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dimanche, 03 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

 

Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

L'étourdissement des animaux a été rendu obligatoire en France par décret en 1964. Ce texte réglemente la contention et la mise à mort des animaux de boucherie dans les abattoirs et comporte l'obligation d'étourdir les animaux avant leur abattage. La mise en place de ce texte a constitué une avancée majeure pour la protection animale, améliorant ainsi les conditions moyenâgeuses d'abattage sans étourdissement. Cependant, les autorités religieuses juives et musulmanes, qui ne voulaient pas du matériel d'étourdissement, ont refusé de suivre la réglementation en prétendant l’emploi de ce matériel incompatible avec la pratique religieuse. Leur voix a été entendue, et l'abattage rituel a par conséquent échappé, par dérogation, à cette obligation. Néanmoins, l'abattage rituel en France doit se conformer aux exigences de la législation de protection animale en cours, laquelle impose des méthodes de contention et de manipulation (qui ne sont pas toujours respectées, comme nous le verrons).

 

La législation qui protège les animaux consiste dans :

 

- l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs ;

 

- le décret n° 97-903 du 1er octobre 1997relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.

 

Mouton transporté dans un coffre de voiture, les pattes ficelées, il va être égorgé pour l’aid el kébir.
Phot Jean-Luc Daub

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Qu'est-ce qu'un abattage rituel ?

 

L'abattage rituel est la mise à mort d'un animal dans un contexte religieux qui impose certaines façons de procéder ; la viande de l’animal ainsi abattu est destinée à la consommation des pratiquants concernés. L’un des impératifs consiste à tuer l’animal en pleine conscience, en le saignant à la gorge à l'aide d'un couteau.

Ce qui oppose l'abattage rituel à un abattage classique, c’est que ce dernier s'effectue sur un animal rendu inconscient par des méthodes d'étourdissement. L'abattage classique (normal ou conventionnel) répond à la réglementation actuelle qui demande à ce qu'un étourdissement préalable soit effectué sur l'animal lors de son abattage. L'animal doit être plongé dans un état d'inconscience jusqu'à sa mort, dans le souci de lui éviter des souffrances.

A contrario, dans le cadre de l'abattage rituel, pour que soit autorisée à la consommation des pratiquants la chair d'un animal, il ne doit être ni déjà mort ni blessé au moment de son abattage, suivant des prescriptions de textes religieux. De ce fait, une interprétation de ces textes conduit les pratiquants de l'abattage rituel à rejeter l'emploi des méthodes d'étourdissement. Ces derniers par exemple doutent de l'état de l'animal au moment de l’étourdissement : on ne sait pas s’il est vivant ou mort. L'interdiction de consommer du sang conduit également les pratiquants de l'abattage sans étourdissement à penser qu'il faut égorger vivant l'animal pour qu'il se vide de son sang. Pourtant, l'étourdissement d'un animal ne gêne en rien l'évacuation du sang, puisqu'il est saigné à la gorge, et rapidement après l'étourdissement. De plus, le cœur continu de battre, effectuant son rôle de « pompe » et permettant lors de la saignée une évacuation du sang par jet des artères et veines jugulaires. L'étourdissement n'étant pas la mise à mort de l'animal, c'est la saignée qui met fin à la vie de l'animal.

Pratique du rituel

Pour que les demandeurs puissent pratiquer l'abattage rituel, les abattoirs doivent être dotés d’un équipement spécifique. Il en est de même pour le tueur, qui doit posséder un agrément de « sacrificateur habilité ». La technique d'abattage rituel diffère de celle de l'abattage classique ; il en est de même pour la commercialisation des viandes, qui suivent des circuits propres.

Sacrificateurs

Les tueurs sont appelés « sacrificateurs », et seules les personnes possédant une autorisation administrative en règle peuvent pratiquer un égorgement sans étourdissement préalable dans le cadre de l'abattage rituel. Cette habilitation est accordée par le Grand Rabbinat de France pour les sacrificateurs juifs et par l'une des trois Grandes Mosquées de France pour les sacrificateurs musulmans. Ces organismes ont été agréés par arrêtés ministériels.
 

Matériel

 

L'abattage rituel, comme je l’ai dit, nécessite l'acquisition d'un matériel supplémentaire à celui qui est requis pour l’abattage normal. Pour pouvoir effectuer l'égorgement selon les normes d'abattage relatives à la protection animale, l'abattoir doit s'équiper d'un système de contention mécanique permettant de maintenir l'animal dans une position propice à l'égorgement en le retournant sur le dos. La contention mécanique doit être effectuée au moyen d'un box rotatif de forme cylindrique pour les grands bovins et les veaux, d'un piège de contention mécanique pour les ovins. L'acquisition de ce matériel crée un coût financier supplémentaire pour l'abattoir. En outre, l'installation de ce matériel doit répondre à une orientation vers les lieux saints respectifs, surchargeant parfois l'abattoir d'aménagements et de contraintes pratiques et techniques. De plus, ni les personnes juives pratiquantes ni les personnes musulmanes pratiquantes n'ont, en principe, le droit de consommer de la viande de porc. Ce mammifère étant considéré comme un animal impur, une séparation des chaînes d'abattage ou des circuits de déplacement des carcasses est donc souvent exigée.

 

L’abattage rituel

Les bovins (taureaux, bœufs, vaches et les veaux)

 

Afin de procéder à la contention mécanique, les bovins doivent être conduits dans un box rotatif de forme cylindrique. Lorsque l'un d'entre eux se trouve à l'intérieur, une porte guillotine se referme derrière l'animal qui ne doit pouvoir ni reculer, ni avancer. Des vérins hydrauliques, sous l'impulsion provoquée par un employé, poussent des battants métalliques à l'arrière de l'animal, ainsi que sur les côtés. Ce dernier est alors coincé par la pression des battants. La contention est alors effectuée. Seule la tête dépasse par une ouverture à l'avant du box. Une mentonnière placée à cet endroit est activée. Elle se relève et rabat la tête de l'animal en la tirant vers l'arrière. Ainsi, la tête est coincée. L'animal est alors complètement immobilisé. Un employé active un bouton poussoir et une demi rotation (de 180 degrés) est effectuée. L'animal se retrouve dans une position peu naturelle, sur le dos, les quatre pattes en l'air. La tête est alors à l'envers et laisse en principe apparaître le cou totalement dégagé. Le sacrificateur, qui doit avoir rincé son couteau et vérifié sa lame, procède à l'égorgement en prononçant des paroles religieuses. En principe (quand les choses se passent sans problème particulier), le sacrificateur effectue un mouvement d'aller et un retour avec un couteau tranchant. Il sectionne, après que la lame a coupé la peau et les muscles du cou, la trachée et les artères, l'œsophage. Sous la pression sanguine, le sang gicle et coule abondamment. L'animal doit être laissé dans sa position jusqu'à la perte de connaissance et jusqu'à la fin de la saignée. Une porte latérale au niveau du box s'ouvre pour l'évacuation de l'animal sur le sol. Il est ensuite attaché par une patte arrière et suspendu sur un rail.

 

Moutons, chèvres

 

Les moutons et les chèvres sont conduits par un couloir vers un piège à contention mécanique. Lorsque l’un d'entre eux se retrouve dans le piège, un battant métallique se rabat derrière l'animal, le poussant vers l'avant et un battant se positionne au-dessus de lui. La tête dépasse. Un basculement sur le côté est effectué et l'animal se retrouve sur le flanc. Le sacrificateur maintient la tête d'une main et pratique la saignée avec l'autre. En principe, un seul mouvement avec le couteau doit suffire pour que la saignée soit complète et profuse. Normalement, l'animal doit être laissé dans le piège jusqu'à la fin de la saignée, et seulement après, il peut être suspendu par une patte arrière sur un rail. Mais ce n’est pas toujours le cas.

 

Veaux et ovins parfois saignés debout

 

Parfois, ces petits animaux sont conduits au bout d'un couloir dans un convoyeur muni de bandes latérales entraîneuses. Lorsqu'il arrive au bout du convoyeur, ce dernier est stoppé. Soit une mentonnière mobile maintient la tête vers l'arrière, soit elle est maintenue à la main avant de procéder à la saignée. On dit alors qu'il est saigné debout.

 

Volailles

 

Les volailles sont saignées au bout d'une chaîne d'abattage où elles sont suspendues conscientes par les pattes (la suspension de volailles vivantes par les pattes est autorisée).

 

Certification « Hallal » ou « Casher »

 

Pour les abattages rituels musulmans, selon les exigences religieuses, il suffit que la personne qui abat l'animal soit mentalement équilibrée, qu'elle ait suivi les préceptes religieux et qu'elle ait prononcé le nom de Dieu au moment du sacrifice pour permettre la certification « Hallal ». En outre, il faut que les recommandations prescrites dans le Coran aient été suivies et qu'il n'y ait pas eu de contamination de la chaîne par la présence du porc ou d'un animal qui n'aurait pas été tué en prononçant le nom de Dieu. Mais aucune formation ni connaissances particulières ne sont demandées, il suffit d'être musulman, majeur et sain d’esprit selon les critères d'organismes de certification.

 

Concernant les abattages rituels juifs, la pratique est beaucoup plus codifiée. Il faut que le shohet (sacrificateur juif) possède des compétences techniques et religieuses, et qu'il soit agréé par les autorités juives après avoir suivi une formation. Une faute commise lors du rituel peut, selon sa gravité, entraîner le retrait de l'agrément. Le shohet doit en permanence réviser les enseignements théoriques de la Shehita (abattage rituel codifié dans la Torah). De plus, un contrôle du cadavre de l'animal est opéré pour attribuer ou non la certification Casher. L'inspection s’applique à la carcasse et aux viscères. Sur un lot d'animaux abattus rituellement, après un contrôle, il est possible que plus de la moitié soit rejetée et déclarée non Casher, donc non consommable. Ces animaux retournent alors dans le circuit classique, c’est-à-dire que des animaux abattus rituellement entrent dans la consommation commune, qui doit normalement provenir d’animaux étourdis avant l’abattage. L’abattage rituel excède donc le cercle qui est en principe le sien. De dérogatoire, l’abattage rituel tend par ce biais à se banaliser. En effet, lors de l’abattage juif, les parties arrière jusqu’à la huitième côte pour les bovins, en plus d’un certain nombre de carcasses entières (parfois plus de 50 %) sont refusées par l’abatteur juif (le shohet) après une inspection post mortem. Il vérifie la carcasse et les principaux viscères afin de valider définitivement l’aspect Casher ou non Casher. Si elle est déclarée non Casher, la carcasse de l’animal abattu rituellement retourne dans le circuit classique de la consommation (boucheries, restaurants, collectivités, hypermarchés…), et cela à l’insu des consommateurs. Dans les abattoirs où sont pratiqués les abattages rituels musulmans, les moutons sont très souvent tous abattus rituellement y compris ceux qui sont destinés à la consommation classique. En Belgique, tous les moutons sans exception seraient abattus rituellement. Les boucheries musulmanes achetant les boyaux, le choix est fait par l’abattoir ou par un grossiste d’abattre rituellement tous les ovins, même ceux qui sont destinés à l’abattage classique, afin de récupérer les boyaux, qui bénéficient ainsi de l’appellation Hallal. Les carcasses de moutons rejoignent ensuite le circuit classique. Pour les gros bovins, principalement pour des raisons économiques, en général seules les parties avant seraient vendues sur les étals Hallal, le reste repartirait dans le circuit classique.

