï écrit en six ans le roman La Guerre et la Paix qui met en scène deux familles d'aristocrates russes au moment où Napoléon envahit l'Europe et se heurte à l'Empereur Alexandre. Le héros, le prince André Bolkonsky, est lui aussi un admirateur de Napoléon jusqu'à la bataille d'Austerlitz où il est blessé : "Comment n'ai-je pas vu ce haut ciel plus tôt ? Et comme je suis heureux de le connaître enfin. Oui ! tout est vanité, tout est mensonge, hormis ce ciel infini." Son point de vue change alors sur Napoléon.

Le film Guerre et Paix tiré du roman et réalisé avec les moyens exceptionnels que l'ancienne URSS avait mis à la disposition du réalisateur Serge Bondartchouk dans les années soixante est l'occasion de magnifier le peuple russe. Le réalisateur fait un montage percutant de certaines scènes, comme celle-ci : la comtesse Rostov devient folle de douleur quand elle apprend la mort de son fils. Après un "cut" brutal sur cette scène bouleversante, l'image d'après montre Napoléon marchant de profil de gauche à droite, inéluctable, indifférent, apportant la guerre et la mort.

À ces deux auteurs du XIX° siècle, Chateaubriand et Tolstoï, qui expriment tour à tour admiration et horreur pour Napoléon, montrant l'ambivalence des sentiments, l'hésitation du cœur et de l'esprit, s'oppose la certitude  des passionnés de l'aventure de Napoléon.

Le site des fervents de Napoléon justifie l'assassinat du Duc d'Enghien – kidnappé à l’étranger et fusillé dans les fossés de Vincennes après un procès expédié dans la nuit -  et soutient que le procès fait à Napoléon serait une machination indigne.  Car Napoléon serait « un homme de paix »…Sur ce site, peu convaincant, le président, dénonce une histoire officielle hostile à Napoléon. D'autres sites existent qui exaltent l'empereur. La plupart, plus raisonnables, et que le lecteur trouvera facilement sur Internet, se contentent de faire des recherches et des reconstitutions historiques comme l' « Institut Napoléon ».

Pourquoi des hommes du début du XXI° siècle ont-ils besoin de s'enthousiasmer pour un mégalomane, même de génie, qui a entraîné dans la guerre des millions de jeunes gens les arrachant à leur famille et les promettant à des morts horribles ?  Nous les humains, sommes-nous réellement amateurs de guerres ?

Peut-être serait-il utile de se poser cette question sérieusement à l'heure où les guerres éclatent partout - dans l'oubli des guerres du XX° siècle -, et où des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes gens sont horriblement blessés, souffrent, meurent. Tandis que les chefs de guerre se lèvent toujours plus nombreux, toujours plus excités, et - il ne faut pas l'oublier - de plus en plus éloignés, physiquement, du champ de bataille.

Faut-il relire la "Servitude volontaire" de La Boétie ?

Sara

http://universdesara.org/

 

samedi, 24 janvier 2009

Une Marche humaine

 

Texte écrit avant la marche du 24 mars 2007

 

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sara
(photo)

Les conditions d’existence des animaux sont très dégradées depuis que l’homme a pris les commandes de toute la surface terrestre. La manière de les traiter fait débat, et les tenants de tous les camps se battent à coup d’arguments biologiques, philosophiques, religieux. Pour chacun, il s’agit de prouver la véritable place de l’homme et les droits que cette place lui confère.

Faut-il alors se persuader, comme dans la Ferme des animaux de George Orwell, que « tous les animaux sont égaux, mais il y a des animaux plus égaux que d’autres » ? Ou penser, avec Marguerite Yourcenar, que « La protection de l'animal, c'est au fond le même combat que la protection de l'homme » ?


 La procession des voix pour les sans voix

«Je continuerais à me nourrir de manière végétarienne même si le monde entier commençait à manger de la viande. Cela est mon opposition à l’ère atomique, la famine, la cruauté - nous devons lutter contre. Mon premier pas est le végétarisme et je pense que c’est un grand pas». Isaac Bashevis Singer

 

Une procession aura lieu le 24 du mois de mars de l’année 2007. Elle partira à deux heures de l’après-midi de la place du Panthéon.

