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samedi, 22 décembre 2012

Il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.

 Les Sables au temps de la grande pêche, André Collinet, traite des noirs, histoire du sucre, Saint-Domingue, le grand commerce, les Sables d'Olonne

Le grand commerce et la traite des noirs, vu par André Collinet, armateur des Sables d'Olonne, qui tint son journal durant de nombreuses années.

“Le grand commerce occasionne une consommation d’hommes. Le luxe en est encore une autre. Il attire les richesses en les villes et laisse les campagnes désertes et dans la disette, favorise le pouvoir arbitraire, l’augmentation des subsides, qui donne aux nations opulentes la facilité de contracter des dettes. La Hollande, l’Angleterre, la France sont chargées de dettes, et la Suisse ne doit rien.
La consommation des hommes est si grande, que l’on ne peut sans frémir considérer celle que suppose notre commerce de l’Amérique. L’humanité, que commande l’amour de tous les hommes, veut que dans la traite des nègres, je mette également au rang des malheurs et la mort de mes compatriotes et celle de tant d’Africains qu’anime au combat l’espoir de faire des prisonniers et le désir de les échanger contre nos marchandises. Si on suppute le nombre d’hommes qui périt, tant par les guerres que dans la traversée d’Afrique, en Amérique, que l’on y ajoute celui des nègres qui, arrivés à leur destination, deviennent la victime des caprices de la cupidité et du pouvoir arbitraire d’un maître , et qu’on joigne à ce nombre celui des citoyens qui périssent par le feu, le naufrage, ou le scorbut, et enfin qu’on y ajoute celui des matelots qui meurent pendant leur séjour à Saint-Domingue ou par les maladies affectées à la température particulière de ce climat, ou par les suites d’un libertinage toujours si dangereux en ce pays, on conviendra qu’il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.”

Les Sables au temps de la grande pêche, Manuscrits de Collinet (1739 - 1782) 
Tome 1, éditions CVRH

Les Sables au temps de la grande pêche, André Collinet, traite des noirs, histoire du sucre, Saint-Domingue, le grand commerce, les Sables d'Olonne

 Nous avons déjà cité le journal de Collinet deux fois. Un passage un peu moins humaniste est lisible par ici ; son journal est également cité dans la lettre qui annonça la création de la Confrérie de Baude Fastoul.

dimanche, 16 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : L’électronarcose par la pince électrique

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


L’électronarcose par la pince électrique

 

 L’électronarcose est un procédé provoquant un évanouissement par un courant électrique qui traverse le cerveau. On procède à cet acte avant la saignée.

Le décret n° 80-791 du 1er octobre 1980 rend obligatoire l'immobilisation des porcs avant tout abattage ainsi que leur étourdissement avant leur suspension et/ou mise à mort, à l’exception des abattages d'extrême urgence ou rituels. Le premier décret à ce sujet est celui de 1964 obligeant un étourdissement avant tout abattage, sauf dans le cadre de l’abattage rituel. Ce décret a été pris sur la demande de Madame Jacqueline Gilardoni, qui avait créé une association qui œuvrait à l’assistance des bêtes d’abattoirs. Le sort réservé aux animaux d’élevage l’avait amenée à devenir végétarienne par amour et par respect des animaux.

Il existe trois méthodes couramment employées pour l’étourdissement des porcs : l’étourdissement au CO2 dans des fosses, l’étourdissement automatique au bout d’un Restrainer ou d’un Midas, et l’étourdissement à la pince manuelle. L’étourdissement électrique a fait son apparition dans les années 1920, le gaz dans les années 1950.

La méthode d’étourdissement par le gaz dans des fosses est source de souffrance, car les animaux sont conduits sur une nacelle qui les y descend. Cette première étape les apeure. Plus ils descendent, moins il y a d’oxygène, la panique s’empare d’eux, il s’ensuit la recherche de l’air, des convulsions, une suffocation et la perte de connaissance intervient alors seulement.

L’autre méthode plus efficace est l’utilisation d’un Restrainer ou d’un Midas avec un étourdissement électrique automatique. Dans le Restrainer, sorte de long tunnel, les porcs sont convoyés en étant coincés entre deux bandes latérales qui les entraînent vers des broches électriques. Dans le Midas, sorte de tunnel également, les porcs sont amenés vers les broches en étant transportés par le dessous. Lors du passage dans ce tunnel, des broches entrent en contact avec la tête et provoquent une électronarcose1. Parfois une plaque supplémentaire vient s’appliquer au niveau du cœur pour provoquer un arrêt cardiaque. Lorsque ces appareillages sont bien réglés, bien que ce tunnel soit une source de frayeur qu’atteste une augmentation du pH (niveau d’acidité dans les tissus musculaires) due au stress intense provoqué par toute cette mécanique, l’électronarcose, elle, est assez efficace et généralement radicale : les porcs perdent conscience. Toutefois, une synthèse technique rédigée à ce propos par l’Institut Technique du Porc relève que « les anesthésies électriques et au gaz restent imparfaites quant aux défauts engendrés sur les carcasses (points de sang, hématomes, fractures, baisse du pH) et laissent des incertitudes par rapport à la rapidité et la durée de la perte de conscience totale »2.

L’utilisation manuelle de la pince électrique, assez aléatoire, peut être pire. Son efficacité varie selon le passage du courant entre la bête et le sol, selon que l’animal a été aspergé d’eau ou non, selon l’endroit d’application de la pince par l’employé sur le porc, selon l’état d’entretien de la pince, et surtout selon son réglage (ampérage, voltage, temporisation…). La durée d’application est également importante. Elle varie en fonction de la présence d’une temporisation sur la pince. S’il n’y en a pas, elle est laissée à l’appréciation de l’employé, ce qui est trop aléatoire. Bref, tous ces éléments mettent en question son efficacité, sans parler d’un manque d’uniformisation des méthodes d’utilisation des pinces électriques manuelles ; c’est un problème que j’ai remarqué de nombreuses fois. Mes observations en abattoir corroborent les propos de l’Institut Technique du Porc : « Aujourd'hui encore, l'opération d'étourdissement n'a fait l'objet que de peu d'études dans quelques pays comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni en Europe. En France, cela concerne le bien-être et la qualité des carcasses de plus de 26 millions de porcs abattus annuellement »3.

Avec une application, qui dure parfois plus de 25 secondes, d’une pince réglée à un voltage très bas, l’étourdissement s’apparente à une séance de torture à l’électricité. L’animal devrait subir un choc électrique instantané qui le plonge immédiatement dans un état d’inconscience afin qu’il ne ressente pas la douleur de la saignée. J’ai vu trop souvent dans plusieurs abattoirs une utilisation désastreuse de la pince. L’application doit être faite derrière les oreilles pour que le courant choque le cerveau. J’ai déjà vu l’application sur les épaules, sur l’arrière-train de coches, dans les yeux, ou sur le cœur. Dans un abattoir de Bretagne qui était en réfection, le système et la pince était si vétuste que les porcs hurlaient pendant l’application de la pince ; cela durait longtemps avant qu’ils ne s’écroulent. Dans d’autres abattoirs, la pince est appliquée si longtemps que l’animal est mis à mort par électrocution. Une enquête commandée par la commission Européenne (1989) et publié dans la revue Pig International (juin 1990) estime que 90 % des porcs sont tués par le choc électrique, les autres étant seulement étourdis. Cette enquête effectuée dans 39 abattoirs porcins et 12 pays a montré des variations considérables entre les voltages et ampérages pratiqués. Par exemple pour une intensité de 240 V (≈1,25 A), la durée d'anesthésie variait de 1-2 secondes à 12-16 secondes4.

La pince doit plonger dans un étourdissement brutal et sans douleur, et c’est la saignée qui doit provoquer la mise à mort. J’ai également vu des porcs si peu étourdis qu’ils étaient suspendus se débattant par les pattes ; ils étaient donc parfaitement conscients au moment de la saignée. Les porcs sont également souvent conscients au moment de la saignée parce qu’il s’écoule trop de temps entre l’électronarcose, la suspension et la saignée. Parfois un réglage assez bas du voltage occasionne volontairement un mauvais étourdissement. Cela est fait pour préserver la qualité de la viande afin de ne pas avoir de problème sur la carcasse (pétéchies, fractures des épaules, déchirements musculaires notamment des jambons…). Ces problèmes sont liés à une mauvaise installation, de mauvais réglages, une mauvaise utilisation de la pince, et à un manque de formation de l’utilisateur. Il faudrait uniformiser les installations et la méthode d’utilisation de la pince manuelle.

 

Il existe plusieurs types de pinces pour les cochons : la pince Schermer, Etime, Morphée, et Ninjhuis. Je vais illustrer ce chapitre par la triste visite d’un abattoir de truies que j’ai effectuée à la fin de l’année 2008, en Bretagne. C’était un abattoir spécialisé dans l’abattage des coches de réforme. Il travaille à une cadence de 70 bêtes par heure. Cela parait peu, par rapport à un abattoir qui peut faire passer sur la chaîne d’abattage 500 à 700 porcs à l’heure. Cependant, les coches sont plus difficiles à manipuler et à abattre. Les coches étaient menées à l’aide d’une pile électrique allègrement utilisée. Ces grosses bêtes avaient du mal à marcher et ne voulaient pas rentrer dans le couloir de la mort. Une fois dans ce couloir, certaines tentaient de faire demi-tour, et c’est encore à coups de pile électrique que le porcher leur rappelait la direction fatale. Un employé faisait entrer une truie après l’autre dans un piège rectangulaire ouvert sur le dessus. Une porte latérale très lourde se refermait derrière elles, en leur percutant sans ménagement l’arrière-train. Je ne vous parle pas avec sensiblerie (je n’ai pas plus de sensiblerie qu’un escargot), mais le regard désespéré de ces truies qui ne comprennent pas ce qui se passe, mais qui sentent bien que rien ne va plus, ne peut vous laisser indifférent. La personne qui m’accompagnait a fondu en larmes lorsque nous sommes retournés à la voiture pour repartir.

 

L’employé tentait d’appliquer la pince de type Ninjhuis, alors que les coches baissaient la tête pour ne pas se laisser attraper par le tueur. L’application se faisait derrière les oreilles, parfois dans les yeux. Il s’agit normalement, dans le cadre d’une électronarcose, d’un choc électrique qui fait s’écrouler instantanément l’animal à terre. Il n’en était rien. La pince était appliquée beaucoup trop longtemps, jusqu’à 45 secondes. Les truies se crispaient et relevaient la tête en contractant les muscles pendant que les décharges électriques (qui véritablement les faisaient souffrir) traversaient leur corps. Elles ne s’écroulaient au sol, lâchant prise, que plusieurs dizaines de secondes plus tard. Ensuite, l’employé insistait encore sur le cœur car, me disait la responsable, si l’on ne fait pas comme cela, lorsqu’elles sont suspendues et qu’on veut les saigner, elles donnent des coups de pattes et c’est dangereux pour le tueur. C’est donc encore une fois l’animal qui « trinque » pour le confort de l’humain. Certes, la sécurité des employés était engagée, mais justement les installations mal conçues ne permettaient pas une bonne sécurité du personnel. J’ai pu constater l’absence du tableau électrique auquel est normalement reliée la pince : il se trouvait dans une autre pièce. Pourtant l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs (Annexe III - paragraphe 5 point A alinéa 2) précise pour le boîtier électrique qu’il doit :

 

« a) être pourvu d'un dispositif mesurant l'impédance de la charge et empêchant l'appareil de fonctionner si le courant minimal requis ne passe pas ;

 

b) être pourvu d'un dispositif sonore ou visuel indiquant la durée d'application à un animal ;

 

c) être connecté à un dispositif, placé de manière à être nettement visible pour l'opérateur, indiquant la tension et l'intensité du courant. »

 

Nous étions en 2008 au moment de la visite de cet abattoir, onze ans après l’arrêté. Nous sommes en droit de nous poser la question suivante : qu’ont mis en place les autorités compétentes qui sont chargées de vérifier la mise en application des réglementations de protection animale en abattoir ?

Selon la responsable de l’abattoir, les truies sont aspergées d’eau pour un meilleur passage du courant vers le sol via l’animal, mais nous n’avons rien vu de tel. Personne n’effectuait cette opération pourtant recommandée.

Dans cet exemple d’abattage de coches de réforme, si leur vie a été misérable en élevage intensif, leur mise à mort est elle aussi cruelle. Leur souffrance ne connaît aucun répit.

Autre exemple de mauvaise utilisation manuelle de la pince électrique dans un abattoir de la région Picardie. Voici ce que j’ai constaté. Je commence par l’abattage des porcs et des ovins. Les porcs sont emmenés calmement par groupe de 10 à 15 dans le local d’abattage. L’employé se saisit d’une pince électrique ÉTIME, boîtier AGR 84 OP qu’il applique de façon très précise derrière les oreilles, mais durant très peu de temps, à peine une seconde. L’animal tombe aussitôt, il semble étourdi, l’intensité est puissante. La pince électrique est proprement appliquée (derrière les oreilles), mais pas assez longtemps. Les cochons devraient être saignés tout de suite, car certains se réveillaient avant même d’être suspendus. L’employé ne procédait pas à une seconde application, alors même que des porcs hurlaient pendant la suspension.

