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mardi, 26 juin 2012

Désir de mort

Traduit en images, le désir de mort d'un après-midi, quelques semaines avant d'avoir 34 ans.

dimanche, 24 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un bouc pas comme les autres

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

Un bouc pas comme les autres

 

 Il m’est souvent arrivé, lors de mes déplacements, de faire des rencontres surprenantes. Celle que je vais décrire l’était particulièrement. En visite d’abattoirs dans le département de la Manche, où je les avais quasiment tous inspectés, je terminai la semaine par celui d’une grande ville. Lorsque je me suis présenté au directeur, il était assis derrière son bureau, les mains rassemblées à hauteur de la poitrine. À peine avais-je fini de parler qu’il m’annonça de façon très posée : « Je vous attendais » ! Il n’était pas censé m’attendre, puisque les visites s’effectuaient inopinément. Mais je ne fus pas surpris, il avait dû être averti, car j’avais écumé un grand nombre d’abattoirs du département. Un autre directeur, ou peut-être même les services vétérinaires avaient dû le prévenir de ma présence dans le secteur et d’une visite potentielle. Il ne m’en tenait pas rigueur et l’accueil fut plutôt chaleureux. Après m’avoir décrit son établissement d’abattage, nous avons visité les lieux ensemble. Rien à redire à propos des postes d’abattage, les tueries se déroulaient convenablement et les postes d’abattage étaient équipés correctement. Bien que les abattages soient une violence à l’encontre des animaux, un certain calme régnait, les employés travaillaient de façon posée sans brutaliser les animaux. Et ce n’est pas ma présence qui changeait quelque chose, car dans ce milieu, on ne peut pas tricher. Si les employés travaillent de façon critiquable, il est impossible de faire semblant et de travailler de façon acceptable en ma présence. Les habitudes ancrées ne peuvent pas se défaire si facilement.

 

La rencontre surprenante se fit ailleurs que dans les locaux d’abattage. Elle eut lieu dans la bouverie attenante aux postes d’abattage. Il s’agissait en fait d’une rencontre avec un bouc qui avait son box attitré. Le bouc n’était pas destiné à l’abattage. Il avait pour domicile l’abattoir, et il était bien le seul animal à ne pas être tué en abattoir. Encore que j’aie déjà vu des chats se promener dans une salle d’abattage dans le Nord de la France. Son box était garni de paille pour litière et de foin pour le fourrage. C’était un bouc qui était passé du côté des humains, des employés de l’abattoir, un traître en somme. Il était investi d’une mission qu’il accomplissait brillamment. Je n’allais plus tarder à en voir la démonstration. Le directeur demanda à un employé de me montrer comment ils procédaient pour conduire sans brutalité les ovins vers le lieu de tuerie.

 

Après avoir ouvert la porte d’une case où se trouvaient des moutons, l’employé ouvrit la porte du box du bouc. Ce dernier sorti tout seul, se dirigea vers la case des moutons, rentra à l’intérieur et après en avoir fait le tour, ressortit et prit la direction du local d’abattage. Étonnement, les moutons le suivaient sans se soucier de la direction vers laquelle il les menait. D’un pas fier, il entra dans le local d’abattage, et tous les moutons y entrèrent également en toute confiance. Le bouc fit le tour du local et reprit la direction de la sortie pour retourner dans son box douillettement paillé. L’employé referma la porte du local d’abattage, laissant les moutons pris au piège et relégués au sort qui leur était réservé.

 

Aucun stress, aucune manipulation humaine. Les moutons étaient conduits avec ménagement, car dans d’autres circonstances, les employés sont souvent obligés d’en tirer un par une patte pour que les autres suivent.


 

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  Camion qui a roulé toute la journée et qui attend derrière un abattoir le lever du jour, à la place de décharger et faire boire les bovins. La chauffeur dort dans sa cabine…

Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

 

lundi, 18 juin 2012

Pleines de grâce

 

Lux et Nox

(ou les pietas de Saint-Pierre de Rome et du Poiré-sur-Vie)

 

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange, ALine de La Roche Saint-André
Phot Aline de LA RSA

 

1499 : Michel Ange, jeune sculpteur, fait surgir de la pierre la modernité la plus folle, à l'aube du XVI°siècle : la pieta de la basilique Saint-Pierre de Rome.

 

1655 : 56 ans plus tard, l'antique horreur de la mort baigne la sculpture de pierre polychromée que l'on trouve aujourd'hui dans l'église du Poiré-sur-Vie et qui était auparavant à l'entrée du cimetière.

 

Et pourtant, il ne faut pas les juger par une comparaison chronologique. Elles sont chacune de toute beauté.

La pieta de Michel-Ange représente la face vivifiante de la Mort par la Croix. Celle du Poiré sur vie en représente la face mortelle.
Michel-Ange en sculptant la mort a filmé la résurrection. La douleur, la douleur sans cesse recommencée est captée par le sculpteur de Vendée (ou de passage) avec une parfaite vérité.

Devenue sœur en Christ de son propre fils Jésus, Marie de Michel-Ange, douce comme les câlins de grande sœur des après-midi de l'enfance, se penche sur l'enfant qui sourit presque dans son envol, elle se penche sur l'homme parfait, si proche d'elle dans sa chair, si lointain dans son âme.

Ainsi, Michel-Ange, dans le feu de la Renaissance pécheresse, honore la Vie qui vainc toutes les morts. Mais le sculpteur (dont le nom m'est inconnu) du Poiré-sur-Vie rappelle que cette Vie exultante coûte cher, très cher.

La lumière a besoin de l'obscurité. Pour illuminer les nations, la Renaissance devait sortir du Moyen-Âge. Et pour renaître à notre propre génie, nous devrons puiser aux deux sources de l'art : Lux et Nox. Le Moyen-Âge et la Renaissance. Tous, les celtes, les latins et les grecs, fécondent infiniment cette lumière et cette nuit.

Ah, la pieta du Poiré sur Vie : elle est belle comme elle est triste.

Et ce n'est pas l'horreur de la mort de l'aimé qu'elle regarde, c'est le gouffre insondable du deuil personnel.

Mère privée de son seul bien, Marie du Poiré sur Vie contemple le vide horrifiant de la vie qui lui reste à vivre, privée de tout ce qui faisait sa valeur, sa motivation, sa raison d'être. Elle a la mort sur ses genoux, lourde et laide, et la souffrance indicible s'étend tout au fond de son horizon.

Endeuillée, Marie du Poiré-sur-Vie a besoin de vos prières. Si son âme de reine connaît le destin glorieux de son fils, son cœur de mère saigne de longs sanglots rouges et noirs.

Pour danser, corps déliés, coeurs légers, sur les résurrections, combien a-t-il fallu d'engoncements et de douleurs lourdes ?

Ne jugez pas que ces pietas s'opposent, ne condamnez pas l'une au nom de la piété ou l'autre au nom de la joie, car elles sont soeurs et se comprennent au-delà de toutes les certitudes.

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange
Photo volée ici

 

E CL

 

dimanche, 17 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Des images qui marquent

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Des images qui marquent

 

 Ces visites d’abattoirs m’ont fait vivre des situations mémorables et m’ont imprégné d’images. Des situations marquantes, je vous en parle tout au long du livre, mais voici quelques images qui ne me quittent plus.

 

Deux porcelets emmenés à l’abattage…
Phot Jean-Luc Daub

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Il faisait encore nuit lorsqu’à 5 heures du matin, je visitai un abattoir en Alsace. J’assistai à l’abattage des porcs ; ces derniers hurlaient et ne voulaient pas entrer dans le local d’abattage. L’employé frappait avec un bâton ceux qui étaient au bout du rang. De ce fait, ceux qui recevaient les coups fonçaient dans les premiers qui avançaient malgré eux sans comprendre quelle direction ils devaient prendre. Les hurlements des uns paniquaient les autres restés dans la porcherie. Les brutalités exercées par l’employeur stressaient les animaux. Les hurlements s’entendaient jusque dans la bouverie, où les bovins en attente étaient également pris de panique.

 

Un taureau qui était seul dans un box était complètement effrayé. On pouvait lire l’inquiétude dans son regard. Il allait et venait dans le box, cherchant désespérément à en sortir. Il avait bien compris que quelque chose n’allait pas et que bientôt ce serait son tour. Il me faisait mal au cœur, ce taureau. Un monstre, tant il était grand et costaud, une force de la nature réduit à avoir peur et à être impuissant. L’image la plus insupportable pour moi, ce fut lorsqu’il remarqua que les poutrelles métalliques du bas de son box étaient beaucoup plus écartées que celles du haut. Un grand espace lui donnait espoir de passer entre ces poutrelles pour s’enfuir (comme certains bovins ont déjà réussi à le faire, s’échappant ainsi que l’abattoir. J’en parlerai plus loin). Il tenta désespérément de sortir par ce petit espace. Rien à faire, il était bloqué par ses épaules. Il était désespéré et tellement apeuré ! Ce taureau m’a beaucoup marqué. Je suis parti de l’abattoir sans chercher à assister à sonabattage. Cette image me restera en mémoire.

 

L’abattage rituel des veaux était scabreux. Ces derniers étaient entrés dans le box rotatif, visiblement trop grand pour eux. Actionnant le bouton pressoir, un employé fit faire un demi-tour au box, tandis que le veau n’était pas fermement maintenu à l’intérieur. La tête se plaçant mal et n’étant pas tirée en arrière par une mentonnière, l’employé se servait d’une barre de fer pour la coincer et l’appuyer en arrière. Pendant ce temps, un sacrificateur musulman égorgeait l’animal tant bien que mal. Le veau perdant son sang s’éteignait doucement, parfois en meuglant de peur ou de souffrance.

 

Dans un autre abattoir, en Lorraine, j’assistai aux abattages des bovins. Ils étaient en file indienne dans le couloir de la mort. Celui qui était le plus près du piège recevait des coups de pile électrique pour qu’il entre dedans. Apeurées, certaines vaches meuglaient. Les abattages se déroulaient rapidement. Le pistolet à tige perforante était placé sur le crâne des bovins qui tombaient dans le piège. Une porte latérale s’ouvrait, les bovins tombaient sur le sol, un employé les suspendait par une patte arrière juste avant de les saigner à la gorge. Les animaux se vidaient de leur sang et finissaient par mourir.

 

Vache agonisante dans un local d’abattage d’urgence, elle a été déchargée en la tirant avec l’aide du câble actionné par un treuil, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub

 

 

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L’image qui m’a le plus marqué dans cet abattoir concerne un épisode qui s’est passé dans la bouverie, et que voici. Dans un box, un cochon et un mouton étaient ensemble. On voyait bien qu’ils se connaissaient et qu’ils avaient grandi ensemble. Le mouton était apeuré, il se blottissait contre le cochon. Ce dernier prenait son rôle de protecteur à cœur. C’est tout juste s’il ne gonflait pas sa poitrine pour impressionner quiconque tentait d’approcher. L’image était belle et faisait en même temps pitié. Puis, un employé est venu chercher le cochon. Ce dernier ne voulait pas sortir du box. Le mouton était paniqué. L’employé s’est équipé d’une planche avec laquelle il poussait le cochon vers l’extérieur, l’empêchant de reculer. Le mouton, qui voulait le suivre, dut rester en retrait, dans le box. Une fois dans le couloir, le cochon commença à être pris de panique, il hurlait de toutes ses forces. Le mouton courait dans

tous les sens et se cognait contre les parois du box pour tenter de sortir. Je trouvais la situation triste. Dans le local d’abattage, le cochon cherchait à fuir par la porte fermée. Mais l’employé s’étant saisi de la pince électrique lui donna un coup entre les oreilles et le cochon s’évanouit. Puis, à l’aide d’une chaîne, le tueur lui attacha une patte arrière et le suspendit. Il le saigna à la gorge. Dans la bouverie, on entendait le mouton qui bêlait d’affolement, désormais seul et complètement paniqué. Je n’ai pas assisté à l’abattage du mouton.