Des êtres humains se rassembleront pour demander à ce que leur dignité humaine soit respectée, et qu’on ne massacre plus en leur nom.

La cause animale est une très vieille cause, mais elle n’a jamais fait l’objet de grands débats publics dans nos sociétés, ou bien ces débats ont sombré dans l’oubli. Elle est parfois couverte de ridicule, comme si la cause animale était une passion enfantine. Pourtant, comme le disait Emile Zola, «la cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser».

 

La nature animale ou les individus animaux

Il y a plusieurs façons de vouloir protéger les animaux. Deux grandes tendances se dégagent du paysage varié de la réflexion sur la condition animale en terre humaine.

La première est globale : les associations de défense de la nature représentent ce courant : on y défend les loups parce qu’ils font partie de la nature. Il s’agit de préserver la diversité des espaces et la capacité de la terre d’accueillir la vie sauvage.

La seconde est fondée sur le respect de l’être animal, qui représente un « humanisme élargi ». Ainsi, les fondations qui prônent cette vision ne défendront pas une politique visant à réintégrer des ours dans une région, parce que cette politique privilégie le groupe des ours au détriment des individus qui seront sacrifiés (transports, adaptation…) à la cause du groupe. Cette fraternité-là envers les animaux leur reconnaît une identité de « personne ».

Mais ces deux tendances, globale et individuelle, sont souvent appelées à soutenir les mêmes causes.

 

Une fraternité élargie

«Très jeune j’ai renoncé à manger de la viande et le temps viendra où les hommes regarderont les meurtriers d’animaux avec les mêmes yeux que les meurtriers d’êtres humains ».Léonard de Vinci

Une des premières réactions qui nuit à la défense des animaux consiste à penser que leur protection se ferait sur le dos d’êtres humains. Ce n’est pas  le cas ; la plupart des associations se situent dans une ligne résolument humaniste. De grands philanthropes ont soutenu la cause des bêtes, tel le médecin Albert Schweitzer, l’astrophysicien Hubert Reeves, ou encore le Mahatma Gandhi, qui disait : "Je hais la vivisection de toute mon âme. Toutes les découvertes scientifiques entachées du sang des innocents sont pour moi sans valeur."

De façon moins soucieuse et plus cruelle, on reproche aux défenseurs des animaux de faire montre d’une sensiblerie niaise, faible. Mais l’aventurier Mark Twain, qui prit des risques de toutes sortes au cours de sa vie, prit aussi celui du « ridicule » : "Peu m'importe que la vivisection ait ou non permis d'obtenir des résultats utiles pour l'homme. La souffrance qu'elle inflige à des animaux non consentants est le fondement même et la justification pour moi suffisante de mon aversion, un point c'est tout."

 

Assimilation et opposition de l’animal et de l’homme

Quelle propagande nous a construit ces croyances auxquelles nous nous accrochons comme à une bouée de sauvetage ? Celle qui oppose à l’Art, la nécessité ; celle qui oppose à l’affection, l’instinct ; celle qui oppose à la pensée verbale, le néant ; et celle qui oppose à la souffrance humaine, l’insensibilité animale ?

Nous avons déjà bien montré que nous sommes capables des pires atrocités, sur nous-mêmes, les hommes, sur les bêtes et sur la nature. Il nous reste à témoigner de nos aspirations à la liberté, à la beauté de la nature, au pacifisme de l’Art et au respect de la vie.

S’il faut absolument s’extraire du monde animal, plutôt que par l’assassinat et l’exploitation massifs, optons pour l’attitude fraternelle de celui qui a les moyens de maîtriser ses propres besoins et peut tendre une main amie.

 

La fête sanglante

Mais pour cela, il faut d’abord contempler le monde tel qu’il est au risque de le voir plus horrible que ce que l’on voulait imaginer. Comme l’écrit Florence Burgat, « lever le silence qui entoure ce massacre trouble impardonnablement une fête qui en passe par le sacrifice animal. Mais notre luxe le plus profond tient surtout dans la douleur tonitruante d’animaux dont nous avons manqué la rencontre, et qui, au fond de leur cachot, attendent quelque chose que nous ne leur donnons pas ».