Durant la suspension et avant la saignée, j’ai pu voir des porcs qui suivaient du regard les déplacements du deuxième employé. Certains porcs sous l’effet de l’électronarcose étaient raides et contractaient les pattes avant pendant la suspension. Au sol et pendant la suspension, certains se relâchaient. On pouvait voir qu’ils étaient réveillés. Ils s’agitaient énormément. Quelques-uns hurlaient pendant et même après la saignée qui était effectuée avec un trocart. Certains étaient encore conscients et ont hurlé largement après la saignée. J’ai effectué le test occulopalpébral avant et après la saignée sur plusieurs porcs. Il s’est révélé positif de nombreuses fois sur des porcs qui n’avaient pas perdu conscience.

La saignée est effectuée à l’aide d’un trocart pour la récupération du sang. Le trocart est appliqué sous la gorge, à la hauteur de l’œsophage. L’employé ne fait qu’une petite entaille et le laisse quelques instants dans la gorge. Parfois, l’employé remuait le trocart dans l’orifice effectué. Un porc, après la saignée, s’est décroché tant il s’était débattu. Il s’écoulait entre 30 et 35 secondes de l’électronarcose jusqu’à la saignée. Le temps plus rapide a été de 25 secondes et le plus long de 40 secondes sur la cinquantaine de porcs que j’ai vus. Ce qui prend du temps, c’est la rampe qui est haute et la montée de la chaîne jusqu’au poste de saignée. Un réglage plus puissant de la pince permettrait une bonne anesthésie et empêcherait que les porcs se réveillent une fois suspendus. Mais ce petit réglage et cette courte application sont volontaires. Car avant, la conséquence d’une électronarcose plus longue laissait apparaître des dégâts sur les carcasses. Des fractures au niveau des échines, sur les fémurs, aux épaules et des déchirements au niveau du jambon, ainsi que du purpura étaient retrouvés sur la viande.

Ces problèmes sont apparus depuis les rénovations et l’installation du nouveau boîtier. L’ancien boîtier ETIMA ne posait pas de problèmes. Les porcs étaient arrosés d’eau et les employés utilisaient la temporisation. Le responsable de production a fait venir deux fois des électriciens, en plus du technicien qui a installé le boîtier ETIMA. Ce dernier a même fait une démonstration sur un cochon en lui appliquant la pince derrière les oreilles, puis sur le côté du cœur. Les résultats ont été pires. Les employés ont également essayé de les doucher, mais, ce fut encore pire. Il apparaissait, en plus, des problèmes sur les poumons qui devenaient rouges et se couvraient de pigments de sang.

Depuis, l’abattoir a essayé de trouver un compromis en appliquant la pince durant un temps très court et à une faible intensité. Le boîtier est réglable à 180 V pour les agneaux, 220 V pour les moutons, 275 et 330 V pour les porcs, 325 V pour les coches de moins de 200 kg et 370 V pour les autres coches.

En comparaison avec d’autres abattoirs, les porcs saignés au trocart semblaient mettre plus de temps à mourir que ceux saignés au couteau, surtout si l’étourdissement n’est pas efficace. De plus, le sang s’écoule moins vite avec le trocart. Le trocart est une sorte de grosse seringue formée de deux lames avec un trou au milieu. Il est relié à un tuyau pour la récupération du sang par aspiration. (La récupération du sang par une saignée au couteau est interdite). Le tueur le plante sous la gorge au niveau de la trachée (point appelé aussi « trou épaule ») et le laisse un petit moment pendant que le sang s’écoule dans le tuyau.

Le sang s’écoule moins vite qu’un égorgement qui serait effectué de côté en sectionnant les veines jugulaires et les carotides. Si l’électronarcose est mal faite, l’animal reste conscient et meurt lentement comme pendant l’abattage rituel.

Concernant les abattages des ovins, les seuls problèmes que j’ai rencontrés concernaient les agneaux de 100 jours qui sont sensibles à l’électronarcose et dont la viande présente ensuite du purpura. Pour les moutons adultes, l’étourdissement se passait mieux, selon le responsable, que pour les porcs. C’est la même personne qui étourdissait et pratiquait la saignée pendant la montée, donc c’est très rapide. La différence est que le sang n’est pas récupéré et les moutons sont saignés avant d’atteindre le poste où se trouve le trocart.

On peut constater, ici, que les porcs sont insuffisamment étourdis de façon délibérée, pour diminuer les conséquences d’une électronarcose mal adaptée. Dans un Restrainer à étourdissement automatique, en général, si l’électronarcose est bien réglée, et si la saignée intervient dans la foulée, il n’y a pas de conséquence sur la viande. Cependant le Restrainer stresse beaucoup les porcs, et fait par conséquent augmenter l’acidité dans la viande. Les porcs sont terriblement apeurés par cette espèce de tunnel qui les absorbe en les entraînant par deux bandes latérales vers des broches électriques.

 

 

 

1 Exemple de réglage moyen pour un Midas qui fonctionnait bien pour des porcs charcutiers : 1,3 ampère – 150 à 220 volts sur les broches et 100 volts sur la plaque qui permet une défibrillation du cœur.

 

2 L’anesthésie des porcs (extrait d’une synthèse bibliographique de l’Institut Technique du Porc de 1998)

 

3Techni Porc, volume 21, n°4, 1998.

 

4 Source ITP.

 

 

samedi, 15 décembre 2012

Elle partie

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Lorsqu'on regarde vers la vie on souhaite se jeter dans la course pour attraper les meilleurs morceaux. Lorsqu'on s'arrête pour contempler la mort, la mort douloureuse, la mort que précède l'agonie, la mort suivie par la disparition et l'oubli, on se demande s'il ne vaut pas mieux renoncer à toutes les guerres pour vivre au milieu des fleurs, sentir de tout son cœur les beautés des saisons et la douceur des rencontres.

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 Tempus fugit... Sic transit gloria mundi... Vanitas vanitatum... Mais l'amour ne passera jamais.

ECL

Photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

 

dimanche, 09 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un chien dans un fossé

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


Un chien dans un fossé

 

 abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande ; animaux, animal ; bêtes, fraternité, abattage rituel, halal, hallal, casher

Transport de canards pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

Un jour, alors que j’étais en déplacement dans le Finistère, je fis une drôle de rencontre sur le bord de la route. Après avoir visité un abattoir, je cherchais mon chemin en voiture. Je fus amené à faire un demi-tour sur un petit croisement. Après une manœuvre bien exécutée, j’allais reprendre ma direction quant une forme aux taches blanches attira mon regard vers le fossé. C’était un chien, apparemment mort.

 

Quoi de plus banal qu’un chien mort au bord d’une route, qui aurait été renversé par une voiture ? Tellement banal que le conducteur de la voiture qui me précédait n’avait pas jugé utile de vérifier l’état du chien. Pour ma part, il fallait que je m’en rende compte. Il était étalé dans le fossé, maigre, et semblait bien mort. Mais quand je me suis penché sur lui, il m’a surpris en remuant sa queue en signe de contentement. Il semblait heureux de voir quelqu’un, mais il était dans l’incapacité de se lever. Ce chien avait dû marcher durant plusieurs jours sans s’alimenter et avait dû tomber d’épuisement dans ce fossé.

 

Lorsque je lui demandais ce qu’il faisait là, il remuait encore plus la queue. C’était émouvant. Je pris une couverture pour l’enrouler et je le mis dans ma voiture. Je partis en direction du centre-ville à la recherche de la mairie. Après avoir fait plusieurs fois le tour du centre, j’ai enfin trouvé l’établissement administratif. Je suis rentré avec le chien et j’ai demandé à la secrétaire d’accueil quelle était la démarche à suivre lorsque l’on trouve un chien. Elle me demanda tout simplement, sans y jeter un coup d’œil, de le déposer dans le bâtiment des services techniques. Là mon sang ne fit qu’un tour. Je lui ai demandé si elle plaisantait, car le chien était en mauvais état et avait besoin de soins. Elle m’indiqua alors l’adresse d’un vétérinaire.

Je partis à la recherche du vétérinaire. Je fus accueilli dans sa clinique. Je lui expliquai la situation et lui présentai le chien. Ronchonnant, pas très content d’être sollicité pour un chien perdu, il l’examina quand même. Il me confia qu’il allait le mettre sous perfusion. Je lui demandai ce qu’il comptait faire de l’animal une fois qu’il serait remis sur patte. Il me répondit qu’il le ferait prendre par un refuge qui le proposerait à l’adoption. J’ai caressé le chien, remercié le vétérinaire, et suis reparti sur la route vers d’autres aventures, cependant peu rassuré sur le devenir du chien. Si j’avais pu, je l’aurais adopté, mais j’avais déjà le mien dans la voiture. Aujourd’hui, je regrette de ne pas l’avoir pris avec moi, j’aurais été plus tranquille quant à son devenir.

 

 

 

 

dimanche, 02 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un chariot de lapins blancs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

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Un chariot de lapins blancs

 

  En Moselle, la visite d’un abattoir de lapins et de l’élevage attenant à l’abattoir s’était révélée pitoyable. La production en tuerie était de 8000 à 10000 lapins blancs par semaine, provenant d'élevages intensifs de Bretagne, de Hollande et de la région. 1000 lapins par semaine provenaient de l'élevage personnel du propriétaire de l’établissement. Les lapins, arrivés par camion, étaient entassés dans des caisses en plastique très basses, les unes sur les autres. Lors de l'abattage, l’employé attrapait un des lapins dans la caisse, et plaçait la tête de l'animal sur une petite table où se trouvaient des broches électriques : deux broches qui, en entrant en contact avec la tête, provoquaient l’électrocution de l’animal. Le choc électrique provoquait des résultats différents suivant la manière dont l’employé s’y prenait. On pouvait d’ailleurs voir certains lapins suspendus se débattre beaucoup. Il fallait alors les saigner immédiatement, et un peu plus que les autres. Le propriétaire m’indiqua recevoir la visite régulière des services vétérinaires. L’appareil à électronarcose, qui doit toujours être agréé avant sa mise en service, n’était pas pourvu de la plaquette mentionnant la date et le numéro de l’agrément. Le directeur de l’abattoir n’avait pas les papiers qui m’auraient prouvé que l’agrément avait été bien donné. L’appareil avait été installé par un électricien, mais le directeur m’avoua que l’appareil n’avait pas reçu de procédure d’agrément. Pourtant, comme il me l’indiqua, les services vétérinaires visitaient régulièrement son abattoir, certainement pour l’hygiène et la salubrité des viandes, mais à l’évidence pas pour la protection des animaux. Le directeur m’avoua aussi que toute la matinée, l’appareil électrique était tombé en panne, et que cela les mettait dans une situation de crise, car une commande devait partir à 14 heures.

 

Lors de ma visite, la machine est d’ailleurs une nouvelle fois tombée en panne. Le directeur décida alors d'arrêter les abattages et d'apporter l'appareil chez un électricien. Naïvement, je pensais que les lapins allaient rester dans les caisses en attendant la réparation de l’appareil. Mais alors que je réécris cette histoire, je me rends compte qu’après ma visite, les abattages ont dû reprendre sans étourdissement préalable, c’est-à-dire en saignant les lapins directement. Cela me paraît tout à coup évident : on n’aurait pas laissé les lapins sans boire et sans manger dans les caisses en attendant la réparation du matériel, alors que la commande de 14 heures devait être honorée.

 

Au moment où j’arrivai à l’abattoir, une employée revenait de l’élevage qui se trouvait à proximité. Elle se dirigeait vers le local d'abattage avec un chariot métallique (une sorte de grand caddie) rempli de lapins (il y avait trois à quatre couches de lapins vivants, superposés les uns sur les autres). Le Directeur, un peu gêné, me dit que d’habitude, il lui demandait de les mettre dans deux chariots ! Comme par hasard, alors que j’étais là, elle n’avait pas suivi ses recommandations. Ces lapins restèrent entassés dans le chariot au moins une heure. Je m’aperçus que ceux qui se trouvaient tout à fait en dessous étaient écrasés, compressés contre les grilles métalliques. Des lapins avaient les yeux qui leur sortaient véritablement des orbites. Il était inutile d’être pourvu d’une âme sensible pour lire la détresse et juger préjudiciable la situation que vivaient ces lapins. Je suis allé demander au directeur de faire décharger (immédiatement) ce chariot. Pendant ce temps, ce dernier, qui n’avait pas l’apparence d’un être sans cœur, me fit visiter l'élevage.

 

À notre retour, cinq lapins étaient morts au fond du chariot qui avait enfin été vidé de son contenu. Le directeur me dit que ce n'était rien, que c’était habituel et sans gravité. Il se justifiait en disant qu’il s’agissait de lapins de réforme qui seraient morts de toute façon. Je lui ai répondu que cela, de toute façon, ne se faisait pas. Il m'a assuré qu’on ne procédait pas de cette manière d'habitude. Cela paraît peu probable puisque cette façon de faire semblait coutumière, et que c’était moi qui me suis inquiété du sort des animaux. Lui jugeait cela sans importance. J'ai donc eu du mal à le croire. Manifestement, aucune considération pour ces petites bêtes n’émanait de la part des employés. J’ai aussi vu que, sans ménagement, des lapins qui se trouvaient sur une caisse en hauteur avaient été jetés vers d'autres caisses en contrebas.