 

Dans un abattoir de l’Ain, alors que je me trouvais dans le hall regroupant les porcs en attente d’être abattus, il y avait dans une case des coches (truies) ; elles étaient nombreuses. L’une d’entre elles avait mis bas. Pas moins de douze porcelets étaient nés. Elle venait de donner la vie dans l’endroit le plus macabre qui soit, un lieu où l’on tue et dont la loi interdit à tout animal de sortir vivant. Les pauvres porcelets à peine nés étaient déjà condamnés à mort. Le personnel s’en chargea. Une fois mis dans un caisson roulant, ils furent conduits au poste d’abattage. Avec la pince électrique, un employé les électrocuta tous en même temps, puis il les saigna un après l’autre. Il les chargea dans le caisson, avant de les jeter dans une benne. Triste naissance, triste fin. Et que dire de la coche qui était obligée de mettre au monde ses petits sans pouvoir faire un petit nid de paille, sans pouvoir s’isoler de ses congénères. Les autres truies, par maladresse et à cause de l’exiguïté de la case, la bousculaient et piétinaient les nouveaux-nés. Lugubre endroit que l’abattoir pour donner la vie… Un peu comme les vaches qui pour donner du lait sont inséminées artificiellement. Elles mettent bas des veaux qui leur sont retirés dès la naissance. Ainsi, l’éleveur peut bénéficier du lait que fournit la vache pendant plusieurs mois. Les femelles sont généralement gardées, tandis que les mâles s’en vont dans des centres d’engraissement pour finir en viande.

 

Conformément à un texte de loi de la protection animale, les animaux sur le point de mettre bas ne doivent pas être transportés. Comment l’éleveur n’a-t-il pas vu que la coche était pleine ? Il l’a envoyée à l’abattoir pensant qu’elle ne serait

plus jamais gestante. Il l’a réformée en somme. Il y en a qui disent qu’ils aiment leurs animaux, mais quand ils ne rapportent plus ou ne produisent plus, ils les envoient à l’abattoir. Drôle de façon d’aimer les animaux !

 

En Franche-Comté, c’est à un abattage rituel de moutons que j’assistai. L’abattoir n’était pas équipé d’un piège mécanique, obligatoire pour ce type d’abattage. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière puis saignés. La suspension des ovins alors qu’ils sont encore vivants est interdite. Beaucoup d’abattoirs pratiquent cette méthode pour gagner du temps ou faire l’économie d’un piège. Un des moutons qui venaient d’être suspendus fut saigné par le sacrificateur musulman et, alors qu’il perdait tout son sang, il relevait la tête comme pour chercher à comprendre ce qui se passait. Ses yeux étaient fixés vers les miens, son regard était plein d’interrogation. Que pouvais-je faire ?

 

 

 

 

 

 

dimanche, 10 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un abattoir qui aurait dû fermer

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

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Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 


Un abattoir qui aurait dû fermer

 

En août 2002, j’ai visité un abattoir en compagnie d’une stagiaire de l’association pour laquelle je travaillais, et qui voulait devenir enquêtrice. Elle en a pris plein les yeux, pour parler vulgairement, et moi-même je ne parviens toujours pas à croire à ce que nous avons vu.

 

Cochons déchargés brutalement avec des coups de piles électriques…
Phot Jean-Luc Daub

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Au petit matin, nous nous sommes présentés dans un abattoir de porcs de la région Rhône-Alpes, qui était en pleine effervescence. C’était un abattoir qui avait déjà été visité par l’association, mais l’énergie déployée pour ce contrôle n’avait amené à aucun résultat. Le directeur des lieux nous a accueillis et, malgré sa réticence, nous a laissés visiter l’abattoir en compagnie de la « responsable qualité ». Cette dernière semblait dépassée par les événements et s’avérait incompétente concernant les abattages. Les conditions dans lesquelles se déroulait la tuerie étaient effarantes. Voici ce que nous avons constaté.

 

Un camion était en attente dans la cour de l’abattoir, dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison du manque de place dans les boxes des porcs. Les cochons étaient entassés dans les cases d’attente sur le quai. Un verrat était mélangé avec les truies, ce qui est interdit.

 

Le Restrainer avec étourdissement automatique était défectueux et obsolète. Les porcs en ressortaient mal ou pas du tout étourdis, et se retrouvaient à courir dans le local. Des porcs se coinçaient par deux dans le Restrainer. Utilisation d’une pince de secours défectueuse, cosses rouillées, courbées et non entretenues. Le câble électrique de la pince se débranchait pendant l’utilisation. Pince non reliée à un boîtier électrique conforme, mais à une simple prise de courant. Application de la pince électrique n’importe où et n’importe comment (sous le ventre, dans le cou, sur le dos, sur les fesses). Porcs hurlants pendant l’application de la pince, ce qui prouvait qu’elle n’était pas assez puissante pour les étourdir, mais suffisamment pour les faire souffrir. Utilisation de cette pince pour l’abattage des coches (animaux encore plus gros que les porcs charcutiers). Les porcs étaient suspendus et saignés en pleine conscience. L’employé quittait le poste de saignée alors qu’il y avait des porcs suspendus en attente d’être saignés.

 

Deux cochons blessés ne pouvant pas marcher sur le quai d’un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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L’abattoir était équipé de trois boxes de stockage accolés au quai de déchargement. Les boxes étaient exigus, on relevait un nombre important de porcs qui ne pouvaient se coucher et qui se marchaient les uns sur les autres. Dans l’une des cases, un verrat se trouvait parmi les coches ; or il est interdit de mélanger les mâles et les femelles. Un employé pendant notre présence mit en route les douchettes afin de pulvériser de l’eau sur les animaux. Outre le fait que cela permet de les laver, les douchettes ont pour fonction d’apaiser les animaux.

 

Deux autres camions étaient garés dans la cour dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison des boxes surchargés. Le camion rouge avait seulement déchargé à 9 heures, alors qu’il était arrivé à l’abattoir la veille, à minuit. Il avait effectué son chargement la veille à 10 heures du matin en Bretagne. Le temps passé par les cochons dans le camion était de vingt-trois heures. De plus, il n’était équipé ni d’abreuvoirs, ni de ventilateurs. Je vous laisse imaginer dans quel état étaient les porcs en plein été. Le deuxième camion avait chargé à Dunkerque la veille vers 21 heures. Il était arrivé à l’abattoir à 7 heures du matin. Et il ne déchargea les animaux que vers 9h30, après le premier camion. Temps passé dans le camion : plus de douze heures. Celui-ci était en revanche équipé de ventilateurs et d’abreuvoirs, mais non utilisables par les porcs (car placés trop haut, et destinés plutôt à des bovins).

 

Truie blessée ne pouvant plus marcher jetée en bas du camion à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux en attente dans les boxes et les camions étaient dans un grand état d’énervement, ils hurlaient et se mordaient. Ces transports se passaient en plein été, les cochons du premier camion avaient passé vingt-trois heures sans abreuvement, et il est probable que durant les vingt-quatre heures précédant le départ, ils n’avaient rien eu comme nourriture ni comme eau, selon les pratiques habituelles de mise à jeun. Ils avaient donc passé au moins quarante-sept heures sans eau ni nourriture.

 

La réglementation impose une formation du personnel au convoyage des animaux de boucherie. L’un des chauffeurs me confia avoir suivi une formation dans le département de la Sarthe. De son propre aveu, il avait déclaré que seul un film avait été diffusé, que dans l’ensemble il avait trouvé cela un peu léger, et que peu d’éléments avaient été donnés concernant la manipulation et le confort des animaux pendant les transports.

 

Les porcs étaient parqués dans des boxes disposés en longueur. Il y avait bien des abreuvoirs en forme de godet, mais ils étaient vides. Des douchettes étaient présentes, mais qui ne furent mises en marche qu’au moment de notre arrivée. Les porcs étaient extrêmement sales et provenaient d’élevages intensifs. Les locaux étaient sombres et sans aération. Il faisait déjà très chaud ce matin-là. Le site était très bruyant à cause des hurlements qui provenaient du poste d’abattage, ainsi que des porcs apeurés que l’employé faisait entrer dans le couloir de chargement du Restrainer. Pour les « mal à pied », c’est-à-dire les porcs boiteux ou ne pouvant se déplacer par eux-mêmes, la responsable qualité nous avait parlé d’un chariot mobile pour les déplacer, mais personne n’a pu nous le montrer.

 

Abattage raté sur le quai d’un abattoir, la truie a roulée sur elle-même pour se sauver. Les tueurs la saignent dans la cour de l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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Le poste d’abattage est la partie la plus chaotique que la stagiaire et moi-même ayons visité. Elle en avait l’estomac retourné. L’immobilisation des porcs était effectuée à l’aide d’un Restrainer très vétuste. Un employé faisait entrer les porcs dans un couloir en béton relié au Restrainer. Il utilisait « une pile électrique » reliée à un câble sous tension pour les faire avancer entre les bandes entraîneuses de l’appareil. L’intensité du courant était trop forte et secouait violemment les porcs. L’électronarcose (l’anesthésie) se faisait automatiquement au bout du Restrainer, par deux broches électriques en forme de plaques verticales qui se plaquaient sur la tête. Ces dernières entraînaient ensuite les animaux en dehors du Restrainer. Ces manœuvres étaient effectuées trop lentement, ce qui retardait le moment de la suspension des porcs qui doit intervenir rapidement pour que les animaux ne se réveillent pas.

Nous avons constaté que les broches électriques étaient inadaptées pour les porcs de petite taille et que leur application se faisait sur n’importe quelle partie du corps, en lieu et place de la tête. L’ampérage était trop faible, ce qui fait que les porcs ne subissaient pas un choc électrique censé les anesthésier, mais au contraire, ils recevaient des décharges électriques qui les faisaient souffrir. En général, l’électronarcose des Restrainers est réglée entre 250 et 700 volts avec un temps d’application d’une seconde, voire moins. Personne ne pouvait me dire à quel voltage était réglée l’électronarcose. Certains passaient sous les broches sans être étourdis ou à peine. Ils étaient tout de même suspendus et saignés, donc en pleine conscience. Je suis intervenu pour empêcher la suspension d’un porc qui n’était pas étourdi, alors que l’employé en avait déjà suspendu trois autres en pleine conscience.

 

Pas moins de sept porcs qui étaient passés dans le Restrainer en étaient sortis en se sauvant dans le local d’abattage. Ceux trop maigres ou de petite taille étaient malgré tout poussés par l’employé dans le Restrainer, en sachant bien qu’ils ne seraient pas étourdis. Ils arrivaient parfois par deux, coincés côte à côte sous les broches électriques.

 

L’employé qui avait commencé à suspendre un porc qui n’était pas anesthésié interrompit cette manœuvre à ma demande. Il tenta alors de l’étourdir avec la pince de secours qu’il appliqua sur l’animal. La pauvre bête hurlait de douleur sous les coups électriques de la pince inefficace, mais suffisamment forte pour faire souffrir. En se débattant, l’animal qui était à moitié suspendu s’est décroché et l’employé lui appliqua la pince n’importe comment, sous le ventre, sur le dos, sur les fesses et sur le cou, alors qu’elle s’applique derrière les oreilles. Le porc hurlait toujours. Un autre employé vint et rebrancha la pince à la prise électrique qui s’était arrachée, et l’appliqua sur la tête. Ils suspendirent ensuite le cochon. Pendant ce temps, la chaîne d’abattage et le Restrainer avaient été interrompus à la demande de la responsable qualité qui ne pouvait que constater l’ampleur du problème. Pendant l’interruption, un porc était resté coincé entre les broches en sortie de Restrainer, assistant de ce fait, apeuré, à tout ce qui se passait.

 

Quelques mots concernant la pince électrique. La pince électrique de la marque Morphée était placée à proximité du Restrainer, mais beaucoup trop loin en cas d’urgence. C’est en fait une pince de secours au cas où l’animal ne serait pas bien étourdi avec le Restrainer. Elle était en mauvais état, les cosses étaient complètement rouillées et retournées. Elle n’était pas branchée à son boîtier d’origine qui était ouvert et vide, mais à une simple prise électrique, ce qui ne permet pas d’effectuer un réglage précis de l’intensité. La pince se débranchait lorsque l’employé la prenait en main et qu’il l’appliquait sur les porcs. L’intensité de la pince doit permettre à l’animal d’être immédiatement plongé dans un état d’inconscience, ce qui n’était pas le cas. On m’a dit qu’elle était utilisée pour les coches, animaux beaucoup plus grands que les porcs charcutiers. Lorsque j’ai voulu la montrer en exemple d’un mauvais matériel à la stagiaire, la pince avait disparu. Je l’ai retrouvée coincée derrière le piège de contention des coches. Elle avait certainement été jetée entre le mur et le piège de contention. On imagine bien que le personnel ne semble pas vraiment l’utiliser. De toute façon, elle était inopérante, elle ne permettait pas d’étourdir les animaux, mais leur infligeait des souffrances dues aux différentes décharges électriques. Notons encore que le piège de contention, qui doit en principe servir pour les coches, était complètement insalubre et rempli de papiers, vieux paquets de cigarettes, cannettes de boisson….