 

Commercialisation

 

Les viandes dites Casher et Hallal sont vendues dans des circuits très spécialisés. Des boucheries distinctes, musulmanes et juives, vendent les viandes certifiant une traçabilité qui garantit leur origine et le respect des préceptes religieux. On trouve également pour les viandes Hallal un circuit possible dans les hypermarchés où un rayon réservé en permet la vente. Mais l'acquisition des viandes en boucherie spécialisée donne davantage satisfaction aux consommateurs musulmans, car elle permet l'identification culturelle et communautaire.

 

Conclusion

 

Il n’appartient pas aux associations de protection des animaux de remettre en cause le caractère cérémoniel et religieux de l’abattage rituel. La liberté religieuse est autorisée du moment qu’elle ne trouble pas l’ordre public. Ce qui est critiquable, ce sont des abattages sans étourdissement, d’autant que l’étourdissement des animaux a été rendu obligatoire pour éviter toute souffrance inutile lors de la mise à mort. Il n’y a pas de raison pour que l’abattage rituel échappe à cette règle. La saignée est un acte violent qui entraîne des souffrances. Nous nous sommes tous, un jour ou l’autre, coupés, et nous savons tous que cela fait mal. Imaginez la douleur provoquée par le couteau qui tranche la gorge. L’étourdissement sert à éviter cette douleur. C’est pour cela que les associations demandent à ce que l’étourdissement soit également appliqué à l’abattage rituel. Notons que de nombreuses personnes juives et musulmanes ne suivent pas les prescriptions alimentaires.

 

Si les associations de protection animale lèvent le voile sur ce problème, ce n'est pas pour décrier la pratique religieuse en tant que telle, mais parce qu'elles sont concernées par le sort des animaux. Il est bien entendu que le regard porté sur la religion est apolitique et laïque, neutre et sans prise de position. Ce regard s'inscrit dans le cadre de la défense de l'animal.

 

Pour l'abattage rituel, le box rotatif, également appelé Casting-pen est utilisé pour l'immobilisation des animaux avant la saignée. On doit faire entrer l’animal dans ce piège en forme de cylindre. Il est compressé par des volets qui se rabattent hydrauliquement. Il faut lui tirer et lui maintenir la tête en arrière, à l'aide d'une mentonnière mécanique, puis lui infliger une demi rotation pour le retourner sur le dos avant de l’égorger en pleine conscience. Ces manipulations contraignantes sont source de stress et peu habituelles pour une bête. J’ai pu maintes fois constater l’état de frayeur des animaux lorsqu’ils sont victimes d’un abattage rituel. Il est facile de comprendre qu’il est beaucoup plus stressant et apeurant pour un animal d’être abattu rituellement. Prenons l’exemple d’un abattage

rituel d’un bovin. Au bout d’un couloir, il doit entrer dans un box métallique où seule la tête dépasse. À la seule vue du box, l’animal est apeuré. Ensuite, le bovin est compressé par les côtés et par l’arrière avec des plaques métalliques qui se rabattent sur lui, une mentonnière vient lui lever la tête par-dessous la gorge, puis le box est retourné de façon à ce que l’animal ait les quatre pattes en l’air et qu’il se retrouve sur le dos. Je ne pense pas que ce soit une position tout à fait naturelle pour un animal ! Je vous laisse imaginer la terreur que peut ressentir le bovin. Il y en a qui lâchent leurs urines, d’autres ont les yeux qui sortent des orbites, d’autres encore meuglent de panique et de peur. Il est alors horrible d’entendre leurs gémissements s’éteindre au fur et à mesure que la gorge est tranchée.

 

Dans le cadre d'un abattage classique, l'animal entre dans un piège, le plus souvent en béton formé de quatre parois et ouvert sur le dessus. Il reste debout et le tueur applique le pistolet à tige perforante pour l'étourdissement sur le front de l'animal qui s'écroule sur le sol. Le piège est alors ouvert, l'animal suspendu, puis saigné rapidement. La méthode est bien plus rapide, sans manipulations stressantes et l'animal garde sa position debout pendant les opérations d'étourdissement. Il serait plus simple de n'utiliser que ce genre de contention accompagné d'une méthode d'étourdissement qui peut être mécanique ou électrique.

 

Il existe dans d'autres pays des abattages rituels avec étourdissement par électronarcose, méthode intégrée à la pratique et très bien acceptée par les communautés religieuses. D'autre part, l'étourdissement ne crée pas de problème d'évacuation du sang après la saignée, l'animal n'étant pas mort et le cœur continuant de battre, comme on l’a expliqué plus haut. Le rituel peut avoir lieu même avec un étourdissement, il n'empêche pas la prononciation des paroles saintes. D'ailleurs, des sacrificateurs le pratiquent au quotidien dans des abattoirs français, mais de façon non avouée. Le Recteur de la Grande Mosquée de Paris se prononce favorablement à l'étourdissement par électronarcose, à condition que l'animal n'en meure pas,

c’est-à-dire en imaginant qu’il se réveillerait si la saignée n’avait pas lieu.

 

Alors pourquoi les dirigeants ne prennent-ils pas leurs responsabilités à cet égard ? Peut-être pour maintenir une certaine paix sociale. Et peut-être aussi pour protéger les intérêts économiques, car si l’étourdissement était rendu obligatoire pour tous les modes d’abattage, cela entraînerait probablement l’importation de viande issue d’animaux tués sans étourdissement, et rituellement. Le problème de l’abattage sans étourdissement a été discuté lors du Grenelle des Animaux qui s’est déroulé cette année, mais pour l’instant cette question est demeurée dans l’impasse.

 

Si les communautés religieuses concernées disent que les moyens d’étourdissement actuels ne les satisfont pas, pourquoi ne pas chercher à mettre en place d’autres moyens d’étourdissement, afin de trouver un terrain d’entente satisfaisant pour tout le monde et pour le bien des animaux ? Ce n’est pas compliqué, il faudrait juste y mettre de la bonne volonté. Bien que l’électronarcose, moyen d’étourdissement actuel, soit un acte réversible puisque l’animal ne meurt pas et que par conséquent la viande pourrait être considérée comme Hallal ou Casher avec l’utilisation de ce moyen, les réticences sont fortes.

 

 

 

 

 

 

 

dimanche, 27 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Description des différentes méthodes d’abattage

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Description des différentes méthodes d’abattage

 

Dans ce chapitre, je vais décrire la manière dont se passe ou devrait se passer un abattage selon la réglementation. Ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. J’accompagnerai mes propos de références législatives, car les méthodes d’abattage sont codifiées et ne s’improvisent pas. Vous pourrez comparer les différentes pratiques avec les situations vécues lors de mes visites d’abattoirs, décrites dans des chapitres suivants, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

 

Il faut savoir que les postes d’abattage sont différents suivant les animaux et suivant l’aménagement de l’abattoir. Certains sont utilisés pour plusieurs espèces. Les locaux, les installations et les équipements des abattoirs doivent être conçus, construits, entretenus et utilisés de manière à épargner aux animaux toute excitation, douleur ou souffrance évitables (chapitre II du décret 97-903 du 1er octobre 1997). Les abattoirs doivent être équipés et aménagés conformément aux textes réglementaires relatifs à la protection des animaux au moment de leur abattage (décret 97-903 du 1er octobre 1997 et arrêté du 12 décembre 1997).

 

La mise à mort des animaux comprend trois phases : l’immobilisation, l’étourdissement, l’abattage.

 

L’immobilisation des animaux par un moyen de contention est obligatoire avant tout abattage (annexe II de l’arrêté du 12 décembre 1997), excepté pour les volailles, les lapins et les petits gibiers domestiques. La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort (décret 97-903 du 1er octobre 1997 art. 7).

 

L’étourdissement désigne tout procédé qui, lorsqu’il est appliqué à un animal, le plonge immédiatement dans un état d’inconscience où il est maintenu jusqu’à sa mort (décret du 1er octobre 1997 chapitre I point d). Il est obligatoire avant tout abattage ou mise à mort des animaux, à l’exception de l’abattage rituel (décret du 1er octobre 1997 chapitre II art.8). Les procédés autorisés (arrêté du 12 décembre 1997 art.3) sont les suivants : pistolet à percussion à tige perforante ou à masselotte ; électronarcose1 ; exposition au dioxyde de carbone. Les matériels utilisés doivent satisfaire aux conditions énoncées à l’annexe III de cet arrêté.

 

L’abattage consiste dans le fait de mettre à mort un animal par saignée. La saignée comprend l’incision d’au moins deux carotides et des vaisseaux sanguins jusqu’à la fin de l’écoulement du sang (arrêté du 12 décembre 1997 annexe V). La saignée doit commencer le plus tôt possible après l’étourdissement et en tout état de cause avant que l’animal ne reprenne conscience (décret 97-903 du 1er octobre 1997, art. 9).

 

Bovins qui viennent d’être saignés et qui se vident de leur sang jusqu’au dernier souffle.
Phot Jean-Luc Daub

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Mise à mort des porcs et des coches (truies)

 

Deux cochons morts lors d’un transport d’une crise cardiaque. Phot Jean-Luc Daub

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Étourdissement et abattage

 

 Pour que les abattages soient correctement faits, il faut un piège de contention et une électronarcose efficace. Le piège de contention sert à maintenir l’animal pour qu’il ne puisse plus bouger. Cela permet aussi à l’opérateur d’effectuer l’étourdissement dans de bonnes conditions de sécurité. L’étourdissement sert à plonger l’animal dans un état d’inconscience afin de lui éviter de souffrir lors de la saignée. Pour cela, on pratique une électronarcose, soit automatiquement dans un Restrainer2, soit manuellement à la l’aide d’une pince électrique pour faire subir à l’animal un choc électrique de courte durée, mais de grande intensité.

 

Dans le cas d’un étourdissement automatique, l’animal est conduit par un étroit chemin d’amenée vers un Restrainer. L’animal est véhiculé par deux bandes qui l’entraînent vers les broches électriques qui entrent en contact avec la tête. Après avoir subi le choc électrique, l’animal est éjecté sur une table, puis suspendu par une patte arrière. Dans certains abattoirs, les cochons sont saignés directement sur la table (ce qui est préférable), dans d’autres ils sont saignés après la suspension. Dans tous les cas, ils doivent être saignés le plus rapidement possible, car si l’électronarcose est bien faite, l’animal n’étant pas tué par ce procédé, il se réveille quelque temps après. Mais, il est pratiqué parfois une électronarcose jusqu’à la mort de l’animal.

 

Dans le cas d’un étourdissement manuel, l’animal est conduit par un étroit couloir dans une caisse piège qui se referme derrière lui. L’animal ne peut ni avancer, ni reculer, on dit qu’il est immobilisé. Un opérateur, appelé généralement un tueur, à l’aide d’une pince électrique pratique l’électronarcose, en appliquant les deux électrodes soit sur les tempes, soit derrière les oreilles. La pince électrique ne doit pas être appliquée sur les yeux.

