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lundi, 22 décembre 2008

DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME

DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME QUANT A L'EVOLUTION DE LA HIERARCHIE DES ESPRITS DU MONDE

 

par Barynsflook

 

Pas de questions sur l'évolution de tout un chacun, l'histoire des peuples, l'histoire des communautés, l'histoire des individus... Toutes les erreurs notables sont déjà notées quelque part. Et pourtant ils s'obstinent, ça les excite de revivre ces passes palpitantes de l'histoire, de la vie, de l'histoire de la vie. Incalculables vertus causant d'incalculables torts, indénombrables vices pour le plaisir de tous. L'arbre se courbe devant celui qui voudra bien chercher à lui faire courber l'échine, et bien peu malins mais nombreux ceux qui en sont capables.

 

Accalmie des bons jours, dangereuses bourrasques de ceux pendant lesquels tu règnes... Du sentir au toucher, le dictat de toujours, tu t'es toujours trompé, rien jamais ne te perdra et pourtant tu as déjà perdu.

 

J'ai créé l'armée du désespoir afin de te détrôner immonde parasite du monde des gentils. Seuls les grands ont pu observer la vérité, car cette dernière ne se sait jamais, elle s'observe... Tu aurais du comprendre, tu aurais du m'entendre. Tu verras la lumière quand tes fautes expiées tu auras renoncé à rejoindre ce gué. Le gué de l'astre mort le gué du mirador noir à cent lieues des humains, moi je t y attendrai, et tu pourras crier, forcer ou attaquer mais le soleil jamais ne te laissera passer. Ainsi, tu vois, sans même lever d'armée, sans trop de vies renier, sans les faire soupirer, j'ai ressaisi ma chance d'être de ces grands esprits, qui, dans l'histoire des Mondes ont su harmoniser les émotions, les vies, celles la même que tu t'évertuais à annihiler, aigri par la longueur des ères.

 

 

Barynsflook

 

samedi, 20 décembre 2008

Poussière de Cantor...

La Page mathématique de Laurent Moonens

ERRATUM

"La raison qui pousse à faire la seconde étape décrite dans la vidéo, pour définir la longueur d'une courbe, n'est pas celle exposée.
Comme l'auditeur attentif l'aura noté, il est possible de recouvrir un segmentde longueur 1 par deux disques de diamètres inférieurs à trois quarts, à savoir deux disques de diamètre 1/2, dont la somme des diamètres égale un.
La raison qui pousse à considérer la limite pour des échelles de plus en plus petites des longueurs à ces échelles, est exposée dans 'Un problème variationnel' (ci-dessous nommé "la ligne droite") et est d'une autre nature. Le nombre (très proche de zéro) d'heures de sommeil que nous avions eues la nuit précédent l'enregistrement de cette vidéo suscitera, j'espère, la clémence des lecteurs-internautes pour ce mensonge, désormais fixé à son support numérique".

Laurent Moonens.

Pour compléter la vision de cet article sur la poussière de Cantor, AlmaSoror vous conseille deux lectures :

 

...
(de Cantor)


Un problème variationnel, où comment se fait-il que le chemin le plus court soit le moins long...

Par ailleurs, vous pouvez accéder aux autres vidéos mathématiques d'AlmaSoror en cliquant, sur la colonne de gauche, sur la rubrique "Maths de Laurent Moonens".

 

jeudi, 18 décembre 2008

Les brisés de l'école

Les brisés de l’école

 

Aux nuls. Aux ratés. Aux rêveurs.

 

16.jpgphot Isabelle Ferrier

 

Quoi de plus indestructible que la certitude intérieure des profs d’avoir raison dans leurs jugements ?

Les nuls en classe, les imbéciles, les lents, les « dans la lune » forment la horde des méjugés qui n’ont aucune défense puisque, le système étant juste et formel, ils sont objectivement mauvais.

 

Comment peut-on noter ?

Comment peut-on croire que l’on fait autre chose que de servir un système qui privilégie un certain type de gens pour mieux léser les autres ?

 

Pour ceux qui ont réussi, moyennement ou très bien, la nullité scolaire des autres est incompréhensible. Le parcours qualifié de « normal » leur a paru si évident !

Un ami me raconte que les professeurs disaient à ses parents qu’il était bon travailleur mais manquait d’intelligence et n’irait jamais loin.

Une amie me raconte sa révolte lorsque en classe (en France) de CM1, elle découvrit la signification scolaire du mot « choix ». Choisir la bonne réponse consistait à trouver la bonne réponse. Un tel dévoiement d’un mot qui représentait la liberté la plongea dans un abattement stupéfait.

Une amie qui visite les classes me raconte comme les profs disent de leurs élèves « ils n’ont pas d’imagination ». Mais l’imagination, pour ces profs, n’est qu’une discipline scolaire. Pour un imaginatif, ce qu’ils appellent imagination n’est qu’un exercice scolaire de plus.

Les mots invention, imagination, choix, art, créativité sont dévoyés par l’école : ce sont des mots scolarisés. Il vaudrait mieux qu’elle renonce à les utiliser. Ainsi que les mots « intelligence, raisonnement, argumentation, culture ». Car elle n’a rien à voir avec cela.

 

L’école est un système de mesure. Certains esprits ne comprennent pas les chemins de réussite au sein de ce système de mesure. Alors, qu’ils connaissent par cœur l’œuvre de Byron, qu’ils consacrent leur vie libre à l’étude de et qu’ils lisent Thucydide avec passion ne leur apportera rien au regard de la scolarité ni de la vie sociale. Ils sont des savants non agrées.

Quant à ceux que rien n’intéresse mais qui comprennent le système de mesure scolaire, ils peuvent étudier dans les plus grandes écoles, emporter tous les concours, et les grandes voies de la réussite sociale leur sont ouvertes, quelle que soit leur réelle culture et la profondeur de leur intelligence. Ils sont des savants agréés par l’Etat.

 

« Tu n’en feras jamais d’autres ». « Peut mieux faire ».

 

Faut-il espérer un changement ? Assez désespéré, je pense que tout système de sélection est pervers et minant pour certains.

Impossible de vouloir retourner dans un monde où la sélection se fait par la force physique, par la naissance…

Aux professeurs, faut-il préférer l’armée de psychologues, assistants sociaux, pédopsychiatres et éducateurs qui bâtissent ensemble l’Empire psychologique qui nous colonise de son idéologie insaisissable un peu plus chaque jour ?

Non. La régulation sociale par un Ordre psychologique dominant n’est pas meilleure.

 

Sachons simplement que les nuls, les ratés, les minables, les bons, les intelligents, les adaptés changent de camp en fonction des instruments de mesure de la société.

 

 

Axel RANDERS

mardi, 16 décembre 2008

Indult Agatha Christie

Voici la requête que Yehudi Menuhin, Agatha Christie, Graham Greene, et d'autres artistes et intellectuels souvent non catholiques signèrent... pour sauver la messe traditionnelle de l'Eglise catholique, qui "appartient ainsi à la culture universelle aussi bien qu’aux hommes d’Église et aux chrétiens pratiquants".

Sous l'appel, vous trouverez la liste des signataires.

 

 

Introïbo ad altàre dei...

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... Ad Deum qui lætíficat juventútem meam.

 

Dans les années 1960, le Concile de Vatican II transforma radicalement la liturgie catholique.

Au delà de la messe et des prières fondamentales (le Notre-Père), l'esthétique et le déroulement de la vie des villes et villages à majorité catholique en ont été entièrement transformés.

Quelques artistes et intellectuels anglais réagirent par une lettre au Pape.

Pour Agatha Christie, Yehudi Menuhin (non catholiques), Graham Green et d’autres, la « modernisation » de la messe traditionnelle, célébrée depuis l’antiquité et codifié par Pie V en 1570, était une catastrophe pour l’histoire de l’esprit humain.

En effet, le chant grégorien et une immense partie de la musique classique, une grande part de l’inspiration littéraire européenne, sont issus de la sancta missa. Mais le déroulement de la messe lui-même constitue un patrimoine littéraire et liturgique immense.

A la suite de cette pétition, le pape autorise, par un indult, à prononcer la messe traditionnelle exceptionnellement. Ce texte est appelé l’« indult Agatha Christie », signataire la plus marquante de la requête pour sauver la messe traditionnelle en Angleterre.



Appel pour demander le maintien de la Messe traditionnelle.

 

« L’un des axiomes de la publicité contemporaine, aussi bien religieuse que profane, est que l’homme moderne en général, et les intellectuels en particulier, sont désormais pleins d’intolérance pour toutes les formes de la tradition et n’aspirent qu’à les supprimer pour les remplacer par quelque chose d’autre.

Mais comme bien d’autres affirmations de nos machines à publicité, un tel axiome est faux. Aujourd’hui, tout comme dans le passé, les hommes cultivés sont à l’avant-garde chaque fois qu’il s’agit de reconnaître la valeur de la tradition, et ils sont les premiers à sonner l’alarme lorsqu’elle est menacée.

Si quelque décret déraisonnable devait ordonner la destruction complète ou partielle des basiliques ou des cathédrales, ce seraient évidemment les hommes cultivés quelles que soient leurs croyances personnelles qui se dresseraient, pleins d’horreur, pour s’opposer à une telle possibilité.

Or, c’est un fait que ces basiliques et ces cathédrales ont été bâties pour la célébration d’un rite qui, il y a quelques mois encore, représentait une tradition vivante. Nous voulons parler de la messe catholique romaine. Pourtant, si l’on en croit les dernières informations en provenance de Rome, il existe un plan destiné à supprimer cette messe dès la fin de cette année.

En ce moment, nous n’envisageons pas l’expérience religieuse et spirituelle de millions de personnes. Le rite en question, dans son magnifique texte latin, a également inspiré quantité d’œuvres d’art inestimables, non seulement des œuvres mystiques, mais aussi des œuvres de poètes, philosophes, musiciens, architectes, peintres et sculpteurs, dans tous les pays et à toute les époques. Il appartient ainsi à la culture universelle aussi bien qu’aux hommes d’Église et aux chrétiens pratiquants.

