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mercredi, 13 janvier 2010

Voeux de Sara

La principale photographe d'AlmaSoror présente ses voeux en vidéo.

Le site de Sara

lundi, 11 janvier 2010

Fragment de Moréas et commentaire d'Esther Mar

 

Fragment de Moréas (commenté par Esther Mar)

 

Luxembourg bancs.jpgLuxembourg par Sara

 

 

Quand je viendrai m’asseoir dans le vent, dans la nuit,
Au bout du rocher solitaire,
Que je n’entendrai plus, en t’écoutant, le bruit
Que fait mon cœur sur cette terre,
Ne te contente pas, Océan, de jeter
Sur mon visage un peu d’écume :
D’un coup de lame alors il te faut m’emporter
Pour dormir dans ton amertume.


(Moréas, el Greco de la poésie française)


Commentaire d’Esther Mar



Ton visage accusait trop d’ans. L’océan s’étendait sous la nappe nocturne. Tu voulais dormir dans son amertume : tu savais que ce grand flot mouvant nous emporte dans son lit indéfinissable et que le sommeil éternel a le goûts des lendemains de fêtes ratées. Tu t’en es allé comme tu avais dit et je lis tes vers au bord de la Marne. Je songe aussi à partir. D’un coup de lame alors il faudra m’emporter, au-delà de la solitude.

 

vendredi, 01 janvier 2010

La guerre Civile, Scène VI

 

 

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photo Sara pour VillaBar

 

 

Caton, Brutus.

 

Brutus, entrant.

Tu ne dors pas ?

 

Caton

Le malheur de mon pays m'empêche de dormir.

 

Brutus

Dans la nuit, je viens de croiser deux ombres...

 

Caton

Le Meurtre et le Suicide, qui se promènent sans cesse parmi nous, et quelquefois, au passage, nous serrent doucement le bout des doigts.

 

Brutus

Non, Pompée et Lentulus, sur le seuil du prétoire. La nuit et des baraquements les ont empêchés de me reconnaître. Pompée disait : "L'attaque de demain est une absurdité. Nos recrues sont des civils déguisés en militaires". Lentulus lui a demandé : "Alors, pourquoi cette attaque ?" Pompée a répondu, avec son à-propos habituel : "Il faut bien faire quelque chose". LE concert des grenouilles a couvert la suite.

 

Caton

Ne dis cela à personne, et surtout à personne du commandement.

 

Brutus

J'ai voulu t'avertir : il vaut mieux être prévenu.

 

Caton

Mais enfin, que pense-t-il de la situation ? Avec lui on ne sait jamais rien.

 

Brutus

C'est qu'il ne pense rien. Il fait celui qui pense, et ne pense pas. Il attend l'événement, et se décide au hasard. On parle de sa politique. Sa politique est n'importe quoi. Il nous a fallu trente-cinq ans pour découvrir cela, et pour en découvrir la cause : c'est qu'il n'est pas intelligent.

 

Caton

Lent, secret et perfide comme ces lagunes de Dyrrachium, où bouge un imperceptible courant, venu d'une mer immobile.

 

Brutus

À propos de nos lagunes, si la fièvre de Pompée est une blague, la mienne est une réalité. N'attends pas de moi que je me couvre de gloire demain.

 

Caton

Tout t'est permis, nous savons cela. Profites-en, mon cher Brutus. Quant à moi, je n'ai pas la fièvre.

 

Brutus

Tant mieux pour toi. Salut. Bon sommeil, quand même.

 

Caton

Et ton abrégé de l'Histoire de Polybe ?

 

Brutus

J'y ai travaillé toute la journée.

 

Caton

La veille d'une bataille.

 

 

Brutus

Délit caractérisé de liberté d'esprit !

 

 

 

 

Henry de Montherlant

mercredi, 30 décembre 2009

Deux lettres de dépit

 

Ainsi toujours aimante et déçue, ou trahie,
Mes plus doux sentiments se fanent tour à tour ;
Et l’amitié coûte à la vie
Autant de larmes que l’amour.

Marceline Desbordes-Valmore

 

Elles étaient dépitées. Elles l'écrivaient dans leurs lettres. Ce dépit épistolaire témoigne de l'ancienneté de la dépression nerveuse, qui porta des noms plus jolis que celui-ci.

 

juin 35.jpg

 

 