 

Lors de la visite de l'élevage de type intensif, j’observai une multitude de cages alignées dans un bâtiment au plafond assez bas, avec un nombre important de lapins par cage, laissant ainsi peu de place pour chaque animal. Je vis que le sol grillagé des cages provoquait des blessures aux pattes et de l’inconfort. Il n’y avait pas d’éclairage naturel. Le directeur m’assura que durant les deux dernières semaines de vie, un lapin par cage est enlevé, ceci afin que les animaux gagnent du poids, tout en reconnaissant qu'ils se sentent aussi un peu mieux avec cet espace supplémentaire. Au total, ils sont engraissés pendant trois ou quatre mois. Quant aux lapines reproductrices, elles donnent des petits durant une année. Lorsqu'elles sont abattues, elles ne sont plus bonnes pour la consommation. Ce qui explique le manque de considération que j’ai constaté à leur égard : on les empile dans un chariot métallique, en ne leur épargnant aucune souffrance, puisque les lapines de réforme n’ont pas de valeur marchande. J'ai également pu constater les blessures aux pattes dues au grillage qui revêt le sol de leur cage. Faute de ne pouvoir ronger, leurs incisives sont extrêmement longues et provoquent des blessures dans la bouche. Certains lapins perdaient leurs poils par plaques entières. Enfin, leur charpente osseuse est si misérable, qu'ils semblaient pouvoir se casser comme du verre. Amis consommateurs, pratiquement 100 % des lapins sont élevés ainsi.

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Transport de dindes pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

 

mercredi, 28 novembre 2012

Honneur à Caroline

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Voici un texte écrit samedi dernier, avant la fin (à l'avant veille exactement). Maintenant tu dors...

 

 Chère Caroline,

 

Ces deux ou trois rues de Villejuif sont gravées dans ma mémoire... Villejuif... Où je te vis pour les dernières fois, changeante de jour en jour, mais toujours toi.

 Toi qui était si différente, de moi, de nous, et que nous avons découverte année après année, que nous avons aimée, sans nous soucier de cet amour... Parce qu'il était normal, un amour de voisinage, un amour de copinage, un amour parsemé de joies autant que de rancœurs, d'admiration autant que d'incompréhensions, un amour qui coule de source, dont on reçoit les douces effluves sans les remarquer et dont on sent l'épine aux moments où tout tremble, où tout chute, où tout s'effondre.

 En ce moment, là bas, tu respires à chaque souffle plus difficilement, chaque souffle peut être le dernier. Et moi je suis là dans cet endroit que tu connais si bien, et qui parle de toi : cet immeuble à mi-chemin  entre les Invalides et Montparnasse, un lieu où tu grandis, élevas tes enfants, accompagnas tes parents, vécus ton drame et y reçus les soins de ta maladie. Un lieu qui résonne encore de tes rires et de tes coups de colère, de tes blagues et de tes phrases impérieuses. Un lieu où ta silhouette n'apparaîtra plus qu'en rêve.

J'ai découvert Villejuif à l'automne 2012, cette ville si proche, si lointaine où tu m'as fait vivre d'inoubliables moments. La vie nous a montré, une fois de plus, immeuble 62, chambre 210, qu'elle est inséparable de la mort, que nos moments d'insouciance sont fragiles comme une caresse, comme le vent qui traverse la ville, comme un nuage qui passe.

Mais je ferme les yeux et Villejuif s'éloigne et disparaît. Je remonte le temps et ton visage s'embellit, il rougit à nouveau et voilà qu'un sourire apparaît, qui se transforme en rire bon vivant ; à nouveau le sérieux te reprend : c'est pour expliquer à quelqu'un un passage de l'histoire de France, une règle d'orthographe. La table est pleine de mets et de bouteilles et les convives t'écoutent défendre ta vision du monde, toujours campée sur des connaissances et toujours vaillante face aux contradicteurs. Je peux remonter le temps et je mesure ainsi la somme d'échanges et de partage que nous avons eus et qui nous ont nourris en profondeur.

Nous avons beau tenter de l'oublier, de nous distraire, la vie sait où elle nous emmène inéluctablement. Aucun d'entre nous ne sortira de ce monde vivant ! Lorsque l'un d'entre nous s'en va, et surtout dans la force de l'âge, et encore plus lorsqu'il n'est qu'un enfant, nous oublions soudain nos rires, nos joies, nos habitudes, nos énervements et debout au bord du gouffre, nous nous demandons : comment est-ce possible ? Je l'aimais, nous l'aimions, elle nous aimait, rien n'était achevé. Pourquoi cette route de douleur et la mort pour récompense ?

Parce que... Parce que ? Le mystère est aussi grand que cet amour que nous éprouvions pour toi, que nous continuerons à arroser comme l'une des plus belles fleurs de notre jardin secret.

En regardant tes filles et tes petits-enfants pousser, grandir, vieillir et poursuivre la voie que tu leur as ouverte, la vie que tu leur as donnée ; en suivant chacun notre route personnelle ; en tombant, chacun notre tour, par hasard, par fatigue ou par maladie ; nous garderons vivant et vibrant ce que nous avons vécu par toi et avec toi.

Adieu et à tout à l'heure, pardon et merci, voilà ce que nous pouvons dire à celle que nous aimons, et qui nous précède au-delà...

J'écoute en t'imaginant partir cet Adagio de Secret Garden, qui restera à jamais lié à ton image dans ma mémoire. 

J'ai prié pour ton cœur, pour ton corps, pour ton âme au son de cette mélopée douce et lancinante, qui va droit au cœur. Je n'aurai qu'à l'écouter pour que ma prière s'élève à nouveau vers toi et que ton visage m'apparaisse, tel qu'il était quand tu riais, tel qu'il était quand tu dansais sur l'herbe à la fête du 21 juin.

Te sachant au bord de mourir, j'écoutais cet adagio, mais chaque fois que je l'écouterai encore c'est une image de vie qui m’apparaîtra.

Honneur à Caroline É......., qui ne manqua pas d'honneur.

 

Samedi 24 novembre 2012 vers neuf heures du soir,

Edith de CL

 

 

dimanche, 25 novembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Infractions en abattage rituel

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


Infractions en abattage rituel

 

Dans un abattoir près de Paris, dont le responsable s’était converti à l’islam, tous les animaux étaient abattus selon le mode rituel, y compris ceux qui, précisément, n’étaient pas destinés à l’abattage rituel. Ce qui est interdit, car les animaux destinés à l’abattage classique doivent faire l’objet d’un étourdissement préalable, juste avant la saignée. Pire encore, le matériel d’étourdissement avait été enlevé et proscrit, car il avait été déclaré « impur ». Dans cet abattoir, un jeune technicien vétérinaire s’était opposé à un abattage barbare. En effet, une personne voulait tuer un bovin selon le mode opératoire de son pays, en lui sectionnant les tendons des pattes à l’aide d’un couteau pour le faire tomber au sol et l’égorger par la suite. De plus, les bovins étaient suspendus par les deux pattes arrières avant d’être égorgés rituellement. L’abattoir, connu des services vétérinaires, existait alors qu’il n’avait aucun agrément administratif. Il n’avait théoriquement pas le droit de fonctionner. Pourtant, les activités se déroulaient au quotidien, avec la présence d’un technicien vétérinaire.

 

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Mouton suspendu par une patte, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub

 

Voici encore d’autres cas d’infractions relevées, concernant l’abattage rituel dans un abattoir du sud-ouest de la France. Il s’agissait d’infractions commises lors de l’abattage rituel musulman. En effet, après avoir mis une quinzaine de moutons dans la case où avait lieu l’abattage, l’employé les suspendait un par un par une patte arrière. Un stock tampon de moutons se créait, car l’égorgeur prenait tout son temps pour les saigner. Non seulement, l’infraction était caractérisée par la suspension des ovins mais, de plus, plusieurs moutons en attente la tête en bas se débattaient pour se dépêtrer de cette situation.

 

À mon arrivée, l’abattage rituel des veaux avait été interrompu. Après avoir demandé des explications, le directeur de l’abattoir m’indiqua évasivement qu’un sacrificateur venant de Nîmes devait arriver. Comme je le questionnais encore, il

m’avoua que celui que je venais de voir n’était pas en possession de l’autorisation officielle de sacrificateur, et que par conséquent il n’avait pas le droit d’égorger les veaux.

 

Dans un autre abattoir, du Puy-de-Dôme, il en était de même concernant l’abattage rituel musulman. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière à plusieurs mètres du sol, le rail de suspension étant très haut. Les moutons étaient égorgés loin de l’enclos de départ. Ils se débattaient tout au long du parcours. De plus, le poste de saignée était très en hauteur. Les deux sacrificateurs n’étaient pas en règle concernant leur agrément. Ils n’avaient pas d’autorisations délivrées par les grandes mosquées agréées ou par les préfectures. L’un deux, lorsque je lui demandai s’il pouvait me montrer son agrément, me dit qu’il n’en avait pas besoin puisqu’il était imam, que cela était suffisant et que je devais aller me faire voir !

 

En abattage classique, l’employé était seul à effectuer l’acheminement, la suspension et l’étourdissement. Il accrochait les moutons sur la rampe de montée, se saisissait de la pince électrique qu’il appliquait en même temps que les moutons étaient tirés en hauteur par la rampe. Dans l’ensemble, les moutons étaient suffisamment étourdis, mais certains avaient tendance à se réveiller une fois arrivés au poste de saignée, qui se trouvait très loin du poste d’étourdissement.

 

Quant à la formation obligatoire du personnel concernant la protection des animaux au cours de l’abattage, rien n’avait été mis en place, ainsi que me l’ont dit les employés eux-mêmes. La réponse du bureau de la protection animale du Ministère de l’Agriculture concernant cet abattoir fut laconiquement administrative : « Les problèmes d’hygiène de l’établissement sont prioritaires sur la protection animale, aucune action ne pourra être prise par le Bureau de la Protection Animale. Les manquements à la protection animale sont imputés à un employé qui mettrait de la mauvaise volonté. Les conséquences d’une fermeture seraient trop importantes pour la situation économique générale ». Sans commentaire !

 

 

 

 

dimanche, 18 novembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Des chevaux qui attendent

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Des chevaux qui attendent

 

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C’était en région parisienne, il y a plusieurs années. Je me rappelle les deux étables. Les chevaux étaient attachés de chaque côté d'un large abreuvoir en béton. Au-dessus, du foin était fourni pour les chevaux séjournant plusieurs jours. Les abreuvoirs étaient sans eau, l'un était sale avec des gravats dedans, quant à l'autre, le robinet d'eau était cassé et rouillé.

 

J'en ai parlé au directeur, lui signalant que cela avait été constaté par une association allemande, lorsque des personnes avaient observé, à l'issue du déchargement d'un convoi de chevaux qu'elles avaient suivi, que les animaux n'avaient pas été abreuvés alors qu'ils avaient effectué un long parcours. Le directeur, qui ignorait le mauvais état du matériel d’abreuvement, a alors téléphoné au responsable des arrivées de chevaux et à celui de l’entretien, pour régler le problème.

Les chevaux sont généralement déchargés la nuit du vendredi à 2 heures du matin. Étaient en attente dans les stabulations : deux chevaux, un âne et un poney. Les chevaux étaient conduits par un couloir dans un piège, avec une ouverture latérale, pour sortir l'animal après étourdissement au matador. L’abattage des chevaux avait essentiellement lieu le lundi, mais également le jeudi. Les chevaux peuvent très bien séjourner une semaine en stabulation, ils reçoivent du foin pour nourriture.

 

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Vieux cheval attaché que l’on fait attendre durant une nuit devant un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

Dans cet abattoir, les bovins étaient rituellement abattus dans un box rotatif de marque FACOMIA type F4 1992 AGR 306 GB. Quant aux veaux, ils étaient égorgés dans le box rotatif des gros bovins. L’appareil a subi une modification depuis août 1997, pour adapter l'appareil aux veaux. Il n’y a à ce jour toujours pas de changement d'agrément. Cette amélioration est intervenue à la suite d'une visite des services vétérinaires il y a plusieurs mois. Auparavant tous les veaux étaient suspendus conscients avant la saignée. Lors d'un courrier des services vétérinaires pour la remise en conformité, que m'a lu le directeur, il était précisé d’une façon curieuse pour une autorité ayant compétence (même le directeur en a ri) : « La suspension des veaux est une infraction que pourrait relever la société de protection des animaux d'abattoirs ! ». Autrement dit, il était demandé au directeur de se mettre en conformité seulement parce que l’association de protection des animaux d’abattoirs pourrait s’apercevoir de l’infraction !