Dans la civilisation matérialiste et technocratique qui menace de plus en plus la vie de l’âme et de l’esprit dans son expression créatrice originale — la parole, — il semble particulièrement inhumain de priver l’homme de formes verbales dans l’une de ses plus grandioses manifestations.

Les signataires de cet appel, qui est entièrement œcuménique et apolitique, proviennent de toutes les branches de la culture moderne en Europe ou ailleurs. Ils désirent attirer l’attention du Saint-Siège sur l’effrayante responsabilité qu’il encourrait dans l’histoire de l’esprit humain s’il refusait de permettre la survie de la messe traditionnelle, même si ce n’était que côte à côte avec d’autres formes liturgiques ».

 

Liste des signataires :

 

Harold Acton,

Vladimir Ashkenazy,

John Bayler,

Lennox Berkeley,

Maurice Bowra,

Agatha Christie,

Kenneth Clark,

Nevill Coghill,

Cyril Connolly,

Colin Davis,

Hugh Delargy,

Robert Exeter,

Miles Fitzalen-Howard,

Constantine Fitzgibbon,

William Glock,

Magdalen Gofflin,

Robert Graves,

Graham Greene,

Ian Greenless,

Joseph Grimond,

Harman Grisewood,

Colin Hardie,

Rupert Hart-Davis,

Barbara Hepworth,

Auberon Herbert,

John Jolliffe,

David Jones,

Osbert Lancaster,

F.R. Leavis,

Cecil Day Lewis,

Compton Mackenzie,

George Malcolm,

Max Mallowan,

Alfred Marnau,

Yehudi Menuhin,

Nancy Mitford,

Raymond Mortimer,

Malcolm Muggeridge,

Iris Murdoch,

John Murray,

Sean O’Faolain,

E.J. Oliver,

Oxford and Asquith,

William Plomer,

Kathleen Raine,

William Rees-Mogg,

Ralph Richardson,

John Ripon,

Charles Russell,

Rivers Scott,

Joan Sutherland,

Philip Toynbee,

Martin Turnell,

Bernard Wall,

Patrick Wall,

E.I. Watkin,

R.C. Zaehner

 

(Traduction la Documentation Catholique)

 

samedi, 13 décembre 2008

Que faire de nos forces vitales ?

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Par David Nathanaël Steene

Pour des raisons d’hygiène, de sécurité, de bienséance sociale, on est obligé, à moins d’habiter dans une belle campagne loin des voitures, d’empêcher, la plupart du temps, les enfants de faire tout cela :

 

Marcher où ils veulent, dans un périmètre de plus de 100 mètres carrés

Courir

S’amuser

Chanter à tue tête

S’asseoir ou s’allonger

Rêver de longues heures

Toucher, explorer tactilement l’environnement

 

La plupart des enfants dans notre société n’ont accès que très rarement à ces activités naturelles, à cette liberté d’être.

 

 

Nous-mêmes, adultes, aurions-nous la possibilité d’esquisser un pas de danse dans la journée, au boulot, dans la rue ? D’entonner une chanson ? De rire d’une belle voix forte ? De s’allonger tranquillement sur une voiture ou une table ?

Non. Accomplir ces activités est réservé à des temps de vacances. Le long du jour de labeur, ou dans les lieux publics, nous passerions pour des fous.

 

La liberté dans notre société est cérébrale. Elle est certes importante. Mais que deviennent nos forces vitales ?

 

David Nathanaël Steene

jeudi, 11 décembre 2008

Fredy Ortiz takiq rimachkan : uyarisun !

L'art, la toile, le monde

Rubrique d'art, d'Internet, de culture

Entretien en quechua avec Fredy Ortiz, chanteur du groupe péruvien Uchpa

 

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Fredy Ortiz takiq rimachkan :  uyarisun !

Uchpa (cendres, en quechua)  est un groupe musical péruvien connu qui fait  de la musique rock
et dont le chanteur, Fredy Ortiz, s'exprime en quechua, langue amérindienne - et non en espagnol.

Fredy Ortiz (l'homme au chapeau) explique ici ce choix original.

(Traduction espagnole ICI)

Imapitaq yuyarayarqanki rockta, qinallataqmi bluesta runasimipi takinapaq?

ñuqa maqtallaraq kaptiy, taytay apawarqa iglisia evangelikaman, chaipi takichiwarqa runasimipi sumaq takichakunata taytachapaq, chaipin yacharqani chay hukman takikunata countri hina, ichapas chay gospel nisqan hina, llaqtaypiqa riki, huayno(folklor andino) huaynullatan uyariniku, maqta masiykuna huaynullatan yacharqaku, ñuqañataqmi hukman takikunata, chaymantan qallarin bluschata gustuy, manaraq yachachkaptiy ima ninanmi karqa chay blues, chaymantaqa ocobamba llaqtaymanta pasakuni andahuaylas llaqtaman, chaypiqa ña, karqa radiupas, ocobamba llaqtaypiqa manan karqachu ni carrupas, andahuaylas llaqtapi kachkaptiyñan riksiruni iman kasqa rock, chay timpupin uyarini sumaq takichakuna chay inglaterra maqtapa jeff beck guitarranta huknin maqtawan rod stuart takiqta, blues hinaraq, riksikurqa chay iglisia evangilica takiptiy, chaymantapunin gustawarqa chay takichakuna, qinallataqmi riksikun aswanqa huk takichaman QARAWI sutiyuq, yaqa waqastinñan takinku iskay paya warmikuna kay llaqtakunapi, Apurimac, Ayacucho, Huancavelicapi, chaytan ñuqaña sutirachini blues andino nispa, yaqa yaqa blues americano kaqllañan; kaypi, maqtakunata inglispim munanku takiyta mana inglista yachaspa, aswanqa ñuqa pinsarani, mana inglista atiptiykuqa, aswanqa sumaqta cabirachisaq runasimichapiña riki, nispaymi kay uma muyuta qallariruni, qinallataqmi nini, kay Peru Andispin riksikun riksikunpunin wak karu llaqtapi takinkunata,, aswanqa kay llaqtaypi takiqkunan chay huayno, qarawichakunan ñakarisqan runakunapan qinallataqmi wak america llaqtapipas, chay yana runakunapa ñakarisqa runakunapan, uyariwaq Tayata CHIMANGO (musico andino quechua) violinninta, JIMI HENDRIX (musico americano) jajuyninqa kaqllañan, chaymanta chay arpaviolin tukaqkunan , manaraq fista qallarimuchkaptin arpanta violinta traguchata millpuchinku, qinallataqmi apukunaman rimaykukunku sumaq kananpaq ,danzanti tijirasmantapas qampatuta mikun, chaynallataqmi huknin hatun llaqtapi huk maqta ALICE COOPER sutiyuq, chaynapunin kaqllata misas negras sutichasqa, chayma ñuqa sutirachini extremos parecidos nispa.

Runa simi rimaqllapaqchu takinki? icha llapanpaqchu?

llapanpaqmi takini, yachaqpaq qinallataqmi mana yachaqpaq, mana yachaqkunaqa yachachun kay pachapi huk sumaq miski rimay kasqanta.

Pikunan rin cunciertuykiman? pasña maqtakunachu? llaqta runachu?, icha campisinukunachu?

llapanmi rin, maqtakunapas, campisinukunapas, llaqta runakunapas, sumaqmi, qawaptiy campisinu mamakuna tusuptin, waqtallanpitaq maqta llaqta runakuna tusuptin.

 

(Uchpa : Rock, huayno, quechua, danza tradicional)

Sunqu musqu ukuykimanta, imatan munankiman runa simipaq, qamuq watakunapaq? Iman manchasunki runa simipaq?

munayman, mana chinkananta, sapa punchaumi aswan aschallañan rimanku kay sumaq rimayta, chaynaqa riki manchakuni chinkananta, warmakunaqa manañan rimankuchu, icha aswanqa manañan munankuchu rimayta.

Ima willaytan ninkiman, tukuy runakunaman kay pachapi?

 

tukuy runakuna kay pachapi, yachananmi, huk sumaq miski rimaymanta, riksinanmi kay pachapi runa simi quechua, rimaymanta, INKA, rimasqanta; ama ya qunqaychikchu kay wakcha runakunamanta quechua rimaq , qinallataqmi ama ya wikapaq hina rikuriychikchu kay cultura andina , yachawaq sumaq sunqunchikta, kuyakuyallañan kaniku.

 

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Fredycha, anchata aradisikuyki chay sumaq simiykikunamantam.

Sumaqllaña purikuy, sumaqllaña takikuy.

Edith de Cornulier-Lucinière

 

 

 

Entrevista con Fredy Ortiz

Entrevista con Fredy Ortiz

Del grupo Uchpa

(version español)

Version quechua aqui

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Fredy Ortiz, del grupo de rock y blues quechua Uchpa (cenizas), habla de su decision de cantar en quechua

Qué idea tuviste para cantar rock y blues en quechua?

Cuando todavia era niño, mi papá me llevaba siempre a la iglesia Evangelica, ahí me hacia cantar himnos en quechua mas o menos parecidos al countri o gospel, en mi pueblo solo escuchan huayno(folclor andino),mis compañeros solo sabian huayno, y yo algo de otro genero, de ahí es que comienza a gustarme el blues, sin saber que existia el genero blues ; despues salí de mi pueblito Ocobamba a la provincia de Andahuaylas, donde habia incluso emisora de radio, en mi pueblo no habia ni carros, ahí es que escuche por primera vez lo que era el Rock, en ese tiempo escuche por primera vez al guitarrista ingles, JEFF BECK, con la voz de ROD STUART, y se parecia a lo que yo cantaba en la iglesia evangelica, y claro que me gusto y encajó  a mi gusto, además se parece a un genero andino de nombre QARAWI, donde cantan las dos mujeres mas antiguas casi llorando, en esta zona de Apurimac, Ayacucho, y Huancavelica, y a eso lo llamo el blues andino, porque se parece mucho al blues americano.