 

Certaines pinces délivrent le choc électrique de façon tempérée dans un court temps et avec une forte intensité. Parfois, c’est l’opérateur qui estime la durée d’application de la pince, ce qui n’est pas toujours heureux, car si la pince est mal réglée, l’animal subit des électrocutions et donc de la douleur, plutôt qu’un étourdissement qui doit en principe éviter la douleur causée par les opérations qui suivent. Lorsqu’on ouvre le piège, l’animal tombe sur une table ou sur le sol, il est suspendu et saigné après. Il arrive que l’abattoir ne soit pas équipé de piège ; les cochons ou les moutons sont alors étourdis l’un après l’autre dans la case même du poste de l’abattage. Cela crée un mouvement de panique et de peur parmi les animaux.

 

Cochons attendant leur mort dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Dans tous les cas, les porcs doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement. L’étourdissement est effectué par électronarcose ou par inhalation de CO2 ou, si nécessaire, au pistolet d’abattage (qui n’étourdit pas, mais qui tue). L’électronarcose peut être réalisée mécaniquement dans un Restrainer équipé d’un poste d’étourdissement automatique ou manuellement par l’application d’une pince électrique au niveau de la tête. Certains abattoirs utilisent une fosse à CO2 pour endormir les porcs, mais ces installations sont source de souffrance, car les animaux paniquent lors de la descente dans la fosse. Les porcs ne doivent pas se réveiller pendant la suspension et la saignée.

 

Le test occulopalpébral3 peut être effectué en passant légèrement le doigt sur les sourcils pour s’assurer que les cochons sont bien anesthésiés. Les porcs doivent être étourdis un à un et saignés rapidement. La saignée est pratiquée sur un tapis roulant ou sur une table à la sortie de la contention ou généralement après la suspension et avant qu’ils ne reprennent conscience. Elle est effectuée soit au couteau soit à l’aide d’un trocart4.

 

Cochon blessé, baignant dans son sang sur le quai d’un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Mise à mort des bovins, vaches, veaux et chevaux

 Il existe deux types d’abattage : l’abattage classique ou non religieux et l’abattage rituel à caractère religieux. Dans le deuxième cas, les animaux peuvent être abattus selon le rite religieux juif ou musulman. Ils sont abattus sans être étourdis. Une contention mécanique (décret 97-903 du 1er octobre 1997, chapitre II, art.12) et un sacrificateur habilité (art.13 du même décret) sont obligatoires pour cette pratique.

 

Cheval grattant le sol pour chercher une sortie sur la quai d’un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Abattage classique

 

Les animaux sont conduits par un étroit chemin d’amenée vers un piège de contention où ils ne peuvent ni avancer ni reculer. À l’aide d’un pistolet à tige perforante, le tueur effectue un étourdissement en l’appliquant sur la partie frontale de l’animal. La boîte crânienne étant perforée jusqu’au cerveau, l’animal perd connaissance et tombe. On ouvre ensuite le piège, puis on suspend l’animal par une patte arrière avant de pratiquer la saignée. Cette méthode est utilisée pour les bovins, les chevaux et les veaux.

 

Dans tous les cas, les bovins, vaches, veaux et chevaux sont étourdis à l’aide d’un pistolet à tige perforante appliqué sur le crâne. Ils doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement, soit dans un caisson en béton ouvert sur le dessus, soit dans un box métallique ou un box rotatif utilisé pour l’abattage rituel. Le pistolet à tige perforante fonctionne par cartouches ou par air comprimé. Les animaux doivent être étourdis un à un et la saignée doit intervenir rapidement (généralement, elle est effectuée après la suspension).

 

Abattage rituel

 

Mouton attendant son égorgement lors de l’aid el kébir, les pattes sont ficelées, il a été déposé devant un local poubelle dans une cité.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux sont conduits, un par un, par un couloir étroit dans un box rotatif. C’est un peu comme un grand tambour de machine à laver. L’animal entre d’un côté et de l’autre côté seule la tête dépasse. Le box est alors retourné jusqu’à ce que l’animal ait les quatre pattes en l’air et le dos en bas. La tête qui dépasse est à l’envers, ce qui fait que le sacrificateur à l’aide d’un couteau saigne en pleine conscience la bête au niveau de la gorge. Puis, on ouvre une porte latérale et l’animal tombe sur le sol. Il est ensuite suspendu par une patte arrière.

 

Mouton suspendu par une patte à plusieurs mètres du sol !
Phot Jean-Luc Daub

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Dans tous les cas, la contention mécanique est généralement effectuée dans un box rotatif adapté aux gros bovins ou aux petits bovins, ainsi qu’aux veaux. L’animal doit être maintenu dans le box rotatif jusqu’à la fin de la saignée (écoulement du sang) (art. 2 de l’arrêté du 12 décembre 1997). La suspension par les pattes arrière, alors que l’animal est encore vivant, est interdite. Les sacrificateurs musulmans sont habilités par les grandes mosquées de Paris et de Lyon et la mosquée d’Evry, le cas échéant par le Préfet. Les sacrificateurs juifs sont habilités par le Grand Rabbinat de France.

 

 Mise à mort des ovins et des caprins

 

Abattage classique

 

Etourdissement d’un mouton en abattage classique, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub

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Les moutons sont menés par un couloir étroit vers un piège de contention, soit le piège mécanique qui sert pour l’abattage rituel, soit une petite case en béton. Un employé étourdit les moutons à l’aide d’une pince électrique en l’appliquant sur les tempes ou derrière les oreilles. Comme pour les porcs, l’application de la pince doit être brève, mais avec une forte intensité, afin que le choc électrique plonge les moutons dans un état d’inconscience. Ils sont ensuite suspendus par une patte arrière et saignés. Parfois, les ovins et caprins sont abattus dans une case sans contention.

 

Dans tous les cas, les ovins et les caprins doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement. L’immobilisation est effectuée soit dans un petit piège mécanique, soit au bout du couloir d’amenée. Ils sont étourdis à l’aide d’une pince électrique ou d’un pistolet à tige perforante au niveau du crâne. La saignée des animaux doit intervenir rapidement avant que l’animal ne reprenne conscience (généralement elle est effectuée après la suspension). La pince électrique ne doit pas être appliquée sur les yeux.

 

Abattage rituel

 

Comme pour les bovins, les moutons peuvent être abattus selon le rite religieux juif ou musulman. Ils sont abattus sans être étourdis. Une contention mécanique (décret 97-903 du 1er octobre 1997, chapitre II art.12) et un sacrificateur habilité (art.13 du même décret) sont obligatoires pour cette pratique.

 

Egorgement rituel d’un mouton, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux sont conduits par un petit couloir vers un piège mécanique. Lorsqu’un mouton est entré dans le piège, les parois latérales se resserrent, compressant ainsi l’animal. Le piège est basculé sur le côté, présentant ainsi la gorge du mouton vers le sacrificateur. Ce dernier égorge le mouton en pleine conscience. L’opérateur ouvre le piège et suspend par une patte le mouton. Avant de le suspendre, le sacrificateur doit attendre la fin de la saignée. Il arrive que des abattoirs ne soient pas équipés du piège. Ils suspendent alors les moutons vivants et les saignent ensuite, ce qui est interdit.

 

Dans tous les cas, la contention doit être effectuée par un procédé mécanique. L’animal doit être maintenu dans la contention mécanique jusqu’à la fin de la saignée (écoulement du sang) (art. 2 de l’arrêté du 12 décembre 1997). La suspension par les pattes arrière, alors que l’animal est encore vivant, est interdite.

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1 Électronarcose : procédé utilisé pour étourdir un animal au moyen d’un choc électrique avant de pratiquer la saignée.

 

2 Restrainer : moyen de contention en forme de couloir fait de deux bandes latérales en v qui entraînent les animaux soit vers un poste d’étourdissement manuel, soit vers des électrodes pour un étourdissement automatique. Il existe aussi ce que l’on appelle des Midas, qui répondent au même principe que le Restrainer, sauf que les cochons sont entraînés par le dessous.

 

3 Test qui peut être effectué sur un animal qui vient d’être étourdi, en frôlant du bout des doigts les cils, aucune réaction ne doit avoir lieu.

 

4 Trocart : couteau monté de plusieurs lames ajourées au bout d’un tuyau d’aspiration du sang, en cas de récupération de ce dernier.

 

dimanche, 20 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Le déroulement des visites d’abattoirs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

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Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

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Le déroulement des visites d’abattoirs

 

 Mon travail d’enquêteur commençait par l’organisation de mes déplacements. Je choisissais sur la carte de France les abattoirs qui feraient l’objet d’un contrôle. En réalité, le mot « contrôle » n’était jamais employé devant les responsables d’abattoir. C’est le mot « visite » qui était employé, cela sonnait de manière moins répressive et permettait de moins freiner nos interlocuteurs dans leurs propos. Les visites s’effectuaient également sur dénonciation, soit de la part d’une personne extérieure à un abattoir, soit d’un employé qui faisait état de mauvais traitements ou d’abattages non conformes à la réglementation. Il est arrivé que ce soit un des membres des services vétérinaires de l’abattoir qui nous téléphone pour soulever un problème d’abattage qu’il ne pouvait pas résoudre. Soit parce que sa démarche n’avait pas abouti, soit parce qu’il n’avait pas eu le courage, ou la possibilité, de s’interposer pour éviter un mauvais traitement en raison de la pression ambiante et des conséquences sur le plan personnel que son intervention aurait pu entraîner.

 

Je me déplaçais dans toute la France, et pouvais faire jusqu’à plus de mille kilomètres. Il fallait parfois une journée entière de voiture pour se rendre dans le département dans lequel se situait l’abattoir à visiter.

 

La première étape consistait à trouver un hôtel situé dans la même ville que l’abattoir. Dans certaines villes, il n’y en avait pas. J’étais donc obligé d’aller assez loin, ce qui ajoutait à la fatigue des frais supplémentaires. La plupart des hôtels acceptaient les chiens et comme j’emmenais Robin dans tous mes déplacements, il me fallait intégrer sa présence dans l’organisation de ces déplacements. Il m’était important de l’avoir avec moi, car il me permettait de me détendre en compagnie d’un animal qui ne risquait pas de finir à l’abattoir. Aux yeux de l’association pour laquelle je faisais ces enquêtes, il ne devait pas y avoir de place pour les émotions ou les sentiments. L’important était que les animaux soient tués conformément à la législation, un point c’est tout ; car pour les personnes qui m’entouraient, le niveau de réflexion sur les animaux ne dépassait pas l’idée que : « L’animal est fait pour être mangé, on ne peut pas faire autrement ! ». La présence de mon chien me permettait d’oublier un peu ce manque de réflexion en échangeant avec lui affection et complicité. J’essayais de ne pas arriver trop tard le soir, car j’aimais parcourir les villes pour me cultiver après un long voyage, en me rendant dans les centres historiques et en entrant dans les cathédrales. Je me couchais en général de bonne heure pour être au mieux de ma forme, car les visites s’effectuaient très tôt au petit matin. Au lit, je préparais la journée en récapitulant les étapes de ma visite du lendemain, pour ne rien oublier d’important et de préjudiciable aux animaux après que j’aurai quitté l’abattoir.