«Déserte est la nuit de l'homme abstrait».
Raoul Vaneigem

Le 24 mars 2007, à Paris, des humains rassemblés défileront silencieusement par solidarité envers ceux qui n’ont point la parole.

Car de nos jours où tout est bétonné, enserré, mécanisé, qu’il soit homme ou bête, désert est le jour de l’animal concret.

 

Edith de cornulier lucinière

mercredi, 21 janvier 2009

Le sexe des anges

 

 

Le sexe des anges

H.L. accompagnée d'Edith de CL s'interroge sur deux des plus belles femmes du monde :

Nolimé et Véronique

 

Voir

doublevievronique-medium.jpg La double vie de Véronique

un film de Krzysztof Kieslowski

1991

sorti en DVD par MK2 en 2006

 

Lire et voir

NolimeTangere1_18012005-medium.jpgNolimé Tangéré,

dessins de Béja

Textes de Nataël

Editions Casterman, 1995

Deux œuvres

 

Comme dans le film La Double Vie de Véronique, la bande dessinée Nolimé Tangéré, grande œuvre littéraire et esthétique, propose une intéressante version d’un certain incertain donjuanisme romantique.

Le film, comme le livre, questionnent le rapport entre l’auteur et ses créatures. L’auteur fictif de la bande dessinée et le marionnettiste du film voudraient entrer dans la vie de leurs personnages mais ils n’osent pas : ils ont peur de briser leur rêve.

Le rêve sera inexorablement brisé.

Dans Nolimé Tangéré, l’auteur voit horrifié sa plus belle idole, son personnage Nolimé, renoncer à sa pureté, sortir de son œuvre pour entrer dans la vie et rejoindre un homme.

Dans la Double Vie de Véronique, la jeune femme sort de son propre rêve pour partager la vie de l’artiste qu’elle inspire.

Les deux oeuvres s'arrêtent avant que l’amant ne se lasse, avant que tout s’écroule. On finit entre deux mondes, dans une tension de réalisation, mais l’héroïne est morte en tant que telle. Elle n’est plus qu’une femme. Ce qui faisait toute la séduction de la femme inaccessible meurt avec son engagement tangible.

 

 

Qu’est-ce qu’une femme ?

C’est la question que posent ces œuvres, qui nous peignent des femmes chargées de magnificence.

Dans la vraie vie, c’est si difficile de ressembler à une image d’Epinal qui semble délivrée des charges animales quand on partage plus de 95% de son patrimoine génétique avec les orangs-outangs…

Ces hommes et ces femmes auxquels nous essayons de ressembler, nous, enfants déguisés en adultes, animaux déguisés en humains, nous ne pouvons les rencontrer que dans des œuvres d’art.

Tant qu’on la rêve, une femme est un ange. Quand on la rencontre, avec nos mains, avec notre cœur et notre corps, la femme s’estompe et fait place à l’être humain, l’être humain qui est un animal comme les autres. Alors le rêve est déchu.

 

“Thanks to the girls who fed me”, Merci aux filles qui m’ont nourri, a écrit Jim Morrison. Mais sans doute ces filles-là n’ont jamais existé. C’est son regard à lui qui les inventait pour ne plus être seul.

Car chacun sait que l’homme et la femme nus ne sont qu’un brillant artifact du passé, chante Leonard Cohen. Everybody knows the naked man and woman, are just a shining artifact of the past...

 

Mais les hommes aussi sont doubles : des archanges ou des salauds.

Tel cet homme dont parlait Virginia Woolf : le frère affectueux et protecteur envers sa sœur - mais quand elle veut le retrouver dans d’autres hommes, elle découvre son autre face : un brutal méprisant pour les femmes.

 

Nous sommes métamorphosés par nos maquillages, et ne savons plus retourner à notre vérité naturelle, qui est brisée comme l’enfance est brisée dans l’adulte. Alors, on met des masques, et quand le masque ne tient pas bien certaines se parent volontairement de déchéance : adolescentes libérées, vieilles putes.

