Ces bêtes qu’on abat : Des images qui marquent (dimanche, 17 juin 2012)

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Des images qui marquent

 

 Ces visites d’abattoirs m’ont fait vivre des situations mémorables et m’ont imprégné d’images. Des situations marquantes, je vous en parle tout au long du livre, mais voici quelques images qui ne me quittent plus.

 

Deux porcelets emmenés à l’abattage…
Phot Jean-Luc Daub

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Il faisait encore nuit lorsqu’à 5 heures du matin, je visitai un abattoir en Alsace. J’assistai à l’abattage des porcs ; ces derniers hurlaient et ne voulaient pas entrer dans le local d’abattage. L’employé frappait avec un bâton ceux qui étaient au bout du rang. De ce fait, ceux qui recevaient les coups fonçaient dans les premiers qui avançaient malgré eux sans comprendre quelle direction ils devaient prendre. Les hurlements des uns paniquaient les autres restés dans la porcherie. Les brutalités exercées par l’employeur stressaient les animaux. Les hurlements s’entendaient jusque dans la bouverie, où les bovins en attente étaient également pris de panique.

 

Un taureau qui était seul dans un box était complètement effrayé. On pouvait lire l’inquiétude dans son regard. Il allait et venait dans le box, cherchant désespérément à en sortir. Il avait bien compris que quelque chose n’allait pas et que bientôt ce serait son tour. Il me faisait mal au cœur, ce taureau. Un monstre, tant il était grand et costaud, une force de la nature réduit à avoir peur et à être impuissant. L’image la plus insupportable pour moi, ce fut lorsqu’il remarqua que les poutrelles métalliques du bas de son box étaient beaucoup plus écartées que celles du haut. Un grand espace lui donnait espoir de passer entre ces poutrelles pour s’enfuir (comme certains bovins ont déjà réussi à le faire, s’échappant ainsi que l’abattoir. J’en parlerai plus loin). Il tenta désespérément de sortir par ce petit espace. Rien à faire, il était bloqué par ses épaules. Il était désespéré et tellement apeuré ! Ce taureau m’a beaucoup marqué. Je suis parti de l’abattoir sans chercher à assister à sonabattage. Cette image me restera en mémoire.

 

L’abattage rituel des veaux était scabreux. Ces derniers étaient entrés dans le box rotatif, visiblement trop grand pour eux. Actionnant le bouton pressoir, un employé fit faire un demi-tour au box, tandis que le veau n’était pas fermement maintenu à l’intérieur. La tête se plaçant mal et n’étant pas tirée en arrière par une mentonnière, l’employé se servait d’une barre de fer pour la coincer et l’appuyer en arrière. Pendant ce temps, un sacrificateur musulman égorgeait l’animal tant bien que mal. Le veau perdant son sang s’éteignait doucement, parfois en meuglant de peur ou de souffrance.

 

Dans un autre abattoir, en Lorraine, j’assistai aux abattages des bovins. Ils étaient en file indienne dans le couloir de la mort. Celui qui était le plus près du piège recevait des coups de pile électrique pour qu’il entre dedans. Apeurées, certaines vaches meuglaient. Les abattages se déroulaient rapidement. Le pistolet à tige perforante était placé sur le crâne des bovins qui tombaient dans le piège. Une porte latérale s’ouvrait, les bovins tombaient sur le sol, un employé les suspendait par une patte arrière juste avant de les saigner à la gorge. Les animaux se vidaient de leur sang et finissaient par mourir.