Madame de Sévigné à sa fille, le 16 mars 1672

Vous me demandez, ma chère enfant, si j’aime toujours bien la vie. Je vous avoue que j’y trouve des chagrins cuisans ; mais je suis encore plus dégoûtée de la mort ; je me trouve si malheureuse d’avoir à finir tout ceci par elle, que si je pouvois retourner en arrière, je ne demanderois pas mieux. Je me trouve dans un engagement qui m’embarrasse : je suis embarquée dans la vie sans mon consentement ; il faut que j’en sorte, cela m’assomme et comment en sortirai-je ? Par où ? Par quelle porte ? quand sera-ce ? en quelle disposition ? souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir désespérée ? aurai-je un transport au cerveau ? mourrai-je d’un accident ? comment serai-je avec Dieu ? qu’aurai-je à lui présenter ? la crainte, la nécessité feront-elles mon retour vers lui ? n’aurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? que puis-je espérer ? suis-je digne du paradis ? suis-je digne de l’enfer ? quelle alternative ! quel embarras ! Rien n’est si fou que de mettre son salut dans l’incertitude ; mais rien n’est si naturel, et la sotte vie que je mène est la chose du monde la plus aisée à comprendre. Je m’abîme dans ces pensées et je trouve la mort si terrible que je hais plus la vie parce qu’elle m’y mène, que par les épines qui s’y rencontrent. Vous me direz que je veux vivre éternellement. Point du tout, mais si on m’avoit demandé mon avis, j’aurois bien aimé mourir entre les bras de ma nourrice : cela m’auroit ôté bien des ennuis et m’auroit donné le ciel bien sûrement et bien aisément.


Marquise du Deffand, lundi 20 octobre 1766
à monsieur Horace Walpole


J’admirais hier soir la nombreuse compagnie qui était chez moi ; hommes et femmes me paraissaient des machine à ressort, qui allaient, venaient, parlaient, riaient sans penser, sans réfléchir, sans sentir : chacun jouait son rôle par habitude : Madame la duchesse d’Aiguillon crevait de rire, Madame de Forcalquier dédaignait tout, Madame de La Vallière jabotait sur tout. Les hommes ne jouaient pas de meilleur rôle, et moi j’étais abîmée dans les réflexions les plus noires : je pensais que j’avas passé ma vie dans les illusions, que je m’étais creusé moi-même tous les abîmes dans lesquels j’étais tombée ; que mes jugemens avaient été faux et téméraires, et toujours trop précipités, et qu’enfin je n’avais parfaitement bien connu personne ; que je n’en avais pas été connue non plus, et que peut-être je ne me connaissais pas moi-même. On désire un appui, on se laisse charmer par l’espérance de l’avoir trouvé : c’est un songe que les circonstances dissipent et qui font l’effet du réveil. (…)

 

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Les deux photos (la dépitée à la cerise, la dépitée souriante) sont extraits de la série de Sara "La dépitée"

 

samedi, 26 décembre 2009

Citadelle

 

PAR Antoine de Saint-Éxupéry
"De l'homme, je ne demande pas quelle est la valeur de ses lois, mais bien quel est son pouvoir créateur".
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Photo Sara

 

 

"Et je m'en fus parmi mon peuple songeant à l'échange qui n'est plus possible lorsque rien de stable ne dure à travers les générations, et au temps qui coule alors, inutile, comme un sablier. Et je songeais : cette demeure n'est point assez vaste et l'oeuvre contre laquelle il s'échange n'est point assez durable encore. Et je songeais aux pharaons qui se firent bâtir de grands mausolées indestructibles et anguleux qui avancent dans l'océan du temps qui les use lentement en poussière. Je songeais aux grands sables vierges des caravanes dont quelquefois émergent un temple d'autrefois, à demi sombré et comme démâté déjà par l'invisible tempête bleue, voguant encore à demi, mais condamné. Et je songeais : il n'est point assez durable, ce temple avec sa charge de dorures et d'objets précieux qui ont coûté de longues vies humaines, avec ce miel enfermé de tant de générations, avec ses filigranes d'or, ces dorures sacerdotales contre lesquelles de vieux artisans se sont lentement échangés et ces nappes brodées sur lesquelles des vieilles tout au long de leur vie se sont lentement brûlé les yeux, et, une fois racornies, toussotantes, ébranlées déjà par la mort, ont laissé d'elles cette traîne royale. Cette prairie qui se déroule. Et ceux qui l'aperçoivent aujourd'hui se disent : "Qu'elle est belle, cette broderie ! Qu'elle est donc belle..." Et je découvre que ces vieilles ont filé leur soie dans leur métamorphose. Ne se sachant point aussi merveilleuses. 
Mais il faut bâtir le grand caisson pour recevoir ce qui restera d'eux. Et le véhicule pour l'emporter. Car, moi, je respecte d'abord ce qui dure plus que les hommes. Et sauve ainsi le sens de leurs échanges. Et constitue le grand tabernacle auquel ils confient tout d'eux-mêmes.
Ainsi je les retrouve encore, ces lents navires dans le désert"

 

Antoine de Saint-ÉXUPÉRY

Citadelle, sur Une bibliothèque au 13

vendredi, 25 décembre 2009

grivoiserie

 

Le mot et la chose

 

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Coquetel hard par Sara

 

 