 

L’employé du poste de saignée attendait que plusieurs porcs soient suspendus à sa hauteur pour les saigner au couteau, alors qu’en principe, dès qu’un animal arrive suspendu au poste de saignée, il faut effectuer une incision sous la gorge afin que l’animal se vide de son sang le plus tôt possible après l’anesthésie, et avant qu’il ne reprenne conscience. À un moment donné, l’employé quitta son poste, alors qu’un porc était suspendu en attente d’être saigné et que d’autres arrivaient. Je l’ai signalé à la responsable qualité qui est allée le chercher. Ce dernier a manifesté son mécontentement, estimant que ce n’était pas la peine de venir pour si peu. Il a quand même effectué la saignée sur les porcs qui s’étaient réveillés.

 

Les coches sont en fait des truies réformées qui durant leur vie n’ont fait que mettre des petits au monde. Étant donné leur taille, elles sont difficiles à abattre et peu maniables. Le piège à contention n’était plus utilisé, alors que son emploi est obligatoire. Elles étaient étourdies à côté du Restrainer. Pour les porcelets, il n’y avait pas non plus de contention, et il est fréquent que les abattoirs ne soient pas équipés pour leur abattage ; on le pratique quand même, ce qui assure un revenu supplémentaire.

 

Nous n’avons pas assisté à l’abattage des coches, mais ce qui était inquiétant, c’est que la pince électrique, inefficace sur des porcs de 110 kilos était utilisée sur des truies qui peuvent atteindre 220 à 250 kilos, voire plus. Ces dernières doivent souffrir sous les décharges électriques.

 

Pour ce qui concernait le personnel, c’est simple : il était incompétent et n’avait reçu aucune formation ; celle-ci est pourtant obligatoire. Les directeurs d’abattoirs de porcs ont de la difficulté à trouver du personnel. Ces derniers ne savaient manifestement pas utiliser le matériel d’abattage. Le personnel n’était pas très consciencieux, loin de ses responsabilités, et complètement indiffèrent aux animaux. Les employés ont même souri en nous voyant. Ils ne se pressaient pas pour abréger les souffrances des porcs en difficulté.

 

Le local où travaillait le personnel était extrêmement bruyant (notamment à cause du retour des crochets contre une paroi métallique, en plus des cris des porcs). Le local était exigu et sombre. Le local d’abattage était sale et insalubre. Les lieux semblaient n’être ni entretenus ni nettoyés. Sans les excuser, les employés se trouvaient dans des conditions de travail difficiles et, comme bien souvent dans ce cas, leur mal-être se répercute sur le traitement des animaux.

 

J’ai fait part de nos constatations au directeur, qui nous avait informés qu’un nouveau Restrainer avait été commandé et qu’il serait livré prochainement par la société STORK. Le directeur semblait totalement indifférent aux souffrances infligées aux animaux dans son abattoir. L’absence de personnel compétent était manifeste.

 

Je fis remarquer au directeur qu’au moins une pince de secours en bon état pourrait limiter les souffrances. Il aurait même fallu interrompre les étourdissements automatiques et les effectuer manuellement avec une pince électrique convenable. Deux ans après, rien n’avait changé. Après cette visite, j’ai téléphoné à la Direction des Services Vétérinaire du département pour les informer de la situation critique de cet abattoir. Le technicien vétérinaire ne semblait pas vouloir agir, malgré l’urgence, mais me fit savoir qu’il allait prévenir sa direction. Rien ne fut fait. J’informai également le bureau de la Protection Animale du Ministère de l’Agriculture, où l’on m’a dit que le Chef de bureau serait averti. Là encore, aucune mesure d’urgence ne fut prise, même après divers courriers qui suivirent.

 

L’abattoir tuait 4000 porcs par semaine dans des conditions très critiquables. Une intervention urgente du Ministère de l’Agriculture aurait été souhaitable. Cela aurait été la moindre des choses puisque c’est à cette instance que revient la charge de faire appliquer la réglementation en matière de protection animale dans les abattoirs. Nous étions face à une inertie totale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dimanche, 03 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

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Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

 

Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

L'étourdissement des animaux a été rendu obligatoire en France par décret en 1964. Ce texte réglemente la contention et la mise à mort des animaux de boucherie dans les abattoirs et comporte l'obligation d'étourdir les animaux avant leur abattage. La mise en place de ce texte a constitué une avancée majeure pour la protection animale, améliorant ainsi les conditions moyenâgeuses d'abattage sans étourdissement. Cependant, les autorités religieuses juives et musulmanes, qui ne voulaient pas du matériel d'étourdissement, ont refusé de suivre la réglementation en prétendant l’emploi de ce matériel incompatible avec la pratique religieuse. Leur voix a été entendue, et l'abattage rituel a par conséquent échappé, par dérogation, à cette obligation. Néanmoins, l'abattage rituel en France doit se conformer aux exigences de la législation de protection animale en cours, laquelle impose des méthodes de contention et de manipulation (qui ne sont pas toujours respectées, comme nous le verrons).

 

La législation qui protège les animaux consiste dans :

 

- l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs ;

 

- le décret n° 97-903 du 1er octobre 1997relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.

 

Mouton transporté dans un coffre de voiture, les pattes ficelées, il va être égorgé pour l’aid el kébir.
Phot Jean-Luc Daub

abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale , viande

 

Qu'est-ce qu'un abattage rituel ?

 

L'abattage rituel est la mise à mort d'un animal dans un contexte religieux qui impose certaines façons de procéder ; la viande de l’animal ainsi abattu est destinée à la consommation des pratiquants concernés. L’un des impératifs consiste à tuer l’animal en pleine conscience, en le saignant à la gorge à l'aide d'un couteau.

Ce qui oppose l'abattage rituel à un abattage classique, c’est que ce dernier s'effectue sur un animal rendu inconscient par des méthodes d'étourdissement. L'abattage classique (normal ou conventionnel) répond à la réglementation actuelle qui demande à ce qu'un étourdissement préalable soit effectué sur l'animal lors de son abattage. L'animal doit être plongé dans un état d'inconscience jusqu'à sa mort, dans le souci de lui éviter des souffrances.

A contrario, dans le cadre de l'abattage rituel, pour que soit autorisée à la consommation des pratiquants la chair d'un animal, il ne doit être ni déjà mort ni blessé au moment de son abattage, suivant des prescriptions de textes religieux. De ce fait, une interprétation de ces textes conduit les pratiquants de l'abattage rituel à rejeter l'emploi des méthodes d'étourdissement. Ces derniers par exemple doutent de l'état de l'animal au moment de l’étourdissement : on ne sait pas s’il est vivant ou mort. L'interdiction de consommer du sang conduit également les pratiquants de l'abattage sans étourdissement à penser qu'il faut égorger vivant l'animal pour qu'il se vide de son sang. Pourtant, l'étourdissement d'un animal ne gêne en rien l'évacuation du sang, puisqu'il est saigné à la gorge, et rapidement après l'étourdissement. De plus, le cœur continu de battre, effectuant son rôle de « pompe » et permettant lors de la saignée une évacuation du sang par jet des artères et veines jugulaires. L'étourdissement n'étant pas la mise à mort de l'animal, c'est la saignée qui met fin à la vie de l'animal.

Pratique du rituel

Pour que les demandeurs puissent pratiquer l'abattage rituel, les abattoirs doivent être dotés d’un équipement spécifique. Il en est de même pour le tueur, qui doit posséder un agrément de « sacrificateur habilité ». La technique d'abattage rituel diffère de celle de l'abattage classique ; il en est de même pour la commercialisation des viandes, qui suivent des circuits propres.

Sacrificateurs

Les tueurs sont appelés « sacrificateurs », et seules les personnes possédant une autorisation administrative en règle peuvent pratiquer un égorgement sans étourdissement préalable dans le cadre de l'abattage rituel. Cette habilitation est accordée par le Grand Rabbinat de France pour les sacrificateurs juifs et par l'une des trois Grandes Mosquées de France pour les sacrificateurs musulmans. Ces organismes ont été agréés par arrêtés ministériels.
 

Matériel

 

L'abattage rituel, comme je l’ai dit, nécessite l'acquisition d'un matériel supplémentaire à celui qui est requis pour l’abattage normal. Pour pouvoir effectuer l'égorgement selon les normes d'abattage relatives à la protection animale, l'abattoir doit s'équiper d'un système de contention mécanique permettant de maintenir l'animal dans une position propice à l'égorgement en le retournant sur le dos. La contention mécanique doit être effectuée au moyen d'un box rotatif de forme cylindrique pour les grands bovins et les veaux, d'un piège de contention mécanique pour les ovins. L'acquisition de ce matériel crée un coût financier supplémentaire pour l'abattoir. En outre, l'installation de ce matériel doit répondre à une orientation vers les lieux saints respectifs, surchargeant parfois l'abattoir d'aménagements et de contraintes pratiques et techniques. De plus, ni les personnes juives pratiquantes ni les personnes musulmanes pratiquantes n'ont, en principe, le droit de consommer de la viande de porc. Ce mammifère étant considéré comme un animal impur, une séparation des chaînes d'abattage ou des circuits de déplacement des carcasses est donc souvent exigée.

 

L’abattage rituel

Les bovins (taureaux, bœufs, vaches et les veaux)

 

Afin de procéder à la contention mécanique, les bovins doivent être conduits dans un box rotatif de forme cylindrique. Lorsque l'un d'entre eux se trouve à l'intérieur, une porte guillotine se referme derrière l'animal qui ne doit pouvoir ni reculer, ni avancer. Des vérins hydrauliques, sous l'impulsion provoquée par un employé, poussent des battants métalliques à l'arrière de l'animal, ainsi que sur les côtés. Ce dernier est alors coincé par la pression des battants. La contention est alors effectuée. Seule la tête dépasse par une ouverture à l'avant du box. Une mentonnière placée à cet endroit est activée. Elle se relève et rabat la tête de l'animal en la tirant vers l'arrière. Ainsi, la tête est coincée. L'animal est alors complètement immobilisé. Un employé active un bouton poussoir et une demi rotation (de 180 degrés) est effectuée. L'animal se retrouve dans une position peu naturelle, sur le dos, les quatre pattes en l'air. La tête est alors à l'envers et laisse en principe apparaître le cou totalement dégagé. Le sacrificateur, qui doit avoir rincé son couteau et vérifié sa lame, procède à l'égorgement en prononçant des paroles religieuses. En principe (quand les choses se passent sans problème particulier), le sacrificateur effectue un mouvement d'aller et un retour avec un couteau tranchant. Il sectionne, après que la lame a coupé la peau et les muscles du cou, la trachée et les artères, l'œsophage. Sous la pression sanguine, le sang gicle et coule abondamment. L'animal doit être laissé dans sa position jusqu'à la perte de connaissance et jusqu'à la fin de la saignée. Une porte latérale au niveau du box s'ouvre pour l'évacuation de l'animal sur le sol. Il est ensuite attaché par une patte arrière et suspendu sur un rail.

 

Moutons, chèvres

 

Les moutons et les chèvres sont conduits par un couloir vers un piège à contention mécanique. Lorsque l’un d'entre eux se retrouve dans le piège, un battant métallique se rabat derrière l'animal, le poussant vers l'avant et un battant se positionne au-dessus de lui. La tête dépasse. Un basculement sur le côté est effectué et l'animal se retrouve sur le flanc. Le sacrificateur maintient la tête d'une main et pratique la saignée avec l'autre. En principe, un seul mouvement avec le couteau doit suffire pour que la saignée soit complète et profuse. Normalement, l'animal doit être laissé dans le piège jusqu'à la fin de la saignée, et seulement après, il peut être suspendu par une patte arrière sur un rail. Mais ce n’est pas toujours le cas.

 

Veaux et ovins parfois saignés debout

 

Parfois, ces petits animaux sont conduits au bout d'un couloir dans un convoyeur muni de bandes latérales entraîneuses. Lorsqu'il arrive au bout du convoyeur, ce dernier est stoppé. Soit une mentonnière mobile maintient la tête vers l'arrière, soit elle est maintenue à la main avant de procéder à la saignée. On dit alors qu'il est saigné debout.

 

Volailles

 

Les volailles sont saignées au bout d'une chaîne d'abattage où elles sont suspendues conscientes par les pattes (la suspension de volailles vivantes par les pattes est autorisée).