 

Un local équipé pour les abattages d’urgence était accessible aux camions. Les animaux ne pouvant marcher étaient sortis à l'aide d'un treuil et sont ensuite tués. Si l'un des animaux souffre beaucoup, ils l'abattent immédiatement (4 à 5 bêtes par semaine). Un jeune bovin famélique gisait mort dans la cour ; il avait été amené en abattage d'urgence par la personne qui effectue un ramassage des bêtes de réforme, mais il était mort dans le camion.

 

Pour l’Aïd-el-kébir (sacrifice du mouton par les pratiquants musulmans) : 2000 moutons ont été égorgés l’année précédente. À l'intérieur de l'abattoir, ce sont des sacrificateurs qui tuent. À l'extérieur, des parcs provisoirement aménagés sont à la disposition des particuliers qui égorgent eux-mêmes les animaux. Une partie des moutons est achetée sur place, mais pour le reste, les musulmans emmènent leurs moutons les pattes ficelées dans les coffres des voitures. Cette journée requiert de la part du directeur une organisation considérable et qui dépasse le déroulement d'une activité normale. Les musulmans viennent en voiture, ce qui crée des problèmes de circulation. Par ailleurs, des scènes d'atrocité se déroulent aux yeux de tous et font l'objet de plaintes de la part de civils à la mairie, qui se trouve en face. Le directeur ne souhaite pas organiser l'Aïd-el-kébir l'année prochaine. Il se sent seul pour cette journée, alors qu'on lui demande de faire de gros efforts et qu'on ne lui en donne pas les moyens.

L'abattoir abat en grand nombre des animaux de réforme. Un grossiste est installé dans la même ville. De nombreux animaux de réforme en provenance des marchés arrivent tous les jours suivant les achats effectués régulièrement sur les différents marchés (Arras, Nancy, Rethel, Sancoins...).

Des camions de Bretagne arrivent également à l'abattoir, chargés de bêtes de réforme. Dans les lots, on peut voir des bovins en très mauvais santé et en état de misère physiologique avancé. Pour les camions de Bretagne, il semble que des courriers ont été envoyés aux personnes concernées, grossistes, et services vétérinaires afin que des contrôles et des tris soient effectués à la source, pour éviter des souffrances qui se traduisent souvent par des agonies menant à la mort lente des vaches réformées. Pour les bêtes arrivant des différents marchés des alentours, les services vétérinaires constatent également la présence d’animaux en état de misère physiologique avancé, d’animaux qui n'ont pas été abreuvés depuis plusieurs jours, d’animaux qui souffrent de leurs blessures.

 

De nombreuses saisies partielles, totales et sur pied sont effectuées. Les services vétérinaires de l'abattoir s'insurgent, ils ont écrit à leur direction, en donnant les adresses des éleveurs qui méritaient d'être poursuivis, car outre les mauvais soins que font endurer les intermédiaires des fermes aux abattoirs, beaucoup d'animaux présentent des pathologies dues à une absence de soins. Les animaux sont délaissés plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour autant, les procès-verbaux sont rarement dressés. L'absence de contrôle des services vétérinaires et de répression sur les marchés aux bestiaux, favorisent le non-respect des règles de protection animale dans les fermes, sur les marchés, dans les transports, et pendant les séjours entre les intervenants avant l'abattoir.

 

Cet abattoir se sent montré du doigt en raison des bovins de réforme qui y sont abattus. Pourtant, c’est le type d’activité qu’ils avaient choisi de pratiquer. De grandes marques de viande viennent s’y approvisionner, et les grossistes en boucheries hallal également. Au déchargement, des bovins tombent d'épuisement sur le quai. Pas question de prendre la pile électrique, me dit le directeur, nous avons un bouvier qui s'en occupe. Il prend un seau d'eau, fait boire l'animal et au bout d'une demi-heure, celui-ci se relève. Ce qui prouve bien que les animaux ne sont pas abreuvés sur les marchés, dans les centres de rassemblement, et pendant les transports.

Des bovins sont abattus au pistolet Matador dans les camions et saisis sur patte, tant ils sont en état de dégradation et de souffrance extrêmes ; ils sont emmenés par des chevillards en abattage d'urgence et toujours au dernier moment. Par contre, ce matin, une flaque de sang teintait le sol des stabulations des chevaux. Je me suis renseigné, on m'a dit qu'un bovin qui ne pouvait plus marcher au sortir d'un camion avait été tiré au treuil, le plus près possible du poste d'abattage et a été ensuite tué dans les stabulations des chevaux. Il faut savoir qu'un treuil a été installé pour tirer les bêtes de réforme qui se trouvent dans le couloir d'amenée et qui tombent d'épuisement.

 

Le directeur me dit que, normalement, ils auraient dû partir du quai, étourdir la bête au Matador et ensuite la tirer avec le treuil vers le poste d'abattage. C'est d'ailleurs plus logique et plus facile, et c'est ce qu'il souhaite, a-t-il ajouté. Mais, le vétérinaire n'aime pas cette façon de procéder en raison des problèmes d'hygiène que cela pourrait poser ! En fait, le technicien vétérinaire m'a dit qu'ils ont procédé ainsi ce matin, étant donné que l'animal « est plus maniable vivant que mort » ! Il faut dire également que de nombreuses personnes téléphonent à l'abattoir et à la mairie, en traitant d'assassins et de bourreaux le personnel de l'abattoir, qui abat les bêtes sur le quai. Il faut savoir que le centre de tri postal se trouve juste en face. Ces personnes sensibles qui se trouvent là ne savent pas faire la différence entre le fait d’abréger les souffrances d'une vache sur le quai de déchargement et l’horreur d’une mise à mort standard qui se dissimule derrière les murs de l'abattoir.

 

Le directeur est très embêté par ce problème. Il aimerait très sincèrement ne plus recevoir d'animaux qui mériteraient d'être abattus par un vétérinaire, soit à la ferme soit sur le marché.

 

Il est à signaler qu'un bouvier qui s’était montré extrêmement brutal avec les animaux avait été dénoncé par des personnes extérieures. Il a été réprimandé et changé de poste.

 

 

 

 

dimanche, 11 novembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Des hurlements de porcs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Des hurlements de porcs

 

Dans un abattoir de Bourgogne, l’étourdissement des porcs s’effectuait en pleine infraction, et sans que quiconque soit inquiété par les autorités compétentes présentes dans l’abattoir. À mon arrivée, j'assistai à l'étourdissement des porcs. Ceux-ci étaient conduits hors des stabulations par un large chemin d'amenée qui traversait la cour vers le local d'étourdissement. Ils y étaient entassés par dizaine et étourdis, sans piège d'immobilisation, à l’aide d’une pince électrique utilisée manuellement. Les porcs étaient étourdis et suspendus par la même personne, cependant, elle les étourdissait deux par deux (ce qui est interdit). Lorsque le premier s'effondrait, l’employé en étourdissait un autre dans le lot mis en place dans la case d’abattage. L'employé se saisissait d'un crochet pour enchaîner l'un des deux cochons afin de le suspendre, mais il avait beaucoup de mal, car la panique s’emparait des autres qui piétinaient ceux qui venaient d’être étourdis et qui gisaient sur le sol. Il fallait tenter de les dégager pour faire de la place. L'agitation était telle que l'employé devait s'équiper de protège-tibias. Non seulement la procédure était incorrecte, mais en plus l’employé perdait du temps en ne se pressant pas et en discutant avec d’autres employés. De façon générale, il s'écoulait trop de temps entre l'électronarcose et la saignée, alors que cela doit être réalisé le plus tôt possible et avant que l’animal ne reprenne conscience. Plusieurs cochons se réveillaient pendant la saignée : en effet, lorsque j’effectuais le test occulopalpébral, certains cochons clignaient des yeux et suivaient mon doigt du regard. L’étourdissement n’avait servi à rien.

 

Les vétérinaires et les techniciens vétérinaires travaillant dans l'enceinte de l'abattoir semblaient ne pas s’en préoccuper. Le responsable m'a même demandé ce que je pensais de l'abattage des porcs. Je lui avais répondu que l'électronarcose était insuffisante, qu'il fallait étourdir les porcs un par un et les saigner immédiatement. Mais l'activité s'est poursuivie de la même façon jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de porcs.

 

L'abattage des porcelets se déroulait d’une façon identique. Étourdies deux par deux, les petites bêtes donnaient l'impression d'agoniser au sol tant elles s’agitaient. L'employé, muni de sa pince électrique devait leur courir après et pratiquement leur sauter dessus pour pouvoir les étourdir. Affolés, les porcelets couraient partout, parfois jusque dans le local d'à côté. Une fois suspendus, ils s'agitaient énormément et, même saignés, bougeaient encore. Certains tombaient en se décrochant, se vidaient de leur sang dans le bac de récupération du sang ou directement sur le sol.

 

L'étourdissement des porcs et des porcelets était extrêmement critiquable. Il n’était pas difficile, pour les services vétérinaires, de faire procéder à un étourdissement individuel, suivi de la saignée, en prenant les porcs un par un. Pour l'abattage rituel des veaux et ovins, les animaux étaient suspendus vivants avant la saignée. Le responsable de l’abattoir m'avait dit que la direction des services vétérinaires le savait, qu’elle était au courant et qu'elle n'avait jamais rien dit, alors pourquoi devrait-il faire autrement ?

 

Dans un petit abattoir de Bretagne, je suis rentré par ce qui me semblait être une remise ou un vestiaire où étaient entreposés des caisses, du matériel, des affaires de bureau, des papiers. C'était humide. On s'échangeait du poisson et on ouvrait une bouteille de cidre. Mais en fait, je crois qu’il s’agissait des bureaux. Dans la salle d'abattage, ce n'était pas mieux. On pouvait y circuler en habit civil. C'était d'une grande insalubrité : du papier brûlé, du matériel sale était entreposé, des lattes de bois... Je ne sais pas si cet abattoir est encore en fonction, mais des bâtiments en construction étaient visiblement destinés à une mise en conformité.

 

L’abattage des porcs était à la hauteur des lieux, c’est-à-dire plus que catastrophique. À mon arrivée, je vis dans la porcherie un porc blessé à l'arrière-train. Il était en position assise et avait perdu beaucoup de sang. J’assistais à l’abattage de cinq porcs. Deux employés ont rentré trois cochons dans un petit local. L'un a présenté la pince d'étourdissement sur la tête d'un cochon. La bête hurlait de douleur pendant l'électronarcose, car l'intensité du courant n'était pas assez forte pour effectuer un électrochoc. L’application de la pince durait longtemps. Voyant le cochon souffrir, j'ai crié pour que les employés arrêtent d’appliquer la pince inefficace. L'un d'entre eux est alors allé chercher un tuyau pour arroser d'eau les cochons. On a repris la pince pour continuer l'anesthésie de celui qui avait été assommé par les chocs électriques, mais encore tout à fait conscient et souffrant.

 

Cela allait un peu mieux, l’eau permettant une meilleure transmission du courant. Toutefois, l’électronarcose était inefficace, les cochons hurlaient et s'agitaient sous les décharges électriques. Suspendus par une patte arrière pour être ensuite saignés, ils n’étaient pas vraiment étourdis, leurs yeux étaient grands ouverts, regardant ce qui se passait autour d’eux, voyant le tueur s’approcher avec son couteau, et pratiquer la saignée. Le test occulopalpébral confirmait que les animaux étaient encore conscients.

 

Un employé est ensuite allé chercher celui qui était blessé, en le traînant par les deux pattes de devant. L'étourdissement de ce dernier fut effectué dans les mêmes conditions.

 

Dans un autre petit abattoir de Bretagne, l’abattage des porcs était également plus que critiquable. En raison de travaux, la porte d'accès au poste d'étourdissement était condamnée. Les employés faisaient entrer les porcs par l'intérieur, c'est-à-dire qu'ils traversaient la salle de dépouillage. Avec des planches et des palettes, on avait obstrué les endroits où les bêtes ne devaient pas aller. Toutefois elles passaient entre les carcasses, allaient se coincer sous le bac d'eau chaude et sautaient dans le bac d'égouttement du sang. Les employés avaient beaucoup de difficulté à mener les cochons jusqu’au poste d'étourdissement. Cinq petits cochons avaient été conduits dans l'étroit local d'étourdissement et de saignée. Quatre d'entre eux ont été tués. Le cinquième, un cochon appartenant à un particulier, était resté dans le local sans être abattu pendant une heure. Celui-ci avait

assisté aux abattages de ses congénères et s'était réfugié dans un coin du local. Il tremblait de tout son corps, sans oser bouger tellement il avait peur. J’en garde une image assez triste, tellement on pouvait lire la peur dans l’attitude de repli de cet animal. J’ai envie de dire ici : « Mais comment peut-on faire cela ? »

 

Dans l'étroit local, les employés avaient fait rentrer dix cochons alors que pour travailler dans de bonnes conditions cinq aurait été un grand maximum. Un employé s'était muni d’une pince électrique dont je n’avais jamais vu le modèle, mais qui datait de Mathusalem. Une longue barre en fer avec au bout des cosses en laiton fixées sur un support métallique en V. L'intensité de la pince était très faible, on me l'a confirmé en me disant que l'on pouvait la toucher avec les mains sans rien risquer. Aucun numéro d’agrément n'y figurait, pas même le type et la marque de la pince. Lorsque le responsable se servait de la pince pour étourdir les animaux, il tentait d'immobiliser les porcs dans un coin et plaçait celle-ci convenablement, mais malgré cela les bêtes restaient insuffisamment étourdies. Par contre, l'employé, lui, plaçait la pince n'importe comment, dans la gueule, sur le côté ou sur le groin. De plus, les cochons affolés montaient les uns sur les autres, au point que parfois celui qui subissait l'électronarcose se sauvait. Ce qui faisait que l’employé ne savait plus sur lequel il avait commencé l’étourdissement. Les cochons recouvraient complètement celui dont l'employé était en train d'effectuer l'étourdissement, si bien qu'il ne voyait pas ce qu'il faisait au risque d'électrocuter les autres et de faire n'importe quoi avec la pince. L'électronarcose durait de quarante secondes à plus d'une minute. Les porcs étaient mal étourdis, et subissaient des douleurs dues aux décharges électriques. Ils reprenaient connaissance dés la suspension et étaient conscients pendant la saignée. J'ai effectué le test occulopalpébral qui confirmait l’inefficacité de l’étourdissement.