A quoi ressemble Véronique quand le film est fini ? Qu'est devenue Nolimé quand la dernière page s'est tournée ?

 

Impossible rencontre de soi et de la pureté...

 

Don Juan est épouvanté par lui-même.

A cause de l’horreur du regard tueur ; nous désirons quelque chose, à peine nous l’obtenons, nous n’en voulons plus. Car ce qui est à nous ne peut être bien. L’amour de l’extérieur nous vient souvent de la haine de l’intérieur. Dès lors tout ce que nous touchons, ne peut-être que souillé. La haine de soi à l’extrême se traduit par le mépris de l’autre. L’homme par rapport à l’animal, l’homme par rapport à la femme, la femme par rapport à l’homme, etc.

Don Juan se hait.

 

Il est assoiffé de lui même, mais se cherche dans l’autre. S’il laisse ses victimes exsangues, sa vie à lui est un long dévidement.

C’est Don Juan vidé de lui-même, qui ne peut jamais croître, en chasse, en survie permanente – Don Juan est un vampire.


Don Juan est éternel

 

Plus que séducteur, au fond, la particularité de Don Juan est d’être séduit… jamais centré sur lui-même, il est séduit chaque fois qu’il sent palpiter un peu de vie.

 

Il est le séducteur, il est la séductrice, il est l’ethnologue ou le passionné des enfants : il voudrait ne faire qu’observer, ne peut s’empêcher de posséder et il hait et méprise tout ce qu’il touche.

Don Juan est aux femmes ce que les ethnologues sont aux peuples « primitifs », ce que les scientifiques sont à la terre vierge.

Même la science est Don Juan : la science qui brûle ou casse tout ce qu’elle touche, un peu comme Lenny dans des souris et des hommes, de John Steinbeck, parce qu’il cherche le pur, et le vierge, mais que son regard de vivisectionniste, souille et déflore. Alors, immédiatement déçu, il doit chercher ailleurs la pureté et la virginité, et le charme fugitif de la découverte.

 

Fuite éternelle de soi : Don Juan est l’être en fuite, tellement apeuré par la mort qu’il s’y précipite deux fois plus vite que les autres.

Nolimé Tangéré et Véronique sont des anges. Leurs amoureux transis croient qu’ils aiment des femmes ; mais les anges n’ont pas de sexe.

 

H.L. et E de CL

dimanche, 18 janvier 2009

Les Dames

 

Les Dames

 

V8-COUV.jpgPhoto VillaBar

 

 

Lire :

 

Le Livre de la Cité des Dames

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Christine de Pizan

Traduction de l'ancien français en français actuel : Thérèse Moreau et Eric Hicks

Stock

Ecrit en 1404/1405

 

Une Chambre à soi

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Virginia Woolf

Traduit de l'anglais par Clara Malraux

Denoël/Gonthier

Publié pour la première fois en 1929

 

Au début du XV° siècle paraissait "Le Livre de la Cité des Dames" écrit par Christine de Pizan. Blessée et humiliée par le mépris dans lequel les hommes tiennent les femmes à son époque, Christine de Pizan propose de construire une forteresse imaginaire dans laquelle se regrouperaient toutes les femmes de grande qualité afin de prouver au monde qu'elles ne valent pas moins que les hommes.

Au début du XX° siècle, Virginia Woolf, blessée et humiliée par le sort inférieur fait aux femmes, imagine que ce qui leur manque pour valoir autant que les hommes, c'est "Une chambre à soi", du loisir et de l'argent qui permettent aux femmes de penser, de réfléchir, d'écrire.

Le féminisme est né de cette douleur. L'éphémère journal "Le torchon brûle" des années 68 était tout rempli de ces plaintes.

Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes n'en reviennent pas du sort qui leur est fait. Ou plutôt elles se creusent la tête pour comprendre ce qui fait d'elles des parias, des esclaves, des moins que rien.

La tentation de beaucoup d'entre elles est de considérer que les hommes sont des brutes et que les femmes sont opprimées en vertu de leur supériorité.

