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mercredi, 21 janvier 2009

Le sexe des anges

 

 

Le sexe des anges

H.L. accompagnée d'Edith de CL s'interroge sur deux des plus belles femmes du monde :

Nolimé et Véronique

 

Voir

doublevievronique-medium.jpg La double vie de Véronique

un film de Krzysztof Kieslowski

1991

sorti en DVD par MK2 en 2006

 

Lire et voir

NolimeTangere1_18012005-medium.jpgNolimé Tangéré,

dessins de Béja

Textes de Nataël

Editions Casterman, 1995

Deux œuvres

 

Comme dans le film La Double Vie de Véronique, la bande dessinée Nolimé Tangéré, grande œuvre littéraire et esthétique, propose une intéressante version d’un certain incertain donjuanisme romantique.

Le film, comme le livre, questionnent le rapport entre l’auteur et ses créatures. L’auteur fictif de la bande dessinée et le marionnettiste du film voudraient entrer dans la vie de leurs personnages mais ils n’osent pas : ils ont peur de briser leur rêve.

Le rêve sera inexorablement brisé.

Dans Nolimé Tangéré, l’auteur voit horrifié sa plus belle idole, son personnage Nolimé, renoncer à sa pureté, sortir de son œuvre pour entrer dans la vie et rejoindre un homme.

Dans la Double Vie de Véronique, la jeune femme sort de son propre rêve pour partager la vie de l’artiste qu’elle inspire.

Les deux oeuvres s'arrêtent avant que l’amant ne se lasse, avant que tout s’écroule. On finit entre deux mondes, dans une tension de réalisation, mais l’héroïne est morte en tant que telle. Elle n’est plus qu’une femme. Ce qui faisait toute la séduction de la femme inaccessible meurt avec son engagement tangible.

 

 

Qu’est-ce qu’une femme ?

C’est la question que posent ces œuvres, qui nous peignent des femmes chargées de magnificence.

Dans la vraie vie, c’est si difficile de ressembler à une image d’Epinal qui semble délivrée des charges animales quand on partage plus de 95% de son patrimoine génétique avec les orangs-outangs…

Ces hommes et ces femmes auxquels nous essayons de ressembler, nous, enfants déguisés en adultes, animaux déguisés en humains, nous ne pouvons les rencontrer que dans des œuvres d’art.

Tant qu’on la rêve, une femme est un ange. Quand on la rencontre, avec nos mains, avec notre cœur et notre corps, la femme s’estompe et fait place à l’être humain, l’être humain qui est un animal comme les autres. Alors le rêve est déchu.

 

“Thanks to the girls who fed me”, Merci aux filles qui m’ont nourri, a écrit Jim Morrison. Mais sans doute ces filles-là n’ont jamais existé. C’est son regard à lui qui les inventait pour ne plus être seul.

Car chacun sait que l’homme et la femme nus ne sont qu’un brillant artifact du passé, chante Leonard Cohen. Everybody knows the naked man and woman, are just a shining artifact of the past...

 

Mais les hommes aussi sont doubles : des archanges ou des salauds.

Tel cet homme dont parlait Virginia Woolf : le frère affectueux et protecteur envers sa sœur - mais quand elle veut le retrouver dans d’autres hommes, elle découvre son autre face : un brutal méprisant pour les femmes.

 

Nous sommes métamorphosés par nos maquillages, et ne savons plus retourner à notre vérité naturelle, qui est brisée comme l’enfance est brisée dans l’adulte. Alors, on met des masques, et quand le masque ne tient pas bien certaines se parent volontairement de déchéance : adolescentes libérées, vieilles putes.

A quoi ressemble Véronique quand le film est fini ? Qu'est devenue Nolimé quand la dernière page s'est tournée ?

 

Impossible rencontre de soi et de la pureté...

 

Don Juan est épouvanté par lui-même.

A cause de l’horreur du regard tueur ; nous désirons quelque chose, à peine nous l’obtenons, nous n’en voulons plus. Car ce qui est à nous ne peut être bien. L’amour de l’extérieur nous vient souvent de la haine de l’intérieur. Dès lors tout ce que nous touchons, ne peut-être que souillé. La haine de soi à l’extrême se traduit par le mépris de l’autre. L’homme par rapport à l’animal, l’homme par rapport à la femme, la femme par rapport à l’homme, etc.

Don Juan se hait.

