Ces bêtes qu’on abat : Dernier sursaut d’un veau (dimanche, 04 novembre 2012)
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Dernier sursaut d’un veau
Dans un abattoir de Bretagne qui abattait des veaux provenant d’élevages en batterie (élevés les uns à côté des autres dans des cases en bois si étroites qu’ils ne pouvaient pas se retourner et étaient condamnés à garder toujours la même position), j’assistais aux égorgements de l’abattage rituel juif. Les veaux empruntaient un chemin d’amenée bien aménagé qui montait progressivement vers un piège de contention mécanique. Ce piège était fixe, en forme de case, il était en inox et en plastique blanc. Les veaux étaient saignés debout. Tandis qu’une mentonnière relevait la tête des veaux, le sacrificateur juif les saignait en passant son couteau par-dessous la gorge. Il était équipé d’un couteau extrêmement tranchant. Entre les saignées, il passait son temps à l’entretien du couteau. Le piège de contention debout était moins stressant pour les veaux. Néanmoins après la saignée, on pouvait se rendre compte de la façon et de la durée que mettaient les veaux à mourir en se débattant, après l’égorgement, de toutes leurs forces.
Durant la journée réservée à l’abattage rituel, c’est avec dégoût que l’ensemble du personnel travaillait. Selon ses dires : « Cela s’apparente à un massacre ». Tels sont les propos tenus par des bouchers professionnels. Ils me disaient ne pas comprendre pourquoi cette forme d’abattage est encore autorisée. Ils préféraient, de loin, l’utilisation d’un procédé d’étourdissement avant la saignée, car selon leurs expériences cela fait moins souffrir les animaux.
Après avoir été saigné par le sacrificateur, et alors que la porte latérale du piège avait été ouverte trop tôt, un des veaux s’est relevé alors qu’il agonisait et s’est mis à courir en direction de la chaîne d’abattage où les employés étaient postés. Il a fallu lui sauter dessus pour l’intercepter. La bête fut ramenée devant le piège pour y être suspendue par une patte, alors même qu’elle n’était pas encore morte. Le veau avait été suffisamment égorgé, mais avant de perdre suffisamment de sang pour s’évanouir, il avait trouvé la force de tenter d’échapper à sa situation en voyant la porte du piège ouverte. Cela prouve qu’une bête saignée sans étourdissement ne meurt pas tout de suite. Les autres veaux se débattaient aussi beaucoup dans le piège après l’égorgement. Étant prisonniers du piège, ils donnaient des coups de pattes contre les parois.
Le plus consternant était l’attitude du sacrificateur, car lorsque le veau sortit du piège en courant, il ne bougea pas d’un pouce, ne manifesta aucune émotion, n’eut pas même le réflexe d’attraper le veau. Impassible, indifférent, il a continué à s’occuper de son couteau, à l’affûter, alors que le veau passait devant lui. La responsable et les employés étaient dégoûtés. L’activité rituelle représentait 25% de l’activité de cet abattoir sur les 62 400 veaux abattus l’année précédente.
Égorgement rituel d’un mouton, suspendu par une patte.
Phot Jean-Luc Daub
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Commentaires
j'ai lu jusqu'au bout parce qu'il faut savoir. Je savais déjà, mais citoyen du Meilleur des Mondes, par obligation ou encore par accommodation, car il faut échapper mentalement à la constance de l'horreur qui nous entoure pour vivre, je ne me posais plus la question, depuis quand ? Un an ou une semaine, ou peut-être un jour, je ne sais plus...
Alors j'ai lu, jusqu'au bout, parce qu'il ne faut ni s'abstraire ni oublier.
Et parce qu'il n'y a pas d'échelle dans la souffrance et la terreur de la mort où hommes et bêtes sont frères
Écrit par : Henri-Pierre | lundi, 05 novembre 2012
Cher Henri-Pierre,
Merci.
Hommes et bêtes sont frères, oui, et qui veut faire l'ange fait la bête.
Je ne comprends absolument pas comment c'est possible de laisser faire cela mais manifestement cela marche très bien. Dès que nous tentons de voir ce qui se passe au fond des prisons, des zoos, des abattoirs et des hôpitaux, nous manquons de devenir fous... tellement c'est horrible et dénué de tout sens.
Écrit par : AlmaSoror | mardi, 06 novembre 2012