Aujourd'hui de nombreuses femmes ont accédé à des postes de pouvoir, certaines sont devenues astronautes, chercheuses, ont traversé l'Atlantique en solitaire, etc…. Il n'est pas de domaines dans lesquels certaines femmes n'ont pas brillé. Les êtres humains de sexe féminin n'ont plus grande chose à prouver à ceux de sexe masculin.

Cependant, nous qui sommes des gens ordinaires, hommes ou femmes, ou mêmes animaux, nous qui avons vu des femmes réussir aux plus hauts postes dans les entreprises ou à l'université, nous avons pu prendre bonne note que, oui, les femmes réussissent admirablement quand elles en ont les moyens ; nous avons pu vérifier également qu'elles ne valent pas mieux que les hommes quand elles sont dans la même situation de pouvoir.  Nous avons pu vérifier cent fois qu'il n'y a pas de nature féminine de meilleure qualité que celle des hommes.

La lecture de ces deux livres est essentielle pour comprendre la nécessité, le bien-fondé de la lutte féministe. Il faudrait pourtant changer de point de vue. Il ne s'agirait plus de lutter contre l'oppression de tel ou tel groupe particulier - serait-ce celui des femmes -  mais de se battre pour le libre développement de chacun quel que soit son sexe, sa couleur de peau, son origine sociale. Contre la sottise, l'arrogance, la méchanceté, quel que soit le sexe, la couleur de la peau, l'origine sociale de son détenteur.

 

 

Sara Univers de sara

 

jeudi, 15 janvier 2009

Un voyage féodal

 

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Joinville25ko-small.jpg1) Vie de saint Louis par Jean de Joinville (XIII° siècle), Classique Garnier, 1995.

 

 

 

 

Ki-Zerbo25ko-small.jpg2) Histoire de l'Afrique noire par Joseph Ki-Zerbo (XX° siècle), éditions Hatier, 1978.

 

 

 

 

Mezeray25ko-full.jpg3) Abbrégé chronologique ou extrait de l'histoire de France par le Sr De Mezeray (XVII° siècle), historiographe de France, Tome I (et suivants pour ceux qui les trouvent), 1698.

 

 

 

 

Un seigneur champenois du début du XIII siècle, Jean de Joinville, accompagne le roi saint Louis dans ses croisades pour délivrer le tombeau du Christ. Il en fait la chronique dans son livre, "Vie de saint Louis".

Au milieu du XX° siècle, un historien africain, Joseph Ki-Zerbo (né en Haute-Volta et agrégé d'histoire en France en 1956) sillonne l'Afrique de part en part à la recherche de récits anciens qui dorment dans les bibliothèques, et de traditions orales qu'il recueille auprès de conteurs, de sages… Il écrit une monumentale "Histoire de l'Afrique noire".

La lecture quasi simultanée de ces deux livres entraîne le lecteur dans un incroyable voyage dans le temps du moyen âge, en compagnie des contemporains de cette époque très agitée. Joinville raconte "sa guerre" aux côtés de saint Louis. Joseph Ki-Zerbo cite des voyageurs arabes ou musulmans. Le lecteur compare les dates. Que se passait-il dans telle région d'Afrique noire au moment des Croisades ? Quels regards les uns portaient-ils sur les autres ? Qui étaient ces "seigneurs" européens, ces sultans musulmans, ces rois prêtres noirs qui se ressemblent étonnement, sinon dans les mœurs, du moins dans leur comportement de fauves, de prédateurs, de guerriers : c'est l'époque des grands féodaux. Ils se reconnaissent entre eux, se combattent avec violence, mais ils se respectent. Les fils des rois noirs tués sont élevés à la cour de celui qui les a vaincus. Le cri "cousin du roi" suffit pour que les sarrasins gardent Joinville en vie.

 

Le troisième livre est plus difficile d'accès : seuls des libraires spécialisés ou bien des sites Internet de livres anciens permettent de le trouver : c'est l'"Abrégé Chronologique ou extrait de l'Histoire de France", de Mezeray. Je n'ai trouvé que le tome I. C'est le livre d'histoire du XVII° siècle. Il retrace la chronologie des rois de France depuis Faramond (418).