 

Certification « Hallal » ou « Casher »

 

Pour les abattages rituels musulmans, selon les exigences religieuses, il suffit que la personne qui abat l'animal soit mentalement équilibrée, qu'elle ait suivi les préceptes religieux et qu'elle ait prononcé le nom de Dieu au moment du sacrifice pour permettre la certification « Hallal ». En outre, il faut que les recommandations prescrites dans le Coran aient été suivies et qu'il n'y ait pas eu de contamination de la chaîne par la présence du porc ou d'un animal qui n'aurait pas été tué en prononçant le nom de Dieu. Mais aucune formation ni connaissances particulières ne sont demandées, il suffit d'être musulman, majeur et sain d’esprit selon les critères d'organismes de certification.

 

Concernant les abattages rituels juifs, la pratique est beaucoup plus codifiée. Il faut que le shohet (sacrificateur juif) possède des compétences techniques et religieuses, et qu'il soit agréé par les autorités juives après avoir suivi une formation. Une faute commise lors du rituel peut, selon sa gravité, entraîner le retrait de l'agrément. Le shohet doit en permanence réviser les enseignements théoriques de la Shehita (abattage rituel codifié dans la Torah). De plus, un contrôle du cadavre de l'animal est opéré pour attribuer ou non la certification Casher. L'inspection s’applique à la carcasse et aux viscères. Sur un lot d'animaux abattus rituellement, après un contrôle, il est possible que plus de la moitié soit rejetée et déclarée non Casher, donc non consommable. Ces animaux retournent alors dans le circuit classique, c’est-à-dire que des animaux abattus rituellement entrent dans la consommation commune, qui doit normalement provenir d’animaux étourdis avant l’abattage. L’abattage rituel excède donc le cercle qui est en principe le sien. De dérogatoire, l’abattage rituel tend par ce biais à se banaliser. En effet, lors de l’abattage juif, les parties arrière jusqu’à la huitième côte pour les bovins, en plus d’un certain nombre de carcasses entières (parfois plus de 50 %) sont refusées par l’abatteur juif (le shohet) après une inspection post mortem. Il vérifie la carcasse et les principaux viscères afin de valider définitivement l’aspect Casher ou non Casher. Si elle est déclarée non Casher, la carcasse de l’animal abattu rituellement retourne dans le circuit classique de la consommation (boucheries, restaurants, collectivités, hypermarchés…), et cela à l’insu des consommateurs. Dans les abattoirs où sont pratiqués les abattages rituels musulmans, les moutons sont très souvent tous abattus rituellement y compris ceux qui sont destinés à la consommation classique. En Belgique, tous les moutons sans exception seraient abattus rituellement. Les boucheries musulmanes achetant les boyaux, le choix est fait par l’abattoir ou par un grossiste d’abattre rituellement tous les ovins, même ceux qui sont destinés à l’abattage classique, afin de récupérer les boyaux, qui bénéficient ainsi de l’appellation Hallal. Les carcasses de moutons rejoignent ensuite le circuit classique. Pour les gros bovins, principalement pour des raisons économiques, en général seules les parties avant seraient vendues sur les étals Hallal, le reste repartirait dans le circuit classique.

 

Commercialisation

 

Les viandes dites Casher et Hallal sont vendues dans des circuits très spécialisés. Des boucheries distinctes, musulmanes et juives, vendent les viandes certifiant une traçabilité qui garantit leur origine et le respect des préceptes religieux. On trouve également pour les viandes Hallal un circuit possible dans les hypermarchés où un rayon réservé en permet la vente. Mais l'acquisition des viandes en boucherie spécialisée donne davantage satisfaction aux consommateurs musulmans, car elle permet l'identification culturelle et communautaire.

 

Conclusion

 

Il n’appartient pas aux associations de protection des animaux de remettre en cause le caractère cérémoniel et religieux de l’abattage rituel. La liberté religieuse est autorisée du moment qu’elle ne trouble pas l’ordre public. Ce qui est critiquable, ce sont des abattages sans étourdissement, d’autant que l’étourdissement des animaux a été rendu obligatoire pour éviter toute souffrance inutile lors de la mise à mort. Il n’y a pas de raison pour que l’abattage rituel échappe à cette règle. La saignée est un acte violent qui entraîne des souffrances. Nous nous sommes tous, un jour ou l’autre, coupés, et nous savons tous que cela fait mal. Imaginez la douleur provoquée par le couteau qui tranche la gorge. L’étourdissement sert à éviter cette douleur. C’est pour cela que les associations demandent à ce que l’étourdissement soit également appliqué à l’abattage rituel. Notons que de nombreuses personnes juives et musulmanes ne suivent pas les prescriptions alimentaires.

 

Si les associations de protection animale lèvent le voile sur ce problème, ce n'est pas pour décrier la pratique religieuse en tant que telle, mais parce qu'elles sont concernées par le sort des animaux. Il est bien entendu que le regard porté sur la religion est apolitique et laïque, neutre et sans prise de position. Ce regard s'inscrit dans le cadre de la défense de l'animal.

 

Pour l'abattage rituel, le box rotatif, également appelé Casting-pen est utilisé pour l'immobilisation des animaux avant la saignée. On doit faire entrer l’animal dans ce piège en forme de cylindre. Il est compressé par des volets qui se rabattent hydrauliquement. Il faut lui tirer et lui maintenir la tête en arrière, à l'aide d'une mentonnière mécanique, puis lui infliger une demi rotation pour le retourner sur le dos avant de l’égorger en pleine conscience. Ces manipulations contraignantes sont source de stress et peu habituelles pour une bête. J’ai pu maintes fois constater l’état de frayeur des animaux lorsqu’ils sont victimes d’un abattage rituel. Il est facile de comprendre qu’il est beaucoup plus stressant et apeurant pour un animal d’être abattu rituellement. Prenons l’exemple d’un abattage

rituel d’un bovin. Au bout d’un couloir, il doit entrer dans un box métallique où seule la tête dépasse. À la seule vue du box, l’animal est apeuré. Ensuite, le bovin est compressé par les côtés et par l’arrière avec des plaques métalliques qui se rabattent sur lui, une mentonnière vient lui lever la tête par-dessous la gorge, puis le box est retourné de façon à ce que l’animal ait les quatre pattes en l’air et qu’il se retrouve sur le dos. Je ne pense pas que ce soit une position tout à fait naturelle pour un animal ! Je vous laisse imaginer la terreur que peut ressentir le bovin. Il y en a qui lâchent leurs urines, d’autres ont les yeux qui sortent des orbites, d’autres encore meuglent de panique et de peur. Il est alors horrible d’entendre leurs gémissements s’éteindre au fur et à mesure que la gorge est tranchée.

 

Dans le cadre d'un abattage classique, l'animal entre dans un piège, le plus souvent en béton formé de quatre parois et ouvert sur le dessus. Il reste debout et le tueur applique le pistolet à tige perforante pour l'étourdissement sur le front de l'animal qui s'écroule sur le sol. Le piège est alors ouvert, l'animal suspendu, puis saigné rapidement. La méthode est bien plus rapide, sans manipulations stressantes et l'animal garde sa position debout pendant les opérations d'étourdissement. Il serait plus simple de n'utiliser que ce genre de contention accompagné d'une méthode d'étourdissement qui peut être mécanique ou électrique.

 

Il existe dans d'autres pays des abattages rituels avec étourdissement par électronarcose, méthode intégrée à la pratique et très bien acceptée par les communautés religieuses. D'autre part, l'étourdissement ne crée pas de problème d'évacuation du sang après la saignée, l'animal n'étant pas mort et le cœur continuant de battre, comme on l’a expliqué plus haut. Le rituel peut avoir lieu même avec un étourdissement, il n'empêche pas la prononciation des paroles saintes. D'ailleurs, des sacrificateurs le pratiquent au quotidien dans des abattoirs français, mais de façon non avouée. Le Recteur de la Grande Mosquée de Paris se prononce favorablement à l'étourdissement par électronarcose, à condition que l'animal n'en meure pas,

c’est-à-dire en imaginant qu’il se réveillerait si la saignée n’avait pas lieu.

 

Alors pourquoi les dirigeants ne prennent-ils pas leurs responsabilités à cet égard ? Peut-être pour maintenir une certaine paix sociale. Et peut-être aussi pour protéger les intérêts économiques, car si l’étourdissement était rendu obligatoire pour tous les modes d’abattage, cela entraînerait probablement l’importation de viande issue d’animaux tués sans étourdissement, et rituellement. Le problème de l’abattage sans étourdissement a été discuté lors du Grenelle des Animaux qui s’est déroulé cette année, mais pour l’instant cette question est demeurée dans l’impasse.

 

Si les communautés religieuses concernées disent que les moyens d’étourdissement actuels ne les satisfont pas, pourquoi ne pas chercher à mettre en place d’autres moyens d’étourdissement, afin de trouver un terrain d’entente satisfaisant pour tout le monde et pour le bien des animaux ? Ce n’est pas compliqué, il faudrait juste y mettre de la bonne volonté. Bien que l’électronarcose, moyen d’étourdissement actuel, soit un acte réversible puisque l’animal ne meurt pas et que par conséquent la viande pourrait être considérée comme Hallal ou Casher avec l’utilisation de ce moyen, les réticences sont fortes.

 

 

 

 

 

 

 

vendredi, 01 juin 2012

La nuit

Esther Mar, Ernst von Kleist, Charles Baudelaire, Pedro Calderon de la Barca, Alfred de Musset, nuit
Phot.Mavra
Nicolaïevna Novogrochneïeva


Un billet d'Esther Mar-Adentro

La vie est une nuit. Nous attendons tous l'aube, qui nous délivrera du poids des ténèbres, ténèbres de nos entrailles, ténèbres de nos douleurs, de nos tentatives et de nos échecs, de nos tentations et de nos âmes piégées.

"La vie est un songe", disait Pédro Calderon de la Barca.

"La vie n'est qu'une nuit à passer dans une mauvaise auberge", disait Sainte Thérèse d'Avila.

"La vie est un voyage", disait Ernst von Kleist.

"La vie est un sommeil", disait Alfred de Musset.

"Cette vie est un hôpital", disait Charles Baudelaire.

La vie est une nuit, où la lune brille trop faiblement pour guider nos pas. Nous nous cognons les uns contre les autres, et pour nous venger de notre condition, de nos espoirs déçus, nous bridons l'enfance et malmenons les bêtes.

La vie est une nuit et nous attendons la fin du noir, la venue de l'aube, l'avenue du jour qui se déploie sous nos yeux jusqu'à l'horizon. Alors, que ferons-nous ?

Nous verrons. Pour l'instant, nous geignons et nous prions.

 

Esther Mar-Adentro

Boris Bérard, Charles Baudelaire, Ernst von Kleist, William Shakespeare
Phot.VillaBar

dimanche, 27 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Description des différentes méthodes d’abattage

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Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Description des différentes méthodes d’abattage

 

Dans ce chapitre, je vais décrire la manière dont se passe ou devrait se passer un abattage selon la réglementation. Ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. J’accompagnerai mes propos de références législatives, car les méthodes d’abattage sont codifiées et ne s’improvisent pas. Vous pourrez comparer les différentes pratiques avec les situations vécues lors de mes visites d’abattoirs, décrites dans des chapitres suivants, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

 

Il faut savoir que les postes d’abattage sont différents suivant les animaux et suivant l’aménagement de l’abattoir. Certains sont utilisés pour plusieurs espèces. Les locaux, les installations et les équipements des abattoirs doivent être conçus, construits, entretenus et utilisés de manière à épargner aux animaux toute excitation, douleur ou souffrance évitables (chapitre II du décret 97-903 du 1er octobre 1997). Les abattoirs doivent être équipés et aménagés conformément aux textes réglementaires relatifs à la protection des animaux au moment de leur abattage (décret 97-903 du 1er octobre 1997 et arrêté du 12 décembre 1997).

 

La mise à mort des animaux comprend trois phases : l’immobilisation, l’étourdissement, l’abattage.

 

L’immobilisation des animaux par un moyen de contention est obligatoire avant tout abattage (annexe II de l’arrêté du 12 décembre 1997), excepté pour les volailles, les lapins et les petits gibiers domestiques. La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort (décret 97-903 du 1er octobre 1997 art. 7).

 

L’étourdissement désigne tout procédé qui, lorsqu’il est appliqué à un animal, le plonge immédiatement dans un état d’inconscience où il est maintenu jusqu’à sa mort (décret du 1er octobre 1997 chapitre I point d). Il est obligatoire avant tout abattage ou mise à mort des animaux, à l’exception de l’abattage rituel (décret du 1er octobre 1997 chapitre II art.8). Les procédés autorisés (arrêté du 12 décembre 1997 art.3) sont les suivants : pistolet à percussion à tige perforante ou à masselotte ; électronarcose1 ; exposition au dioxyde de carbone. Les matériels utilisés doivent satisfaire aux conditions énoncées à l’annexe III de cet arrêté.