Aqui los jovenes quieren cantar en ingles sin saber hablar, entonces pensé cantar mejor en quechua, y encajó mejor, muy bién, y de ahí es que empezó esta locura de cantar en quechua, entonces digo que la musica andina se parece bastante de paises lejanos, ademas pertenecen a dos clases sociales marginadas, como es al de la gente andina, y al otro lado a los negros esclavos, si escuchas a CHIMANGO(violinista andino quechua) un solo de violin con musica del peru profundo, y a JIMY HENDRIX (guitarrista americano) se asemejan sus solos de sus instrumentos musicales, la misma mistica, y tambien por ejemplo las ceremonias que hacen los arpistas y violinistas andinos, antes que comience la fiesta, haciendoles beber trago a los instrumentos musicales, y comiendo sapos los danzantes de tijera, y casi de igual manera al otro lado ALICE COOPER, hace sus misas negras, por eso los llamo los extremos parecidos.

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Cantas solo para los quechua hablantes? O para todos?

Canto para todos, para los que saben y para los que no saben, y para los que no saben, que sepan que existe una dulce y expresiva lengua o idioma.

Quienes van a tu concierto? Los jovenes? Personas de ciudad? O solo campesinos?

Van todos, los jovenes urbanos, tambien los campesinos, los de la ciudad, todos, me alegro cuando veo que estan bailando mujeres andinas quechuahlantes y al costado hay jovenes rockeros.

Desde el fondo de tu corazón y tus sueños, qué quisieras para el futuro del quechua? Y qué te asusta para el quechua?

Quisiera que no se pierda este dulce gran idioma, todos los dias que pasan aceleradamente hablan menos personas, por consiguiente es que tengo miedo que se pierda, los chicos ya no hablan, o simplemente no quieren hablar.

Qué mensaje quisieras dar a toda la gente del mundo?

Todas las personas de este mundo tienen que saber que existe una dulce y expresiva lengua, tiene que saber, que en esta tierra hay gente que habla el quechua el idioma del Inka, y no se olviden de nosotros la minoria, y no vean como marginados a la cultura andina, si supieran nuestros corazones de inmenso amor.

 

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mardi, 09 décembre 2008

1007-2007 : la fortune d'un mot

2007 : Le Bourgeois fête ses mille ans cette année.
Par Sara

 

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La première fois qu'il est nommé, c'est en l'an 1007 : une Charte émanant du Comte d'Anjou, Foulques Nerra, établit un "bourg franc" auprès de l'Abbaye de Beaulieu près de Loches. Ses habitants sont affranchis de toute servitude ou impôt. Mais la Charte énonce une menace à l'encontre de ses habitants ; "Si les bourgeois s'attaquent aux moines ou à leurs serviteurs et s'emparent de leurs biens, ils paieront une amende de soixante livres." C'est la première fois que le bourgeois fait irruption dans un texte, souligne Régine Pernoud, et c'est justement pour prendre des garanties contre lui.

Dès sa naissance, on le craint. Non seulement le bourgeois s’est attaqué aux moines et aux abbayes mais aussi aux seigneurs dans leurs châteaux et au menu peuple à qui il a toujours menti. Toute cette société du Haut Moyen Âge était ébranlée deux cents ans après. Huit cents ans après, il n'en restait plus rien. Le bourgeois avait fait sa révolution, l'avait gagné et tout le monde était au pas. Sa naissance, il la devait à une société close dans laquelle, fils perdu, il n'avait pas sa place : il s'est inventé en essayant de survivre grâce au commerce. Il a admirablement réussi.

Aujourd'hui, il est innombrable. Il est propriétaire, son épargne est bien placée ; il est gros ou petit-bourgeois qu'importe. Il a une particularité : on ne le rencontre jamais. Il est quasi impossible d'en rencontrer un. Omniprésent, il n'est nulle part.

Pourtant, l'ouvrier, lui-même, s'est embourgeoisé ; le fonctionnaire l'est. Le fond du bourgeoisisme, c'est la propriété, c'est l'usus et l'abusus, le droit d'user et d'abuser de son bien - contre la coutume du haut moyen âge - tiré du droit romain et consacré par le code Napoléon. Qu'on dresse la liste de ceux qui ne sont propriétaires de rien, ni de leurs champs, ni de leur toit, ceux qui n'ont ni voiture, ni sicav… On trouvera des imprévoyants, des SDF, des mères de familles chargées d'âmes trop nombreuses.

Le bourgeois est l'objet de toutes les envies, de tous les désirs, il est le modèle et en même temps le repoussoir, l'objet de la risée de tous et surtout de ses fils. Molière l'a ridiculisé, Baudelaire le détestait, Sartre l'abominait, les soixante-huitards l'exécraient.

Sa fortune tient en peu de mots : le bourgeois, cela n'est jamais soi-même, c'est l'autre.

 

Sara

 

samedi, 06 décembre 2008

La langue mise à l'écrit...

Comment une langue passe de l'oral à l'écrit ? Et ce, quand ce changement survient de l'extérieur, en une dizaine d'années à peine ? Les mots, les maux sont-ils toujours les mêmes ? La sensibilité de la langue est-elle modifiée pour toujours ?

La langue mise à l’écrit, une comparaison entre le quechua et le tahitien

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Phot. SARA



Katharina Flunch-Barrows et Edith de Cornulier Lucinière

 

Nous nous proposons de comparer l’arrivée de l’écriture dans les Andes (dans la région de Cusco), et en Polynésie française (à Tahiti et dans l’archipel). Dès leur arrivée les missionnaires voulurent mettre à l’écrit les langues quechua et tahitienne. Du côté missionnaire, l’activité, les motivations et les difficultés étaient à peu près les mêmes ; mais la réception de l'écriture par les locuteurs du quechua et du tahitien a été très différente.

Le Pérou est un bon exemple de ce qui s’est passé dans toute l’Amérique, et sans doute aussi dans beaucoup d’endroits du monde. Tahiti, en revanche, est un exemple extraordinaire, puisqu’on pourrait presque dire que le tahitien est devenu une langue de l’écrit. Sans cesser d’être justement une langue orale, où la parole, la prise de parole publique joue un rôle immense (orateurs politiques, prêches au temple…), il semble que l’écriture a eu un impact à la mesure du rapport que les tahitiens entretenaient avec leur langue, notamment avec le Pi’i, que nous expliquerons plus tard.




Cuzco, XVIème siècle. Tahiti, XIXème siècle

 

Les Andes furent prises par les armes, et la christianisation fut par conséquent le résultat d'une défaite militaire Dès l'arrivée, en 1525, de Pizarro au Pérou, un pouvoir organisé est installé dans les Andes, représentant l'autorité du roi espagnol. Ainsi, la christianisation, est intrinsèquement liée à la colonisation.

La Polynésie connut une conversion d'un autre ordre. À Tahiti, les missionnaires arrivèrent par petites dizaines, sans armes, et n'étaient strictement pas en position de force. En témoigne l'expédition ratée des espagnols Narciso Gonzales et Geronimo Clota, deux franciscains conduits et débarqués à Tahiti en 1773, envoyés par le Vice-roi du Pérou. Ils ne convertirent personne ; ils devinrent la risée de l'île, et durent fabriquer une palissade autour de leur maison pour se protéger des railleries. Lorsque le bateau qui devait leur apporter du matériel pour agrandir la "mission" revint, ils supplièrent le commandant de les rembarquer, et repartirent ainsi en 1775 vers le port péruvien de Callao, n'ayant converti personne…

Alors qu'au Pérou, les catéchumènes devaient obligatoirement posséder un livre de catéchisme sans quoi ils étaient excommuniés, les tahitiens, eux, voulaient bien envoyer leurs enfants à l'école des missionnaires, mais à condition d'être payés…

Dans les Andes, l'armée et la religion travaillent ensemble, même si elles peuvent jouer le rôle de contre pouvoir l'une pour l'autre.

A Tahiti la conversion volontaire du roi tahitien Pomaré change la nature de l'évangélisation : elle fut imposée "de l'intérieur". Bien que que tout le monde n’était pas aussi enthousiaste que le roi Pomaré…

Malgré les nombreuses langues parlées dans ces deux régions, au Pérou comme dans les îles sous le vent, la mise à l’écrit fut facilitée par la présence d'une langue véhiculaire comprise par le plus grand nombre. Le tahitien dans les îles sous le vent. : chaque île avait son dialecte, mais il y avait intercompréhension dans tout l'archipel. Au Pérou, il s'agit de la "langue générale" (quechua), appelée aussi "langue de l'Inca."

 

Le sabre, le goupillon et la diffusion de l’écrit

La mise à l’écrit dans ces deux langues fut intrinsèquement liée à l’évangélisation de ses locuteurs. C’est pour la christianisation qu’elles furent étudiées et mises à l’écrit. Dès lors, les modes de christianisation prennent toute leur importance au regard de la réception de l’écriture par les populations concernées.

La principale différence entre les expériences andine et tahitienne tient au fait que la christianisation andine s’est fait avec la colonisation - la christianisation fut imposée par le pouvoir espagnol - tandis que la christianisation tahitienne l’a largement précédé : le roi Pomaré, convertit pacifiquement par des missionnaires qu’il avait les moyens de chasser ou d’exterminer sans aucun problème, a imposé lui-même le christianisme à son peuple. Pomaré, à Tahiti, fut le fondateur, à la fois de la perte de la culture traditionnelle, et à la fois de son évolution possible au sein de l’écrit et de la nouvelle vision du monde.

De plus, l’identification des populations catéchumènes aux « écrivains » missionnaires fut plus aisée à Tahiti, où il s’agissait de cordonniers, transformés en missionnaires avant leur départ, en quelques cours à la London Missionary Society ! Au Pérou, les curés étaient des intellectuels bien formés au séminaire, et ressemblaient plus aux nobles et caciques qu’à la population.

