Ces bêtes qu’on abat : Mes débuts dans la protection animale (dimanche, 06 mai 2012)

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Mes débuts dans la protection animale

 

J’ai fait mes premiers pas dans la protection animale en 1993 à la Société Protectrice des Animaux de Strasbourg, où j’assumais la fonction de délégué. Je promenais les chiens, je nettoyais le chenil, mais très vite j’ai été amené à faire des enquêtes lorsqu’on nous signalait de mauvais traitements sur des animaux.

 

Je me rendais alors chez les particuliers qui faisaient l’objet d’un signalement. Ce n’était pas toujours facile. Parfois les lieux étaient isolés, parfois je me rendais dans des cités dont l’état des immeubles était déplorable, sinistre et hostile, ce qui encourageait plutôt à faire demi-tour. Et tant pis pour le chien en question. Mais non… Je suis toujours allé au bout de mes interventions, même dans les abattoirs ou sur les marchés aux bestiaux. Peut-être par inconscience. Surtout parce qu’il est impossible de renoncer à une intervention lorsque l’on sait qu’un ou des animaux sont en détresse. Et puis, il y avait la possibilité d’être accompagné par la police ou la gendarmerie, lorsque celles-ci acceptaient de se montrer coopératives.

 

Dans le cadre de ces enquêtes, je me rendis dans une cité de Strasbourg à fort mauvaise réputation. Avant de sonner à la porte de la personne qui avait été dénoncée, j’avais fait une enquête de voisinage pour m’assurer de la véracité des faits qui nous avaient été signalés à l’encontre d’un chien. Je sonnai et me présentai à la personne qui me dit ne pas avoir de chien. Une astuce pour la mettre en difficulté dans son mensonge me vint à l’esprit : je lui dis alors que c’étaient les gendarmes qui m’avaient demandé de venir, et que, si elle ne me laissait pas voir le chien, je reviendrais avec eux. C’est ainsi que je pus voir le chien.

 

Pour l’apercevoir, il fallut dégager une porte de cagibi encombrée de boîtes en carton et de deux vélos qui faisaient en obstacle. Le propriétaire ouvrit la porte, et je découvris, dans une sorte de petit placard dont la lumière du jour entrait à peine au travers des barreaux en béton, un chien assis sur une épaisse couche d’excréments. Il présentait quelques escarres dues à des blessures. J’entamai un dialogue avec le propriétaire, pour savoir notamment depuis combien de temps ce chien vivait dans ce réduit et pourquoi. Cela faisait six ans qu’il vivait dans le placard parce que, selon lui, un chien n’a pas sa place dans un appartement.

 

Je n’avais pas besoin d’en entendre plus. Je lui répondis que je ne pouvais pas lui laisser le chien et que, s’il n’avait pas sa place dans l’appartement, il ne l’avait pas non plus dans un placard. J’ajoutai : « J’emmène le chien et vous me signez un document attestant que vous renoncez à la propriété du chien. Si vous n’êtes pas d’accord, je reviens avec les gendarmes ». J’obtins aisément le document et partis avec l’animal, démarche qui ne se substitue pas au dépôt de plainte.

 

Me voici en bas de l’immeuble avec le chien, une femelle, tout à sa joie de sortir, de découvrir l’herbe, la terre et même un caillou pour jouer. Un collègue de la SPA vint le chercher. Une famille d’accueil lui fut trouvée, mais elle mourut quelques mois plus tard.

 

Ces bêtes.jpg

 

 

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

 

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

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