 

L’abattage consiste dans le fait de mettre à mort un animal par saignée. La saignée comprend l’incision d’au moins deux carotides et des vaisseaux sanguins jusqu’à la fin de l’écoulement du sang (arrêté du 12 décembre 1997 annexe V). La saignée doit commencer le plus tôt possible après l’étourdissement et en tout état de cause avant que l’animal ne reprenne conscience (décret 97-903 du 1er octobre 1997, art. 9).

 

Bovins qui viennent d’être saignés et qui se vident de leur sang jusqu’au dernier souffle.
Phot Jean-Luc Daub

 abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale

 

 

Mise à mort des porcs et des coches (truies)

 

Deux cochons morts lors d’un transport d’une crise cardiaque. Phot Jean-Luc Daub

 abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale

 

Étourdissement et abattage

 

 Pour que les abattages soient correctement faits, il faut un piège de contention et une électronarcose efficace. Le piège de contention sert à maintenir l’animal pour qu’il ne puisse plus bouger. Cela permet aussi à l’opérateur d’effectuer l’étourdissement dans de bonnes conditions de sécurité. L’étourdissement sert à plonger l’animal dans un état d’inconscience afin de lui éviter de souffrir lors de la saignée. Pour cela, on pratique une électronarcose, soit automatiquement dans un Restrainer2, soit manuellement à la l’aide d’une pince électrique pour faire subir à l’animal un choc électrique de courte durée, mais de grande intensité.

 

Dans le cas d’un étourdissement automatique, l’animal est conduit par un étroit chemin d’amenée vers un Restrainer. L’animal est véhiculé par deux bandes qui l’entraînent vers les broches électriques qui entrent en contact avec la tête. Après avoir subi le choc électrique, l’animal est éjecté sur une table, puis suspendu par une patte arrière. Dans certains abattoirs, les cochons sont saignés directement sur la table (ce qui est préférable), dans d’autres ils sont saignés après la suspension. Dans tous les cas, ils doivent être saignés le plus rapidement possible, car si l’électronarcose est bien faite, l’animal n’étant pas tué par ce procédé, il se réveille quelque temps après. Mais, il est pratiqué parfois une électronarcose jusqu’à la mort de l’animal.

 

Dans le cas d’un étourdissement manuel, l’animal est conduit par un étroit couloir dans une caisse piège qui se referme derrière lui. L’animal ne peut ni avancer, ni reculer, on dit qu’il est immobilisé. Un opérateur, appelé généralement un tueur, à l’aide d’une pince électrique pratique l’électronarcose, en appliquant les deux électrodes soit sur les tempes, soit derrière les oreilles. La pince électrique ne doit pas être appliquée sur les yeux.

 

Certaines pinces délivrent le choc électrique de façon tempérée dans un court temps et avec une forte intensité. Parfois, c’est l’opérateur qui estime la durée d’application de la pince, ce qui n’est pas toujours heureux, car si la pince est mal réglée, l’animal subit des électrocutions et donc de la douleur, plutôt qu’un étourdissement qui doit en principe éviter la douleur causée par les opérations qui suivent. Lorsqu’on ouvre le piège, l’animal tombe sur une table ou sur le sol, il est suspendu et saigné après. Il arrive que l’abattoir ne soit pas équipé de piège ; les cochons ou les moutons sont alors étourdis l’un après l’autre dans la case même du poste de l’abattage. Cela crée un mouvement de panique et de peur parmi les animaux.

 

Cochons attendant leur mort dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Dans tous les cas, les porcs doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement. L’étourdissement est effectué par électronarcose ou par inhalation de CO2 ou, si nécessaire, au pistolet d’abattage (qui n’étourdit pas, mais qui tue). L’électronarcose peut être réalisée mécaniquement dans un Restrainer équipé d’un poste d’étourdissement automatique ou manuellement par l’application d’une pince électrique au niveau de la tête. Certains abattoirs utilisent une fosse à CO2 pour endormir les porcs, mais ces installations sont source de souffrance, car les animaux paniquent lors de la descente dans la fosse. Les porcs ne doivent pas se réveiller pendant la suspension et la saignée.

 

Le test occulopalpébral3 peut être effectué en passant légèrement le doigt sur les sourcils pour s’assurer que les cochons sont bien anesthésiés. Les porcs doivent être étourdis un à un et saignés rapidement. La saignée est pratiquée sur un tapis roulant ou sur une table à la sortie de la contention ou généralement après la suspension et avant qu’ils ne reprennent conscience. Elle est effectuée soit au couteau soit à l’aide d’un trocart4.

 

Cochon blessé, baignant dans son sang sur le quai d’un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Mise à mort des bovins, vaches, veaux et chevaux

 Il existe deux types d’abattage : l’abattage classique ou non religieux et l’abattage rituel à caractère religieux. Dans le deuxième cas, les animaux peuvent être abattus selon le rite religieux juif ou musulman. Ils sont abattus sans être étourdis. Une contention mécanique (décret 97-903 du 1er octobre 1997, chapitre II, art.12) et un sacrificateur habilité (art.13 du même décret) sont obligatoires pour cette pratique.

 

Cheval grattant le sol pour chercher une sortie sur la quai d’un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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Abattage classique

 

Les animaux sont conduits par un étroit chemin d’amenée vers un piège de contention où ils ne peuvent ni avancer ni reculer. À l’aide d’un pistolet à tige perforante, le tueur effectue un étourdissement en l’appliquant sur la partie frontale de l’animal. La boîte crânienne étant perforée jusqu’au cerveau, l’animal perd connaissance et tombe. On ouvre ensuite le piège, puis on suspend l’animal par une patte arrière avant de pratiquer la saignée. Cette méthode est utilisée pour les bovins, les chevaux et les veaux.

 

Dans tous les cas, les bovins, vaches, veaux et chevaux sont étourdis à l’aide d’un pistolet à tige perforante appliqué sur le crâne. Ils doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement, soit dans un caisson en béton ouvert sur le dessus, soit dans un box métallique ou un box rotatif utilisé pour l’abattage rituel. Le pistolet à tige perforante fonctionne par cartouches ou par air comprimé. Les animaux doivent être étourdis un à un et la saignée doit intervenir rapidement (généralement, elle est effectuée après la suspension).

 

Abattage rituel

 

Mouton attendant son égorgement lors de l’aid el kébir, les pattes sont ficelées, il a été déposé devant un local poubelle dans une cité.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux sont conduits, un par un, par un couloir étroit dans un box rotatif. C’est un peu comme un grand tambour de machine à laver. L’animal entre d’un côté et de l’autre côté seule la tête dépasse. Le box est alors retourné jusqu’à ce que l’animal ait les quatre pattes en l’air et le dos en bas. La tête qui dépasse est à l’envers, ce qui fait que le sacrificateur à l’aide d’un couteau saigne en pleine conscience la bête au niveau de la gorge. Puis, on ouvre une porte latérale et l’animal tombe sur le sol. Il est ensuite suspendu par une patte arrière.

 

Mouton suspendu par une patte à plusieurs mètres du sol !
Phot Jean-Luc Daub

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Dans tous les cas, la contention mécanique est généralement effectuée dans un box rotatif adapté aux gros bovins ou aux petits bovins, ainsi qu’aux veaux. L’animal doit être maintenu dans le box rotatif jusqu’à la fin de la saignée (écoulement du sang) (art. 2 de l’arrêté du 12 décembre 1997). La suspension par les pattes arrière, alors que l’animal est encore vivant, est interdite. Les sacrificateurs musulmans sont habilités par les grandes mosquées de Paris et de Lyon et la mosquée d’Evry, le cas échéant par le Préfet. Les sacrificateurs juifs sont habilités par le Grand Rabbinat de France.

 

 Mise à mort des ovins et des caprins

 

Abattage classique

 

Etourdissement d’un mouton en abattage classique, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub

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Les moutons sont menés par un couloir étroit vers un piège de contention, soit le piège mécanique qui sert pour l’abattage rituel, soit une petite case en béton. Un employé étourdit les moutons à l’aide d’une pince électrique en l’appliquant sur les tempes ou derrière les oreilles. Comme pour les porcs, l’application de la pince doit être brève, mais avec une forte intensité, afin que le choc électrique plonge les moutons dans un état d’inconscience. Ils sont ensuite suspendus par une patte arrière et saignés. Parfois, les ovins et caprins sont abattus dans une case sans contention.

 

Dans tous les cas, les ovins et les caprins doivent être immobilisés par un moyen de contention avant l’étourdissement. L’immobilisation est effectuée soit dans un petit piège mécanique, soit au bout du couloir d’amenée. Ils sont étourdis à l’aide d’une pince électrique ou d’un pistolet à tige perforante au niveau du crâne. La saignée des animaux doit intervenir rapidement avant que l’animal ne reprenne conscience (généralement elle est effectuée après la suspension). La pince électrique ne doit pas être appliquée sur les yeux.

 

Abattage rituel

 

Comme pour les bovins, les moutons peuvent être abattus selon le rite religieux juif ou musulman. Ils sont abattus sans être étourdis. Une contention mécanique (décret 97-903 du 1er octobre 1997, chapitre II art.12) et un sacrificateur habilité (art.13 du même décret) sont obligatoires pour cette pratique.

 

Egorgement rituel d’un mouton, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux sont conduits par un petit couloir vers un piège mécanique. Lorsqu’un mouton est entré dans le piège, les parois latérales se resserrent, compressant ainsi l’animal. Le piège est basculé sur le côté, présentant ainsi la gorge du mouton vers le sacrificateur. Ce dernier égorge le mouton en pleine conscience. L’opérateur ouvre le piège et suspend par une patte le mouton. Avant de le suspendre, le sacrificateur doit attendre la fin de la saignée. Il arrive que des abattoirs ne soient pas équipés du piège. Ils suspendent alors les moutons vivants et les saignent ensuite, ce qui est interdit.

 

Dans tous les cas, la contention doit être effectuée par un procédé mécanique. L’animal doit être maintenu dans la contention mécanique jusqu’à la fin de la saignée (écoulement du sang) (art. 2 de l’arrêté du 12 décembre 1997). La suspension par les pattes arrière, alors que l’animal est encore vivant, est interdite.

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1 Électronarcose : procédé utilisé pour étourdir un animal au moyen d’un choc électrique avant de pratiquer la saignée.

 

2 Restrainer : moyen de contention en forme de couloir fait de deux bandes latérales en v qui entraînent les animaux soit vers un poste d’étourdissement manuel, soit vers des électrodes pour un étourdissement automatique. Il existe aussi ce que l’on appelle des Midas, qui répondent au même principe que le Restrainer, sauf que les cochons sont entraînés par le dessous.

 

3 Test qui peut être effectué sur un animal qui vient d’être étourdi, en frôlant du bout des doigts les cils, aucune réaction ne doit avoir lieu.

 

4 Trocart : couteau monté de plusieurs lames ajourées au bout d’un tuyau d’aspiration du sang, en cas de récupération de ce dernier.

 

dimanche, 20 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Le déroulement des visites d’abattoirs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

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Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Le déroulement des visites d’abattoirs

 

 Mon travail d’enquêteur commençait par l’organisation de mes déplacements. Je choisissais sur la carte de France les abattoirs qui feraient l’objet d’un contrôle. En réalité, le mot « contrôle » n’était jamais employé devant les responsables d’abattoir. C’est le mot « visite » qui était employé, cela sonnait de manière moins répressive et permettait de moins freiner nos interlocuteurs dans leurs propos. Les visites s’effectuaient également sur dénonciation, soit de la part d’une personne extérieure à un abattoir, soit d’un employé qui faisait état de mauvais traitements ou d’abattages non conformes à la réglementation. Il est arrivé que ce soit un des membres des services vétérinaires de l’abattoir qui nous téléphone pour soulever un problème d’abattage qu’il ne pouvait pas résoudre. Soit parce que sa démarche n’avait pas abouti, soit parce qu’il n’avait pas eu le courage, ou la possibilité, de s’interposer pour éviter un mauvais traitement en raison de la pression ambiante et des conséquences sur le plan personnel que son intervention aurait pu entraîner.

 

Je me déplaçais dans toute la France, et pouvais faire jusqu’à plus de mille kilomètres. Il fallait parfois une journée entière de voiture pour se rendre dans le département dans lequel se situait l’abattoir à visiter.