 

Je prenais un bon petit-déjeuner pour tenir durant les longues et pénibles journées. Ce n’est pas un travail comme les autres : les premières réalités de la journée sont sanguinaires, la journée commence dans le sang. Je localisais l’abattoir la veille pour ne pas perdre de temps. Après avoir garé ma voiture, je prenais mon sac avec mon équipement et je tentais de trouver les bureaux ou, le cas échéant, je rentrais dans l’abattoir et demandais à voir un responsable. Je me présentais et j’expliquais le but de ma visite. Si la personne connaissait l’association pour laquelle je travaillais, elle me laissait en principe rentrer dans l’abattoir et faire la visite. Mais en réalité beaucoup ne savaient pas qu’elles n’étaient pas obligées de nous laisser entrer. Je m’équipais alors de la tenue réglementaire : ma blouse, mes bottes et mon casque. Habillé de blanc et de bottes alimentaires, j’étais prêt pour affronter la mort en face, sans pouvoir l’éviter aux animaux qui allaient vivre ce moment pourtant tant redouté par les hommes, mais qui n’ont pas de scrupules à le faire « vivre » aux animaux. J’effectuais parfois seul la visite, parfois avec le responsable de l’établissement, voire avec un vétérinaire ou un technicien des services vétérinaires se trouvant sur place, ou encore avec les personnes du service qualité, qui étaient en général des femmes. Je trouvais les femmes plus réceptives aux critiques et plus ouvertes à la négociation, au contraire des hommes qui se braquaient plus rapidement et avec lesquels s’installait vite un rapport de force, malgré toute la diplomatie dont je faisais preuve dans mes critiques. J’avais conscience de l’importance qu’il y avait pour moi à ne pas me tromper dans mes remarques. C’était encore plus pesant lorsque la visite s’effectuait en présence de plusieurs personnes ayant des responsabilités dans l’abattoir.

 

En général, après avoir assisté aux diverses étapes de l’abattage, je faisais le point avec le responsable ou le directeur. Je parlais de ce que j’avais trouvé de « bien », par exemple en matière d’installations dont n’étaient pas pourvus les autres abattoirs, et qui étaient de nature à améliorer la prise en compte de l’animal. Étaient également discutés les points plus critiquables et plus délicats, comme les infractions ou la pauvreté des équipements. Cette discussion devait permettre de faire prendre conscience des améliorations à mettre en œuvre par le responsable.

 

Je visitais en général deux abattoirs dans la matinée ou dans la journée, cela dépendait du temps passé dans le premier. Au-delà, c’était trop fatigant ; j’aurais alors pris le risque de voir s’altérer mes capacités d’observation et d’être moins précis dans mes constats. Il fallait également penser aux comptes rendus. Dans l’abattoir, il n’était pas bon de tout noter sur un calepin, car cela pouvait faire peur aux intervenants qui se seraient censurés. Je notais après les visites les éléments importants sur un brouillon qui me servait de support pour la rédaction des comptes rendus. C’était un exercice de mémoire colossal. Il fallait, aussi, lorsque les abattoirs avaient été visités, prévoir le départ pour une autre ville parfois distante de centaines de kilomètres. Si le temps n’était pas géré convenablement, la fatigue, les risques d’accidents, une moindre forme pour continuer le travail survenaient.

 

Ah, j’oubliais ! Entre temps, je sortais mon chien pour le promener un peu, eh oui, lui aussi avait droit à son bien-être.

 

Les constatations faisaient, outre l’entretien après la visite d’abattoir avec le responsable, l’objet d’un courrier, qui lui était adressé. Si j’avais constaté des choses graves, elles étaient, par courrier là aussi, portées à la connaissance des Directions des Services Vétérinaires des départements dans lesquels se trouvaient les abattoirs. En cas de gravité extrême, nous écrivions à la Direction Générale de l’Alimentation qui siège au Ministère de l’Agriculture. Ces différentes instances en prenaient note, nous répondaient et agissaient selon leur bon vouloir. C’est-à-dire pas à chaque fois et pas spécialement dans les cas les plus importants. Parfois une absence de réponse permettait de ne pas prendre position et de laisser se noyer, dans le bain de sang des animaux, l’action corrective qui leur aurait été utile. Cependant, il m’a toujours paru curieux d’être obligé de faire remonter les informations aux Services Vétérinaires puisque leurs agents sont présents dans les abattoirs pour contrôler l’hygiène et la salubrité alimentaire, mais aussi pour contrôler le respect des normes en matière de protection animale. Dans ce cas, le ministère ne pouvait qu’être au courant de certaines pratiques. Apparemment, certaines choses leur échapperaient, vu le nombre d’infractions ou de maltraitances en abattoir que j’ai pu constater, et qui persistent encore aujourd’hui !

 

Concrètement, pour un enquêteur de protection en abattoir (nous sommes peu nombreux), il s’agit de veiller au respect de la réglementation, en l’occurrence le décret du 1er octobre 1997 et l’arrêté du 12 décembre 1997 relatifs aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs. Il s’agit d’apporter de l’aide aux animaux en détresse ou en souffrance, en demandant parfois l’abattage immédiat d’un animal pour abréger des souffrances. Il s’agit aussi d’apporter des conseils pour améliorer la condition des animaux lors de leur unique passage à l’abattoir, dont il est interdit qu’ils sortent vivants. Je me rappelle par exemple que dans un petit abattoir de Bretagne, l’employé avait tout le mal du monde à faire entrer les cochons dans un piège rectangulaire aux parois blanches. J’ai conseillé à la direction de repeindre les parois intérieures en brun ou en noir. Le blanc est effrayant pour les animaux. S’ils reconnaissaient du brun, du noir, voire du gris, des couleurs qui leur sont familières, ils avanceraient plus facilement. Dans un autre abattoir, le tueur ne descendait le palan qui allait servir à suspendre les bovins qu’après avoir procédé à l’étourdissement. La réglementation prévoit que la saignée doit intervenir le plus rapidement possible après l’étourdissement. Il était alors plus logique de descendre en premier le palan, et d’étourdir l’animal après, afin de le saigner plus rapidement. N’y a-t-il personne d’autre, dans un abattoir, pour expliquer cette règle de bon sens ?

 

Dans certains grands abattoirs, la tenue blanche en porcherie ou en bouverie est interdite. Le blanc, je l’ai dit, est effrayant pour les animaux (d’élevage intensif). Certains abattoirs ont mis des lumières tamisées à l’entrée des pièges pour les productions à cadences élevées. Cela apporte un plus en matière de confort pour les employés ; cela évite aussi de perdre du temps à faire avancer coûte que coûte les porcs dans le couloir qui les mène au piège. Les conséquences sur la qualité de la viande ne sont pas négligeables non plus, puisque l’on diminue ainsi le stress.

 

En tout état de cause, les enquêtes d’abattoirs sont difficiles à réaliser. Il faut se lever tôt dans la nuit et trouver son chemin pour arriver à l’abattoir. Il faut ensuite se rendre dans un environnement plus ou moins hostile. Il faut affronter un milieu où règne l’horreur, et cela même lorsqu’un abattoir respecte toutes les normes. Nous pataugeons dans le sang. Nous devons supporter les cris des animaux, de ces êtres innocents qui sont apeurés et qui sont dans la détresse.

 

Pour moi, l’abattage d’un animal qui finit dans notre assiette, c’est l’abattage d’un innocent, ça revient à effectuer un acte violent, car on tue un animal en bonne santé. Cet acte est encore plus violent lors d’abattages rituels, parce que ce mode d’abattage échappe à l’obligation d’étourdissement qui doit rendre les animaux insensibles à la douleur de l’égorgement. L’étourdissement doit être pratiqué par tout le monde dans les abattoirs, sauf par les personnes de confessions juives et musulmanes, qui bénéficient à cet égard d’une dérogation. Le passage dans la gorge de la lame du couteau, qu’effectue le sacrificateur, ne peut être que douloureux, même si les pratiquants de cette forme d’abattage disent le contraire. Nous, les humains, pour la moindre opération nous nous faisons anesthésier, de façon locale ou générale. Proportionnellement, si l’on vous tranche la gorge, ça doit faire très mal, il n’y a même pas besoin d’explications scientifiques. Le bon sens suffit. Un jour, dans un abattoir, un sacrificateur musulman m’a dit : «  Nous ne pouvons pas utiliser l’étourdissement, parce qu’il faut que l’animal soit bien vivant au moment de l’égorgement, il faut même qu’il bouge les pattes pendant l’égorgement, ça montre que cela lui fait mal, et ça prouve qu’il est bien vivant !».

 

Tout abattage est violent parce que même avec un étourdissement préalable, il y a le lieu, l’odeur du sang, les cris des autres animaux, les bruits métalliques, les cadences de production qui font que le personnel pousse, coûte que coûte, d’une façon ou d’une autre, les animaux dans le piège où se passe la mise à mort. Recevoir une décharge électrique derrière les oreilles, avoir la tête plongée dans un bac d’eau à électrolyse ou le crâne perforé jusqu’à la cervelle en guise d’étourdissement, est une violence. Ce sont là les techniques d’étourdissement que j’ai pu voir dans les abattoirs. Mais cela me semble préférable à un égorgement en pleine conscience, car le but de l’étourdissement, c’est de plonger rapidement l’animal dans un état d’inconscience, jusqu’à la fin de la saignée, c’est-à-dire jusqu’au dernier souffle. L’étourdissement constitue une avancée « louable », à condition qu’il soit pratiqué correctement. Il faudrait perfectionner ces méthodes, voire en trouver de plus efficaces. C’est là un dossier sur lequel devraient travailler certaines associations.

 

Cochon attendant son abattage dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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dimanche, 13 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Aider les animaux d’abattoirs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Aider les animaux d’abattoirs

 

Pourquoi avoir quitté les chiens et les chats de la SPA pour les animaux dits d’abattoirs ? J’allais souvent voir ce qui se passait à l’ancien abattoir de Strasbourg, qui était classé « lanterne rouge », en me cachant pour observer les déchargements des animaux. Il m’avait toujours semblé évident que tous les animaux méritaient d’être secourus, même ceux qui finissaient dans l’assiette. Nous sauvions des chiens et des chats, mais les cochons et les vaches n’attiraient pas la compassion de la part des collègues. Pour me faire leur avocat, il faut dire qu’il y a beaucoup à faire avec les animaux de compagnie comme les chiens et les chats, c’est une spécialisation dans la protection animale. Je puis vous dire que ce travail est rude, et qu’il faut parfois avoir le cœur bien accroché tant les horreurs auxquelles ont affaire les SPA sont dures à supporter. Ce que l’on constate au travers des SPA est comme un baromètre qui indique le niveau de déchéance et d’appauvrissement de la conscience humaine.

 

En dehors de mes heures de travail, j’allais, le matin, le soir ou la nuit, derrière l’abattoir, parfois dans un froid glacial. Je guettais caché derrière les parois en béton. J’assistais à des mauvais traitements que le personnel ou les chauffeurs des camions infligeaient aux animaux. Les vaches qui n’avançaient pas étaient frappées, à coups de bâtons sur les os des pattes, sur la croupe jusqu’à l’éclatement de la chair, à coups de bâtons sur les naseaux qui se mettaient à saigner de façon profuse, à coups de fourches, ou par la torsion de la queue…

 

Pour les cochons ce n’était pas mieux, beaucoup d’entre eux gisaient morts sur les quais. Un chauffeur les déchargeait en ouvrant en grand les portes du camion, il leur donnait des coups de piles électriques sur n’importe quelle partie du corps, même sur la tête et sur le groin. Les cochons apeurés tombaient du camion les uns sur les autres.

