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dimanche, 13 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Aider les animaux d’abattoirs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Aider les animaux d’abattoirs

 

Pourquoi avoir quitté les chiens et les chats de la SPA pour les animaux dits d’abattoirs ? J’allais souvent voir ce qui se passait à l’ancien abattoir de Strasbourg, qui était classé « lanterne rouge », en me cachant pour observer les déchargements des animaux. Il m’avait toujours semblé évident que tous les animaux méritaient d’être secourus, même ceux qui finissaient dans l’assiette. Nous sauvions des chiens et des chats, mais les cochons et les vaches n’attiraient pas la compassion de la part des collègues. Pour me faire leur avocat, il faut dire qu’il y a beaucoup à faire avec les animaux de compagnie comme les chiens et les chats, c’est une spécialisation dans la protection animale. Je puis vous dire que ce travail est rude, et qu’il faut parfois avoir le cœur bien accroché tant les horreurs auxquelles ont affaire les SPA sont dures à supporter. Ce que l’on constate au travers des SPA est comme un baromètre qui indique le niveau de déchéance et d’appauvrissement de la conscience humaine.

 

En dehors de mes heures de travail, j’allais, le matin, le soir ou la nuit, derrière l’abattoir, parfois dans un froid glacial. Je guettais caché derrière les parois en béton. J’assistais à des mauvais traitements que le personnel ou les chauffeurs des camions infligeaient aux animaux. Les vaches qui n’avançaient pas étaient frappées, à coups de bâtons sur les os des pattes, sur la croupe jusqu’à l’éclatement de la chair, à coups de bâtons sur les naseaux qui se mettaient à saigner de façon profuse, à coups de fourches, ou par la torsion de la queue…

 

Pour les cochons ce n’était pas mieux, beaucoup d’entre eux gisaient morts sur les quais. Un chauffeur les déchargeait en ouvrant en grand les portes du camion, il leur donnait des coups de piles électriques sur n’importe quelle partie du corps, même sur la tête et sur le groin. Les cochons apeurés tombaient du camion les uns sur les autres.

 

Un jour, j’assistai au déchargement d’une truie qui ne pouvait pas marcher. La nacelle arrière du camion avait été descendue jusqu’à la hauteur d’une caisse roulante. La truie fut poussée dedans à coups de bâton. Elle tomba dans la caisse, la tête vers le bas, tandis que le reste du corps dépassait. C’est alors à l’aide de coups de pieds que le chauffeur tenta de faire rentrer tout le reste du corps dans la caisse. Mais la truie avait la tête en bas et l’arrière-train en l’air comme si elle n’était qu’un sac de pommes de terre (encore que les pommes de terre, si vous les cognez, s’abîment vite, alors je pense qu’on y fait attention). Un autre jour, une vache s’était échappée dans l’enceinte de l’abattoir. Plusieurs employés lui avaient couru après en la matraquant de coups de bâtons pour tenter de la faire revenir vers le local d’abattage.

 

Le soir, des camions remplis d’animaux se garaient derrière l’abattoir pour y passer la nuit au lieu de décharger les bovins et de les abreuver. Les transports s’étaient effectués toute la journée sous un soleil de plomb. Je m’en souviens, c’était en été. Les animaux étaient serrés dans le camion, seules de petites ouvertures leur permettaient de sortir les naseaux pour prendre de l’air. Les bovins meuglaient désespérément, ne pouvaient plus se tenir debout à l’intérieur et avaient soif pendant que le chauffeur dormait dans sa cabine. Un soir, le chauffeur m’aperçut et déplaça le camion vers le poste du gardien de l’abattoir.

 

Un autre soir, je réussis à faire dégager une vache qui était couchée : coincée sous les autres, elle ne pouvait plus se relever. Malheureusement, sur les photos que j’avais prises, on peut apercevoir une autre vache, apparemment morte, également coincée, que je n’avais pas vue parce qu’il faisait nuit. À cette époque je ne savais pas comment intervenir pour les gros animaux. La Direction des Services Vétérinaires avait ses bureaux juste en face de l’abattoir, mais je n’ai jamais assisté à une intervention quelconque de leur part.