 

Les abattages des porcs étaient effectués dans de mauvaises conditions. Je m’étais rendu compte de la médiocrité des tueries ; les employés en furent irrités et m'invitèrent à le faire moi-même pour me rendre compte de la difficulté. Je mis en avant le fait que cela n'était pas mon travail et de toute façon avec une pince aussi inefficace ce n'était même pas la peine d'y penser.

 

 

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Cochons morts pendant le transport et déchargés à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

 

 

dimanche, 04 novembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Dernier sursaut d’un veau

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


Dernier sursaut d’un veau

 

Dans un abattoir de Bretagne qui abattait des veaux provenant d’élevages en batterie (élevés les uns à côté des autres dans des cases en bois si étroites qu’ils ne pouvaient pas se retourner et étaient condamnés à garder toujours la même position), j’assistais aux égorgements de l’abattage rituel juif. Les veaux empruntaient un chemin d’amenée bien aménagé qui montait progressivement vers un piège de contention mécanique. Ce piège était fixe, en forme de case, il était en inox et en plastique blanc. Les veaux étaient saignés debout. Tandis qu’une mentonnière relevait la tête des veaux, le sacrificateur juif les saignait en passant son couteau par-dessous la gorge. Il était équipé d’un couteau extrêmement tranchant. Entre les saignées, il passait son temps à l’entretien du couteau. Le piège de contention debout était moins stressant pour les veaux. Néanmoins après la saignée, on pouvait se rendre compte de la façon et de la durée que mettaient les veaux à mourir en se débattant, après l’égorgement, de toutes leurs forces.

 

Durant la journée réservée à l’abattage rituel, c’est avec dégoût que l’ensemble du personnel travaillait. Selon ses dires : « Cela s’apparente à un massacre ». Tels sont les propos tenus par des bouchers professionnels. Ils me disaient ne pas comprendre pourquoi cette forme d’abattage est encore autorisée. Ils préféraient, de loin, l’utilisation d’un procédé d’étourdissement avant la saignée, car selon leurs expériences cela fait moins souffrir les animaux.

 

Après avoir été saigné par le sacrificateur, et alors que la porte latérale du piège avait été ouverte trop tôt, un des veaux s’est relevé alors qu’il agonisait et s’est mis à courir en direction de la chaîne d’abattage où les employés étaient postés. Il a fallu lui sauter dessus pour l’intercepter. La bête fut ramenée devant le piège pour y être suspendue par une patte, alors même qu’elle n’était pas encore morte. Le veau avait été suffisamment égorgé, mais avant de perdre suffisamment de sang pour s’évanouir, il avait trouvé la force de tenter d’échapper à sa situation en voyant la porte du piège ouverte. Cela prouve qu’une bête saignée sans étourdissement ne meurt pas tout de suite. Les autres veaux se débattaient aussi beaucoup dans le piège après l’égorgement. Étant prisonniers du piège, ils donnaient des coups de pattes contre les parois.

 

Le plus consternant était l’attitude du sacrificateur, car lorsque le veau sortit du piège en courant, il ne bougea pas d’un pouce, ne manifesta aucune émotion, n’eut pas même le réflexe d’attraper le veau. Impassible, indifférent, il a continué à s’occuper de son couteau, à l’affûter, alors que le veau passait devant lui. La responsable et les employés étaient dégoûtés. L’activité rituelle représentait 25% de l’activité de cet abattoir sur les 62 400 veaux abattus l’année précédente.

 

 

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Égorgement rituel d’un mouton, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub

 

jeudi, 01 novembre 2012

Archange

Klaus Nomi, Purcell, ange, archange, aria, the Cold Song

N'ayez pas peur de lui... N'ayez pas peur de vous. Ecoutez ce chant funèbre, somptueusement déployé par un ange poignardé :

What power art thou,
Who from below,
Hast made me rise,
Unwillingly and slow,
From beds of everlasting snow!

See'st thou not how stiff,
And wondrous old,
Far unfit to bear the bitter cold.

I can scarcely move,
Or draw my breath,
I can scarcely move,
Or draw my breath.

Let me, let me,
Let me, let me,
Freeze again...
Let me, let me,
Freeze again to death!

Cold Song, Klaus Nomi, archange, purcell, aria
Un autre billet d'AlmaSoror sur la lutte de l'archange et de l'ange...

 

(Merci à l'internaute qui mit sur YouTube cette vidéo de l'Aria de Purcell The Cold Song, interprété par Klaus Nomi)

dimanche, 28 octobre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Les poussins refusés

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Les poussins refusés

 

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Poussins et œufs non encore éclos jetés dans une benne d’un couvoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

Il existe une autre situation dramatique, c’est celle des poussins refusés. Cette situation n’a rien à voir avec les abattoirs directement, elle concerne les couvoirs de poussins. Il s’agit de poussins d’un jour qui font l’objet d’une destruction massive. Dans un couvoir, par exemple lorsque 800 000 poussins naissent par semaine, il y en a 400 000 qui sont jetés, parce que non conformes. Si l’on fait naître des futures poules pondeuses, la moitié des poussins seront des mâles qui ne seront pas gardés. Les poussins estropiés, les naissances tardives, les œufs non éclos, les « non conformes » sont également jetés. Pendant longtemps, ces poussins refusés étaient simplement jetés vivants dans des bennes avec les coquilles vides. Dans un abattoir, en l’an 2000, un chauffeur m’avouait chercher des bennes dans un grand couvoir rempli de poussins vivants en partance pour l’équarrissage. Ce qui est interdit, car aucun animal vivant ne peut entrer dans un centre d’équarrissage. J’ai fait une enquête auprès du couvoir en question qui refusa de me laisser visiter les lieux. Le directeur m’indiqua que les poussins refusés passaient dans le système d’aspiration sur lequel trois coudes avaient été installés, censés tuer les poussins au passage.

 

Dans d’autres couvoirs, les poussins sont jetés dans des poubelles qu’on entasse l’une sur l’autre afin de les faire mourir par écrasement. Dans d’autres encore, les poussins sont enfermés dans des sacs où ils meurent d’étouffement. Il existe des établissements où l’on tue les poussins en les mettant dans des caissons sous vide d’air dans lesquels on injecte parfois du gaz carbonique. D’autres possèdent des broyeurs qui, comme leur nom l’indique, broient les poussins. D’autres encore possèdent des rouleaux écraseurs : les poussins passent entre deux cylindres qui les écrasent et leur assurent la mort. Dans tous les cas, bien qu’atroces, la loi exige un appareil qui correspond à « un dispositif mécanique entraînant une mort rapide », conformément aux dispositions de l’article 7 de l’arrêté du 12 décembre 1997. Donc, le broyeur et les rouleaux écraseur. Pour que leur mort soit la plus douce possible, la méthode du caisson avec injonction de CO² serait préférable pour ces millions de poussins dont se débarrassent les couvoirs.

 

 

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Élevage industriel de poules pondeuses (Code 3 sur les œufs)
Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

dimanche, 21 octobre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Une petite vache dans le box rotatif

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Une petite vache dans le box rotatif

 

Je me souviens tout particulièrement d’un abattoir qui était classé « lanterne rouge » parmi les abattoirs, et juste en face duquel se trouvait le siège de la Direction des Services Vétérinaires. Arrivé vers 5 heures du matin, je me suis présenté à un responsable. Cette personne n’avait pas de temps à me consacrer et m’a laissé visiter les lieux seul. Je me suis équipé de ma blouse, mes bottes et mon casque et me je suis dirigé vers la porcherie. Il faisait un froid glacial ce jour-là. Des cris d’animaux s’échappaient des postes d’abattage. Une intense activité régnait.

 

Dans la porcherie, les porcs se comptaient par centaines. Ils attendaient leur tour avant la mise à mort. Le mélange des lots ne provenant pas du même élevage faisait que les porcs, déjà stressés par le changement d’environnement et par le transport, s’agressaient mutuellement en se mordant les uns les autres.

 

Un employé est venu chercher un groupe de cochons. Ces derniers ne voulaient pas avancer dans l’étroit couloir qui menait au poste d’abattage. L’employé les frappait sans ménagement à l’aide d’un bâton. Il les faisait entrer un par un dans un Restrainer où ils étaient étourdis en recevant un choc électrique entre les oreilles. Les cochons étaient ensuite expulsés sur une table, un employé les suspendait par une patte arrière et effectuait une saignée sous la gorge, en principe avant que l’animal ne se réveille.

 

Les cochons qui ne voulaient pas entrer dans le tunnel étaient poussés au moyen d’un fil électrique qui leur envoyait des décharges. Les animaux hurlants entraient de force dans le tunnel. Certains étaient mal étourdis et c’est en pleine conscience qu’ils étaient suspendus et saignés.

 

L’abattage rituel musulman était pratiqué dans le local d’abattage des bovins. L’employé avait fait rentrer une vache de petite taille dans le box rotatif. Il a fait basculer le box, mais la vache, petite, se plaça mal à l’intérieur. Il fit alors plusieurs mouvements de rotation. L’animal étant toujours mal positionné, l’employé laissa le box en position tête en bas. La tête était de travers. L’employé, alors, prit un bâton qu’il enfonça dans la gueule de la vache pour tenter par des mouvements de mettre la tête en position droite. N’y parvenant pas, il décida alors, d’enfoncer ses doigts dans les cavités orbitales des yeux de l’animal. C’est ainsi qu’il parvint à tourner la tête. Étant sacrificateur, il égorgea ensuite la vache en pleine conscience. Des employés m’ont dit que ce n’était pas la première fois qu’il s’y prenait de la sorte vu que le box rotatif était inadapté, et que personne ne lui disait rien.

 

Ce même jour, une vache était couchée, attachée dans un passage à l’extérieur. Avec un petit tractopelle, les employés voulurent la traîner sur le sol jusqu’au local d’abattage d’urgence. Ils avaient déjà attaché une patte arrière de l’animal avec une chaîne et étaient prêts à la tirer avec leur petit tracteur. Je me suis interposé. J’ai pu obtenir son abattage sur place, là où elle se trouvait immobile. Il a fallu que je négocie avec le vétérinaire pour empêcher la manœuvre qui allait être exécutée.

 

Avant de quitter l’abattoir, je m’assurai de l’état des porcs qui se trouvaient dans la porcherie pour y être abattus le lendemain. Je fis l’étrange découverte de voir deux animaux dans une caisse. Un petit cochon au regard triste, qui était blessé, avait été déposé dans un chariot roulant. Une truie avait été mise dans une caisse roulante assez étroite puisqu’elle n’avait que la place de s’asseoir. C’est dans cette position qu’elle se trouvait. Les abattages sur la chaîne des porcs étaient terminés, et les locaux, le Restrainer, le matériel avaient été nettoyés. Autant vous dire que j’ai vu rouge ! Je suis allé trouver le vétérinaire inspecteur pour lui montrer les deux animaux qui n’avaient pas été pris en charge et qui devaient vivre une nuit supplémentaire, péniblement, dans l’abattoir. Le vétérinaire, dont les compétences étaient larges, mais qui se limitait à l’inspection des carcasses de viande avait bien compris mon mécontentement. Il est alors parti rechercher les employés dans les vestiaires. Il les a obligés à remettre toute la chaîne d’abattage des porcs en route pour mettre fin à la vie de ces deux animaux. Les employés n’étaient pas très contents et me jetaient des regards haineux. Ils rétorquèrent au vétérinaire, qui ne semblait pas être au courant : « Mais, on fait toujours comme cela… ». L’inspecteur vétérinaire mandaté par les services vétérinaires répliqua : « Ah, je comprends maintenant pourquoi je retrouve tant de cadavres de porcs le matin lorsque j’arrive ! ».

 

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Vache n’en pouvant plus d’être prisonnière dans un camion au plafond très bas.
Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

dimanche, 14 octobre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Marie

 

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Bovins qui cherchent de l’air à travers la lucarne d’un camion.
Phot Jean-Luc Daub

 

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Marie

 

 Marie était une vieille femme de bonne santé, à la chevelure grise et longue. Elle portait les cheveux lâchés. Son visage buriné par le temps et ses mains trahissaient un intense travail de la terre.