 

Un jour, j’assistai au déchargement d’une truie qui ne pouvait pas marcher. La nacelle arrière du camion avait été descendue jusqu’à la hauteur d’une caisse roulante. La truie fut poussée dedans à coups de bâton. Elle tomba dans la caisse, la tête vers le bas, tandis que le reste du corps dépassait. C’est alors à l’aide de coups de pieds que le chauffeur tenta de faire rentrer tout le reste du corps dans la caisse. Mais la truie avait la tête en bas et l’arrière-train en l’air comme si elle n’était qu’un sac de pommes de terre (encore que les pommes de terre, si vous les cognez, s’abîment vite, alors je pense qu’on y fait attention). Un autre jour, une vache s’était échappée dans l’enceinte de l’abattoir. Plusieurs employés lui avaient couru après en la matraquant de coups de bâtons pour tenter de la faire revenir vers le local d’abattage.

 

Le soir, des camions remplis d’animaux se garaient derrière l’abattoir pour y passer la nuit au lieu de décharger les bovins et de les abreuver. Les transports s’étaient effectués toute la journée sous un soleil de plomb. Je m’en souviens, c’était en été. Les animaux étaient serrés dans le camion, seules de petites ouvertures leur permettaient de sortir les naseaux pour prendre de l’air. Les bovins meuglaient désespérément, ne pouvaient plus se tenir debout à l’intérieur et avaient soif pendant que le chauffeur dormait dans sa cabine. Un soir, le chauffeur m’aperçut et déplaça le camion vers le poste du gardien de l’abattoir.

 

Un autre soir, je réussis à faire dégager une vache qui était couchée : coincée sous les autres, elle ne pouvait plus se relever. Malheureusement, sur les photos que j’avais prises, on peut apercevoir une autre vache, apparemment morte, également coincée, que je n’avais pas vue parce qu’il faisait nuit. À cette époque je ne savais pas comment intervenir pour les gros animaux. La Direction des Services Vétérinaires avait ses bureaux juste en face de l’abattoir, mais je n’ai jamais assisté à une intervention quelconque de leur part.

 

Je fus alors recommandé à une association qui visite les abattoirs, par une dame qui travaillait pour la SPA. La présidente d’alors me trouvait trop gringalet pour devenir enquêteur dans le milieu des abattoirs. C’est vrai, je n’avais pas la carrure de l’un des deux autres enquêteurs, tous deux morts aujourd’hui, mais au fur et à mesure des enquêtes je devins le plus redoutable ! Bien sûr, j’ai été brutalisé, parfois frappé sur des marchés aux bestiaux. Les tentatives d’intimidation étaient nombreuses, les menaces de mort aussi. Je me souviens que sur un marché aux bestiaux, on m’avait menacé de me pendre sous la charpente en bois si je ne quittais pas le site. Je suis parti et j’ai téléphoné au directeur des Services Vétérinaires du département en question pour lui rendre compte des horreurs que j’avais vues. Il me répondit alors : « Je ne peux pas intervenir car il me faudrait un escadron de gendarmerie, c’est trop dangereux ! ». C’est vous dire les problèmes qu’il y avait sur ce marché et la crainte des autorités compétentes à cette époque. Par contre, plusieurs années après, sur un autre marché, un directeur me réconforta en me disant que chez lui, il ne m’arriverait rien, que j’étais sous sa protection. Cela m’avait beaucoup rassuré.

 

Lorsque j’ai commencé à faire de la protection animale en abattoir, l’entourage me disait : « Mais pourquoi fais-tu cela ? de toute façon les animaux sont faits pour être mangés ! » ou alors « tu veux éviter quelles souffrances, pour faire quoi ? de toute façon ils vont être tués ! ». Finalement, on me demandait à quoi pouvait bien servir d’éviter aux animaux des souffrances puisque, de toute façon, ils allaient être tués ! Heureusement, je crois que ce temps-là est révolu, du moins je l’espère. Mais on entend encore quelques réflexions comme : « Et qu’est-ce que vous faites des enfants ? des handicapés ? des prisonniers de Guantanamo ? etc… etc… ». Comme si le fait de faire de la protection animale nous rendait responsables des autres souffrances humaines, ou du moins devrait nous culpabiliser. Alors que la plupart des gens qui font ce genre de réflexion n’accomplissent rien dans leur vie. Nous faisons déjà quelque chose à notre échelle. Je connais des gens qui sont engagés sur les deux fronts : humain et animal. Je dirais qu’il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre l’espèce humaine et les espèces animales. Pas de hiérarchie non plus dans les souffrances. Pourquoi s’occuper plus des enfants que des personnes âgées ? Pourquoi collectionner des timbres ou faire partie d’une association de sauvegarde des Menhirs en Bretagne, alors que des enfants meurent de faim dans le monde ? Ce n’est pas parce qu’un médecin s’occuperait d’une personne qui aurait le bras cassé, qu’un autre ne devrait pas s’occuper d’une personne ayant une entorse à la cheville ! Ce n’est parce que des Chinois peuvent être exploités dans les usines de leur pays, qu’il ne faudrait pas s’occuper d’êtres (humain ou animal) en souffrance chez nous, en France. Rendez-vous compte que chez nous, des gens se passionnent pour le football, alors que rien qu’en 2006, 137 femmes sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ! Ce qui signifie qu’une femme meurt de violences conjugales pratiquement tous les trois jours, selon les chiffres de la Délégation aux victimes du Ministère de l’Intérieur. Pour autant, est-ce que l’on montre du doigt les amateurs de football, ou mieux les collectionneurs de briquets ? Allons !

 

En ce qui concerne ma profession, je suis éducateur technique spécialisé. J’accompagne dans mon travail des personnes handicapées mentales dans leur vie de tous les jours. Mais bon, là, je suis en train de me justifier, alors qu’il n’y a pas lieu de le faire, et toute personne suffisamment intelligente ne posera pas de questions basses et idiotes !

Je voudrais faire un aparté concernant la SPA de Paris, dont Caroline Lanty avait pris la 39e présidence, car il y eut alors selon moi un changement important. Il me semble avoir lu un article de presse où elle disait que les kermesses SPA où l’on sert de la viande pour la restauration des fêtes, ç’en serait fini. Je crois que c’est une bonne chose que cette décision, parce que j’étais l’année dernière à une « Fête des Animaux » dans un refuge où l’on recueille entre autres des animaux sauvés de l’abattoir, et l’on y servait des saucisses, des merguez et du jambon… C’est un autre débat, mais il y a là matière à réfléchir, parce que sauver des animaux pour en laisser d’autres partir à l’abattoir pose quand même quelques questions…

 

 Truie ne pouvant pas marcher, déchargée dans une caisse roulante à coup de pieds !
Phot Jean-Luc Daub

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lundi, 07 mai 2012

Bâtir en terrain non convoité

Olonne, bâtir en terrain non convoité

 

Pour ceux sur qui la compétition et la concurrence avec les autres êtres humains pèse trop lourd, pour ceux qui se sentent incapables de gagner une quelconque lutte, pour ceux qui ne veulent pas se battre dans l'arène – et qui, pourtant, souhaitent créer, mener une vie intéressante, vivre leur aventure jusqu'au bout de leurs possibilités, il existe une attitude, une solution.

Il s'agit de bâtir en terrain non convoité.

Il y a toujours des domaines qui n'intéressent personne, des métiers que personne ne choisit, des territoires que personne n'achète, des objets que personne ne collectionne, des arts que personne ne pratique, des langues que personne n'apprend, des plantes que personne ne cultive.

Il faut, pour accepter un tel destin de bâtisseur en zone délaissée, renoncer au monde en quelque sorte. Il faut renoncer à la reconnaissance, renoncer à passer pour un jeune loup brillant, renoncer une bonne fois pour toutes à faire partie des gagnants du grand jeu social.

Alors la quête peut commencer.

On peut transformer un désert en jardin ; un terrain vague pollué en ville somptueuse noyée de jardins suspendus, de parcs verdoyants, luxuriants, ondoyés de fontaines et de ruisseaux ; une maison pourrie en charmante villégiature.

Les aviateurs étaient les ratés de la Navale. Ils ont ouvert la voie du ciel.

Là où la place est laissée, je bâtis un royaume éternel.

Les avantages de l'édification en zone méprisée, sont nombreux. Le bâtisseur n'est pas exclu, comme l'est celui qui ne fait rien ; il n'est pas incapable de se réaliser à travers une œuvre, une construction : il ne renonce à rien, à rien d'autre que de faire ce que tout le monde veut faire. Il renonce à se battre pour une place en terrain surpeuplé, mais il part créer un Nouveau Monde là où personne ne veut aller.

Il se peut que vienne la reconnaissance, il se peut que les troupeaux, voyant qu'il y a là une nouvelle possibilité, viennent paître dans le champ qu'un homme avait cultivé dans l'indifférence générale, il se peut que les jeunes loups brillants viennent mettre leurs pas dans un sillon creusé dans la solitude. Qu'importe ?

Le bâtisseur a mené sa vie. Il ne s'est pas battu contre ses frères, ce qu'il était incapable de faire, et il n'en a pas été moins courageux et moins fécond. Et s'il a donné assez de valeur à son terrain pour en faire une aire convoitée, qu'il sache que les indépendants trouveront toujours d'autres zones délaissées où commencer à travailler, seuls, libres, nimbés de rêve, sous le mépris d'autrui.

 

 

 

dimanche, 06 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Mes débuts dans la protection animale

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AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Mes débuts dans la protection animale

 

J’ai fait mes premiers pas dans la protection animale en 1993 à la Société Protectrice des Animaux de Strasbourg, où j’assumais la fonction de délégué. Je promenais les chiens, je nettoyais le chenil, mais très vite j’ai été amené à faire des enquêtes lorsqu’on nous signalait de mauvais traitements sur des animaux.

 

Je me rendais alors chez les particuliers qui faisaient l’objet d’un signalement. Ce n’était pas toujours facile. Parfois les lieux étaient isolés, parfois je me rendais dans des cités dont l’état des immeubles était déplorable, sinistre et hostile, ce qui encourageait plutôt à faire demi-tour. Et tant pis pour le chien en question. Mais non… Je suis toujours allé au bout de mes interventions, même dans les abattoirs ou sur les marchés aux bestiaux. Peut-être par inconscience. Surtout parce qu’il est impossible de renoncer à une intervention lorsque l’on sait qu’un ou des animaux sont en détresse. Et puis, il y avait la possibilité d’être accompagné par la police ou la gendarmerie, lorsque celles-ci acceptaient de se montrer coopératives.

 

Dans le cadre de ces enquêtes, je me rendis dans une cité de Strasbourg à fort mauvaise réputation. Avant de sonner à la porte de la personne qui avait été dénoncée, j’avais fait une enquête de voisinage pour m’assurer de la véracité des faits qui nous avaient été signalés à l’encontre d’un chien. Je sonnai et me présentai à la personne qui me dit ne pas avoir de chien. Une astuce pour la mettre en difficulté dans son mensonge me vint à l’esprit : je lui dis alors que c’étaient les gendarmes qui m’avaient demandé de venir, et que, si elle ne me laissait pas voir le chien, je reviendrais avec eux. C’est ainsi que je pus voir le chien.