Voilà un livre qui se lit avec stupeur et crainte car il décrit l'extrême violence de ces époques. Il fut écrit pour tenter de donner un sens à l'histoire de la royauté française, d'en montrer la cohérence. Il a un autre intérêt, partagé avec le livre de Joinville : c'est celui d'introduire le lecteur dans le système compliqué de la féodalité européenne.

Enfin, ces lectures éclairent du poids de l'histoire les guerres contemporaines du Proche-Orient : cette partie de l'Afrique est devenue chrétienne (II°, IV° siècles) quand l'Empire romain déclinant, s'est converti. Les vieilles religions de l'Antiquité ont alors disparu. Et, très vite après sa naissance au VII° siècle en Arabie, l'Islam envahit toute cette région qui devient musulmane, sauf l’Éthiopie et quelques foyers de résistance, copte en particulier.

 

Sara

 

lundi, 12 janvier 2009

Courir le monde

 

 

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Lire :

itinéraire paris jérusalem ChB-full.jpg

Itinéraire de Paris à Jérusalem

François-René de Chateaubriand

Garnier Flammarion

Première parution : 1811

 

 

 

Sites sur lesquels on peut lire des études de chercheurs sur ce livre :

 

études romantiques

colloques de fabula

 

tour du monde en 80 jours JV-full.jpgLe tour du monde en 80 jours

Jules Verne

Le Livre de Poche

Première parution : 1873

 

 

 

Site de la cité des sciences qui propose un "tour du monde en 10 minutes" sur les traces de Philéas Fogg :

Cité des sciences, Verne

 

Il fallait acheter l'"Itinéraire de Paris à Jérusalem" dans la collection préfacée par l'universitaire autorisé si l'on en croit les articles de chercheurs mis à la disposition des candidats à l'agrégation sur les sites spécialisés. En effet, ce livre est au programme de l'agrégation cette année. J'avais l'autre édition dans ma bibliothèque et m'en suis contentée.

Mais j'ai lu les articles pour ma culture personnelle.

Ce qui étonne dans ce livre, c'est la manière de voyager de François-René de Chateaubriand. Il voyage comme s'il voulait en finir au plus vite. Il part le 13 juillet 1806 de Paris, Il arrive le 23 à Venise après 10 jours de voyage . Il y reste cinq jours, pars en "Chariot" à Trieste pour en repartir le 1er août en bateau. Il visite Athènes, Constantinople (Istanbul), Jérusalem, Alexandrie et retrouve Madame de Noailles le 10 avril à Cordoue. Neuf mois de voyage Il saute d'un bateau à un autre, fait des équipées à cheval pendant des journées de onze heures. Il traverse les ruines, les lieux saints dans une course que rien n'arrête. Certes la récompense du trajet c'est la rencontre tant attendue avec la femme dont il est amoureux !

Pour lui, le voyage, c'est la fuite. Fuite de sa femme qui l'ennuyait un peu. Fuite de son mal, le "mal du siècle", le mal être des romantiques : "toujours se promettant de rester au port, et toujours déployant ses voiles ; cherchant des îles enchantées où il n'arrive presque jamais, et dans lesquelles il s'ennuie s'il y touche ; ne parlant que de repos, et n'aimant que les tempêtes;"

Pendant qu'il se hâtait lentement, l'anglais, Richard Trevithick (1771-1833), fabriquait la première locomotive du monde capable de tracter 10 tonnes (en 1804). Tandis que les premiers bateaux à vapeur ne voient le jour qu'à partir de 1840.

Soixante dix ans plus tard, paraît "Le tour du monde en quatre-vingts jours" dans lequel Philéas Fogg mise toute sa fortune dans un pari contre le temps. Les moyens de transport se sont considérablement améliorés et se multiplient sur la planète. Il estime donc qu'il est possible de faire le tour du monde en 80 journées. Est-ce possible ? La scène se passe en 1872 à Hong-Kong :

"Vous chargez-vous de me conduire à Yokohama ?"

Le marin, à ces mots, demeura les bras ballants, les yeux écarquillés.