 

Il est assoiffé de lui même, mais se cherche dans l’autre. S’il laisse ses victimes exsangues, sa vie à lui est un long dévidement.

C’est Don Juan vidé de lui-même, qui ne peut jamais croître, en chasse, en survie permanente – Don Juan est un vampire.


Don Juan est éternel

 

Plus que séducteur, au fond, la particularité de Don Juan est d’être séduit… jamais centré sur lui-même, il est séduit chaque fois qu’il sent palpiter un peu de vie.

 

Il est le séducteur, il est la séductrice, il est l’ethnologue ou le passionné des enfants : il voudrait ne faire qu’observer, ne peut s’empêcher de posséder et il hait et méprise tout ce qu’il touche.

Don Juan est aux femmes ce que les ethnologues sont aux peuples « primitifs », ce que les scientifiques sont à la terre vierge.

Même la science est Don Juan : la science qui brûle ou casse tout ce qu’elle touche, un peu comme Lenny dans des souris et des hommes, de John Steinbeck, parce qu’il cherche le pur, et le vierge, mais que son regard de vivisectionniste, souille et déflore. Alors, immédiatement déçu, il doit chercher ailleurs la pureté et la virginité, et le charme fugitif de la découverte.

 

Fuite éternelle de soi : Don Juan est l’être en fuite, tellement apeuré par la mort qu’il s’y précipite deux fois plus vite que les autres.

Nolimé Tangéré et Véronique sont des anges. Leurs amoureux transis croient qu’ils aiment des femmes ; mais les anges n’ont pas de sexe.

 

H.L. et E de CL

Commentaires

Merci. Cet article et ces citations me rappellent la chanson de Sheller : les filles de l'aurore. Il parle aussi des garçons de l'aurore : les anges des deux sexes.

Écrit par : Pierre-Dieudonné de Jeaulac | jeudi, 22 janvier 2009

Mais je ne vois pas ce que les anges viennent faire dans ces femmes. C'est bien plutôt du sexe des démons qu'il s'agit n'est-ce pas ? Toutes sont Lilith

Écrit par : JFK2 | samedi, 24 janvier 2009

J'aime beaucoup cette alternance de mathématiques et de littérature. Pourriez-vous expliquer votre vision de la relation entre ces disciplines ? Combien êtes-vous ? Le projet est-il centré autour de la relation math-littérature ?

Mounir

Écrit par : Mounir | samedi, 24 janvier 2009

Ah, Nolimé que j'ai découverte grâce à vous est encore plus belle que Véronique - mais la BD est encore plus fumeuse que le cinéma.

Écrit par : Enzo Berg | mardi, 10 février 2009

Impressionné. Je viens de comprendre le pouvoir des femmes dans ma vie. Merci

Écrit par : Tieri | vendredi, 30 octobre 2009

Et la bande dessinée "Nolime Tangéré" est vraiment très belle. On ne comprend pas tout : on devine à travers cette forêt visuelle et littéraire de symboles. Nolime tangere signifie "ne me touche pas", en latin, et c'est la phrase que Jésus a dit à Marie-Madeleine lorsqu'elle a voulu l'embrasser, après sa sortie du tombeau.
“ Ne me touche pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père, mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et leur Père, vers mon Dieu et leur Dieu ”
Ces femmes désirés murmurent ce mur-phrase infranchissable : "ne me touche pas", alors que leur corps semble appeler au contraire. Et c'est cela qui fascine ceux qui les harcèlent, c'est cette impossibilité abominable qui les touche au plus profond de leur contradiction et de leur vécu inconscient.
Pourquoi sommes-nous toujours attirés par l'Impossible, quand tant de routes belles nous appellent ? Pourquoi voulons-nous suivre le seul chemin qui nous est fermé ? Peut-être parce que, comme le disait Michel-Ange, «Le plus grand danger pour la plupart d’entre nous n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons.»

Cet homme disait aussi «J'ai vu un ange dans le marbre et j'ai seulement ciselé jusqu'à l'en libérer.»

Écrit par : édith | vendredi, 30 octobre 2009

«Seigneur, accordez-moi la grâce de toujours désirer plus que je ne peux accomplir.»

Écrit par : Michel-Ange | vendredi, 30 octobre 2009

Je me coucherai moins bete ce soir, merci

Écrit par : canard | jeudi, 05 novembre 2009

Merci canard.

Écrit par : AlmaSoror | dimanche, 08 novembre 2009

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