Marie a toujours été agricultrice. Dès sa plus tendre enfance, elle travailla avec ses parents, et poursuivit cette activité jusqu’à aujourd’hui, à l’âge d’une retraite bien méritée. Marie ne savait pas s’arrêter, c’était le temps qui tentait de l’arrêter, en dressant devant elle maints obstacles, toujours plus difficiles à surmonter. Mais cette dame, âgée aujourd’hui de 94 années, ne se démontait pas et survivait malgré ses vieux os en continuant à travailler la terre et à s’occuper de ses bêtes. Au moment où je l’ai connue, elle possédait six vaches, quelques chiens et de nombreux chats qui se reproduisaient sauvagement. Elle vivait entourée d’animaux, de chiens affectueux, et de chats à moitié sauvages qui la considéraient comme la chef de meute. Marie était veuve. Elle habitait seule en centre Bretagne, dans un lieu-dit où il y a peu d’habitants. Elle ne faisait plus ses courses elle-même. Une jeune femme dévouée et possédant un véhicule les faisait pour elle. Marie habitait à cinq kilomètres du bourg, elle ne possédait pas de voiture, elle n’avait d’ailleurs pas le permis et, à son âge, elle ne pouvait plus s’y rendre à pied. Son mari agriculteur n’avait pas connu la mutation moderne de l’agriculture. Il est mort il y a maintenant trente ans. Cependant elle pensait le voir encore, et notamment lorsqu’il revenait accompagné des gendarmes qui le recueillaient parfois sur la route en état d’ébriété. Marie me disait que les « gens d’arme » le ramenaient souvent à la maison, car il avait la fâcheuse habitude d’aller au bourg pour se livrer à la consommation d’alcool dans un bar fréquenté. Marie se soignait avec des remèdes à elle, des plantes. Elle n’avait pas la télévision, mais elle n’avait pas non plus l’électricité. Pourtant, elle possédait un frigidaire pour y ranger sa nourriture, et après tout, un frigidaire même sans électricité, cela sert à ça !

Marie cuisinait, elle préparait des pommes de terre de son jardin, de la soupe et des omelettes grâce aux œufs pondus par les quelques poules qui vivaient comme elle, dans un lieu dégradé par l’œuvre du temps et les éléments du ciel. Notre gentille dame ne se servait pas d’une cuisinière ou d’un four pour la cuisson de sa nourriture. Lorsqu’elle m’invita dans une sorte de pièce à vivre, je fus surpris de voir une marmite bouillonnante léchée par les flammes d’un feu de cheminée. Du bois de chauffage était éparpillé sur le sol. Il ne faut pas s’imaginer de belles bûches bien rangées, il s’agissait de morceaux de troncs d’arbres pourris, de branchages. Le sol de cette pièce, qui était la cuisine, était composé de terre battue, comme dans l’ancien temps. Le sol était creusé par le va-et-vient incessant de toute une longue vie. Un tas de détritus s’amoncelait sur une table, (des assiettes, des bols, de la nourriture avariée, des journaux pourris…). Sa cuisine était un peu insalubre, pour nous autres qui vivons en appartement ou possédons une maison bien ordonnée. Des monticules de vêtements déchirés, salis par les animaux traînaient dans la boue, laissés çà et là. Tant d’objets encombrants occupaient la pièce qu’il n’y avait plus de place, juste une chaise pour s’asseoir devant… la télévision j’allais dire, non, la cheminée ouverte. Sur les murs, il n’y avait plus de fenêtres, et il n’y avait pas de porte non plus. La cuisine donnait directement sur l’extérieur et la pluie se donnait un malin plaisir à s’y engouffrer. Par mauvais temps, l’eau s’écoulait du plafond dans les parties habitables. C’était pareil pour sa chambre, qui se trouvait de l’autre côté du bâti avec l’étable des vaches, l’eau s’y infiltrait sans complexe. Des tas d’objets encombrants et des vêtements usagés traînaient partout, tout était livré à l’abandon.

Sa maison, faite de plain-pied, était devenue vétuste. Le toit n’était plus étanche, des murs s’écroulaient. Oh… Marie a bien voulu faire refaire sa cuisine avec l’aide d’un homme bricoleur de confiance, qu’elle paya malheureusement d’avance. Profitant de la vulnérabilité de Marie, cet homme qui s’avéra sans scrupule disparut sans faire les travaux.

Marie était gentille et accueillante. Pourtant, j’étais venu pour un problème de protection animale. Lorsque j’arrivai sur la propriété, je dus me glisser sous les fils barbelés qui clôturaient l’espace des animaux, qui était aussi le sien, pour tenter de la trouver. Après avoir fait le tour des lieux, je compris vite que j’avais affaire à une situation sociale critique. Au loin, dans un champ labouré, je vis une silhouette qui déambulait entre de vastes et profonds sillons de terre. C’était Marie. On m’avait parlé d’une femme de 80 ans, je ne pensais pas la voir traverser un champ retourné, suivie d’une meute de chiens. Elle avait une chevelure longue et décoiffée, une démarche chaotique, des jambes arquées, un pantalon dans les bottes et un gros pull.

Tout cela ne me permettait pas de porter mon regard sur l’apparence d’une personne classique, ni même sur une dame d’un certain âge. Bien des personnes âgées se déplacent difficilement, alors que Marie marchait sans peine dans les crevasses. Elle vint vers moi. On m’avait dit qu’elle avait un fusil, mais je n’ai rien vu de cela. Je me suis présenté, elle était ravie de ma présence, je pense qu’elle n’avait pas compris que je venais pour voir l’état de ses animaux. Je suis allé voir avec elle les animaux. Aucun ne semblait souffrir. Par contre une génisse me suivait et se collait à moi. Marie me dit alors qu’elle se comportait comme cela parce qu’elle était amoureuse de moi.

Marie me proposa un café que j’acceptai. Nous allâmes dans sa cuisine. Elle prépara le café dans une casserole noire de crasse, puis elle nettoya devant moi les tasses avec l’eau de la gamelle des chiens. Que pouvais-je faire ? Me sauver en courant ? Non, j’avais décidé de lui tenir compagnie en buvant le café de l’amitié. Nous nous sommes installés dehors sur deux chaises devant la maison, les tasses étaient posées sur une cuisinière toute rouillée qui ne servait à rien, sinon à remplacer une vraie table. J’ai quitté cette dame avant la tombée de la nuit en lui promettant de revenir. Ce que je fis. Un été, je suis revenu avec un ami. Nous lui avons coupé du bois pour sa cheminée, et nous avons un peu rangé. Mon ami refusa de boire un café, trop sale à son goût. Il faut dire que lorsqu’elle sortit du pain, un asticot y faisait sa vie. Mon ami, un vaillant jeune homme, osait à peine s’asseoir sur la chaise proposée par Marie. Il s’y tenait en équilibre en y posant le bout de ses fesses, prenant appui sur ses jambes. Quant à moi, je n’avais de telles réserves. Marie ne semblait pas malade, pourquoi l’aurait-elle été ?

Marie était généreuse, elle voulut nous récompenser. Avec sa bêche, elle sortit du sol des pommes de terre qu’elle nous donna. Puis, elle me dit : « Un homme, il faut que ça mange, je vais vous faire des œufs », et là j’ai dit non, en prétextant que ce serait pour une autre fois. Nous ne savions pas trop si les œufs étaient frais. Mais Marie ne voulait pas nous laisser partir, elle ne recevait pas beaucoup de visite.

J’ai connu Marie parce qu’une plainte avait été déposée à l’association, concernant ses vaches qui auraient été victimes de maltraitance. Je n’ai rien vu d’anormal. J’ai rencontré Marie parce que quelqu’un lui voulait du mal, quelqu’un qui avait entendu quelqu’un, qui avait dit à quelqu’un d’autre que les vaches étaient maltraitées ! Je lui avais pourtant dit, à Marie, que je venais pour ça, mais je crois qu’elle ne comprit pas bien, car elle m’accueillit à bras ouverts. Elle était une voisine dérangeante parce qu’atypique. C’est vrai, ses vaches divaguaient parfois, ses chiens aussi, de plus ils aboyaient, elle avait aussi une multitude de chats. Des gens convoitaient son terrain. Une voisine n’était pas contente parce qu’une génisse s’était retrouvée sur sa belle pelouse. Les chiens qui posaient des problèmes allaient être euthanasiés. Un marchand de bestiaux lui faisait du chantage en tentant de la voler. Il voulait acheter son taureau pour une bouchée de pain, et il menaçait de venir le lui prendre de force. Les gendarmes s’étaient déplacés plusieurs fois. Un agriculteur lui avait vendu du foin, mais il était de très mauvaise qualité. Que de gens malhonnêtes gravitaient autour d’elle !

Par la suite, j’ai pris contact avec l’assistante sociale de la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) pour voir ce qui pouvait être fait pour ne pas laisser à l’abandon cette vieille dame, qui vivait hors du temps et de tout lien social. J’ai également contacté la mairie du bourg. Marie aurait refusé les services d’une aide ménagère, ainsi que la vente au marché à bestiaux de ses bovins, car elle avait peur de ne pas recevoir le « bon prix ». Marie était devenue méfiante à l’égard de tout le monde.

Quelques années ont passé sans que j’aie eu le temps de la revoir ou de m’occuper d’elle. Habitant en Alsace, et ayant d’autres occupations, j’ai laissé les voisins et les professionnels de son secteur s’occuper d’elle. J’ai repris contact avec une dame qui se consacrait un peu à elle. J’ai donc pu avoir des nouvelles et connaître l’évolution de sa situation. Aujourd’hui Marie est dans une maison de retraite, elle ne peut plus marcher, elle vit en fauteuil roulant. Elle a 94 ans. Sa situation s’était dégradée dans la propriété où elle vivait. Le maire de la commune et l’assistante sociale de la MSA n’auraient rien fait pour l’aider. Un homme, dont je ne connais pas l’identité, appela un jour le médecin du bourg. Il se préoccupait de l’état de santé de Marie. Elle ne s’alimentait plus, et ne pesait plus que trente kilos. Elle était mourante selon le médecin.

De plus, elle avait perdu la tête, et c’est en psychiatrie qu’elle fut orientée de force pour y être soignée. Avant de s’en sortir, et bien qu’étant d’une certaine manière placée dans un cadre sécurisant, Marie a connu l’enfer car sa prise en charge psychiatrique dura trois ans : trois années d’enfermement, pour elle qui a toujours vécu en toute liberté, et constamment à l’extérieur. Il a fallu la maintenir en service fermé, car elle n’avait qu’une idée en tête : quitter l’hôpital et retourner chez elle. Souvent, avec ses affaires sous le bras, elle prenait la direction de la sortie. Mais les portes étaient closes. Lors de son hospitalisation, il lui restait quatre vaches qui ont été vendues. Une dame de la SPA la plus proche, Loudéac, réussit à placer seize chiens. D’autres sont partis vers la SPA de Saint-Brieuc, deux se seraient échappés de cette SPA et trois ont dû être « piqués », parce qu’ils n’étaient pas « adoptables » m’a-t-on dit. Il y avait une trentaine de chats, dont la plupart ont été tués à coup de fusil. Un voisin excédé aurait même crevé l’œil d’une vache à coup de fourche. Sa maison et sa propriété ont été vendues à des Anglais.

La dame qui m’a gentiment renseigné lui rend visite régulièrement en lui apportant du chocolat et des gâteaux. Il semblerait que Marie évoque les visites que je lui faisais, elle se souviendrait de moi. Cette dame m’a prié de venir voir Marie à la maison de retraite, lors de mon prochain séjour en Bretagne. Sur son lit de chambre, là-bas, elle a un chien en peluche comme animal de compagnie.

 

 

 

dimanche, 07 octobre 2012

Ces bêtes qu’on abat : La fin des coches à l’abattoir

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


La fin des coches à l’abattoir

 

Dans les abattoirs, je pouvais voir des coches regroupées dans des cases d’accueil, présentant des abcès, des escarres, des cachexies, des tétraplégies, des boiteries, des prolapsus1, retournement de matrice… Bref, des animaux en souffrance qui auraient dû faire l’objet de soins vétérinaires, voire d’une euthanasie en élevage. Mais selon les dires d’un éleveur, les soins vétérinaires reviennent plus chers que le prix de l’animal lui-même. Le calcul est donc vite fait. Il arrivait souvent qu’un éleveur envoie à l’abattoir une coche douteuse, tout en sachant qu’elle ferait l’objet d’une saisie, mais cela permet de s’en débarrasser : l’abattoir s’occupe de la mise à l’équarrissage si une euthanasie est faite.