"Votre honneur veut rire ? dit-il.

- Non ! J'ai manqué le départ du Carnatic, et il faut que je sois le 14, au plus tard, à Yokohama, pour prendre le paquebot de San Francisco.

- -Je le regrette, répondit le pilote, mais c'est impossible.

- -Je vous offre cent livres (2500 F) par jour, et une prime de deux cents livres, s'y j'arrive à temps.

- - C'est sérieux ? demanda le pilote.

- -Très sérieux", répondit Mr Fogg"

Aider de son fidèle domestique Passepartout, il triomphe de tous les obstacles à coups de volonté et à coup d'argent. On dirai une charmante caricature de l'Itinéraire, une de plus - car il y en a eu, paraît-il, beaucoup au XIX° siècle -. Et au bout du voyage, il y a aussi l'amour de la belle Indoue, Mrs Aouda.

Nous avons changé de civilisation à tout jamais. Tant mieux pour les chevaux. C'est le début de la fin de l'esclavage pour eux : en 1850, la Loi Grammont interdit aux cochers de les maltraiter. Les machines sont là, sans âmes, qui ont pris le relais. Mais le mal-être humain reste le même. L'état d'esprit des voyageurs n'a pas évolué :ces deux livres annoncent le tourisme de masse de notre époque  : de nombreuses personnes traversent le monde au pas de charge, rapportant des quantités de "photos" et de propos sur les lieux qu'ils ont "faits" selon la formule maintenant consacrée.

 

 

Sara http://universdesara.org/

vendredi, 09 janvier 2009

L'ange et l'archange

saint_just1-medium.jpgrochejacquelein-full.jpg

Deux adolescents dans la tourmente de la Révolution française...

 

 

 

 

 

 

Lire :

SaintJust-full.jpgSaint-Just

D. Centore-Bineau

(Première publication : 1936)

Payot 1980

 

 

LaRocheJaq-full.jpgMémoires de la marquise

de La Rochejaquelein

1772-1857

Mercure de France,1984

 

J'ai lu Saint-Just, flamboyante biographie de l'ange de la Terreur, écrite en 1936 par Centore-Bineau. Ensuite, j'ai lu les mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, cousine du héros vendéen. Et je reste avec deux souvenirs fracassants, deux jeunesses violemment fauchées en pleine Révolution, deux courages voués et dévoués à une cause. Saint Just, l'archange de la terreur, et La Rochejaquelein, ange de la contre-Révolution. Que de points communs entre ces deux jeunesses ennemies. Tous deux sont morts très jeunes, courageusement, pour une cause à laquelle ils croyaient.

 

Une époque, deux trajectoires

Racontée avec passion par une historienne et admiratrice, la vie de Saint-Just (les gens de l'époque prononçaient Saint-Je) commence par une enfance et une adolescence douloureuse.

Celle de La Rochejaquelein, racontée par sa cousine, est au contraire une histoire de famille heureuse et compréhensive.

La surprise

Louis Antoine de Saint-Just : il a la surprise de découvrir que dans son innocence d'enfant, on le prend pour un criminel ; pour des broutilles, des désobéissances sans conséquences, la femme qui l'a enfantée et qu'il aime l'enferme en prison. Enfermé par lettre de cachet sur l'ordre de sa mère avant vingt ans...

Henri de La Rochejacquelein : il a la surprise de découvrir que la douceur du nid familial, régional, imaginaire est assassinée par une violence que rien de ce qu'il a vu ne justifie. Les circonstances éclatent son bonheur en mille morceaux avant ses vingt ans.


La révolte

Louis-Antoine : il se révolte contre les enfermeurs, les exploiteurs, les moralistes, les riches...

Henri : il se révolte contre les blasphémateurs, les tueurs, les immoraux, les arrivistes...


L'élection

Les paysans et ouvriers de la région de Louis-Armand venaient à lui pour qu'il mène la révolte. Il leur offre son intelligence intrépide.

Les paysans de Vendée s'en vinrent chercher Henri afin qu'il les mène à la bataille. Il redresse la tête, accepte et s'engage.