 

L’ethnolinguiste Bruno Saura1 explique bien un des aspects de l’apport de l’écriture à Tahiti. Alors que le verbe était jusque là une activité extrêmement importante, politico-sacrée, réservée aux hommes, l’arrivée des missionnaires et la mise à l’écrit du tahitien représente donc une démocratisation intense et extraordinaire de la langue, de son utilisation, de son pouvoir. Bientôt, femmes et enfants, pauvres et roturiers, ont le même accès à l’écriture que les nobles et prêtres. C’est la société toute entière qui est bouleversée et radicalement changée par ce processus.

Au Pérou, ce fut littéralement le contraire. Il n’y avait aucunement dans la religion-politique andine, ce rôle prépondérant accordé à la parole. Dès lors, au lieu d’une désacralisation du verbe, ou tout au moins d’une démocratisation du pouvoir de la parole, l’écriture représente au contraire la création d’une langue savante, sacrée et écrite, à laquelle le peuple n’a strictement pas accès, et qui le domine puisque la nouvelle doxa, le christianisme, passe par le truchement de ces textes.

 

 

La langue modifiée par l’écriture

 

Si la création d’une orthographe à peu près normalisée et facile à utiliser est le plus visible des travaux que la mise à l’écrit d’une langue appelle, il n’en est pas, sans être aisé, le plus complexe. En revanche, d’un point de vue morphologique et syntaxique, que se passe-t-il lorsque changent les conditions de production du discours, dès lors que celui-ci est produit à travers l’écriture ? Et quelle évolution subit la place du verbe, de la parole, du mot, lorsque dans une langue traditionnellement orale est brusquement implantée la mise à l’écrit ?

 

Le quechua

 

En quechua, l’influence de l’espagnol, langue à partir de laquelle sa mise à l’écrit est pensée, marque évidemment tant l’orthographe choisie, que la forme de la phrase quechua. Tout, jusqu’à l’ordre des mots ou l’ordonnancement du discours écrit, porte la marque plus ou moins visible de l’espagnol. Il en va de même en tahitien, où la mise à l’écrit de la langue fut pensée en anglais.

En particulier, le quechua est une langue faisant un usage très abondant de suffixes modaux, c’est-à-dire indiquant la source ou la qualité de l’information transmise par le locuteur à son interlocuteur (l’assertif mi, le citatif si, le conjecturel cha). Ces suffixes sont d’une utilisation complexe pour un étranger. Si vous racontez ce que vous avez vécu en rêve ou lorsque vous étiez ivre, vous emploierez le même suffixe que lorsque vous racontez les contes ou colportez une histoire : le citatif : l’information ne vous est pas arrivée directement par votre expérience. Cela est du au fait que le degré de conscience d’un dormeur ou d’un homme ivre ne permet pas d’employer l’assertif. Mais quand il s’agit de la parole d’un dieu unique et créateur du monde, et que ce n’est pas vraiment lui qui écrit, même s’il est supposé avoir dicté, et que le texte est écrit accessoirement par un missionnaire « lambda », quel suffixe doit on employer ? De quelle véracité une parole écrite peut elle se prévaloir ? Une chanson relève elle du domaine conjecturel ? Est-ce que la transcription d’une parole doit conserver les suffixes modaux employés par le locuteur, ou est-ce que la transcription même porte l’obligation de changer de suffixes, puisque on change de mode de communication ? Il y a là un véritable problème auquel l’écriture doit faire face, et qui est celui de la distinction entre le réel et le vrai. L’écrit étant concret (on touche le papier, le tracé des mots), le quechua se trouve face à un problème de traitement de l’information qui n’a d’ailleurs pas été vraiment réglé aujourd'hui. Le quechua oral des personnes monolingues des montagnes andines est toujours très riche en suffixes modaux ; celui des villes, écrit, est vidé de cette substance, et paraît souvent une langue calquée sur l’espagnol et assez rigide, sauf celle des grands auteurs quechuas qui ont su recréé un traitement quechua de l’information à l’écrit, en jouant avec ces suffixes, en organisant une vraie rencontre entre les possibilités orales et les possibilités de l’écrit3. Malheureusement, leurs œuvres sont très peu connues de la grande masse des quechuaphones.

Cette langue privilégie aussi très fortement l’inscription des événements rapportés dans l’espace réel commun au locuteur et à son interlocuteur, et a tendance à faire silence sur son inscription temporelle. Que se passe-t-il lorsque l’interlocuteur réel s’efface au profit des lecteurs anonymes du texte biblique, ou de tout autre texte, et qu’aucun espace réel n’est partagé entre locuteur et interlocuteur ? Qu’en est-il aussi de l’ordre des mots, de l’emploi du pluriel (en principe il n’y a pas d’opposition singulier / pluriel en quechua) ?

On observe une réduction de la diversité des structures syntaxiques par rapport au discours oral, au bénéfice de types de structures venues de l’espagnol, et qui donnent à la langue écrite un très net effet de « calque ». Cette observation ne vaut pas pour quelques grands auteurs, tant missionnaires, que littéraires aux siècles suivants, mais l’accès à ces auteurs, artistes et conscients tant des difficultés de la mise en écrit que des charmes et inventions qu’elle apporte, est cantonné à une population érudite et non à la grosse majorité des locuteurs.

 

La tahitien : la cas du pii

La pratique du pii à Tahiti, qui stupéfia les missionnaires, prit fin avec l’écriture, et ce phénomène est édifiant du passage d’une langue orale à une langue écrite.

A Tahiti, lorsqu'un noble arrivait au pouvoir, il devenait chef spirituel et politique. Son nom devenait alors tabou (tahitien : tapü). On ne pouvait plus prononcer les mots qui composaient ce nom. Prenons l'exemple du roi Pomaré. Pö : nuit. Mare : toux. Ces deux mots devenus tabous, le peuple devait utiliser d'autres mots pour dire nuit et toux, tousser. La peine de mort était la punition de ceux qui se laissaient aller verbalement, et oubliaient le tapu. A Tahiti, les pires supplices punissaient les lapsus, et contraventions au Pii. Outre les noms de rois et de princes, beaucoup d’autres mots subissaient la règle du pii, et il n’est pas éxagérer que parler, à Tahiti au quotidien, n’était pas une chose banale, mais chargée de sacré et dangereuse.

Ainsi le vocabulaire tahitien évoluait par le pii. Alors que certains mots disparurent totalement, d'autres revenaient au langage courant, par exemple quand le chef concerné par ce mot était oublié. En ce qui concerne Pomaré, est demeuré la nuit en tahitien, tandis que mare a été définitivement remplacé par hota.

Il me semble que la technique du pi’i ne pourrait avoir lieu dans une langue écrite : car avec l’écrit, on peut lire un mot écrit dix ans avant. On peut l’écrire à moitié, ou sans le prononcer… Etc. Le pi’i est un phénomène ne pouvant exister que, absolument que dans une langue orale. Elle est l’oralité même ! Elle représente l’oralité même, la langue sans cesse vécue et réinventée par les locuteurs, sans que cette réélaboration constante passe pour du changement, puisque d’une part, le fait même d’évoluer est une tradition ancestrale, et d’autre part, il n’y a pas d’attestation (écrite) des modes de parler passés.

 

Enfin, il nous semble intéressant de noter deux faits relatés par Jacques Nicole4 . La révolte contre les missionnaires n’eut pas lieu sur la christianisation elle même, mais sur certains de ces aspects… Notamment, il y eut de grosses révoltes contre les missionnaires protégés par le roi Pomaré, auxquels on reprocha notamment la vente des Ecritures, « qui appartiennent à Dieu et devraient être distribuées gratuitement », disent les Tahitiens. (lettre de Platt à Orme, de 1828).

Enfin, il note qu’il y eut un v »ritable problème écologique à Tahiti et dans les îles alentour du fait de l’engouement extrême dont bénéficia la mise à l’écrit. Tout le monde voulant posséder le livre de la Bible, de véritables massacres d’animaux eurent lieu, dans des îles où jusqu’ici on ne chassait qu’au « compte-gouttes », pour les sacrifices et l’alimentation. Bientôt les îles perdirent presque la totalité des animaux qui les peuplèrent…

En fait, à Tahiti, il y a eu, d’une part, un passeur (Pomaré) interne, d’autre part, appropriation non point seulement de l’écriture, mais d’un symbole. Autrement dit, on a personnalisé l’écriture en lui donnant un symbole fort tahitien. La Bible a remplacé les parau (paroles sacrées) anciens, mais ce fut fait dans la continuation. Le sacré oral et mouvant est devenu le sacré écrit et fixe (d’ailleurs, d’actuelles tentatives de moderniser les premières traductions de la Bible sont très critiquées et craintes, tant le premier texte, présent dans chaque maison tahitienne, est porteur de sacré). Il n’y a pas la rupture qui a été vécu dans les Andes, et qui fait que tout s’ingère péniblement dans la langue quechua. Même s’il ne faut évidemment pas exagérer la continuité tahitienne, ni les difficultés andines.

 

L’écriture aujourd’hui

 

Aujourd’hui, le rapport à l’écriture reflète bien la façon dont elle a pénétré dans la culture et l’évolution qu’elle y a subie.

Ainsi, on peut dire que le tahitien est devenu à part entière une langue de l’écrit, même si l’oralité et la parole ont toujours un poids énorme. On pourrait dire que l’écriture, à Tahiti, sert la parole et l’oralité, plus qu’elle ne la dessert. Les chanteurs populaires, pasteurs, hommes politiques manient fort bien les deux, et savent se servir de l’écriture comme un outil de support de l’oralité. C’est le paradoxe passionnant tahitien : l’écriture y a été adorée, acclamée, très bien accueillie car elle était en quelque sorte vue comme un hommage à ola parole, au discours. Elle n’y a donc jamais supplanté l’oralité, et ne lui a pas nui. Elle est témoin. Aujourd’hui, avec l’éducation bilingue, le tahitien peut profiter dans la continuité de la mise à l’écrit plutôt réussie de la langue, même s’il ne faut pas se voiler la face, et la lutte entre le système protestant et le système académique, coexistant, le prouve. Le système protestant est reconnu par presque tout le monde comme plus intelligent et plus aisé. Mais le système académique est proche du système adapté à Hawai’i, et… C’est celui du gouvernement ! Les tahitiens protestants qui vont à l’école républicaine la semaine et à l’école protestante du dimanche apprennent la semaine l’écriture académique, et le dimanche, l’écriture protestante.