 

Traces de blessures sur tout le corps de cette pauvre truie qui ne peut pas marcher.
Phot Jean-Luc Daub

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En 1997, j’avais déjà soulevé le problème de la prise en charge des coches blessées. Dans un abattoir des Pays de la Loire, un vétérinaire souhaitait mener des actions conjointes avec l’association pour laquelle je travaillais. Mais les dirigeants de l’association n’ont jamais donné suite à la demande du vétérinaire soucieux d’enrayer la maltraitance que subissaient les coches. Le dossier était trop lourd, et puis nous aurions dérangé le Ministère de l’Agriculture, les services vétérinaires et les professionnels de la filière porcine. Le Ministère de l’agriculture, la Direction Générale de l’Alimentation plus précisément, qui avait été informée de ce dossier à la suite de mes enquêtes, n’avait pas donné suite, ni en 1997, ni en 1998, ni en 2001, ni en 2002 et ni en 2003. Pourtant, c’était un gros problème que bien des responsables d’abattoir auraient aimé voir résolu par une action radicale de la part du ministère.

 

L'origine du problème, outre les conditions d’élevage, vient du fait que rien n'est prévu en élevage industriel quand une coche se démarque du lot en ne pouvant plus se tenir debout ou en étant blessée. On ne fait toujours pas venir un vétérinaire. Une inertie de la part des éleveurs est constatée. « On ne fait pas appel au vétérinaire. Trop cher ! On tente parfois de soigner soi-même, et il pouvait y avoir trente à soixante injections sur le même animal », me disait le vétérinaire inspecteur, écœuré des pratiques et du laxisme. La pratique voulait que l’éleveur tente de soigner lui-même la truie malade ou blessée en jouant aux apprentis sorciers. En cas d’échec, il laissait l’état de l’animal se dégrader jusqu’à l’agonie lente pour le faire partir avec un lot. Il faut également savoir qu'aucun contrôle des services vétérinaires n'est prévu dans les élevages intensifs en matière de protection animale. Seules des visites sur les installations classées sont effectuées. « On nous demande de ne pas intervenir, il y a des pressions », m'indiquait le vétérinaire.

 

Les responsables d’abattoirs se seraient bien passés de ces animaux qui souillent les chaînes d’abattage, me confia l’un d’entre eux. Les transporteurs ont beaucoup de mal à charger ces coches qu’ils vont chercher dans les élevages durant la nuit. Elles peuvent peser jusqu’à 250 kilos, voire 300 kilos. Il faut s’imaginer que si l’une d’entre d’elles s’écroule sur le lieu d’élevage dans sa misérable cage métallique, c’est parce qu’elle est arrivée au bout de ce qu’elle pouvait supporter, parce qu’elle n’en peut plus d’être sans cesse inséminée artificiellement et sans cesse, qu’elle devient encombrante et ne répond plus à une prise en charge classique. Tout est mis en œuvre pour, coûte que coûte, charger dans le camion cette coche incapable de marcher. Un chauffeur se plaignait d'être seul pour charger les bêtes. Il commençait sa tournée à une heure du matin. Lorsque des coches blessées étaient mises en évidence afin d’être chargées, il faisait face à d'énormes difficultés pour les emmener. Soit elles étaient chargées à l'aide d'un treuil, soit elles étaient tirées par les oreilles ou par les pattes. Son patron lui demandait de ne pas les emmener, mais les éleveurs insistaient. Cette pression est toujours d’actualité, puisque dans le dernier abattoir de coches que j’ai visité, le directeur m’a dit que les éleveurs obligent les transporteurs à prendre celles qui sont pourtant déclarées inaptes au transport en raison de leur état de santé. De même, le directeur d’un abattoir de coches que j’ai visité récemment m’avoua qu’il était bien obligé de prendre des bêtes qui ne devraient pas arriver en abattoir, sans quoi, ses clients (éleveurs ou groupements d’éleveurs) allaient voir la concurrence, souvent vers des abattoirs plus complaisants. De plus, une baisse des approvisionnements en coches est actuellement importante, car de nouveaux acheteurs comme l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique sont plus offrants, et moins regardant dans leurs abattoirs sur la législation européenne à appliquer. C’est encore ces pauvres coches qui en font les frais. Imaginez ces bêtes qu’on a enfermées dans des cages en fer, qui n’ont jamais marché, ni fait d’exercice fortifiant leurs muscles, et qui doivent se tenir en équilibre dans les camions qui partent de Bretagne vers les pays que j’ai énumérés ! Là encore, bien qu’il soit humain de comprendre le souci financier des éleveurs, pensent-ils seulement à ce qu’ils font subir à leurs animaux ?

 

L’arrêté du 5 novembre 1996, modifié par l’arrêté du 24 novembre 1999 relatif à la protection des animaux en cours de transport précise : Art 2 – sont considérés comme inaptes au voyage : les animaux malades ou blessés. Cette disposition ne s’applique ni aux animaux légèrement malades ou blessés dont le transport ne serait pas cause de souffrances…

 

Le décret n° 99-961 du 24 novembre 1999 modifiant le décret n° 95-1285 du 13 décembre 1995 relatif à la protection des animaux en cours de transport stipule qu’il est interdit à tout transporteur ainsi qu’à tout propriétaire, expéditeur, commissionnaire, mandataire, destinataire ou tout autre donneur d’ordre d’effectuer ou de faire effectuer un transport d’animaux vivants si les animaux sont malades ou blessés, ou sont inaptes au déplacement envisagé ou s’il s’agit de femelles sur le point de mettre bas, sauf dans le cas de transports à des sanitaires ou d’abattage d’urgence.

 

La réglementation européenne (n°1/2005 CE) protégeant les animaux lors des transports renforce ces dispositions en précisant la notion d'aptitude au transport. Sont notamment considérés inaptes au transport : « les animaux incapables de bouger par eux-mêmes sans souffrir ou de se déplacer sans assistance et les animaux présentant une blessure ouverte grave ou un prolapsus ». Avec ces réglementations, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais tel n’est pas le cas.

 

Dans l’abattoir où travaillait le vétérinaire dont j’ai rapporté les propos, les abattages des porcs et des coches n'avaient lieu que le matin. Or, les camions déchargeaient toute la journée des animaux. Ce qui faisait que toutes les coches en mauvais état, à partir de midi, devaient attendre le lendemain matin avant d'être abattues. Elles étaient déchargées dans une case à part et sans possibilité d’être abreuvées. Certaines agonisaient avant leur abattage, d’autres mouraient tout simplement des suites de leurs blessures. Le vétérinaire n’osait pas euthanasier celles qui étaient mourantes, parce qu’il fallait faire ensuite face au mécontentement de l’éleveur à qui il devait justifier son acte. Sa compétence était souvent remise en cause par certains éleveurs qui voulaient tirer quelque argent des bêtes accidentées ou malades.

 

Dans cet abattoir de Mayenne, j’avais pu assister au déchargement de plusieurs camions. Dès le matin, le chauffeur d’un groupement avait déchargé une coche blessée qui présentait des hématomes, des escarres et un abcès volumineux survenu à la suite d’une fracture ancienne à la patte arrière. Elle était dans un état de maigreur extrême : elle avait été laissée sans soins et sans nourriture plusieurs semaines, selon le vétérinaire. On la descendit du camion en la traînant sur le sol, tirée par une patte au bout d’un câble métallique. Le sol agissait comme une râpe qui lui arrachait la peau. La pratique était courante et ne choquait personne. La coche fut euthanasiée sur place à l’initiative du vétérinaire qui avait effectué une saisie de l’animal, mais sans dresser de procès-verbal pour avoir laissé une truie dans un tel état, pour avoir transporté un animal déclaré inapte au transport et pour l’avoir déchargé au treuil. L’ensemble des faits était pourtant sujets à sanction par procès-verbaux, mais la pression et les menaces étant une chose réelle, le risque de faire perdre le client à l’abattoir aussi, ces paramètres n’étaient pas négligés par les services vétérinaires. Il m’a été dit par un vétérinaire inspecteur : « Si je dressais des procès-verbaux, je ne ferais plus que cela ! ». S’ensuivit le déchargement d’une autre coche présentant un renversement de rectum qui avait été réduit, coupé et pincé. Une autre avait une paralysie arrière. Un petit cochon avait une queue nécrosée qui était tombée (blessure ancienne). Une autre coche boitait de façon prononcée. Une autre présentait des abcès multiples, des traces profondes de la ceinture d'attache qui la fixait au sol sur son lieu d'élevage et des traces d'injection importantes. Trois coches furent amenées ensemble par un transporteur, aucune ne pouvait marcher, elles étaient dans un état critique. Elles furent déchargées à l'aide du treuil. Le chauffeur attacha les coches par une patte arrière et les tira en dehors du camion en les suspendant l’une après l'autre de façon à ce qu’elles ne touchent plus le sol en les poussant, comme si elles n’étaient déjà plus que des carcasses de viande, vers la case de stockage. Par deux fois, le chauffeur déposa les coches sur un petit cochon noir souffrant et couché. Celui-ci, ne pouvant se dégager, hurlait de toutes ses forces et faillit mourir étouffé. J’ai dit au vétérinaire : « Faites quelque chose ! », et ce n’est que sur mon intervention que le petit cochon noir fut libéré. Le cochon agonisait, il resta ainsi jusqu'au lendemain matin, parce que les abattages étaient terminés ce jour-là. Malgré son état, il ne fut pas immédiatement abattu, ni aucune des coches blessées et souffrantes.

 

Les services vétérinaires avaient été informés par courrier des constatations effectuées sur des coches, dont certaines étaient accompagnées d’un relevé d'identité. Mais le vétérinaire m’indiqua que la Direction des Services Vétérinaires concernée suivrait, ou non, l’affaire. Ici, elle ne donna pas suite.

 

Des courriers ont été envoyés aux éleveurs, producteurs de porcs et groupements, à la suite des constatations et des saisies sur patte, rappelant la législation en matière de protection animale. Mais aucun changement réel ne survint. L’abattoir n’a pas intérêt à être trop strict, sans quoi les clients vont ailleurs, vers d’autres abattoirs qui ferment les yeux, m’indiqua-t-il.

 

Le vétérinaire de l’abattoir avait également constaté un manque de soins dû à une malnutrition volontaire sur les lots de porcelets réformés pour raison de surproduction. Il avait noté que certains étaient en très mauvais état. Il n’était pas question pour un éleveur de nourrir convenablement des porcelets, victimes de surproduction, qui finissaient à l’abattoir accompagnés d’une prime à l’abattage volontaire pour réguler le marché. Les éleveurs industriels et intensifs ne sont pas seuls coupables ; nous, les consommateurs, le sommes aussi, car pour l’équilibre de l’économie de la production porcine, il faudrait que l’on mange du porc matin, midi, et soir ! Le vétérinaire me disait que sur certains lots, les trois quarts étaient parfois saisis. Sur un des lots concernés, trente-six porcelets avaient été saisis le même jour.

 

L'absence de contrôle en amont dans les élevages, en matière de protection animale, et le devenir des coches malades ou blessées étaient déjà préoccupants il y a plusieurs années, mais rien n’a été fait par les instances responsables. Le vétérinaire inspecteur chargé de cet abattoir a fini par démissionner tant il lui était difficile de supporter d’être seul à agir. Il souhaitait établir une ligne d'action commune avec les Directions des Services Vétérinaires et l’association, au niveau des groupements, des élevages et des collectes afin qu'on ne retrouve plus de coches en état de misère physiologique dans les abattoirs. Le vétérinaire resta seul à se préoccuper du sort des coches de réforme. « Il y a trop de pression », me disait-il, son entourage et sa hiérarchie ne le suivaient pas. Il était même considéré comme la « bête noire », car il décelait aussi des problèmes sanitaires au niveau des viandes.

 

Concernant les coches réformées et blessées, le directeur de l’abattoir m’avait dit « qu'elles étaient bien mieux agonisantes à l’abattoir à attendre d'être abattues le lendemain, qu'agonisantes dans les élevages sans soins », prétextant qu'elles étaient ici au calme et au repos ! (…et sans une goutte d’eau à boire !).

 

Bien que les abattoirs reçoivent encore des coches blessées et que les conditions de chargement en élevage et de déchargement en abattoir soient à revoir, la situation s’est un peu améliorée pour les coches gravement malades. En effet, depuis la crise de la vache folle, les professionnels ont dû faire attention à l’état des animaux entrant dans les abattoirs. Si cette vigilance partielle des autorités compétentes (puisqu’il y encore des problèmes et des difficultés à dresser des procès-verbaux) a été mise en place, ce n’est pas par pitié pour ces pauvres bêtes ou à cause d’une prise de conscience des éleveurs porcins en intensif, mais parce que la crise de la vache folle a montré, et j’avais pu le constater dans les abattoirs, que des bêtes douteuses ou dites « à risque » passaient sur les chaînes d’abattage et se retrouvaient dans le circuit alimentaire. Toutefois, cela permit de faire baisser le nombre de coches « douteuses » arrivant en piteux état. Du moins, les services vétérinaires sont dorénavant contraints (pour des raisons liées à des risques d’hygiène alimentaire) de saisir les coches en trop mauvais état. Ils sont alors passés à des contrôles plus vigilants, qu’ils auraient pu faire auparavant pour des raisons de protection animale. De plus, les animaux malades sont maintenant théoriquement interdits d’abattoir. Ils doivent en principe être euthanasiés sur le lieu de l’élevage. C’est la crise de l’Encéphalite Spongiforme Bovine qui a impulsé ce changement de comportement. Mais le problème des coches ne pouvant se déplacer par elles-mêmes reste entier étant donné que les conditions d’élevage n’ont pas changé. Une inspectrice vétérinaire travaillant en abattoir m’a récemment confié qu’il y avait moins de coches en piteux état et que, dans le cas échéant, elles faisaient l’objet d’une saisie. En revanche, elle ajouta que celles qui étaient blessées n’arrivaient pas avec un certificat vétérinaire, alors que c’est obligatoire. Les coches « abîmées » peuvent être acceptées, mais l’éleveur doit justifier l’état de l’animal. Elle avoue qu’il n’est pas aisé de faire la différence entre « blessé et abîmé » et que, de ce fait, la situation n’était pas encore parfaite. On peut se demander ce que deviennent les coches malades si elles n’ont plus accès aux abattoirs. D’après la vétérinaire, il faut qu’elles soient soignées ou euthanasiées sur le lieu de l’élevage. Mais qui vérifie l’état de ces animaux, si les éleveurs ne font pas appel aux vétérinaires ? Il m’a été rapporté qu’une des pratiques à laquelle les éleveurs recourent pour tuer une coche qui ne sera pas admise à l’abattoir, au risque d’un procès-verbal, consiste à injecter du vermifuge dans les poumons et de la laisser mourir.