Etrange destin de ces jeunes hommes de vingt ans qui par leur charisme inconscient recueillent une responsabilité dont ils mesurent avec peur la portée, et qu'ils acceptent.

 

Le Choix

Louis-Antoine et Henri : il font le choix de défendre les opprimés et de leur offrir leur vie.


Le courage

Louis-Antoine et Henri : ils trouvent le courage d'assumer leur choix. De demeurer honnêtes malgré les roublards qui s'empressent de récupérer leur cause.

 

Jusqu'au bout...

Louis-Antoine :  « Je ne suis d'aucune faction. Je les combattrai toutes »...

Henri : « Si je recule, tuez-moi ; si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ».


La Mort

Louis-Antoine : à 28 ans, il marche courageusement à la guillotine, lui qui avait voté la mort du roi : « On ne juge pas un roi. On le tue ».

Il avait peu à peu perdu tous ses amis, parce qu'il était resté fidèle à sa cause et inflexible. « Celui qui dit qu'il ne croit pas à l'amitié ou qui n'a point d'amis, est banni » ( avait-il pourtant écrit dans ses Fragments sur les Institutions républicaines).

Henri : il est tué à la bataille... Fauché à 22 ans.

Il avait, raconte la mémorialiste, changé de visage et d'attitude à l'instant où il avait répondu « oui » à ceux qui lui demandaient d'entrer dans l'armée. Il portait des petits mouchoirs à son habit pour que les paysans de l'armée vendéenne – amateurs se battant à la fourche - reconnaissent leur chef.



L'expérience, l'attitude et l'idéologie

Les personnalités sont indépendantes des idéologies. Ceux qui confondent leur personnalité avec leurs idées se trompent.

Il y a plus de ressemblance entre Saint-Just et La Rochejaquelein – leur courage, leur détermination – qu'entre Saint-Just et les plupart de ses corévolutionnaires, qu'entre La Rochejaquelein et les contre-révolutionnaires.

Si ce n'est la personnalité qui détermine l'idéologie, peut-être alors est-ce l'expérience de vie de la personne ?

 

Deux expériences, deux choix

Saint-Just, enfermé par lettre de cachet sur la demande de sa mère, hait les pratiques de l'Ancien Régime. Très jeune il est rongé de l'intérieur par la révolte et l'injustice.

La Rochejaquelein, choyé par sa famille, éprouve une grande confiance dans les valeurs qu'on lui inculque. Il est en accord avec le monde qui l'entoure.

Les familles de ces jeunes gens n'ont-elles pas eu les attitudes déterminantes de leur choix ?

L'expérience que nous vivons au fond de nous-mêmes – la confiance, ou bien une douleur insurmontable... - pèse sans doute plus lourd dans nos choix idéologiques que notre appréciation intellectuelle. L'appréciation intellectuelle n'est qu'une justification a posteriori.

 

Vieux roublards et jeunes héros

Les vieux fauteurs de guerre roublards et hypocrites manoeuvrent et embrigadent de jeunes courageux qui meurent de croire en leur idées.

Aujourd'hui, les ex-militants d'Action Directe croupissent depuis vingt ans en prison, y souffrent et meurent. Mais leurs inspirateurs vivent tranquilles, hurlant des idées qu'ils transforment au fil des modes, sachant se reconvertir ou se faire oublier quand il le faut.

Certaine jeunesse est trop intègre : elle agit et se perd par honnêteté. Elle se rend compte trop tard – s'il lui en reste le triste loisir  - qu'il ne faut jamais faire ce qu'on dit, qu'il ne faut jamais dire ce qu'on fait : c'est seulement ainsi qu'on survit et qu'on s'enrichit.

Et c'est pourquoi Brassens, qui croyait plus en la réalité fraîche et simple des gens tels qu'ils sont dans leur vie quotidienne qu'aux grands idéaux qu'ils proclament, rappelant que ceux qui crient le plus la vertu laissent des innocents payer son prix, chantait « Mourir pour des idées, d'accord mais de mort lente, d'accord, mais de mort lente ».

 

Edith de Cornulier-Lucinière