 

Pour l’apercevoir, il fallut dégager une porte de cagibi encombrée de boîtes en carton et de deux vélos qui faisaient en obstacle. Le propriétaire ouvrit la porte, et je découvris, dans une sorte de petit placard dont la lumière du jour entrait à peine au travers des barreaux en béton, un chien assis sur une épaisse couche d’excréments. Il présentait quelques escarres dues à des blessures. J’entamai un dialogue avec le propriétaire, pour savoir notamment depuis combien de temps ce chien vivait dans ce réduit et pourquoi. Cela faisait six ans qu’il vivait dans le placard parce que, selon lui, un chien n’a pas sa place dans un appartement.

 

Je n’avais pas besoin d’en entendre plus. Je lui répondis que je ne pouvais pas lui laisser le chien et que, s’il n’avait pas sa place dans l’appartement, il ne l’avait pas non plus dans un placard. J’ajoutai : « J’emmène le chien et vous me signez un document attestant que vous renoncez à la propriété du chien. Si vous n’êtes pas d’accord, je reviens avec les gendarmes ». J’obtins aisément le document et partis avec l’animal, démarche qui ne se substitue pas au dépôt de plainte.

 

Me voici en bas de l’immeuble avec le chien, une femelle, tout à sa joie de sortir, de découvrir l’herbe, la terre et même un caillou pour jouer. Un collègue de la SPA vint le chercher. Une famille d’accueil lui fut trouvée, mais elle mourut quelques mois plus tard.

 

Ces bêtes.jpg

 

 

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

 

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

dimanche, 29 avril 2012

Ces bêtes qu’on abat : Témoigner

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Témoigner

Ce livre est un témoignage élaboré à partir de souvenirs et de notes personnelles. Il est issu du journal que j’ai tenu durant mon activité dans la protection des animaux d’abattoirs. Je ne dresse pas un état des lieux ; le lecteur s’en fera une idée à travers ce livre. Mon but n’est pas non plus de nuire aux éleveurs et aux abattoirs, mais mon regard est celui d’un défenseur des animaux. Par conséquent, même s’il me semble important de soutenir certaines méthodes d’élevage plus respectueuses des animaux, ou certaines pratiques d’abattage, je me place résolument du côté des animaux qui, face à l’exploitation de leur vie et de leur chair, sont sans défense. Je cherche à faire partager cette expérience d’un milieu tout à fait spécial et fermé, celui des abattoirs, où les animaux sont envoyés pour un unique aller, sans retour. D’ailleurs, la législation prévient : tout animal entré dans un abattoir ne peut en ressortir vivant.

 

Voilà déjà quinze ans que je travaille dans des associations de protection des animaux d’abattoirs, comme bénévole ou comme salarié1. Dans cet ouvrage, j’invite le lecteur à me suivre dans mes déplacements ; il sera amené à lire des passages difficiles, qui rendent compte de situations extrêmement pénibles, pour moi, surtout pour les animaux qui les ont vécues. Je n’ai pas voulu édulcorer cette réalité.

 

Je commencerai par décrire les abattages. La connaissance de ces aspects techniques et réglementaires est nécessaire à la compréhension du déroulement d’un abattage. Les méthodes d’abattage diffèrent bien entendu selon les espèces. Il existe des pratiques illicites qui sont couramment employées. Il me faudra en parler. Certains abattoirs se conforment aux règles tandis que d’autres s’en moquent, de sorte que le lecteur en viendra probablement à s’interroger sur l’action des pouvoirs publics (les services vétérinaires, en l’occurrence) dans ce domaine. Jusqu’à présent leur préoccupation était d’ordre sanitaire, laissant de côté la protection animale dont ils ont la charge. Il faut cependant reconnaître la bonne volonté et le travail de certains services vétérinaires, mais ce sont des cas isolés. Force est de constater que lorsque des améliorations sont intervenues en matière de protection animale, ce sont en fait des mesures sanitaires qui ont permis, par ricochet, ces améliorations.

 

À la lecture de certains passages, on peut se demander si les personnes qui commettent les actes que je décris n’ont pas perdu la raison, tant ce qu’elles accomplissent est impensable. Mais dans le système de l’élevage et de l’abattage, qu’est-ce qu’un animal sinon une carcasse de viande ? Quelle est la place de l’animal vivant dans un abattoir, sinon celle d’être transformé en morceaux de viande ? D’ailleurs, le bureau de la protection animale du Ministère de l’Agriculture est chapeauté par la Direction Générale de l’Alimentation ! Nous avons là un élément révélateur de la place de l’animal dans notre société.

 

En agriculture, on calcule les rations en fonction du gain moyen quotidien (GMQ) que doit « fournir » l’animal. Le GMQ représente la prise de poids par jour que l’animal « fabrique » si l’éleveur lui donne une certaine quantité d’aliments. L’animal vivant n’est souvent perçu que comme une carcasse de viande sur pattes. Dans cette optique, on a vite fait d’oublier que l’animal, même au terme programmé de sa vie, est doté d’une sensibilité, de craintes et de peur et que jusqu’à l’abattoir, il faut prendre en compte son bien-être et sa sensibilité, ce qui est totalement ignoré, notamment en élevage intensif, majoritaire en France et dans le monde économique de la production animale.

 

Lors de mes déplacements dans les abattoirs français, je me rendais assez facilement compte de la manière dont le bien-être des animaux était ou non pris en compte jusqu’à la fin. Dans les grands abattoirs aux cadences chronométrées, il est difficile de s’attarder sur un animal qui ne veut pas avancer. Les porcs, notamment, sont souvent conduits au poste d’abattage sans ménagement. Il est possible d’améliorer le bien-être des animaux avant et pendant l’abattage, mais cela a un coût qui devra probablement être supporté par le consommateur. Ce dernier, toujours prêt à s’émouvoir du sort des animaux en élevage intensif se rue pourtant sur les produits carnés bon marché. Sommes-nous disposés à payer plus cher notre morceau de viande, pour quelque chose que l’on ne voit pas, puisque le traitement des animaux dans les élevages intensifs et dans les abattoirs nous demeure étranger ? À ceux qui ne le savent pas, je voudrais révéler ce fait : la plupart des animaux élevés de manière industrielle découvrent la lumière du jour lors de leur envoi à l’abattoir. C’est même, pour beaucoup, lors de ce transfert, qu’ils ont l’occasion de faire leur premier pas. Voilà ce que nous cautionnons lorsque nous achetons une barquette de lard ou un poulet à plus bas prix. Je citerai en exemple un abattoir de volailles qui s’est équipé d’un nouveau matériel d’étourdissement avant la saignée qui constitue une avancée majeure dans la prise en compte de la souffrance des animaux au moment de leur mise à mort. Cependant, les volailles qui y sont abattues proviennent pour la plupart d’élevages concentrationnaires et intensifs. Elles sont même parfois ramassées par une sorte d’engin mécanique qui les balaye, les absorbe et les rejette dans des caisses en plastique.

 

J’emmènerai aussi le lecteur sur un marché aux bestiaux sur lequel j’ai été physiquement agressé. Je ne cherche pas ainsi à gagner sa pitié, mais à montrer dans quelle frénésie se trouvait le milieu de l’élevage et de la viande en pleine période de la crise de la vache folle.

 

J’ai ponctué cet ouvrage de chapitres qui n’ont pas directement à voir avec les abattoirs, mais qui traitent de situations en rapport avec mes déplacements, et que j’ai cru bon d’intégrer, peut-être aussi pour permettre au lecteur de respirer un peu.

 

Si vous voulez bien entrer dans cet univers, en général fermé au public et déconseillé aux âmes trop sensibles sous peine de ne plus manger de viande… Suivez-moi.

 

1 La discrétion m’invite à ne nommer ni les associations de protection des animaux d’élevage pour lesquelles j’ai travaillé, ni les personnes que j’ai rencontrées, ni les abattoirs que j’ai visités ; je ne les ai pas non plus décrits de manière à ce qu’il soit possible de les identifier.

 

  Couloir de la mort pour bovins dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

60. Couloir de la mort pour bovins dans un abattoir, Jean-Luc Daub

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

 

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vendredi, 20 avril 2012

Bob Dylan, Georges Marchais et la « lumpen-immigration »

Charles Martel, le passage obligé 2.jpg

La position de Bob Dylan, en 1967, et de Georges Marchais, en 1980, sur l’immigration "délinquante" était loin de la générosité de celle qui prévaut aujourd'hui chez les journalistes, artistes et politiques.

Ils ont tous deux fait une description radicalement désapprobatrice des immigrés qui ne vivent pas dans le pays qu’ils aiment et crachent sur le pays dans lequel ils vivent. Leur condamnation est sans appel, contre ceux qui parviennent à desservir deux pays à la fois, leur pays d’origine et leur pays d’accueil, et ne cherchent qu'à se servir sans jamais servir.

Ainsi ces deux grands militants de la Gauche, la gauche structurée de Marchais et la gauche anarchisante de Dylan, ont montré une sévérité intellectuelle étonnante à propos de ce que l’on pourrait appeler la « lumpen-immigration », pour paraphraser Marx condamnant le « Lumpen-Prolétariat ».

(Lump signifie vagabond en allemand, mais a vite pris le sens de racaille, et chez Marx signifie voyou, délinquant).

Georges Marchais réfute les accusations de racisme et de pétainisme, et affirme sa lutte contre la drogue, dont les principaux distributeurs sont les immigrés.

Quant à Bob Dylan, il a consacré une chanson à l'immigré qui vit dans un pays alors qu'il aurait préféré son pays natal, qui hait sa vie autant qu'il craint la mort, qui dépense ses forces dans des actions idiotes et néfastes, qui n'est jamais satisfait de ce qu'il a et se venge de ses propres turpitudes sur ses concitoyens.

Voyons cela.

Le discours de Georges Marchais :

 

La chanson de Bob Dylan :

I pity the poor immigrant
Who wishes he would've stayed home
Who uses all his power to do evil
But in the end is always left so alone.
That man who with his fingers cheats,
And who lies with every breath
Who passionately hates his life,
And likewise fears his death.

J'ai pitié du pauvre migrant qui regrette de n'être pas resté chez lui
Qui use de tous ses pouvoirs pour faire le mal et finit toujours tout seul.
Cet homme qui trompe à chaque geste, qui ment comme il respire,
qui hait passionnément sa vie et qui craint tout autant sa mort.

I pity the poor immigré,
Who's strength is spend in vain,
Who's heaven is like ironsides,
Who's tears are like rain.
Who eats but is not satisfied,
Who hears but does not see.
Who falls in love with wealth itself,
And turns his back on me.

J'ai pitié du pauvre immigré dont les forces sont dépensées en vain,
dont le paradis est blindé Dont les larmes sont comme la pluie.
Il mange sans être rassasié, il écoute et ne voit rien.
Il est avide de richesses et tourne le dos aux êtres humains.