A Tahiti aujourd’hui, parler tahitien est toujours une preuve de bonne implantation tahitienne, et cela à la ville de Papeete comme dans les îles. La langue, vivante et diffusée tant à la ville qu’à la campagne, et tant dans les chansons qu’à la radio, télévision, dans l’éducation bilingue, etc, est unifiée, et les variantes, si elles existent, ne posent pas de problèmes de lecture et de compréhension : on sait qu’on a affaire à une langue vraie, et non superficielle (sauf les textes juridiques, incompréhensibles, et autres néologismes de bureau). Si l’écriture l’a profondément transformée, elle ne lui permet pas moins de se développer et de s’épanouir, de correspondre à la vie de la population.

 

Au Pérou, il en va tout autrement. En effet, la vision de l’écriture y est plus traditionnelle : il est donc difficile pour les locuteurs de faire le lien entre le quechua oral et le quechua écrit. L’un nuit à l’autre. Les littérateurs sont obligés à regret de renoncer à une certaine beauté orale ; les orateurs sont cantonnés à un usage qui ne passe pas la rampe de la ville, de la culture nationale… Les tentatives actuelles les plus réussies de mise à l’écrit de l’oral sont le fait d’étrangers, ou tout au moins de gens baignés de culture hispaniques ayant ensuite fait l’effort de plonger dans le monde linguistique et culturel andin. Les littératures écrites, fort belles, qui se développent en quechua n’on pas grand chose à voir avec le quechua oral ; il y a un mur qui sépare l’oral de l’écrit, la montagne de la ville, la tradition de la modernité. Il manque le liant, le lien. Quatre siècles après les premiers textes chrétiens en quechua des missionnaires, après les premières mises à l’écrit des mythes et littératures orales andines, la déchirure est toujours aussi béante.

 

Au Pérou, dès que les « familias » métis (descendants des caciques autochtones et créoles espagnols) ont cessé de parler le quechua, qui avant était un signe fort d’identité péruvienne, cette langue est devenue la langue des paysans de la montagne, alors que cela n’était pas du tout cela avant, même si on a tendance à l’oublier aujourd’hui. Des chercheurs aujourd’hui tentent de rappeler, en exhibant des pièces de théâtre et des prêches, etc. de l’époque coloniale, le passé littéraire du quechua, tandis que certains poètes et écrivains quechuaphones s’inspirent de tels textes pour façonner un quechua de l’écrit contemporain. A l’heure de l’émergence de l’éducation bilingue et de la revalorisation des cultures et langues du monde à l’échelle internationale, un regain d’intérêt pour le quechua s’observe au Pérou.

La situation actuelle du quechua me semble présenter un intérêt particulier pour les études comparatives sur le « passage à l’écrit » des langues à tradition essentiellement orale car cette situation est extrême : une langue demeurée jusqu’à aujourd’hui essentiellement rurale et orale, subit presque avec violence les assauts d’une « avant garde » de bilingues urbains pressés de donner une dignité à une langue avec laquelle ils entretiennent des rapports parfois ambigus.De plus, l’influence plus ou moins inconsciente, mais toujours énorme, de l’espagnol, langue dans laquelle tous les auteurs de textes écrits en quechua ont reçu l’intégralité de leur formation scolaire et universitaire et dans laquelle ils s’expriment le plus souvent au quotidien, étouffe souvent le quechua écrit sous nombre de néologismes et structures hispaniques, rendant ce quechua, supposé celui de l’avenir, absolument incompréhensible par les locuteurs monolingues. Dès lors, il faut se demander, à l’heure où les locuteurs de nombreuses langues orales, sur tous les continents, accélèrent leurs mises à l’écrit, si ce n’est pas au péril parfois d’en précipiter la disparition…

 

K. F-B et E. C-L

 

vendredi, 05 décembre 2008

Hommage à Dinu Lipatti

Qu’est-ce qu’un musicien ?

 

Constantin Dinu Lipatti. Une grande sensibilité, qui avec ses dix doigts dansant sur les quatre-vingt-huit touches, aura bouleversé des millions d’auditeurs passionnés de piano.

 

Entre des milliers de pianistes, tous doués, tous sensibles, tous travailleurs, pourquoi l’un d’entre eux semble une étoile inoubliable ?

 

Une éducation musicale

 

Un beau livre vient de sortir : This is your brain on music.
Le scientifique, rocker et musicologue américain Daniel J. Levitin émet l’idée qu’il faut souffler sur la frontière que l’on érige pour distinguer les musiciens des néophytes.

Car, selon Levitin, la différence tient surtout dans l’éducation. Le fait qu’un mélomane non averti soit capable de reproduire sans erreur musicale sa chanson préférée démontre que l’oreille absolue n’est pas la marque du génie, mais celle d’une éducation où sensibilité et pratique musicale s’épousent sans que l’une n’écrase l’autre.

 

Or, la mère de Dinu Lipatti était excellente pianiste. Son père, un excellent joueur (amateur) de violon. Ils vivaient dans un monde de mélomanes avertis, connaissaient les grands musiciens de Roumanie.

A quatre ans, le petit Dinu donnait des concerts et composait des piécettes.

 

 

Mentors illustres

 

A Bucarest, les professeurs de Dinu Lipatti avaient été Flora Musicescu et Georges Enesco.

Ses brillantes études musicales le menèrent à Vienne.

A Vienne, Alfred Cortot le rencontra, le remarqua, l’invita à Paris (Alfred Cortot avait démissionné du jury dont il faisait partie parce que celui-ci n’attribua que le second prix à Lipatti).

A Paris, Dinu Lipatti étudia auprès de Charles Munch, Paul Dukas et Nadia Boulanger (il épousa Madeleine, une pianiste française).

 

Il composa quelques pièces, mais c’est l’interprète en lui qui flamboyait et qui stupéfia ses auditeurs.

 

Le concert et l’enregistrement

 

« Je ne veux plus faire de concerts, sauf peut-être des concerts dévolus à l’enregistrement d’un disque », avait-il dit à ses amis.

Il était un grand concertiste. Mais son intérêt pour l’enregistrement le décidait à ne plus se consacrer qu’à cette activité.

Il est étrange que Dinu Lipatti, dont la présence en concert était fulgurance, n’ait pas eu le temps d’accomplir ce grand projet d’enregistrements.

Est-ce que sa magie aurait perdu avec le temps et les nombreux enregistrements ? Peut-être cette question est-elle idiote, et ne vient que de ce qu’on cherche toujours des explications quand la Faucheuse fauche trop vite.

 

Pourquoi meurt-on jeune ?

 

Une leucémie emporta Dinu Lipatti, alors qu’il avait trente-trois ans. Après de longs mois de souffrances, comme on s’en doute.

 

Le jeu de Lipatti a ceci de particulier qu’il est d’un niveau technique fulgurant mais que la vraie musique, qui parle à la sensibilité pure, coule dans chaque note.

 

Le dernier concert

 

Il était prévu qu’il joue, ce soir-là, 14 valses de Chopin. Il n’acheva pas la treizième. C’était en automne, au festival de Besançon.

Il mourut dans les mois qui suivirent, le 2 décembre 1950.

 

Hommage réalisé le 20 décembre 2007

de Paris à Lille au XVIIIème siècle

En écho à « Mélanges de Littérature » par Sara paru dans la livraison d’Almasoror de janvier 2007

Par Bruno Echalier

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Sara nous a raconté comment nos anciens romantiques courraient le monde et nous ont livré des récits de voyage épuisants.

 

On dit que Léonard de Vinci mit 72 jours pour faire le voyage d’Italie en Anjou et qu’il savait qu’il ne pourrait plus repartir tant sa fatigue était grande.

 

On ne comprend pas toujours pourquoi, au milieu du XVIIIeme, une telle importance est accordée à l’épuisement des femmes qui arrivant de Marseille à Paris devaient garder le lit huit jours avant de retrouver les belles joues roses.

 

Ignorant des circonstances, habitués aux voyages modernes, on prend aujourd’hui ces hommes et ces femmes épuisés pour des figures faibles auquels les récits prêtent des langueurs de circonstance.

 

Mais sait-on quelles étaient les difficultés de voyage à cette époque ?

 

J’ai choisi, pour illustrer la pénibilité des voyages en 1775, un extrait de l’Indicateur Fidèle, sorte d’horaire officiel des Transport de l’époque. Ce qui se faisait de mieux en quelque sorte sauf à posséder fortune et chevaux.

 

Pour nous rappeler notre cher contributeur mathématicien belge, Laurent Moonens, étudions le voyage de Paris à Bruxelles (petit voyage de rien du tout comparé à Amsterdam Marseille ou Paris Bayonne).

 

 

 

GRANDES ROUTES DES Provces

de Picardie, de Tiérache, d’Artois,

de Hainaut, de la Flandre

et Pays Bas.

 

Route de Paris à Lille en Flandres,

 

De deux en deux jours à minuit part de Paris une dili-

gence pour Lille et pafse

 

Mat soir lieües

à Louvres 2 ½ 5

à Senlis 4 4 ½

à Pont 5 2 ¼

Dine à Gournay 10 4 ¾

à Roye 4 5 ¾

Couche à Peronne 9 5 ¼

Repart à 1h du matin et passe

Dine à Cambray 9 8

à Douay 3 5 ½

Arrive à Lille 8 7

48 lieues de Paris

 

…/…

 

Route de Paris à Valenciennes

De deux en deux jours ‘a minuit part de Paris une diligence pour Valenciennes et suit le même ordre que la diligence jusqu’a Cambray où elle dine et arrive le même jour à Valenciennes.