 

La première étape consistait à trouver un hôtel situé dans la même ville que l’abattoir. Dans certaines villes, il n’y en avait pas. J’étais donc obligé d’aller assez loin, ce qui ajoutait à la fatigue des frais supplémentaires. La plupart des hôtels acceptaient les chiens et comme j’emmenais Robin dans tous mes déplacements, il me fallait intégrer sa présence dans l’organisation de ces déplacements. Il m’était important de l’avoir avec moi, car il me permettait de me détendre en compagnie d’un animal qui ne risquait pas de finir à l’abattoir. Aux yeux de l’association pour laquelle je faisais ces enquêtes, il ne devait pas y avoir de place pour les émotions ou les sentiments. L’important était que les animaux soient tués conformément à la législation, un point c’est tout ; car pour les personnes qui m’entouraient, le niveau de réflexion sur les animaux ne dépassait pas l’idée que : « L’animal est fait pour être mangé, on ne peut pas faire autrement ! ». La présence de mon chien me permettait d’oublier un peu ce manque de réflexion en échangeant avec lui affection et complicité. J’essayais de ne pas arriver trop tard le soir, car j’aimais parcourir les villes pour me cultiver après un long voyage, en me rendant dans les centres historiques et en entrant dans les cathédrales. Je me couchais en général de bonne heure pour être au mieux de ma forme, car les visites s’effectuaient très tôt au petit matin. Au lit, je préparais la journée en récapitulant les étapes de ma visite du lendemain, pour ne rien oublier d’important et de préjudiciable aux animaux après que j’aurai quitté l’abattoir.

 

Je prenais un bon petit-déjeuner pour tenir durant les longues et pénibles journées. Ce n’est pas un travail comme les autres : les premières réalités de la journée sont sanguinaires, la journée commence dans le sang. Je localisais l’abattoir la veille pour ne pas perdre de temps. Après avoir garé ma voiture, je prenais mon sac avec mon équipement et je tentais de trouver les bureaux ou, le cas échéant, je rentrais dans l’abattoir et demandais à voir un responsable. Je me présentais et j’expliquais le but de ma visite. Si la personne connaissait l’association pour laquelle je travaillais, elle me laissait en principe rentrer dans l’abattoir et faire la visite. Mais en réalité beaucoup ne savaient pas qu’elles n’étaient pas obligées de nous laisser entrer. Je m’équipais alors de la tenue réglementaire : ma blouse, mes bottes et mon casque. Habillé de blanc et de bottes alimentaires, j’étais prêt pour affronter la mort en face, sans pouvoir l’éviter aux animaux qui allaient vivre ce moment pourtant tant redouté par les hommes, mais qui n’ont pas de scrupules à le faire « vivre » aux animaux. J’effectuais parfois seul la visite, parfois avec le responsable de l’établissement, voire avec un vétérinaire ou un technicien des services vétérinaires se trouvant sur place, ou encore avec les personnes du service qualité, qui étaient en général des femmes. Je trouvais les femmes plus réceptives aux critiques et plus ouvertes à la négociation, au contraire des hommes qui se braquaient plus rapidement et avec lesquels s’installait vite un rapport de force, malgré toute la diplomatie dont je faisais preuve dans mes critiques. J’avais conscience de l’importance qu’il y avait pour moi à ne pas me tromper dans mes remarques. C’était encore plus pesant lorsque la visite s’effectuait en présence de plusieurs personnes ayant des responsabilités dans l’abattoir.

 

En général, après avoir assisté aux diverses étapes de l’abattage, je faisais le point avec le responsable ou le directeur. Je parlais de ce que j’avais trouvé de « bien », par exemple en matière d’installations dont n’étaient pas pourvus les autres abattoirs, et qui étaient de nature à améliorer la prise en compte de l’animal. Étaient également discutés les points plus critiquables et plus délicats, comme les infractions ou la pauvreté des équipements. Cette discussion devait permettre de faire prendre conscience des améliorations à mettre en œuvre par le responsable.

 

Je visitais en général deux abattoirs dans la matinée ou dans la journée, cela dépendait du temps passé dans le premier. Au-delà, c’était trop fatigant ; j’aurais alors pris le risque de voir s’altérer mes capacités d’observation et d’être moins précis dans mes constats. Il fallait également penser aux comptes rendus. Dans l’abattoir, il n’était pas bon de tout noter sur un calepin, car cela pouvait faire peur aux intervenants qui se seraient censurés. Je notais après les visites les éléments importants sur un brouillon qui me servait de support pour la rédaction des comptes rendus. C’était un exercice de mémoire colossal. Il fallait, aussi, lorsque les abattoirs avaient été visités, prévoir le départ pour une autre ville parfois distante de centaines de kilomètres. Si le temps n’était pas géré convenablement, la fatigue, les risques d’accidents, une moindre forme pour continuer le travail survenaient.

 

Ah, j’oubliais ! Entre temps, je sortais mon chien pour le promener un peu, eh oui, lui aussi avait droit à son bien-être.

 

Les constatations faisaient, outre l’entretien après la visite d’abattoir avec le responsable, l’objet d’un courrier, qui lui était adressé. Si j’avais constaté des choses graves, elles étaient, par courrier là aussi, portées à la connaissance des Directions des Services Vétérinaires des départements dans lesquels se trouvaient les abattoirs. En cas de gravité extrême, nous écrivions à la Direction Générale de l’Alimentation qui siège au Ministère de l’Agriculture. Ces différentes instances en prenaient note, nous répondaient et agissaient selon leur bon vouloir. C’est-à-dire pas à chaque fois et pas spécialement dans les cas les plus importants. Parfois une absence de réponse permettait de ne pas prendre position et de laisser se noyer, dans le bain de sang des animaux, l’action corrective qui leur aurait été utile. Cependant, il m’a toujours paru curieux d’être obligé de faire remonter les informations aux Services Vétérinaires puisque leurs agents sont présents dans les abattoirs pour contrôler l’hygiène et la salubrité alimentaire, mais aussi pour contrôler le respect des normes en matière de protection animale. Dans ce cas, le ministère ne pouvait qu’être au courant de certaines pratiques. Apparemment, certaines choses leur échapperaient, vu le nombre d’infractions ou de maltraitances en abattoir que j’ai pu constater, et qui persistent encore aujourd’hui !

 

Concrètement, pour un enquêteur de protection en abattoir (nous sommes peu nombreux), il s’agit de veiller au respect de la réglementation, en l’occurrence le décret du 1er octobre 1997 et l’arrêté du 12 décembre 1997 relatifs aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs. Il s’agit d’apporter de l’aide aux animaux en détresse ou en souffrance, en demandant parfois l’abattage immédiat d’un animal pour abréger des souffrances. Il s’agit aussi d’apporter des conseils pour améliorer la condition des animaux lors de leur unique passage à l’abattoir, dont il est interdit qu’ils sortent vivants. Je me rappelle par exemple que dans un petit abattoir de Bretagne, l’employé avait tout le mal du monde à faire entrer les cochons dans un piège rectangulaire aux parois blanches. J’ai conseillé à la direction de repeindre les parois intérieures en brun ou en noir. Le blanc est effrayant pour les animaux. S’ils reconnaissaient du brun, du noir, voire du gris, des couleurs qui leur sont familières, ils avanceraient plus facilement. Dans un autre abattoir, le tueur ne descendait le palan qui allait servir à suspendre les bovins qu’après avoir procédé à l’étourdissement. La réglementation prévoit que la saignée doit intervenir le plus rapidement possible après l’étourdissement. Il était alors plus logique de descendre en premier le palan, et d’étourdir l’animal après, afin de le saigner plus rapidement. N’y a-t-il personne d’autre, dans un abattoir, pour expliquer cette règle de bon sens ?

 

Dans certains grands abattoirs, la tenue blanche en porcherie ou en bouverie est interdite. Le blanc, je l’ai dit, est effrayant pour les animaux (d’élevage intensif). Certains abattoirs ont mis des lumières tamisées à l’entrée des pièges pour les productions à cadences élevées. Cela apporte un plus en matière de confort pour les employés ; cela évite aussi de perdre du temps à faire avancer coûte que coûte les porcs dans le couloir qui les mène au piège. Les conséquences sur la qualité de la viande ne sont pas négligeables non plus, puisque l’on diminue ainsi le stress.

 

En tout état de cause, les enquêtes d’abattoirs sont difficiles à réaliser. Il faut se lever tôt dans la nuit et trouver son chemin pour arriver à l’abattoir. Il faut ensuite se rendre dans un environnement plus ou moins hostile. Il faut affronter un milieu où règne l’horreur, et cela même lorsqu’un abattoir respecte toutes les normes. Nous pataugeons dans le sang. Nous devons supporter les cris des animaux, de ces êtres innocents qui sont apeurés et qui sont dans la détresse.

 

Pour moi, l’abattage d’un animal qui finit dans notre assiette, c’est l’abattage d’un innocent, ça revient à effectuer un acte violent, car on tue un animal en bonne santé. Cet acte est encore plus violent lors d’abattages rituels, parce que ce mode d’abattage échappe à l’obligation d’étourdissement qui doit rendre les animaux insensibles à la douleur de l’égorgement. L’étourdissement doit être pratiqué par tout le monde dans les abattoirs, sauf par les personnes de confessions juives et musulmanes, qui bénéficient à cet égard d’une dérogation. Le passage dans la gorge de la lame du couteau, qu’effectue le sacrificateur, ne peut être que douloureux, même si les pratiquants de cette forme d’abattage disent le contraire. Nous, les humains, pour la moindre opération nous nous faisons anesthésier, de façon locale ou générale. Proportionnellement, si l’on vous tranche la gorge, ça doit faire très mal, il n’y a même pas besoin d’explications scientifiques. Le bon sens suffit. Un jour, dans un abattoir, un sacrificateur musulman m’a dit : «  Nous ne pouvons pas utiliser l’étourdissement, parce qu’il faut que l’animal soit bien vivant au moment de l’égorgement, il faut même qu’il bouge les pattes pendant l’égorgement, ça montre que cela lui fait mal, et ça prouve qu’il est bien vivant !».

 

Tout abattage est violent parce que même avec un étourdissement préalable, il y a le lieu, l’odeur du sang, les cris des autres animaux, les bruits métalliques, les cadences de production qui font que le personnel pousse, coûte que coûte, d’une façon ou d’une autre, les animaux dans le piège où se passe la mise à mort. Recevoir une décharge électrique derrière les oreilles, avoir la tête plongée dans un bac d’eau à électrolyse ou le crâne perforé jusqu’à la cervelle en guise d’étourdissement, est une violence. Ce sont là les techniques d’étourdissement que j’ai pu voir dans les abattoirs. Mais cela me semble préférable à un égorgement en pleine conscience, car le but de l’étourdissement, c’est de plonger rapidement l’animal dans un état d’inconscience, jusqu’à la fin de la saignée, c’est-à-dire jusqu’au dernier souffle. L’étourdissement constitue une avancée « louable », à condition qu’il soit pratiqué correctement. Il faudrait perfectionner ces méthodes, voire en trouver de plus efficaces. C’est là un dossier sur lequel devraient travailler certaines associations.

 

Cochon attendant son abattage dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

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dimanche, 13 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Aider les animaux d’abattoirs

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Aider les animaux d’abattoirs

 

Pourquoi avoir quitté les chiens et les chats de la SPA pour les animaux dits d’abattoirs ? J’allais souvent voir ce qui se passait à l’ancien abattoir de Strasbourg, qui était classé « lanterne rouge », en me cachant pour observer les déchargements des animaux. Il m’avait toujours semblé évident que tous les animaux méritaient d’être secourus, même ceux qui finissaient dans l’assiette. Nous sauvions des chiens et des chats, mais les cochons et les vaches n’attiraient pas la compassion de la part des collègues. Pour me faire leur avocat, il faut dire qu’il y a beaucoup à faire avec les animaux de compagnie comme les chiens et les chats, c’est une spécialisation dans la protection animale. Je puis vous dire que ce travail est rude, et qu’il faut parfois avoir le cœur bien accroché tant les horreurs auxquelles ont affaire les SPA sont dures à supporter. Ce que l’on constate au travers des SPA est comme un baromètre qui indique le niveau de déchéance et d’appauvrissement de la conscience humaine.

 

En dehors de mes heures de travail, j’allais, le matin, le soir ou la nuit, derrière l’abattoir, parfois dans un froid glacial. Je guettais caché derrière les parois en béton. J’assistais à des mauvais traitements que le personnel ou les chauffeurs des camions infligeaient aux animaux. Les vaches qui n’avançaient pas étaient frappées, à coups de bâtons sur les os des pattes, sur la croupe jusqu’à l’éclatement de la chair, à coups de bâtons sur les naseaux qui se mettaient à saigner de façon profuse, à coups de fourches, ou par la torsion de la queue…

 

Pour les cochons ce n’était pas mieux, beaucoup d’entre eux gisaient morts sur les quais. Un chauffeur les déchargeait en ouvrant en grand les portes du camion, il leur donnait des coups de piles électriques sur n’importe quelle partie du corps, même sur la tête et sur le groin. Les cochons apeurés tombaient du camion les uns sur les autres.