 

Pour nuancer un peu ce tableau très sombre, il y avait des abattoirs où l’on se préoccupait du bien-être animal. Ils ont en effet anticipé la demande actuelle du consommateur qui souhaite que le bien-être animal soit respecté tout au long du parcours, ce qui ne sera jamais effectif, tant que des cochons seront élevés dans des élevages intensifs qui pullulent, en Bretagne par exemple. Un abattoir m’avait particulièrement surpris, puisque des installations avaient été aménagées pour améliorer le confort des coches qui ne pouvaient plus se mouvoir. Il s’agissait, d'une berce, sorte de plateau suspendu sur un rail, qui permettait de faire basculer du camion des animaux blessés et de les transporter dans le box d’attente. On pouvait les déplacer sans les faire souffrir. Cependant, je n’en avais pas vu l’utilisation. Seules des pinces électriques avaient été installées dans le box afin d’étourdir les coches sur place, au lieu de les tirer coûte que coûte vers le poste d’abattage pour les faire passer sur la chaîne. Ainsi, les manipulations semblaient largement limitées. De plus, un service de ramassage spécial avait été mis en place par la coopérative de l’abattoir. Il fonctionnait sur simple appel téléphonique, ce qui permettait de ne plus laisser les coches blessées attendre dans les élevages. De tels aménagements sont à encourager, mais le mieux serait que les éleveurs fassent intervenir un vétérinaire sur le lieu d’élevage (comme l’exige la loi), afin qu’il effectue des soins ou qu’il euthanasie l’animal malade ou blessé. Il serait également préférable, en abattoir, de tuer dans le camion les coches qui ne peuvent se déplacer. Il faut espérer une réaction ferme pour responsabiliser les différents acteurs de cette filière afin que ce problème soit réglé une fois pour toutes.

 

Entre la fin de 2007 et le début de 2008, lors d’enquêtes faites par une association de protection animale auxquelles j’ai participé, nous avons encore constaté des problèmes concernant la prise en charge des « mal à pied » et des coches en question. Nous avons pu obtenir des résultats au cas par cas, les responsables étant soucieux d’apporter une action corrective, et peut-être de ne pas passer au journal de 20h, connaissant le pouvoir médiatique mais aussi toute la compétence et le sérieux de cette association.

 

Pour l’un des abattoirs visités en 2008, nous avons rendu compte le déchargement critique d’un porc charcutier qui ne pouvait pas marcher. Il a été soulevé par une patte avant, au bout d’un treuil, à plusieurs mètres de hauteur. Il a été sorti d’une case pour être mis dans un chariot et dirigé vers le poste d’abattage. Façon de faire assez courante, mais interdite malgré la présence des services vétérinaires. Nous avons par la suite contacté l’abattoir par courrier ce qui a permis d’obtenir un rendez-vous, puis une action corrective.

 

Dans d’autres abattoirs, nous avons vu des coches en piteux état qui n’auraient même pas, selon la réglementation, dû être transportées jusqu’à l’abattoir. Lors de deux contrôles effectués de nuit, nous avons pu voir que des coches incapables de marcher, couchées sur le flanc sur le bord du quai, étaient laissées toute la nuit en situation de souffrance. Elles avaient été déchargées au treuil, l’une d’entre elles avait encore la chaîne autour de la patte. Elles auraient pu arriver pour un abattage d’urgence, avec un certificat vétérinaire d’information, mais ce n’était pas le cas (selon les informations que nous avons obtenues). L’inspecteur vétérinaire ne dresse que six à sept procès-verbaux par an ! Là encore nous avons obtenu un rendez-vous avec la direction, qui nous a pris très au sérieux. Des mesures concrètes ont été prises comme l’interdiction de décharger la nuit, l’interdiction d’utiliser le treuil, alors même qu’un panneau était déjà en place de longue date pour rappeler au chauffeur l’obligation de faire appel à un employé spécialisé au cas où une truie serait couchée dans le camion sans pouvoir se relever. Elle serait alors euthanasiée dans le camion. Cependant, l’animal est euthanasié avec la pince électrique qui sert normalement à étourdir les animaux par un choc électrique. Mais beaucoup d’abattoirs, avec l’aval des services vétérinaires, utilisent la pince électrique pour tuer les coches ou les porcs en mauvais état. Pour moi ce n’est pas vraiment bien, car cela équivaut à une mise à mort par électrocution. Une injection intraveineuse pourrait être faite avec le produit T61, mais il est vrai qu’il est difficile de trouver une veine sur les pattes des porcs.

 

Dans tous les cas, lorsqu’une coche en mauvais état, déclarée inapte au transport, arrive à l’abattoir, elle devrait systématiquement faire l’objet d’un procès-verbal que sont habilités à dresser les services vétérinaires de l’abattoir, et cela contre le transporteur et l’éleveur. Mais, ce n’est que très rarement fait. On prend en considération les difficultés économiques que subissent les éleveurs de porcs intensifs, c’est humain. Mais prend-on en considération la souffrance des animaux provenant de ce genre d’élevage ? Cependant, dans un des abattoirs que j’ai visités, j’ai pu constater un renforcement des actions des services vétérinaires. De nombreuses coches étaient systématiquement saisies et euthanasiées. Des courriers étaient envoyés aux éleveurs, mais hélas, la réticence à dresser les procès-verbaux demeure. En ma présence, alors que le vétérinaire ne savait pas encore que nous étions là, il a effectué une saisie totale (sur pied) d’un verrat paralysé de l’arrière-train. Mais l’animal ne fit l’objet d’aucun procès-verbal alors qu’il était inapte au transport : il ne pouvait pas se déplacer par lui-même. Dans un autre abattoir, une coche blessée qui gisait sur le sol a été étourdie dans la case de stockage, puis dirigée vers le poste de saignée. Elle n’a pas fait l’objet d’un PV, alors que son état de détresse physiologique le justifiait.

 

L’amélioration, pour certains abattoirs, porte sur le fait que les animaux sont maintenant étourdis ou tués dans les camions ou dans les cases de stockage, au lieu d’être tirés coûte que coûte vers le poste d’abattage comme cela se faisait auparavant (en les traînant par les oreilles, au bout d’un câble métallique actionné par un treuil, ou à l’aide d’une barre à mine, comme je l’ai vu faire dans un abattoir de Mayenne).

 

Le problème reste entier, car si certains abattoirs ont fait des efforts en n’acceptant plus les animaux malades ou trop blessés, que deviennent-ils sur le lieu d’élevage ? Il n’est pas fait appel à un vétérinaire et l’éleveur n’a pas le droit de les tuer lui-même. Dans ce cas, que deviennent les coches en mauvais état ? Sont-elles vouées à une mort lente ? Il reste que si certains abattoirs étourdissent dans le camion ou pratiquent l’euthanasie avant le déchargement, cela doit se faire en présence des vétérinaires. Or ces derniers ne sont pas tout le temps présents, notamment la nuit. Les chauffeurs déchargent donc quand même les coches ne pouvant se déplacer. Ce n’est que le lendemain que le vétérinaire inspecte les animaux déchargés en son absence, et qu’il prend une décision. Le sort des coches blessées et malades n’est pas encore satisfaisant, bien que les services vétérinaires en abattoirs soient plus sévères, et il était temps. Le règlement européen (CE n°1/2005) qui a vu le jour en 2005, et qui est applicable au 1er janvier 2007, concernant la protection animale en cours de transport, est un nouvel outil juridique qui devrait permettre de donner plus de poids à l’action des services vétérinaires. Mais le problème des coches mal à pied ne sera réglé que lorsque le mode d’élevage intensif et concentrationnaire sera banni.

 

Pour clore ce chapitre, je voudrais vous dire combien les coches ne sont prises par les éleveurs en intensif que pour des machines à produire des porcelets qui alimentent les centres d’engraissement en porcs charcutiers. Dans un abattoir de la région Rhône-Alpes, un lot de coches se trouvait dans des cases d’attente avant abattage. J’effectuais en dernier la visite de la porcherie et de la bouverie, car il faut circuler pour des raisons d’hygiène, de la partie propre (post abattage) vers la partie sale (ante abattage). J’ai assisté à l’une des choses les plus marquantes qui soient : c’est la mise bas en abattoir, j’en ai déjà parlé précédemment. Une des coches a mis bas des porcelets dans la case, alors qu’elle se trouvait coincée par le peu de place qu’il y avait et que pouvait lui laisser les autres. La pauvre bête n’a pu faire autrement que de faire naître ces petits au milieu des autres coches, sans pouvoir s’isoler.

 

Le vétérinaire inspecteur m’indiqua qu’il allait euthanasier les petits, nés pour mourir ! Sur mon insistance, il m’assura qu’il allait envoyer un courrier à l’éleveur en me laissant croire que ce dernier n’y était pour rien. Ce n’est pas si sûr. Savez-vous qu’il est fréquent que des coches qui sont éventrées pour en sortir les viscères laissent parfois découvrir qu’elles sont porteuses de porcelets. Pourquoi ? Parce que les éleveurs inséminent plus de coches qu’ils n’auront ensuite de place pour les mettre en maternité (dans des stalles en fer). Ils font cela pour être certains de ne pas avoir un problème de rotation et un manque à gagner lié aux places vacantes. Tant pis, de ce fait, si elles portent toutes des petits. Celles qui sont gravides et en trop partiront à l’abattoir lorsqu’un lot de coches réformées y sera envoyé.

 

Une coche est réformée au bout de trois années de mise bas. La gestation dure trois mois, trois semaines et trois jours. La portée est en moyenne de 28 porcelets en intensif, contre 13 à 18 en bio. Le sevrage est de 21 à 28 jours, mais plus souvent 21 jours contre 6 semaines en bio. La fréquence des portées est de 2,5 par an. En bâtiment intensif, il y a au moins 20 % de perte, et très peu en plein air ou bio. En plein air, si une truie écrase un porcelet en se couchant, elle l’entend hurler et se relève aussitôt. En bâtiment intensif, la cage est si étroite, et les truies si faibles qu’elles ne peuvent pas se relever. En intensif, on mélange directement à l’aliment des facteurs de croissance. On leur donnait aussi de la farine animale jusqu’à l’interdiction de cet aliment. En bio, la farine animale était naturellement interdite, l’apport en protéine de soja étant un aliment riche. La castration des porcelets ne peut se faire après 8 jours, c’est une obligation légale. Mais en Bretagne, j’ai surpris un éleveur qui le faisait sur des porcelets de plus de trois semaines, bien entendu il avait un casque sur les oreilles pour ne pas s’abîmer ses tympans à cause des cris de douleur des porcelets. J’avais pu l’observer avant de me présenter à lui. Pas de « mal à pied » en plein air ou en bio, on ne retrouve pas non plus de coches en piteux état ne pouvant plus se mouvoir. En une année, un éleveur bio me disait qu’il n’avait pas vu un seul cas d’abcès à une patte parmi toutes ses truies. Les inséminations se faisaient naturellement par un verrat.

 

Et comme si le sort s’acharnait contre ces animaux de reproduction, un directeur d’abattoir me disait qu’actuellement les éleveurs économisent l’aliment. Vu l’augmentation des denrées destinées aux animaux, les coches sont sous-alimentées. Avant, lorsqu’elles faisaient l’objet d’une orientation vers l’abattoir, en passe d’être réformées, les éleveurs respectaient une période de « retape » en les alimentant davantage pour leur faire prendre du poids. Le directeur reconnaît qu’elles sont plus maigres qu’avant, j’ai pu le constater : les os de la colonne vertébrale étaient saillants sur certaines d’entre elles. La restriction sur l’aliment semble se généraliser.

 

Sachez enfin que les coches sont destinées à faire de la saucisse, du salami, du pâté…

 

 

 

 

 

1 Prolapsus : glissement pathologique d’un organe vers le bas.