 

Je fus alors recommandé à une association qui visite les abattoirs, par une dame qui travaillait pour la SPA. La présidente d’alors me trouvait trop gringalet pour devenir enquêteur dans le milieu des abattoirs. C’est vrai, je n’avais pas la carrure de l’un des deux autres enquêteurs, tous deux morts aujourd’hui, mais au fur et à mesure des enquêtes je devins le plus redoutable ! Bien sûr, j’ai été brutalisé, parfois frappé sur des marchés aux bestiaux. Les tentatives d’intimidation étaient nombreuses, les menaces de mort aussi. Je me souviens que sur un marché aux bestiaux, on m’avait menacé de me pendre sous la charpente en bois si je ne quittais pas le site. Je suis parti et j’ai téléphoné au directeur des Services Vétérinaires du département en question pour lui rendre compte des horreurs que j’avais vues. Il me répondit alors : « Je ne peux pas intervenir car il me faudrait un escadron de gendarmerie, c’est trop dangereux ! ». C’est vous dire les problèmes qu’il y avait sur ce marché et la crainte des autorités compétentes à cette époque. Par contre, plusieurs années après, sur un autre marché, un directeur me réconforta en me disant que chez lui, il ne m’arriverait rien, que j’étais sous sa protection. Cela m’avait beaucoup rassuré.

 

Lorsque j’ai commencé à faire de la protection animale en abattoir, l’entourage me disait : « Mais pourquoi fais-tu cela ? de toute façon les animaux sont faits pour être mangés ! » ou alors « tu veux éviter quelles souffrances, pour faire quoi ? de toute façon ils vont être tués ! ». Finalement, on me demandait à quoi pouvait bien servir d’éviter aux animaux des souffrances puisque, de toute façon, ils allaient être tués ! Heureusement, je crois que ce temps-là est révolu, du moins je l’espère. Mais on entend encore quelques réflexions comme : « Et qu’est-ce que vous faites des enfants ? des handicapés ? des prisonniers de Guantanamo ? etc… etc… ». Comme si le fait de faire de la protection animale nous rendait responsables des autres souffrances humaines, ou du moins devrait nous culpabiliser. Alors que la plupart des gens qui font ce genre de réflexion n’accomplissent rien dans leur vie. Nous faisons déjà quelque chose à notre échelle. Je connais des gens qui sont engagés sur les deux fronts : humain et animal. Je dirais qu’il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre l’espèce humaine et les espèces animales. Pas de hiérarchie non plus dans les souffrances. Pourquoi s’occuper plus des enfants que des personnes âgées ? Pourquoi collectionner des timbres ou faire partie d’une association de sauvegarde des Menhirs en Bretagne, alors que des enfants meurent de faim dans le monde ? Ce n’est pas parce qu’un médecin s’occuperait d’une personne qui aurait le bras cassé, qu’un autre ne devrait pas s’occuper d’une personne ayant une entorse à la cheville ! Ce n’est parce que des Chinois peuvent être exploités dans les usines de leur pays, qu’il ne faudrait pas s’occuper d’êtres (humain ou animal) en souffrance chez nous, en France. Rendez-vous compte que chez nous, des gens se passionnent pour le football, alors que rien qu’en 2006, 137 femmes sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ! Ce qui signifie qu’une femme meurt de violences conjugales pratiquement tous les trois jours, selon les chiffres de la Délégation aux victimes du Ministère de l’Intérieur. Pour autant, est-ce que l’on montre du doigt les amateurs de football, ou mieux les collectionneurs de briquets ? Allons !

 

En ce qui concerne ma profession, je suis éducateur technique spécialisé. J’accompagne dans mon travail des personnes handicapées mentales dans leur vie de tous les jours. Mais bon, là, je suis en train de me justifier, alors qu’il n’y a pas lieu de le faire, et toute personne suffisamment intelligente ne posera pas de questions basses et idiotes !

Je voudrais faire un aparté concernant la SPA de Paris, dont Caroline Lanty avait pris la 39e présidence, car il y eut alors selon moi un changement important. Il me semble avoir lu un article de presse où elle disait que les kermesses SPA où l’on sert de la viande pour la restauration des fêtes, ç’en serait fini. Je crois que c’est une bonne chose que cette décision, parce que j’étais l’année dernière à une « Fête des Animaux » dans un refuge où l’on recueille entre autres des animaux sauvés de l’abattoir, et l’on y servait des saucisses, des merguez et du jambon… C’est un autre débat, mais il y a là matière à réfléchir, parce que sauver des animaux pour en laisser d’autres partir à l’abattoir pose quand même quelques questions…

 

 Truie ne pouvant pas marcher, déchargée dans une caisse roulante à coup de pieds !
Phot Jean-Luc Daub

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 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

Commentaires

Quel sujet exceptionnelle, j'ai trouvé ce que je cherchais, tout en vous remerciant bon weekend.

Écrit par : bonus paris sportif en ligne | lundi, 05 mai 2014

WOW, ça c'est un bon article, que et je vous laisse tout de suite cette remarque

Écrit par : pronostic match france honduras | jeudi, 12 juin 2014

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