 

Un jour, j’assistai au déchargement d’une truie qui ne pouvait pas marcher. La nacelle arrière du camion avait été descendue jusqu’à la hauteur d’une caisse roulante. La truie fut poussée dedans à coups de bâton. Elle tomba dans la caisse, la tête vers le bas, tandis que le reste du corps dépassait. C’est alors à l’aide de coups de pieds que le chauffeur tenta de faire rentrer tout le reste du corps dans la caisse. Mais la truie avait la tête en bas et l’arrière-train en l’air comme si elle n’était qu’un sac de pommes de terre (encore que les pommes de terre, si vous les cognez, s’abîment vite, alors je pense qu’on y fait attention). Un autre jour, une vache s’était échappée dans l’enceinte de l’abattoir. Plusieurs employés lui avaient couru après en la matraquant de coups de bâtons pour tenter de la faire revenir vers le local d’abattage.

 

Le soir, des camions remplis d’animaux se garaient derrière l’abattoir pour y passer la nuit au lieu de décharger les bovins et de les abreuver. Les transports s’étaient effectués toute la journée sous un soleil de plomb. Je m’en souviens, c’était en été. Les animaux étaient serrés dans le camion, seules de petites ouvertures leur permettaient de sortir les naseaux pour prendre de l’air. Les bovins meuglaient désespérément, ne pouvaient plus se tenir debout à l’intérieur et avaient soif pendant que le chauffeur dormait dans sa cabine. Un soir, le chauffeur m’aperçut et déplaça le camion vers le poste du gardien de l’abattoir.

 

Un autre soir, je réussis à faire dégager une vache qui était couchée : coincée sous les autres, elle ne pouvait plus se relever. Malheureusement, sur les photos que j’avais prises, on peut apercevoir une autre vache, apparemment morte, également coincée, que je n’avais pas vue parce qu’il faisait nuit. À cette époque je ne savais pas comment intervenir pour les gros animaux. La Direction des Services Vétérinaires avait ses bureaux juste en face de l’abattoir, mais je n’ai jamais assisté à une intervention quelconque de leur part.

 

Je fus alors recommandé à une association qui visite les abattoirs, par une dame qui travaillait pour la SPA. La présidente d’alors me trouvait trop gringalet pour devenir enquêteur dans le milieu des abattoirs. C’est vrai, je n’avais pas la carrure de l’un des deux autres enquêteurs, tous deux morts aujourd’hui, mais au fur et à mesure des enquêtes je devins le plus redoutable ! Bien sûr, j’ai été brutalisé, parfois frappé sur des marchés aux bestiaux. Les tentatives d’intimidation étaient nombreuses, les menaces de mort aussi. Je me souviens que sur un marché aux bestiaux, on m’avait menacé de me pendre sous la charpente en bois si je ne quittais pas le site. Je suis parti et j’ai téléphoné au directeur des Services Vétérinaires du département en question pour lui rendre compte des horreurs que j’avais vues. Il me répondit alors : « Je ne peux pas intervenir car il me faudrait un escadron de gendarmerie, c’est trop dangereux ! ». C’est vous dire les problèmes qu’il y avait sur ce marché et la crainte des autorités compétentes à cette époque. Par contre, plusieurs années après, sur un autre marché, un directeur me réconforta en me disant que chez lui, il ne m’arriverait rien, que j’étais sous sa protection. Cela m’avait beaucoup rassuré.

 

Lorsque j’ai commencé à faire de la protection animale en abattoir, l’entourage me disait : « Mais pourquoi fais-tu cela ? de toute façon les animaux sont faits pour être mangés ! » ou alors « tu veux éviter quelles souffrances, pour faire quoi ? de toute façon ils vont être tués ! ». Finalement, on me demandait à quoi pouvait bien servir d’éviter aux animaux des souffrances puisque, de toute façon, ils allaient être tués ! Heureusement, je crois que ce temps-là est révolu, du moins je l’espère. Mais on entend encore quelques réflexions comme : « Et qu’est-ce que vous faites des enfants ? des handicapés ? des prisonniers de Guantanamo ? etc… etc… ». Comme si le fait de faire de la protection animale nous rendait responsables des autres souffrances humaines, ou du moins devrait nous culpabiliser. Alors que la plupart des gens qui font ce genre de réflexion n’accomplissent rien dans leur vie. Nous faisons déjà quelque chose à notre échelle. Je connais des gens qui sont engagés sur les deux fronts : humain et animal. Je dirais qu’il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre l’espèce humaine et les espèces animales. Pas de hiérarchie non plus dans les souffrances. Pourquoi s’occuper plus des enfants que des personnes âgées ? Pourquoi collectionner des timbres ou faire partie d’une association de sauvegarde des Menhirs en Bretagne, alors que des enfants meurent de faim dans le monde ? Ce n’est pas parce qu’un médecin s’occuperait d’une personne qui aurait le bras cassé, qu’un autre ne devrait pas s’occuper d’une personne ayant une entorse à la cheville ! Ce n’est parce que des Chinois peuvent être exploités dans les usines de leur pays, qu’il ne faudrait pas s’occuper d’êtres (humain ou animal) en souffrance chez nous, en France. Rendez-vous compte que chez nous, des gens se passionnent pour le football, alors que rien qu’en 2006, 137 femmes sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ! Ce qui signifie qu’une femme meurt de violences conjugales pratiquement tous les trois jours, selon les chiffres de la Délégation aux victimes du Ministère de l’Intérieur. Pour autant, est-ce que l’on montre du doigt les amateurs de football, ou mieux les collectionneurs de briquets ? Allons !

 

En ce qui concerne ma profession, je suis éducateur technique spécialisé. J’accompagne dans mon travail des personnes handicapées mentales dans leur vie de tous les jours. Mais bon, là, je suis en train de me justifier, alors qu’il n’y a pas lieu de le faire, et toute personne suffisamment intelligente ne posera pas de questions basses et idiotes !

Je voudrais faire un aparté concernant la SPA de Paris, dont Caroline Lanty avait pris la 39e présidence, car il y eut alors selon moi un changement important. Il me semble avoir lu un article de presse où elle disait que les kermesses SPA où l’on sert de la viande pour la restauration des fêtes, ç’en serait fini. Je crois que c’est une bonne chose que cette décision, parce que j’étais l’année dernière à une « Fête des Animaux » dans un refuge où l’on recueille entre autres des animaux sauvés de l’abattoir, et l’on y servait des saucisses, des merguez et du jambon… C’est un autre débat, mais il y a là matière à réfléchir, parce que sauver des animaux pour en laisser d’autres partir à l’abattoir pose quand même quelques questions…

 

 Truie ne pouvant pas marcher, déchargée dans une caisse roulante à coup de pieds !
Phot Jean-Luc Daub

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 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

dimanche, 06 mai 2012

Ces bêtes qu’on abat : Mes débuts dans la protection animale

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Mes débuts dans la protection animale

 

J’ai fait mes premiers pas dans la protection animale en 1993 à la Société Protectrice des Animaux de Strasbourg, où j’assumais la fonction de délégué. Je promenais les chiens, je nettoyais le chenil, mais très vite j’ai été amené à faire des enquêtes lorsqu’on nous signalait de mauvais traitements sur des animaux.

 

Je me rendais alors chez les particuliers qui faisaient l’objet d’un signalement. Ce n’était pas toujours facile. Parfois les lieux étaient isolés, parfois je me rendais dans des cités dont l’état des immeubles était déplorable, sinistre et hostile, ce qui encourageait plutôt à faire demi-tour. Et tant pis pour le chien en question. Mais non… Je suis toujours allé au bout de mes interventions, même dans les abattoirs ou sur les marchés aux bestiaux. Peut-être par inconscience. Surtout parce qu’il est impossible de renoncer à une intervention lorsque l’on sait qu’un ou des animaux sont en détresse. Et puis, il y avait la possibilité d’être accompagné par la police ou la gendarmerie, lorsque celles-ci acceptaient de se montrer coopératives.

 

Dans le cadre de ces enquêtes, je me rendis dans une cité de Strasbourg à fort mauvaise réputation. Avant de sonner à la porte de la personne qui avait été dénoncée, j’avais fait une enquête de voisinage pour m’assurer de la véracité des faits qui nous avaient été signalés à l’encontre d’un chien. Je sonnai et me présentai à la personne qui me dit ne pas avoir de chien. Une astuce pour la mettre en difficulté dans son mensonge me vint à l’esprit : je lui dis alors que c’étaient les gendarmes qui m’avaient demandé de venir, et que, si elle ne me laissait pas voir le chien, je reviendrais avec eux. C’est ainsi que je pus voir le chien.

 

Pour l’apercevoir, il fallut dégager une porte de cagibi encombrée de boîtes en carton et de deux vélos qui faisaient en obstacle. Le propriétaire ouvrit la porte, et je découvris, dans une sorte de petit placard dont la lumière du jour entrait à peine au travers des barreaux en béton, un chien assis sur une épaisse couche d’excréments. Il présentait quelques escarres dues à des blessures. J’entamai un dialogue avec le propriétaire, pour savoir notamment depuis combien de temps ce chien vivait dans ce réduit et pourquoi. Cela faisait six ans qu’il vivait dans le placard parce que, selon lui, un chien n’a pas sa place dans un appartement.

 

Je n’avais pas besoin d’en entendre plus. Je lui répondis que je ne pouvais pas lui laisser le chien et que, s’il n’avait pas sa place dans l’appartement, il ne l’avait pas non plus dans un placard. J’ajoutai : « J’emmène le chien et vous me signez un document attestant que vous renoncez à la propriété du chien. Si vous n’êtes pas d’accord, je reviens avec les gendarmes ». J’obtins aisément le document et partis avec l’animal, démarche qui ne se substitue pas au dépôt de plainte.

 

Me voici en bas de l’immeuble avec le chien, une femelle, tout à sa joie de sortir, de découvrir l’herbe, la terre et même un caillou pour jouer. Un collègue de la SPA vint le chercher. Une famille d’accueil lui fut trouvée, mais elle mourut quelques mois plus tard.

 

Ces bêtes.jpg

 

 

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

 

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

dimanche, 29 avril 2012

Ces bêtes qu’on abat : Témoigner

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 

 

Témoigner

Ce livre est un témoignage élaboré à partir de souvenirs et de notes personnelles. Il est issu du journal que j’ai tenu durant mon activité dans la protection des animaux d’abattoirs. Je ne dresse pas un état des lieux ; le lecteur s’en fera une idée à travers ce livre. Mon but n’est pas non plus de nuire aux éleveurs et aux abattoirs, mais mon regard est celui d’un défenseur des animaux. Par conséquent, même s’il me semble important de soutenir certaines méthodes d’élevage plus respectueuses des animaux, ou certaines pratiques d’abattage, je me place résolument du côté des animaux qui, face à l’exploitation de leur vie et de leur chair, sont sans défense. Je cherche à faire partager cette expérience d’un milieu tout à fait spécial et fermé, celui des abattoirs, où les animaux sont envoyés pour un unique aller, sans retour. D’ailleurs, la législation prévient : tout animal entré dans un abattoir ne peut en ressortir vivant.

 

Voilà déjà quinze ans que je travaille dans des associations de protection des animaux d’abattoirs, comme bénévole ou comme salarié1. Dans cet ouvrage, j’invite le lecteur à me suivre dans mes déplacements ; il sera amené à lire des passages difficiles, qui rendent compte de situations extrêmement pénibles, pour moi, surtout pour les animaux qui les ont vécues. Je n’ai pas voulu édulcorer cette réalité.

 

Je commencerai par décrire les abattages. La connaissance de ces aspects techniques et réglementaires est nécessaire à la compréhension du déroulement d’un abattage. Les méthodes d’abattage diffèrent bien entendu selon les espèces. Il existe des pratiques illicites qui sont couramment employées. Il me faudra en parler. Certains abattoirs se conforment aux règles tandis que d’autres s’en moquent, de sorte que le lecteur en viendra probablement à s’interroger sur l’action des pouvoirs publics (les services vétérinaires, en l’occurrence) dans ce domaine. Jusqu’à présent leur préoccupation était d’ordre sanitaire, laissant de côté la protection animale dont ils ont la charge. Il faut cependant reconnaître la bonne volonté et le travail de certains services vétérinaires, mais ce sont des cas isolés. Force est de constater que lorsque des améliorations sont intervenues en matière de protection animale, ce sont en fait des mesures sanitaires qui ont permis, par ricochet, ces améliorations.