I pity the poor immigrant,
Who tramples through the mud
Who fills his mouth with laughing
And who builds his town with blood.
Who's visions in the final end
Must shatter like the glass,
I pity the poor immigrant
When his gladness comes to pass.

J'ai pitié du pauvre immigré qui patauge dans la boue
Qui remplit sa bouche de rires et construit sa ville avec du sang.
Ses visions sont faites pour éclater comme du verre.
J'ai pitié du pauvre immigré au moment où sa joie tourne court.

 

vendredi, 06 avril 2012

La matière du rêve

ésotérisme, développement personnel, mystique, la voie du surfeur, la voie du Tao, la vague

La vie est un rêve et pour rester accrocher à sa matière on peut suivre une voie. Certains suivent la voie du Tao ; d'autres, la voie du surf ; d'autres, la voie yoguique. Toutes les églises ont leurs grandeurs et leurs faiblesses.

Nous présentons ici la voie de l'infant. Elle s'appuie sur sept principes, auxquels il faut revenir plusieurs fois par jour afin d'approfondir notre ancrage dans la matière du rêve qui est la vie, afin de progresser sur la voie, d'être plus heureux et de rendre les autres plus heureux.

Pourquoi la voie "de l'infant" ? Parce que ce mot vient de infans, celui qui ne parle pas. Mais on pourrait tout aussi bien l'appeler la voie du poisson. "The fish is mute, expressionless. But the fish knows everything", comme l'écrivit Emir Kusturika, ce que Bregovic mit en chanson :

Et l'enfant, comme le poisson, représente celui qui marchait sur les eaux, devant des pêcheurs médusés, sur le lac de Tibériade... Ils peuvent aussi représenter Dylan eil Ton, fils de la vague, héros mythique celte.

ésotérisme, développement personnel, mystique, la voie du surfeur, la voie du Tao, la vague

 

 

Premier principe : La vague

Suivre la vague, m'y abandonner.
Ne jamais lutter contre la vie et ses flux, accepter la violence des éléments, épouser les mouvements de l'onde et surfer sur la vague. Platitude des eaux, violence de leur déchaînement : accepter et se laisser porter.

 

Second principe : Le silence

Faire le vide en moi, le silence en mon esprit, et écouter Dieu le Père tout-puissant, le laisser m'emplir et me parler. Ensuite, je suis la direction entendue ou sentie lors de la prière, dans la confiance inconditionnelle.

 

Troisième principe : La respiration

 

Je m'apaise et j'observe le flux et le reflux de ma respiration. j'écoute son rythme, j'en note les variations, sans tenter d'influer. Au bout de quelques minutes seulement, je peux essayer d'amplifier légèrement l'inspiration et l'expiration. Et, de quelques minutes plus tard, je peux amplifier encore plus.

 

Quatrième principe : La circulation

Fermer les yeux, tenter de sentir la circulation intérieure, entre les organes, dans le sang, sous la peau. Sentir ce qui bouge, prendre conscience de la fluidité intérieure, des masses internes mouvantes et palpitantes.

 

Cinquième principe : La sensation

 

Se recentrer sur les sensations que je veux éprouver dans la vie. Si, par exemple, les sensations que je souhaite éprouver sont la tendresse, l'exaltation, la puissance, la paix, la confiance, la joie... Je les créée en moi, l'une après l'autre, afin de me rappeler qu'elles existent et de leurs faciliter le passage la prochaine fois où elles voudront monter spontanément.

 

Sixième  principe : L'obstacle

 

Comme dans un mythe ou un conte, l'obstacle est ce qui me transforme en héros. L'humilité m'amène un auxiliaire qui résout mon obstacle et le courage me permet d'obtenir la reconnaissance. Si je suis humble, mais dépourvue de courage, j'aurais une aide pour résoudre mon problème mais je n'aurai aucune reconnaissance, aucun honneur. Si je suis courageuse, mais dépourvue d'humilité, je gagnerai l'admiration d'autrui, mais en l'absence d'aide miraculeuse, il n'est pas sûr que je surmonte mon problème.

 

Septième principe : La lumière

 

Voir d'où vient la lumière et où elle se pose, voir ce qui est à l'ombre, et ce, les yeux fermés comme avec les yeux ouverts. Les yeux fermés, il s'agit de noter les points sombres et les points lumineux dans le pétillement de couleurs et de formes que l'on voit sur la paroi de nos paupières intérieures. Les yeux ouverts, il suffit d'identifier les sources de lumière (une lampe, un néon, une fenêtre), et de noter les éléments éclairés par cette lumière, les éléments qui restent plus ombreux, d'étudier les reflets. Accepter la sagesse de cette double présence de l'ombre et de la lumière, comprendre que notre monde est aussi une illusion d'optique.

 

Comment entrer dans la voie du poisson, marcher sur la voie de l'infant...
Ces sept principes doivent être retenus et l'on peut y revenir souvent dans la journée. Se les remémorer, tacher de les vivre, quitter les sphères du mental pur ou du matériel pur pour s'ancrer dans la matière, cette matière mêlée de corps et d'imaginaire, de lumière et de mouvement, de moi et du monde, qui est la matière du rêve et de la vie.

 

Le soldat inconnu

 

mardi, 03 avril 2012

Intemporalité

Édith de CL, hommes politiques, silence, intemporalité, actualité, indigestion, Ingmar Bergman, Virginia Woolf, Jules César, Edith Morning


"Aujourd'hui, la réalité est absurde, aussi horrible, aussi impénétrable que nos rêves. Et face à elle, nous sommes sans défense, comme dans nos cauchemars..."
Ingmar Bergman

« La vie est un rêve, c'est le réveil qui nous tue ».
Virginia Woolf

"Si j’avais su que les rêves sont réels et le monde illusion, j’aurais inversé ma vision de la liberté et celle de la prison. Mais les menteurs amers disent décriant les images qu’elles sont illusoires, et nous entraînent dans leur " réel " qui n’existe que dans leurs sombres couloirs".
Édith Morning

Édith de CL, hommes politiques, silence, intemporalité, actualité, indigestion, Ingmar Bergman, Virginia Woolf, Jules César, Edith Morning

 Détresse

Nous manquons souvent d'air, de ciel, d'espace, d'eau, de soleil, de vent. Nous qui vivons dans des villes belles et fascinantes mais si artificielles, nous qui vivons dans des campagnes poudrées de pesticides. Nos corps sont en manque.

Mais nos esprits ? Assaillis par les mots qui sonnent, les mots de la politique, de l'administration, de la mode, des techniques, assaillis même par les mots des fictions prévisibles aux scénarios bien ficelés, par les mots des chansons trop fades, des dialogues de romans et de films trop faciles, ils manquent eux aussi de ciel mental et de vent imaginal, de forêt littéraire et d'océan assez vides pour être contemplés sans perturbation.

Nos esprits sont en manque d'intemporalité.


Dévoration

L'actualité nous avale autant que nous l'avalons. L'homme informé et la connaissance s'entre-dévorent.

La place qu'ont prit les célébrités dans notre monde nous a démunis de nous-mêmes. Chaque fois que nous les écoutons parler d'un thème qui ne les concerne pas, nous leur donnons un pouvoir sur nous, nous nous rendons inférieurs à eux en leur laissant implicitement la primauté de la parole. Alors que dire de toutes ces exigences que nous avons envers eux ? Nous croyons affirmer nos droits en exigeant des politiques qu'il s'expriment, qu'ils décrètent, qu'ils montrent quel est leur camp, qu'ils tranchent ! Mais ce que nous affirmons, c'est que nous ne valons rien et qu'ils sont Ceux qui savent, Ceux qui dictent.

Une expression revient souvent : « nos gouvernants », « nos élites ». Est-ce qu'un citoyen se doit d'avoir des gouvernants et des élites ? Des représentants ne lui suffisent-ils pas ?

Il ne se passe pas un jour sans que des centaines de commentaires aient lieu sur les événements menus ou grands de ce monde.


Avalanches de condamnations

Les « condamnations ». Lorsqu'un crime est commis ou tout simplement lorsque une phrase de travers est prononcée, les politiques « condamnent ». Chacun à son tour prend la peine de faire une déclaration pour « condamner » ce qui vient d'avoir lieu. D'ailleurs, s'ils ne le font pas, nous faisons le siège afin qu'ils s'expriment, qu'ils condamnent enfin ! Or, si un crime est un crime c'est à la justice de le condamner. Si une phrase de travers n'est pas condamnable par le droit, en quel nom ces politiques la condamnent-ils ? Cette profusion de condamnations hebdomadaires condamne surtout la bonne marche du droit.


Avalanche de réactions

Les « réactions » sont mois critiquables que les condamnations puisqu'elle ne prennent pas la place d'une institution. Nous entendons presque tous les jours des réactions à des événements qui quelquefois n'ont aucun rapport avec la politique. Les personnes politiques réagissent perpétuellement à un nombre incalculable de faits. Ces réactions nous abrutissent et parviennent même à nous faire oublier que certains faits, non négligeables sont passablement passés sous silence ! On réagit très fort tout ensemble sur telle acte, tandis que quelque chose a lieu autre part, dans un silence bien étonnant. Les réactions quotidiennes aux événements incessants empêchent le silence de s'exprimer, de prendre sa place dans notre monde. L'individu a besoin de silence, de temps d'absence. La société est comme lui : elle étouffe si elle n'a pas des moments de flottement, sans mots. Des moments où elle vit sans commenter immédiatement ce qu'elle vit.

L'impossibilité de l'inspiration, lorsqu'on est toujours sur le pont des paroles, est évidente. Or, si nos phrases ne sont pas inspirées par autre chose que par le besoin de parler, elles n'ont aucune valeur, aucune force.

Exercices d'éternité

« Ce qui fait la noblesse d'une chose, c'est son éternité »
Léonard de Vinci

Quelques exercices permettent de se reconnecter à l'intemporalité du monde, à l'éternel.

S'exercer à parler d’événements et de sujets qui n'ont rien à voir avec l'actualité. Une grande conversation, par exemple, sur la bataille de Bouvines, ou sur les traditions de confitures à travers le temps et le monde, ou encore sur l'histoire des plages de France, ou enfin sur les différentes espèces de pins européens.

Puiser aux sources mêmes : ne plus lire des livres sur Jules César, mais goûter aux récits écrits par Jules César lui-même. Se plonger dans les textes-sources, même s'ils sont abrupts, même si on ne les comprend plus tels quels. Ne plus lire des livres d'histoire, mais acheter l'édition d'un journal d'un marchand du XVII°siècle et entrer dans la peau de ce personnage.

S'exercer à parler d'une façon telle que des gens d'il y a cinquante ans, des gens qui vivront dans cinquante ans, puissent comprendre et suivre notre syntaxe, notre vocabulaire. Essayer d'élargir à un siècle : parler en songeant à se faire comprendre des gens d'il y a cent ans, des gens qui viendront dans cent ans.

 

 

Édith de CL

 

 

lundi, 12 mars 2012

Le menu de Pythagore

sara, porphyre, pythagore, alimentation, grèce antique

Sara nous envoie ce passage de la vie de Pythagore, par Porphyre. Nous y apprenons comment l'auguste mathématicien s'alimentait, cinq siècles environ avant notre ère. AlmaSoror engage ses visiteurs à s'alimenter comme le Maître pendant une semaine, et à nous envoyer le retour de leur expérience. 