De Paris à Cambray 35 ½

De Cambray à Valenciennes 6 ¾

42 ¼ lieues de Paris

 

Route de Paris à Bruxelles

De deux en deux jours à minuit part de Paris une diligence pour Bruxelles et suit le même ordre que celle de Valencieñes. Le lendemain repart de Valencieñes ‘a 1h du matin et pafse

 

Mat soir lieües

à Quievrain 4 3¼

Dine à Mons 7 3

à Braine le Comte 2 5

Arrive à Bruxelles 10 8

De Paris à Valenciennes 42 ¼

De Paris à Bruxelles 61 ½

 

 

 

RESUME

 

Vous êtes en 1775 et vous voulez aller à Bruxelles ……..

 

L’interprétation de la date de départ est relative : de deux en deux jours ? Mais quel est le premier jour ? Imaginons que le jour du départ est le lundi 2 avril (mais à 0h du matin…)

 

Départ de Paris le lundi matin 2 avril à 0 h du matin.

On peut enfin sortir de la diligence à 9 h du soir (lundi)

Nuit à Péronne le lundi soir 2 avril

Départ le 3 avril (mardi) dès 1h du matin. Les nuits sont très brèves!

Déjeuner à Cambray et changement de diligence vers 9 h du matin

Arrivée à Valenciennes en fin de matinée du mardi.

On attend ici le reste de la journée du mardi.

Nuit à Valenciennes le mardi soir 3 avril

Le lendemain à 1h du matin (4 avril) on repart de Valenciennes (qui change alors d’orthographe: Valencieñes).

Arrivée le mercredi 4 avril à Bruxelles à 10 du soir.

 

Durée totale du trajet année 1775 = départ le dimanche minuit, arrivée le mercredi 22 h = 70 heures de voyage dont environ 10 h dans un lit.

 

 

Aujourd’hui…

 

TGV Paris Bruxelles 2007 = 1 train toutes les demies heures.

Trajet = 1heure 22 minutes

Indemnités si retard…

 

 

Bruno Echalier

Le Caravage

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"C'est la beauté qui sauvera le monde"

Dostoïevski

Mythes

Comme Liszt (filmé comme un rocker fou) ou Marie-Antoinette (racontée et filmée comme une fashion victim incomprise), Michelangelo Merisi dit Le Caravage ressemble à ces artistes-idoles qu’on a envie de moderniser. Ce fut fait : quelques romans et film sulfureux mettent en scène la rébellion et l’originalité de cette figure.

 

En 1571 à Caravaggio

 

Enfui

de Rome, après un duel où il tue son adversaire.

 

Enfui

de Malte pour détournement de mineur

 

Alors qu’il tente de revenir à Rome, il est arrêté, enfermé et à sa sortie de prison erre sur la plage.

 

Mort

En 1610, à 38 ans, sur une plage de Rome, selon la légende. A l’hôpital, de sainte Marie-Auxiliatrice, selon un acte de décès.

 

Trouble, Sensualité, Crime

Il menait une vie sans doute largement homosexuelle, vouyouse, et partageait son temps entre les tavernes des bas fonds des villes et les tables des princes et des évêques. Il fit de réguliers séjours en prison et à l’hôpital, pour cause de mœurs interdites et duels.

 

Peintures

La majeure partie de son art est une vision de la Bible teintée de violence et d’érotisme. D’autres tableaux sont des portraits de commande. Ses commanditaires lui redemandaient souvent de refaire son travail, jugé trop réaliste ou cru. Pourtant, certains collectionneurs (dont des hommes d’Eglise) ne s’y trompent pas et achètent les œuvres refusées.

 

Pasolini

Mort violente, catholicisme profond et amour des prostitués et des voyous : on a beaucoup comparé la figure du cinéaste italien Pasolini avec celle du Carava ge. Leur père spirituel est sans doute un autre italien, le rebelle François d’Assise.

 

Violence ultime

Un de ses derniers tableaux représente David tenant par les cheveux la tête de Goliath qu’il a décapité. Cette pauvre tête est un autoportrait.

 

L’obscure clarté

Le Caravage est le maître du clair-obscur : il le remit à la mode et beaucoup après lui copièrent son utilisation du clair-obscur : un fond noir et une lumière projetée sur une partie de la scène représentée.

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Brunehaut, la perdante

Hommage à Brunehaut,

suivi d'un fragment de L'histoire des Francs, de Grégoire de Tours

 

 

I

Brunehaut, la perdante

 

 

Brunehaut, reine d'Austrasie : l'Andromaque franque

 

Remarque

 

L'auteur de cet hommage, en l'élaborant, a senti son coeur flancher pour le jeune Mérovée, dont la destinée triste a croisé celle de Brunehaut. Mérovée est donc le récipiendaire officieux de cet hommage.

 

Deux ennemies se partagent une réputation calomnieuse

 

Brunehaut, ou Brunehilde : son nom est sans cesse apposée à celui de Frédégonde, son ennemie mortelle.

Les deux femmes du Moyen-Age sont vues comme des monstres de cruauté, dénuées de scrupules, amatrices de crime. Dans les temps qui suivirent leur existence, Brunehaut eut même encore plus mauvaise presse que Frédégonde. Ainsi, l'écrivain Christine de Pizan (1346-1430), qui vécut  sept siècles après les deux reines, préfère vanter la valeur de Frédégonde.

Pourtant, cette indulgence n'est due qu'à la victoire politique de Frédégonde. En fait, Brunehaut était  plus sensible à l'intérêt public que l'ignoble Frédégonde.

Depuis sa mort jusqu'à nos jours, des historiens se sont élevés pour réhabiliter Brunehaut mais sa mauvaise réputation demeure dans nos livres d'histoire.

 

Naissance et mariage

 

Fille du roi des Wisigoths, elle épouse en 567 le roi franc mérovingien Sigebert ; elle devient alors reine d'Austrasie et catholique. Elle a entre vingt et trente ans. L'origine royale de Brunehaut et sa posture d'épouse unique lui donnent un poids inhabituel. En effet, depuis longtemps les rois francs avaient des concubines, en nombre ; mais on ne connait à Sigebert ni maitresse ni enfants naturels.

Chilpéric, frère de Sigebert, est roi de Neustrie. Convaincu momentanément par le modèle marital de son frère, il renonce à son harem de concubines pour épouser une princesse, soeur de Brunehaut, Galeswinte. Il lui promet fidélité, mais  la trahit bientôt.  Il reprend des concubines, parmi lesquelles Frédégonde, une jeune femme du palais. Cette dernière acquiert du pouvoir. (Ici, nous demandons pardon à nos lecteurs : en effet, il nous est malheureusment impossible, pours des raisons évidentes d'espace, de recenser tous les crimes de Frédégonde : nous nous contenterons de relater ceux qui touchent Brunehaut). Frédégonde et Chilpéric étranglent Galeswinte ; Frédégonde épouse alors Chilpéric et devient reine.

Alors, les deux couples royaux deviennent ennemis.

 

Luttes féroces. Figure tragique du jeune Mérovée, héros romantique et sauveur martyr

 

Brunehaut et Sigebert veulent venger la soeur de Brunehaut. Nous passons le détail des affrontements qui se succédèrent.

Des assassins à la solde de Frédégonde éliminent Sigebert. Brunehaut et ses enfants deviennent prisonniers de Chilpéric et Frédégonde. Brunehaut parvient à confier son jeune fils Childéric à un ami, qui l'emporte en Austrasie. La succession de Sigebert est sauvée.

Brunehaut demeure aux mains de Chilpéric et Frédégonde. Elle attend d'être fixée sur son sort, la mort très certainement. Mais le fils de Chilpéric, Mérovée, est tombé amoureux de la femme de son oncle. Il rejoint Brunehaut dans sa prison et l'épouse en cachette, avec l'aide de l'évêque Pretextat. Le jeune homme et l'évêque en seront punis.

La mariée et son jeune époux-neveu cherchent un asile pour échapper à la vengeance de Chilpéric et Frédégonde. Ils se dissimulent dans une petite chapelle.

Mais Chilpéric parvient à les récupérer. Il fait tondre son fils,  le fait prêtre et l'enferme au monastère de Saint-Calais au Mans.

Pendant ce temps, Brunehaut parvient à rejoindre sa patrie, l'Austrasie. Là, elle n'a pas de grand pouvoir. En attendant que son fils Childéric soit grand, les seigneurs du royaume règnent.

Mérovée s'échappe de son monastère et parvient à rejoindre l'Austrasie. Mais les sujets de Brunehaut préfèrent voir le fils du meurtrier de leur roi Sigebert plutôt que l'époux salvateur de sa veuve ; ils le chassent.

Mérovée erre plusieurs mois. Par amour et par courage, il a perdu sa famille, sa femme, tous les pays lui sont fermés. Dans l'impossibilité qu'il est de sortir du désespoir et de la solitude, il se suicide.

 

 

Mort de Childebert

De nombreuses années plus tard, le fils de Brunehaut, Childebert, meurt empoisonné, sur l'ordre de Frédégonde. Il laisse deux fils, qui ne s'entendent pas et guerroient autour de leur héritage.

Il est difficile d'admirer la poursuite des oeuvres de Brunehaut. Si elle tente d'instaurer un gouvernement efficace et progressiste, elle n'en tombe pas moins dans le crime machiavélique – sans jamais atteindre un  niveau comparable à celui de sa belle-soeur.

 

 

Mort de Chilpéric

 

Quant à Chilpéric, il avait tué son épouse Galeswinte, accepté le meurtre de son frère Sigebert, le suicide de son fils Mérovée et le meurtre d'un autre fils par amour pour Frédégonde ; il meurt lui-même assassiné par un amant de Frédégonde, sur l'ordre de celle-ci. Mais enfin, Frédégonde meurt.

 

Un supplice inouï

 

On pourrait alors croire que Brunehaut vécut désormais en paix. Pourtant, Clotaire II, fils de Frédégonde, captura sa tante et belle-soeur (on se souvient des deux mariages de Brunehaut !). Il lui infligea un martyre de trois jours, qui continue de frapper les esprits.