 

À la lecture de certains passages, on peut se demander si les personnes qui commettent les actes que je décris n’ont pas perdu la raison, tant ce qu’elles accomplissent est impensable. Mais dans le système de l’élevage et de l’abattage, qu’est-ce qu’un animal sinon une carcasse de viande ? Quelle est la place de l’animal vivant dans un abattoir, sinon celle d’être transformé en morceaux de viande ? D’ailleurs, le bureau de la protection animale du Ministère de l’Agriculture est chapeauté par la Direction Générale de l’Alimentation ! Nous avons là un élément révélateur de la place de l’animal dans notre société.

 

En agriculture, on calcule les rations en fonction du gain moyen quotidien (GMQ) que doit « fournir » l’animal. Le GMQ représente la prise de poids par jour que l’animal « fabrique » si l’éleveur lui donne une certaine quantité d’aliments. L’animal vivant n’est souvent perçu que comme une carcasse de viande sur pattes. Dans cette optique, on a vite fait d’oublier que l’animal, même au terme programmé de sa vie, est doté d’une sensibilité, de craintes et de peur et que jusqu’à l’abattoir, il faut prendre en compte son bien-être et sa sensibilité, ce qui est totalement ignoré, notamment en élevage intensif, majoritaire en France et dans le monde économique de la production animale.

 

Lors de mes déplacements dans les abattoirs français, je me rendais assez facilement compte de la manière dont le bien-être des animaux était ou non pris en compte jusqu’à la fin. Dans les grands abattoirs aux cadences chronométrées, il est difficile de s’attarder sur un animal qui ne veut pas avancer. Les porcs, notamment, sont souvent conduits au poste d’abattage sans ménagement. Il est possible d’améliorer le bien-être des animaux avant et pendant l’abattage, mais cela a un coût qui devra probablement être supporté par le consommateur. Ce dernier, toujours prêt à s’émouvoir du sort des animaux en élevage intensif se rue pourtant sur les produits carnés bon marché. Sommes-nous disposés à payer plus cher notre morceau de viande, pour quelque chose que l’on ne voit pas, puisque le traitement des animaux dans les élevages intensifs et dans les abattoirs nous demeure étranger ? À ceux qui ne le savent pas, je voudrais révéler ce fait : la plupart des animaux élevés de manière industrielle découvrent la lumière du jour lors de leur envoi à l’abattoir. C’est même, pour beaucoup, lors de ce transfert, qu’ils ont l’occasion de faire leur premier pas. Voilà ce que nous cautionnons lorsque nous achetons une barquette de lard ou un poulet à plus bas prix. Je citerai en exemple un abattoir de volailles qui s’est équipé d’un nouveau matériel d’étourdissement avant la saignée qui constitue une avancée majeure dans la prise en compte de la souffrance des animaux au moment de leur mise à mort. Cependant, les volailles qui y sont abattues proviennent pour la plupart d’élevages concentrationnaires et intensifs. Elles sont même parfois ramassées par une sorte d’engin mécanique qui les balaye, les absorbe et les rejette dans des caisses en plastique.

 

J’emmènerai aussi le lecteur sur un marché aux bestiaux sur lequel j’ai été physiquement agressé. Je ne cherche pas ainsi à gagner sa pitié, mais à montrer dans quelle frénésie se trouvait le milieu de l’élevage et de la viande en pleine période de la crise de la vache folle.

 

J’ai ponctué cet ouvrage de chapitres qui n’ont pas directement à voir avec les abattoirs, mais qui traitent de situations en rapport avec mes déplacements, et que j’ai cru bon d’intégrer, peut-être aussi pour permettre au lecteur de respirer un peu.

 

Si vous voulez bien entrer dans cet univers, en général fermé au public et déconseillé aux âmes trop sensibles sous peine de ne plus manger de viande… Suivez-moi.

 

1 La discrétion m’invite à ne nommer ni les associations de protection des animaux d’élevage pour lesquelles j’ai travaillé, ni les personnes que j’ai rencontrées, ni les abattoirs que j’ai visités ; je ne les ai pas non plus décrits de manière à ce qu’il soit possible de les identifier.

 

  Couloir de la mort pour bovins dans un abattoir. Phot Jean-Luc Daub

60. Couloir de la mort pour bovins dans un abattoir, Jean-Luc Daub

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lundi, 09 avril 2012

Exterminer avec compassion et pitié

joseph lequinio, exterminator

Breton républicain, Joseph Lequinio explique (à propos de la Vendée) qu'il faut savoir exterminer 400 000 personnes avec compassion et humanité.

Après la Révolution française, il a fait une belle carrière sous Napoléon.

joseph lequinio, exterminator



“Sévérité ! Ce terme est-il bien compris ? Je veux en même temps et des mesures sévères et des mesures indulgentes. ...
Mais qu’entend-on donc par mesures de sévérité, ne les distinguera-t-on pas des mesures de barbarie ? La sévérité la plus rigoureuse et la plus terrible est justifiée par le besoin, par la nécessité du bien général. Rien au monde ne peut justifier des mesures de barbarie.
Si le salut de la France exigeait l’anéantissement des 400 000 hommes qui couvrent le territoire de la Vendée et pays insurgés voisins, il faudrait les anéantir. Mais dans ce cas même, on ne saurait excuser des crimes atroces qui révoltent la nature, qui outragent l’ordre social et qui répugnent également et au sentiment et à la raison. En faisant évanouir ces générations entières pour le bonheur de la patrie, rien ne pourrait faire tolérer des mesures barbares, inhumaines, scélérates, exercées sur un seul individu. Il faudrait accomplir encore de compassion et de pitié cette exécution terrible, mais nécessaire à l’affermissement de la République, et ne pas accroître le malheur de s’y retrouver réduit par la souillure du remords.”

Guerre de la Vendée et des Chouans, par Joseph Liquinio (édition critique de Jean Artarit),
Éditions du Centre vendéen de recherches historiques, Collection mémoire de Vendée, 2012

On peut se procurer ce livre ici

dimanche, 04 mars 2012

Qu'un sang pur abreuve nos fantasmes !

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Chevreaux et agneaux, mes frères, mes petits martyrisés, voici comment Philostrate le sophiste parlait de vous et trouvant son propre foie trop chargé de bile pour contenir des indications sur l'avenir, vous vouait, vous autres, aux sacrifices.

Ah ! Le temps des religions qui égorgent n'est pas fini ! Et quand ce ne sont pas les religions, c'est l'arrogance et l'argent qui vous sacrifient sur l'autel de la consommation.

Je profite de ce billet pour rappeler quelques textes qu'AlmaSoror fit pour les animaux, et pour donner quelques liens vers de plus fraternelles pensées envers les bêtes.

 

Extrait de la Vie d'Apollonios de Tyane

 

"Il est concevable que des animaux dépourvus de raison, du fait même qu'on les égorge alors qu'ils n'ont aucune idée de la mort, aient des entrailles dépourvues de trouble, parce qu'ils ignorent le sort qui les attend ; mais un être humain, qui a toujours la crainte de la mort présente à l'esprit, même lorsque celle-ci n'est pas menaçante, comment penser que, lorsqu'elle est là sous ses yeux, il sera capable de donner, par ses entrailles, des indications sur le futur, ou même qu'il est susceptible d'être offert aux dieux ?

 

Pour te prouver que ma conjecture est exacte et conforme à la nature, je te prie, Seigneur, de réfléchir à ceci : le foie, où, selon les praticiens de cet art, réside comme le trépied de leur divination, n'est pas composé de sang pur - tout le sang pur, en effet, est contenu dans le cœur, qui l'envoie, par les canaux sanguins, à travers tout le corps ; la bile qui est enfermée dans le foie est enflée par la colère et, sous l'action de la peur, rentre dans les cavités du foie. Bouillonnant sous l'action d'excitants, incapable de demeurer à l'intérieur de son réceptacle, elle déborde et se répand dans tout le foie, ce qui fait que la bile occupe toutes les parties lisses et prophétiques des entrailles ; inversement, sous l'action de la peur, elle se rétracte et condense en elle en même temps la lumière qui brille dans les parties lisses, car ce qu'il y a dans le foie de sang pur se retire alors, ce sang qui gonfle le foie en coulant sous sa membranes extérieure et qui recouvre sa partie turbide. À quoi bon, alors, un meurtre, si les entrailles ne doivent donner aucun présages ? Or, la nature humaine fait qu'elle a conscience de la mort et que les victimes au moment de mourir, si elle périssent courageusement, sont remplies de colère et, si elles se laissent abattre, meurent dans la crainte. C'est pourquoi l'art divinatoire, sauf chez quelques barbares ignorants, conseille d'immoler des chevreaux et des agneaux, car ce sont des animaux stupides et presque dénués de sensibilité, mais considère que les coqs, les porcs, les taureaux, qui sont des animaux d'un tempérament passionné, ne sont pas aptes à servir à ses mystères."

Philostrate le Sophiste, "La vie d'Apollonios de Tyane

 

Sur nos terres de poussières virtuelles, allez lire :

L'abattoir, dans l'album poétique d'AlmaSoror

Persona Grata

La phrase qui ouvrit l'année 2010

Une marche humaine...

 

Ailleurs, vous trouverez des hérauts frissonnants d'horreur et de nervosité qui se battent au milieu des silences et des fêtes pour les autres animaux, ceux qui ne parlent pas.

L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir

L214, éthique animale

La Protection mondiale des animaux de ferme

 

En musique, écoutons ensemble :

Tribunal animal

Un jour ordinaire

The Animal Film, la musique d'un documentaire sur toutes les formes d'exploitation animale par le musicien Robert Wyatt

The Red Paintings, groupe de rock animaliste

 

LIVRES à explorer...

Eternel Treblinka

De Charles Patterson

Sur les camps de concentration et de massacre pour animaux (l'analogie est de l'écrivain Isaac Bashevis Singer)

 

Ethique animale

De Jean-Baptiste Jeangène Vilmer



Quand les éléphants pleurent

De Jeffrey Moussaieff Masson

Sur la vie émotionnelle des animaux

Ces bêtes qu'on abat : journal d'un enquêteur dans les abattoirs français

de Jean-Luc Daub

 

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mercredi, 15 février 2012

Journalistes pousse-au-crime

françois de pange

Désespoir de cachot, photo Edith de CL


Nous proposons un extrait des Réflexions sur la délation, de François de Pange, révolutionnaire non-violent (1790)

"J'ai parlé des maux publics que la délation prépare. Si j'entrais dans le détail des infortunes particulières qu'elle entraîne, je pourrais écrire quelques pages intéressantes, mais inutiles. Qu'apprendrais-je aux hommes qui sont sont sensibles ? Qu'obtiendrais-je de ceux qui ne le sont pas ?
Avant de terminer ces réflexions sur les délateurs, je ne dois pas taire que, de tous ceux qu'a produits la France, les plus méprisables et les plus sanguinaires ont été des journalistes ; ces hommes que la multitude stipendie ont besoin de lui plaire et nous avons montré que la délation en fournit les moyens. Il semble aussi qu'ils aient compté sur ce désir curieux et cruel que quelques âmes ressentent pour contempler de grandes vicissitudes de fortune, pour voir même (il faut l'avouer) couler du sang humain.

Pendant l'instruction du procès de M. de Besenval, on les a vus, attristés par son innocence, déplorer l'absence des charges, en désirer de graves contre lui ; et tandis que cet homme presque septuagénaire languissait dans une injuste et dure captivité, de tranquilles folliculaires insultaient à sa longue infortune, essayaient de la rendre plus amère par les sinistres présages qu'ils lui faisaient parvenir et promettaient son sang pour vendre un peu mieux leurs feuilles.

On sait que les Romains couraient aux amphithéâtres épier avidemment les derniers soupirs d'un gladiateur ou d'un esclave déchirés par les bêtes et ne pouvaient se rassasier de ces scènes de carnage qu'ils appelaient des jeux. Que des hommes soient organisés de manière à trouver là quelque plaisir, on doit les plaindre ; mais il faut réserver tout son mépris et toute sa haine pour ceux qui, par cupidité, se rendaient les entrepreneurs de ces affreux spectacles et prenaient le soin de chercher, à de tels plaisirs, des instruments et des victimes".

 

Plus sur François de Pange et son opuscule... par ici.