Au déjeuner, des rayons de cire ou du miel ; au dîner, du pain de mil, de la galette, des légumes bouillis ou cru, rarement de la viande de victimes sacrificielles, et encore non pas de toutes les parties. Le plus souvent, quand il devait pénétrer dans un sanctuaire des dieux et passer là un certain temps, il usait de nourritures qui arrêtent la faim et la soif ; contre la faim, il faisait un mélange de graine de pavot, de sésame, d’écorce de scille lavée avec soin jusqu’à ce qu’elle eût perdu son suc, de tiges d’asphodèles, de feuilles de mauve, de farine, d’orge, de pois chiche, tous ingrédients qu’il coupait en portion égales et arrosait de miel de l’Hymette ; contre la soif, il mêlait graine de concombre, raisin gluant dont il avait enlevé les pépins, fleur de coriandre, mauve - la graine également -, pourpier, fromage râpé, fleur de farine de blé, crème de lait, le tout mélangé avec du miel des îles."

Porphyre, Vie de Pythagore

Traduction Ed. des Places, Les Belles Lettres, 1982

 

 Nous avions déjà mentionné Pythagore dans un article sur la condition animale et les défenseurs de la vie des animaux...


 

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Pythagore

 

 

vendredi, 09 mars 2012

Méditation contrebaroque

Edith de CL, méditation, contrebaroque, Hélène Lammermoor, traduction, traductologie, langue hawaïenne, hawaïen

2 photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva


On sait qu'Hélène Lammermoor écrivait toujours assise, couchée vers la Croix du Sud. Elle se souvenait de la lumière poussiéreuse de l'Atlantique d'Olonne, une voix intérieure lui dictait des textes dont elle avouait ne pas saisir le sens d'ensemble.

 

J'ai entrepris la traduction de cette méditation contrebaroque à une époque de ma vie où les réminiscences de rêve dont ce texte est chargé faisaient écho à des émois en moi profonds. Je l'offre ici tel que je l'ai traduit à cette époque, nu, sans correction, sans addendum, sans explication. L'oeuvre d'Hélène Lammermoor se goûte quand on n'a plus goût à rien. Alors la magie vitale de la littérature allume à nouveau le creux du ventre, et le lecteur se redresse et marche ressuscité sur la route du monde.

 

Édith de CL, 2010


 

 

Méditation contrebaroque

Edith de CL, méditation, contrebaroque, Hélène Lammermoor, traduction, traductologie, langue hawaïenne, hawaïen


I

J'ai retrouvé des traces.

La poussière du temps, des pierres, des volets. Les ruines vivantes. Les pins, la lande, leurs odeurs ; au fond du sentier, l'ouverture sur la mer salée. La bague transmise, les poèmes naissants, la longue après-midi qui s'écoule sans souci.

Au loin, dans une bâtisse qui résonne, des frères disent la messe. La grosse cloche lancine.

 

II

Ferme les yeux. Écoute la voix d'un rêve qui vient de loin.

Dans la ville où tu marches, les pierres pensent. Les femmes sont silencieuses et les hommes te sourient. De grandes bêtes sauvages se baladent parmi les hommes. Et tous, tous respectent le pouvoir immense des salamandres. Elles sont cachées dans les feuillages, vivant une vie de mystère, à côté de ton cœur.

Tu vois des vignes pousser sur les places et sur les murs des maisons, tu vois les enfants jouer, leurs cris nettoient ton sang. Et soudain tu comprends que tu es un être merveilleux, toi aussi tu hantes la ville et tu fascines ceux qui écoutent les sens du dimanche après-midi.

 

III

Dans la nuit de ton corps, d'un coup tout devient bleu. Les cris des dauphins surgissent de nulle part. Ils jouent dans les vagues, ils nagent, sautent, plongent, leurs éclats de rire résonnent dans ta peau.

Au-dessus de la mer, les mouettes fascinées hurlent, glissent entre les vagues – les dauphins leur disent Venez ! Venez ! Venez voler au sein de nos éclats de rire ! Et les mouettes s'en vont danser dans l'horizon, s'en vont montrer qu'elles sont belles. Les dauphins les contemplent, les oublient, reprennent leurs jeux.

 

IV

Un homme, il ressemble à un ange, s'approche de toi. Il te veut donner la main, cela te fait rire, tu lui prends la main. Vous marchez vers la haute porte de la ville, pour rejoindre la forêt. Vous parlez une nouvelle langue, que tu comprends très bien. C'est la langue hawaienne, peut-être, d'où naîtra la dernière vague du monde. Des bulles flottent autour de vous et dans le ciel. Des enfants venus d'Islande voyagent en montgolfières. Les bruits des insectes prennent toute la place et tes jambes sont contentes de marcher sur des touffes d'herbe. Tu te retournes ; derrière toi, la ville s'efface.

 

Hélène Lammermoor

 

dimanche, 04 mars 2012

Qu'un sang pur abreuve nos fantasmes !

 Robert Wyatt, the Animal Film, Tribunal Animal, Un jour ordinaire, The Red Paintings, We belong to the sea, La Protection mondiale des animaux de ferme, PMAF, L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir, OABA, L214, éthique et animaux, éthique animale, Apollonios de Tyane, Philostrate le sophiste, sophisme, exploitation animale, antispécisme, sacrifice animal, religion, égorgement,Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat : journal d'un enquêteur dans les abattoirs français,Jeffrey Moussaieff Masson, Quand les éléphants pleurent, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Ethique animale, Charles Patterson, Eternel Treblinka, Isaac Bashevis Singer

 

Chevreaux et agneaux, mes frères, mes petits martyrisés, voici comment Philostrate le sophiste parlait de vous et trouvant son propre foie trop chargé de bile pour contenir des indications sur l'avenir, vous vouait, vous autres, aux sacrifices.

Ah ! Le temps des religions qui égorgent n'est pas fini ! Et quand ce ne sont pas les religions, c'est l'arrogance et l'argent qui vous sacrifient sur l'autel de la consommation.

Je profite de ce billet pour rappeler quelques textes qu'AlmaSoror fit pour les animaux, et pour donner quelques liens vers de plus fraternelles pensées envers les bêtes.

 

Extrait de la Vie d'Apollonios de Tyane

 

"Il est concevable que des animaux dépourvus de raison, du fait même qu'on les égorge alors qu'ils n'ont aucune idée de la mort, aient des entrailles dépourvues de trouble, parce qu'ils ignorent le sort qui les attend ; mais un être humain, qui a toujours la crainte de la mort présente à l'esprit, même lorsque celle-ci n'est pas menaçante, comment penser que, lorsqu'elle est là sous ses yeux, il sera capable de donner, par ses entrailles, des indications sur le futur, ou même qu'il est susceptible d'être offert aux dieux ?

 

Pour te prouver que ma conjecture est exacte et conforme à la nature, je te prie, Seigneur, de réfléchir à ceci : le foie, où, selon les praticiens de cet art, réside comme le trépied de leur divination, n'est pas composé de sang pur - tout le sang pur, en effet, est contenu dans le cœur, qui l'envoie, par les canaux sanguins, à travers tout le corps ; la bile qui est enfermée dans le foie est enflée par la colère et, sous l'action de la peur, rentre dans les cavités du foie. Bouillonnant sous l'action d'excitants, incapable de demeurer à l'intérieur de son réceptacle, elle déborde et se répand dans tout le foie, ce qui fait que la bile occupe toutes les parties lisses et prophétiques des entrailles ; inversement, sous l'action de la peur, elle se rétracte et condense en elle en même temps la lumière qui brille dans les parties lisses, car ce qu'il y a dans le foie de sang pur se retire alors, ce sang qui gonfle le foie en coulant sous sa membranes extérieure et qui recouvre sa partie turbide. À quoi bon, alors, un meurtre, si les entrailles ne doivent donner aucun présages ? Or, la nature humaine fait qu'elle a conscience de la mort et que les victimes au moment de mourir, si elle périssent courageusement, sont remplies de colère et, si elles se laissent abattre, meurent dans la crainte. C'est pourquoi l'art divinatoire, sauf chez quelques barbares ignorants, conseille d'immoler des chevreaux et des agneaux, car ce sont des animaux stupides et presque dénués de sensibilité, mais considère que les coqs, les porcs, les taureaux, qui sont des animaux d'un tempérament passionné, ne sont pas aptes à servir à ses mystères."

Philostrate le Sophiste, "La vie d'Apollonios de Tyane

 

Sur nos terres de poussières virtuelles, allez lire :

L'abattoir, dans l'album poétique d'AlmaSoror

Persona Grata

La phrase qui ouvrit l'année 2010

Une marche humaine...

 

Ailleurs, vous trouverez des hérauts frissonnants d'horreur et de nervosité qui se battent au milieu des silences et des fêtes pour les autres animaux, ceux qui ne parlent pas.

L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir

L214, éthique animale

La Protection mondiale des animaux de ferme

 

En musique, écoutons ensemble :

Tribunal animal

Un jour ordinaire

The Animal Film, la musique d'un documentaire sur toutes les formes d'exploitation animale par le musicien Robert Wyatt

The Red Paintings, groupe de rock animaliste

 

LIVRES à explorer...

Eternel Treblinka

De Charles Patterson

Sur les camps de concentration et de massacre pour animaux (l'analogie est de l'écrivain Isaac Bashevis Singer)

 

Ethique animale

De Jean-Baptiste Jeangène Vilmer



Quand les éléphants pleurent

De Jeffrey Moussaieff Masson

Sur la vie émotionnelle des animaux

Ces bêtes qu'on abat : journal d'un enquêteur dans les abattoirs français

de Jean-Luc Daub

 

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samedi, 18 février 2012

Eau de vie, espace, solitude et liberté pour les mouflets d’antan

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Claude racontait ce weekend que son père allait à l’école seul, à pied, au début du siècle précédent. Il avait trois quarts d’heure de route et la Bourgogne était froide. Alors, pour la route, ses parents lui mettaient du journal dans ses chaussures et une bouteille de gnôle pour se réchauffer à bonnes lampées aux moments d’épuisement.
Oui, il y a soixante-dix ans les gamins marchaient quarante minutes dans les grands froids de l’aube hivernale en buvant des lampées de gnôle de pomme ou de mirabelle. Et ils n’étaient pas plus malheureux ni plus drogués que nos petits d’aujourd’hui.

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La route de l'école la nuit



Alors, pour fabriquer votre gnôle, c’est ici

Pour repeupler la France intérieure et créer des écovillages solidaires, c’est ici

Pour lire la mémoire d'Equihen, par une habitante de là-bas, c'est ici

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vendredi, 03 février 2012

Carvos Loup : Cuisine

Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.

Carvos Loup, cuisine, soul kitchen

Le rock & roll a baigné toutes les scènes quotidiennes d'un monde aussi matériel que son inspiration est spirituelle. Et au fond de nos souvenirs le son de l'aspirateur se mélange aux rythmes des guitares américaines. Je bois trop de café chaque jour et les souvenirs à trier s'accumulent sur la table de mon bureau intérieur. Je n'ai pas le courage d'entamer la taxinomie de ma mémoire. J'attends que le temps passe - et il passe, sans que rien ne se passe.