 

Vache agonisante dans un local d’abattage d’urgence, elle a été déchargée en la tirant avec l’aide du câble actionné par un treuil, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub

 

 

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L’image qui m’a le plus marqué dans cet abattoir concerne un épisode qui s’est passé dans la bouverie, et que voici. Dans un box, un cochon et un mouton étaient ensemble. On voyait bien qu’ils se connaissaient et qu’ils avaient grandi ensemble. Le mouton était apeuré, il se blottissait contre le cochon. Ce dernier prenait son rôle de protecteur à cœur. C’est tout juste s’il ne gonflait pas sa poitrine pour impressionner quiconque tentait d’approcher. L’image était belle et faisait en même temps pitié. Puis, un employé est venu chercher le cochon. Ce dernier ne voulait pas sortir du box. Le mouton était paniqué. L’employé s’est équipé d’une planche avec laquelle il poussait le cochon vers l’extérieur, l’empêchant de reculer. Le mouton, qui voulait le suivre, dut rester en retrait, dans le box. Une fois dans le couloir, le cochon commença à être pris de panique, il hurlait de toutes ses forces. Le mouton courait dans

tous les sens et se cognait contre les parois du box pour tenter de sortir. Je trouvais la situation triste. Dans le local d’abattage, le cochon cherchait à fuir par la porte fermée. Mais l’employé s’étant saisi de la pince électrique lui donna un coup entre les oreilles et le cochon s’évanouit. Puis, à l’aide d’une chaîne, le tueur lui attacha une patte arrière et le suspendit. Il le saigna à la gorge. Dans la bouverie, on entendait le mouton qui bêlait d’affolement, désormais seul et complètement paniqué. Je n’ai pas assisté à l’abattage du mouton.

 

Dans un abattoir de l’Ain, alors que je me trouvais dans le hall regroupant les porcs en attente d’être abattus, il y avait dans une case des coches (truies) ; elles étaient nombreuses. L’une d’entre elles avait mis bas. Pas moins de douze porcelets étaient nés. Elle venait de donner la vie dans l’endroit le plus macabre qui soit, un lieu où l’on tue et dont la loi interdit à tout animal de sortir vivant. Les pauvres porcelets à peine nés étaient déjà condamnés à mort. Le personnel s’en chargea. Une fois mis dans un caisson roulant, ils furent conduits au poste d’abattage. Avec la pince électrique, un employé les électrocuta tous en même temps, puis il les saigna un après l’autre. Il les chargea dans le caisson, avant de les jeter dans une benne. Triste naissance, triste fin. Et que dire de la coche qui était obligée de mettre au monde ses petits sans pouvoir faire un petit nid de paille, sans pouvoir s’isoler de ses congénères. Les autres truies, par maladresse et à cause de l’exiguïté de la case, la bousculaient et piétinaient les nouveaux-nés. Lugubre endroit que l’abattoir pour donner la vie… Un peu comme les vaches qui pour donner du lait sont inséminées artificiellement. Elles mettent bas des veaux qui leur sont retirés dès la naissance. Ainsi, l’éleveur peut bénéficier du lait que fournit la vache pendant plusieurs mois. Les femelles sont généralement gardées, tandis que les mâles s’en vont dans des centres d’engraissement pour finir en viande.

 

Conformément à un texte de loi de la protection animale, les animaux sur le point de mettre bas ne doivent pas être transportés. Comment l’éleveur n’a-t-il pas vu que la coche était pleine ? Il l’a envoyée à l’abattoir pensant qu’elle ne serait

plus jamais gestante. Il l’a réformée en somme. Il y en a qui disent qu’ils aiment leurs animaux, mais quand ils ne rapportent plus ou ne produisent plus, ils les envoient à l’abattoir. Drôle de façon d’aimer les animaux !

 

En Franche-Comté, c’est à un abattage rituel de moutons que j’assistai. L’abattoir n’était pas équipé d’un piège mécanique, obligatoire pour ce type d’abattage. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière puis saignés. La suspension des ovins alors qu’ils sont encore vivants est interdite. Beaucoup d’abattoirs pratiquent cette méthode pour gagner du temps ou faire l’économie d’un piège. Un des moutons qui venaient d’être suspendus fut saigné par le sacrificateur musulman et, alors qu’il perdait tout son sang, il relevait la tête comme pour chercher à comprendre ce qui se passait. Ses yeux étaient fixés vers les miens, son regard était plein d’interrogation. Que pouvais-je faire ?

 

 

 

 

 

 

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