Brunehaut, âgée de 79 ans, subit trois jours d'insultes, de tortures physiques. On s'attacha à lui faire le plus grand mal possible en prenant soin de ne pas la tuer, afin de faire durer le supplice. Au terme de ces trois jours, on lui inflige une humiliation publique. Portée devant le peuple sur un chameau, nue, affreusement blessée, on la promène devant toute l'armée qui la couvre de rires, de hurlements, d'insultes, de crachats. On attache enfin un bras, une jambe et la longue chevelure de la vieillarde à la queue d'un cheval fou. On lance le cheval d'un coup de fouet. Il traîne sur des chemins de pierres le vieux corps déjà épouvantablement mutilé. C'est la déchirure finale.

L'on raconte que pendant ce martyr de plus de trois jours Brunehaut ne proféra pas la moindre plainte.

 

Epilogue

 

L'histoire de Brunehaut, c'est celle d'une reine cultivée, libérale (elle laissait les Juifs et les Chrétiens fêter la Pâque ensemble, en bonne entente) ; une reine qui avait le sens du droit, de la culture, du progrès, de l'Etat, de la justice ; une reine intelligente et dotée, autant que sa posture de reine pouvait le lui permettre, d'un certain sens éthique.  

Comme Andromaque, elle  épousa le fils du meurtrier de son mari, plus jeune qu'elle, fou amoureux de sa grandeur blessée. Comme Andromaque, elle vit tous ses ennemis et alliés s'éteindre avant elle.

Elle fut déchirée par une rivale inculte, déchainée, jalouse et impitoyable, d'une grossièreté telle qu'il était impossible de la vaincre. Comment gagner un combat en suivant les règles du jeu si l'adversaire les ignore superbement ?

Cette sordide histoire de famille fut le début du déclin des Mérovingiens, dont Pépin le Bref allait provoquer la chute finale, instaurant son propre règne et la dynastie nouvelle des Carolingiens.

 

II

Fragment de Grégoire de Tours

 

Le meurtre de Pretextat par la monstrueuse Frédégonde

 

 

Tandis que Frédégonde demeurait dans la ville de Rouen, elle eut des mots amers contre le pontife Prétextat : "Le temps va venir, disait-elle, où il reverrait l'exil auquel il avait été condamné". Et lui répliqua : "Que je sois en exil ou hors d'exil, toujours j'ai été, je suis, et je serai évêque ; mais toi, tu ne jouiras pas toujours de la puissance royale. Nous sommes conduit de l'exil au royaume par la grâce de Dieu ; quant à toi, de ce royaume tu seras plongé dans l'enfer. Or, il eût été pour toi plus raisonnable de délaisser la sottise et la méchanceté pour te convertir enfin au bien et de renoncer à cette jactance dans laquelle tu bouillonnes toujours, afin de gagner la vie éternelle et de pouvoir conduire jusqu'à sa majorité le petit enfant que tu as mis au monde." Après avoir prononcé ces mots que la femme avait pris mal, il se retira de sa présence en bouillant de colère. Or, le jour de la résurrection du Seigneur étant arrivé, l'évêque se rendit de bonne heure en hâte à l'église pour accomplir les offices ecclésiastiques et selon la coutume il commença à réciter les antiennes dans leur ordre. Puis tandis que pendant le chant il s'était assis sur son banc, surgit un cruel homicide qui, ayant tiré un couteau de son baudrier, frappa sous l'aisselle l'évêque qui reposait sur le banc. Celui-ci poussa un cri pour que les clercs qui étaient présents, vinssent à son secours ; mais il ne reçut l'aide d'aucun des si nombreux assistants. Alors étendant ses mains pleines de sang sur l'autel, il prononça une prière et rendit grâce à Dieu, puis il fut transporté dans sa chambre par les mains des fidèles et couché dans son lit. Et aussitôt Frédégonde arriva avec le duc Beppolène et Ansovald ; elle dit : "Il n'eût pas fallu, pour nous ni pour le reste de ta population, ô saint évêque, que ces choses arrivassent pendant ton office. Mais plaise à Dieu qu'on dénonce celui qui a osé perpétrer une telle chose pour qu'il puisse subir les supplices dignes d'un tel crime." Mais l'évêque, sachant qu'elle proférait ces paroles hypocritement, répliqua : " Et qui donc a fait cela sinon celui qui a assassiné des rois (sous-entendu Frédégonde elle-même), qui a répandu si souvent un sang innocent, celui qui a commis dans ce royaume des méfaits divers ?". La femme répondit : "Il y a chez nous de très habiles médecins qui pourraient remédier à cette blessure. Permets qu'ils s'approchent de toi." Et lui répliqua : "Dieu a déjà donné l'ordre de me rappeler de ce monde ; mais toi qui as été reconnue comme l'inspiratrice de ces crimes, tu seras maudite dans le siècle et Dieu vengera mon sang sur ta tête." Puis quand elle se fut éloignée, le pontife, ayant mis de l'ordre dans sa maison, rendit l'âme.

 

Romachaire, évêque de la ville de Coutances, arriva pour l'ensevelir. Un grand chagrin s'empare alors de tous les habitants de Rouen et surtout des aristocrates francs de ce lieu. Un grand d'entre eux vint trouver Frédégonde et lui dit : "Tu as commis beaucoup de mauvaises actions dans ce monde ; mais jusqu'ici tu n'avais rien fait de pire que d'ordonner le meurtre d'un évêque de Dieu. Que Dieu venge donc rapidement un sang innocent, et nous aussi nous serons les instructeurs de ce forfait afin qu'il ne te soit plus loisible de te livrer plus longtemps à de telles cruautés." Comme après avoir dit ces choses il s'éloignait des regards de la reine, celle-ci envoya quelqu'un pour l'inviter à un festin. Sur son refus elle le prie, s'il ne voulait pas prendre place à son festin, de vider au moins une coupe pour ne pas quitter à jeun le palais royal. Il hésita ; puis ayant pris une coupe, il but de l'absinthe mélangée avec du vin et du miel, comme c'est la coutume des barbares ; mais cette boisson avait été empoisonnée. Aussitôt donc qu'il eut bu, il sentit à l'estomac une violente douleur qui l'oppressa, c'était comme si on lui faisait une blessure à l'intérieur ; il s'exclama donc pour dire aux siens :"Fuyez, ô malheureux, fuyez ce maléfice pour ne pas périr également avec moi." Ceux-ci ne burent pas, mais se hâtèrent de s'en aller ; quant à lui, il fut aussitôt aveuglé, puis ayant enfourché un cheval, il tomba au bout de trois stade et mourut.

 

Histoire des Francs

Grégoire de Tours

Les Belles Lettres, 2005

Page 167 et 168

 

samedi, 29 novembre 2008

L'humiliation (Chronique mêlée de deux ouvrages)

 

L'humiliation

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Les Papiers de Stresemann (Six années de politique allemande), Editions Plon 1932

Le questionnaire, Ernst von Salomon, Editions Gallimard 1953

 

 

 

 

L'humiliation d'une nation a fait les preuves de son efficacité destructrice. L'humiliation appelle la revanche sinon la vengeance, qui, comme le dit le dicton, est un plat qui se mange froid. Quand elle se trouve conjuguée au sentiment de culpabilité, elle fait des ravages dans le mental de générations. À moins que le temps ne fasse son travail - les atrocités commises dans les combats entre Protestants et Catholiques ne sont presque plus pour nous qu'une horrible vieille histoire.

Je propose la lecture de deux livres qui s'étendent de la fin de la guerre de 1914-1918 à la fin de la guerre de 1940-1945 pour tenter de comprendre - ou plutôt d'éprouver - ce que c'est que cette terrible notion, la "nation" qui soulève les peuples en même temps qu'elle les fait sombrer. Deux livres écrits par des nationalistes.

 

La nation, c'est une terre

"La raison de nos graves inquiétudes, et pour ainsi dire la preuve que la France ne poursuit pas une politique de réparations, ce sont les expulsions inouïes auxquelles elle procède dans le territoire envahi. Je n'insisterai pas sur le sort qui en pleine paix menace des milliers de fonctionnaires, des familles entières. Cela ne révèle-t-il pas une intention politique ? Ne prépare-t-on pas l'annexion en expulsant les chefs intellectuels, économiques et politiques du peuple allemand fréquemment sans motif ? (…) On veut étouffer les voix qui protestent contre cette façon de transformer la Rhénanie en un pays francophile."

Gustav Stresemann a mené une politique acharnée pour sortir son pays de l'ornière dans laquelle il était tombé, après la première guerre mondiale, en particulier avec le problème des réparations, ruineuses pour le peuple, et de l'occupation de la Ruhr par la France. Dans ses "Papiers", il décrit ses efforts pour tenter d'empêcher l'Allemagne de tomber dans les pièges du racisme hitlérien, à droite, et du communisme, à gauche. Il s'est heurté à l'intransigeance de Raymond Poincaré et n'a trouvé un interlocuteur qu'en la personne d'Aristide Briand - ils reçoivent tous les deux le prix Nobel de la Paix en 1926. Sa mort est un drame : c'est un barrage de plus qui s'effondre devant la montée du nazisme.

L'humiliation de l'Allemagne signée lors du Traité de Versailles l'a menée, et l'Europe dans son sillage, à la catastrophe de la deuxième guerre mondiale.

 

La nation, ce sont des êtres humains

Entre 1945 et 1946, l'écrivain allemand Ernst von Salomon est interné dans un camp américain en Allemagne. Nationaliste de droite, il refuse d'adhérer au nazisme, mais défend certain ami qualifié de tel. Dans ce livre, il dénonce les injustices et les mauvais traitements infligés aux Allemands par les Américains. En même temps, il y décrit le sentiment d'une curieuse satisfaction d'être "pour une fois" dans le camp des victimes et non celui des bourreaux. Il met très intelligemment et drôlement en scène l'imbécillité des vainqueurs en faisant un livre énorme de ses "réponses" au "questionnaire", document comprenant 131 questions auxquelles tout citoyen allemand dut répondre pour établir ses éventuels liens avec le régime nazi. On découvre que celle qu'on croit être sa compagne est la fiancée cachée d'un autre homme. Cachée, avec un faux nom parce que juive et sauvée ainsi. Pointe dans ce livre brillant et trouble, l'humiliation.

"8. Couleur des cheveux : voir pièce jointe

ad8 : Aiguiser la conscience, nous dit Hamlet, voilà l'intérêt du pouvoir qui aime, pour sa tranquillité, commander à des lâches. Le meilleur moyen pour y arriver a toujours été la présomption des administrations.

Depuis toujours, aussi, les administrations connaissent la force magique du pouvoir qui, en l'enregistrant, fascine le plus sûrement l'individu. L'enregistrement est la forme parfaite dont découleront toutes les suites du régime de la terreur. Un homme dans un fichier est pour ainsi dire déjà un homme mort.

(…) Rien ne révèle mieux le caractère de signalement de ce questionnaire et sa bassesse que la question concernant la couleur des cheveux".

Ce livre a eu un grand succès à sa parution en Allemagne.

La question reste : comment un Allemand peut-il "supporter" l'immense et humiliante culpabilité qui pèse sur son pays ?

 

La nation, c'est une idée fragile

Il ressort de cette "nation" qu'elle anime les cœurs des humains, les réunit, les soulève. Mais en même temps, elle les enferme. Elle les assimile. Ceux qu'elle englobe de son exigeante sollicitude ne peuvent plus lui échapper. Ses échecs sont leurs échecs. Les générations qui suivent se doivent d'endosser la responsabilité de crimes qu'elles n'ont pas commis, de lâchetés qu'elles n'ont pas eues, de bassesses qu'elles n'ont pu imaginer. L'individuation républicaine de la "faute" n'a pas court. Pendant ce temps, ceux qui appartiennent à une nation "vertueuse" sont auréolés d'une grandeur qui les transporte tous : peu importe à l'individu ses fautes personnelles, ses traîtrises, son crime secret. Il endosse la vertu nationale. Il est vertueux par essence.

Aujourd'hui, les "nations" de "peuples" semblent se diluer dans les régionalismes ou les communautarismes des "peuplades" - qui sont des petits nationalismes sans grand danger encore parce que sans grands crimes encore. La démarche est facile à comprendre. Les individus humains veulent bien s'unir autour de valeurs qui les grandissent personnellement. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient s'unir autour de crimes qu'on leur impute et qui les humilie, personnellement.

À moins que, coupable pour coupable, l'idée de "nation" ressurgisse, plus extrême, plus brutale, puisqu'il n'y a plus de vertu à perdre.

Sara

Ces deux ouvrages ne sont pas réédités (toujours pas en 2012) ; on les trouve cependant d'occasion, en cliquant sur ces vignettes.

 

jeudi, 27 novembre 2008

Il était une fois l'animal

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I Genèse

 

La présence de l'animal dans l'histoire de la création du monde...

 

« Il était un royaume où volait le Corbeau. De temps à autre, l'Oiseau suspendait son vol pour fienter. Quand la matière était dure, elle se changeait en terre ferme ; quand elle était liquide, elle donnait naissance à des rivières et à des lacs, puis à de minuscules flaques et ruisseaux. (...) Mais une fois créé par la matière contenue dans le jabot et la vessie du Premier Volatile, le monde continua de baigner dans une obscurité profonde. » La Bible tchouktche, Youri Rythkéou

 

Les mythes fondateurs racontent l'origine du monde et des hommes.

Dans la Bible, la Genèse du monde est ainsi racontée : Dieu créa le monde, puis l'homme, puis la femme. Il créa les animaux, et celui qui joua dès le début un rôle important est le serpent, qui corrompit l'homme.

Pour les Tchouktches de Sibérie, le monde a été créé par un corbeau, le Premier Volatile, qui volait au-dessus de son royaume désert en laissant tomber sa fiente, fiente qui donnait naissance à des rivières, des montagnes...

Les Inuit ont encore une autre histoire : une jeune femme et un chien furent le premier couple. Leurs cinq enfants sont les ancêtres des habitants des cinq continents.

 

Dans les sociétés traditionnelles, les contes et mythes s'adressent à tous, enfants et adultes. Chaque événement dramatique de la vie permet une relecture de ces histoires, auxquels l'homme donne un sens plus profond à mesure qu'il vieillit. La littérature expressément réservée aux enfants est un événement moderne, né du rationalisme.

Dès lors, plus encore en Occident qu'ailleurs, le temps des animaux est le temps de l'enfance. Il y a une séparation radicale entre l'animal de l'enfance, enchanté, proche, et l'animal des adultes, rationalisé, utile, sans valeur sacrée.

 

II Initiation et symbole

 

Dans la littérature enfantine, les animaux servent à expliquer les relations humaines

 

«  Il était une fois un paysan qui avait de l'argent et des biens en suffisance (...) Mais sa femme et lui n'avaient pas d'enfants. (...) Un jour, il revint chez lui, s'emporta et dit :

- je veux un enfant ! J'en veux un, même si ce doit être un hérisson !

Par la suite, sa femme mit au monde un enfant qui était mi-hérisson, mi-homme : le haut de son corps en hérisson, le bas constitué normalement. Sa mère en fut épouvantée quand elle le vit et s'exclama :

- Là, tu vois ! Tu nous as jeté un mauvais sort !» Hans mon-hérisson, Grimm

 

L'anthropologue russe Propp a analysé des contes de façon structurelle et en a tiré des fonctions invariablement présentes (le héros, le donateur, l'agresseur, l'auxiliaire)... L'animal est toujours autrui. Il est très rarement le héros, il est celui que l'on rencontre sur sa route et qui nous révèle à nous-mêmes.

 

Les deux thèmes principaux de la plupart des histoires : comment trouver de la nourriture, comment se marier. L'animal permet de dissoudre l'enseignement en le rendant sibyllin. La petite fille apprend à la fois qu'elle doit éviter de se faire violer dans le bois par le loup, à la fois qu'elle devra vivre cela un jour, d'une autre façon. Ce trouble n'appartient qu'au langage symbolique et les rapports sociaux paraîtraient trop crus sans les masques animaux.

 

La littérature à destination des enfants utilise la proximité entre l’enfant et l’animal pour préparer au monde adulte ; mais la figure animalisée permet de dissocier le monde imaginaire du monde réel pour brouiller les pistes. La transmission s'effectue à un niveau inconscient.

Par ailleurs, dans ce mélange des mondes humains et animaux se trouve une reconnaissance de la très grande proximité qui les unit. Nous sommes animaux comme les autres animaux, nous souffrons, nous aimons et nous luttons comme eux.

 

III Paradoxes

 

Dans les histoires pour enfants, l'animal interprète les rôles enchanteurs, troubles ou mauvais. Mais ces rôles sont atténués par la censure pédagogique, qui ne reconnaît de conscience qu’humaine et qui déviolentise les contes. Que devient alors l'animal ?

 

Violence, magie, trouble, désir, crime : ces éléments hantent les rapports entre les hommes et les bêtes dans la littérature traditionnelle. L'animal permet donc de parler de crime et de sexe.

Pourtant, les modernes (Perrault, Disney) ont escamoté la cruauté des histoires. Cette déviolentisation a lieu partout. Par exemple, au Pérou, où l'on reprend les contes quechuas pour les manuels d'éducation des enfants indiens, on les lisse et les modifie car ils sont vus comme trop violents.

 

Cet escamotage littéraire est parallèle à l'évolution de la société. Le garçonnet d'il y a 100 ans voyait tuer les cochons régulièrement. Celui d'aujourd'hui refuse de manger lorsqu'il comprend avec horreur que les trois gentils petits cochons du conte sont découpés dans son assiette. Ces deux garçons à cent ans de distance n'entendent pas la même histoire à travers le même conte. L'interprétation et l'identification ne peuvent être semblables.

 

La modernité escamote la violence et elle brouille les rôles traditionnels. De ce fait l'animal n'est plus trouble ni mauvais, il devient gentil. Par ailleurs, le principe narratologique selon lequel l'animal était autrui et jamais le héros n'a plus lieu. L'animal est donc humanisé (héros au visage défini, doué de bonté) au moment même où les bêtes ont presque disparu de notre vie quotidienne. Il représente même parfois la gentillesse dans un monde de brutes humaines, un rôle tout aussi faux que celui de séducteur ou de tueur qu'il tenait dans les histoires traditionnelles. La bête est devenue ange. La cruauté et la tendresse sont souvent l'apanage réel ou supposé des enfants et des bêtes. Mais en éliminant la cruauté on élimine aussi la tendresse réelle, émergée du fond des êtres.

 

Si l'animal effrayant et enchanteur des contes a disparu de la littérature moderne, que reste-t-il de lui ? Dans la vraie vie, les animaux magiques des contes ont disparus : leurs inspirateurs sont confinés dans les zoos ou les élevages.

 

« Pan ! Le coup partit. La balle vint frapper le cygne en plein milieu de la tête, et le long cou blanc s'effondra sur le côté du nid.

- Je l'ai eu !cria Ernie.

- Joli coup, s'exclama Raymond.

Ernie se tourna vers Peter, le petit Peter qui était absolument pétrifié sur place, le regard blême.

(...)

Peter ramena le cygne mort au bord du lac et le posa par terre. (...) Ses yeux toujours mouillés de larmes étincelaient de fureur.

-Quelle chose infecte ! hurla-t-il ! (...) C'est vous qui devriez être morts, à la place du cygne ! Vous n'êtes pas dignes de vivre ! »

Le cygne de Roald Dahl

 

Qu’avons-nous fait de nos corps, de nos âmes ? De nos haines et de nos désirs ? Nous les avons nettoyé comme nous nettoyons les histoires que nous racontons aux enfants. Nous les avons enfermés dans des laboratoires, dans des ménageries, dans des bâtiments protégés aux abords des grandes villes.

Nous n’avons voulu garder que la raison, mais voici qu’elle hante un monde vide.

 

Que pourrons-nous faire pour retrouver l’animal, ce frère ennemi qui nous dégoûte et à qui nous voudrions ressembler ? Quand toutes les portes de la raison sont fermées et qu’il revient dans nos cauchemars, faudrait-il oser nous laisser entraîner dans son poème vital ?

 

Katharina Flunch-Barrows et Edith de Cornulier-Lucinière