Madame, quel est votre mot,
Et sur le mot et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot,
On vous a fait souvent la chose.
Ainsi, de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose.
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose.
Pour moi, voici quel est mon mot,
Et sur le mot, et sur la chose :
J'avouerai que j'aime le mot,
J'avouerai que j'aime la chose.
Mais, c'est la chose avec le mot,
Mais, c'est le mot avec la chose,
Autrement, la chose et le mot
A mes yeux, seraient peu de chose.
Je crois même, en faveur du mot,
Pouvoir ajouter quelque chose ;
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose :
C'est qu'on peut dire encore le mot,
Alors qu'on ne fait plus la chose.
Et pour peu que vaille le mot,
Mon Dieu, c'est toujours quelque chose !
De là, je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose.
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose.
Et pour quelque jour où le mot
Viendra seul, hélas, sans la chose,
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose.
Pour vous, je crois qu'avec le mot,
Vous voyez toujours autre chose.
Vous dites si gaiement le mot,
Vous méritez si bien la chose,
Que pour vous, la chose et le mot
Doivent être la même chose.
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose,
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose,
Vous devez me croire à ce mot,
Bien peu connaisseur en la chose.
Eh bien, voici mon dernier mot,
Et sur le mot et sur la chose :
Madame, passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.


Abbé de l'Attaignant (il vécut à cheval entre le XVII et le XVIIIème siècle)

 

 

mardi, 22 décembre 2009

Convergence(s) !

 

1gange.jpg
Gange par Sara


C'était en août, 2007 : Laurent Moonens nous proposait un petit article mathématique intitulé :

Convergence(s) !

Le voici, pour lire le document pédéhaif il suffit de cliquer sur ce lien :

 

Convergences

Pour en savoir plus sur le docteur Moonens... Osez cliquer ICI

vendredi, 18 décembre 2009

Résurrection... Nous sommes heureux

 

... Très heureux de présenter aujourd'hui quelques images extraites du second film de Sara, Résurrection, produit par AlmaSoror.
Résurrection est une partie de la dilogie intitulée La chambre abandonnée

Un coffre, des vieux livres, un ours et une poupée demeurent dans la chambre abandonnée.
Soudain, un bruit s'élève, cela vient du coffre. C'est elle. Elle va ressusciter.  

Au son d'alléluia du sieur Buxtehude, chanté a capella, et des bruitages des chanteuses Ximena Xouxou et Hanna Varkki,
nous assistons à ce retour abrupt de l'enfance dans une chambre noire comme l'Inconscient.
Ces images de prise de vue réelle, très baroques, surprennent lorsqu'on les compare à celles du premier film de Sara, animation en papier déchiré, visible ici.
Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 001_0001.jpg
2Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 001_0001.jpg

 

5Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 006 11_02_2007 16_36_0001.jpg

 

6Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 011 11_02_2007 17_13_0001.jpg
9résurrection5 2009_06_19_15_51_20 003 10_08_2008 17_16_0001.jpg
13résurrection5 2009_06_19_15_51_20 008 12_08_2008 15_21_0001.jpg
17Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 018 18_02_2007 18_47_0001.jpg
21Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 064 02_08_2008 14_45_0001.jpg
26Résurrection 2 2009_06_16_13_32_21 034 18_03_2007 16_49_0001.jpg
28Résurrection 3 2009_06_16_14_21_09 008 10_08_2008 16_51_0001.jpg

 

29Résurrection 3 2009_06_16_14_21_09 012 10_08_2008 16_58_0001.jpg
Ceux qui ont pleuré, la tête en l'air, dans la chapelle Sixtine, ont reconnu l'allusion à la main du Créateur qui se tend vers celle d'Adam...
35Chaussures roses plouf plouf 18 août 2009_08_18_11_08_13_0001.jpg
37résurrection4 2009_06_19_15_28_32 014 03_08_2008 16_05_0001.jpg

L'alleluia de Buxtehude dans la magistrale version du Cantus Cöln s'écoute ici. La version du film est bien plus âpre et sombre, mais l'âme de la résurrection s'y retrouve autant.

 

 

 

 

 

mardi, 15 décembre 2009

la réponse en mariage

 

 

9a.jpg

 

 

Vous désirez ma main ? soit je vous l'abandonne,
mais prenez-vous d'amour pour l'esprit qui l'anime,
montrez d'avance un coeur douillet et magnanime
et pardonnez au temps, qui jamais ne pardonne.

Mon corps, dont la beauté vous a été promise,
n'est-il pas tout entier promis à la poussière ?
ma secrète vertu, par vos vertus conquise,
n'est elle pas déjà par nature, éphémère ?

Cherchons dès aujourd'hui notre seul vrai visage,
Voyons ce qui s'efface et ce qui vient du coeur,
L'oeil qui nous embellit nous blesse d'avantage,
Plus tard il est aussi précis qu'il fut rêveur.

Vous désirez ma main ? soit, je vous l'abandonne,
mais prenez-vous d'amour pour l'esprit qui l'anime,
montrez d'avance un coeur douillet et magnanime
et pardonnez au temps, qui jamais ne pardonne.

 

Giani Esposito


 

mercredi, 09 décembre 2009

Quelle musique écouter dans sa salle de bains ?

 

Pont Charles+barques.jpg
photo de Sara

 

...Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !...

Charles Baudelaire




Par H.L

Si elle est bleue, pleine de lumière et si quelque chose de l’absence intérieure flotte dans l’espace vide qui entoure les murs, il faut écouter Alone in the bathtub, de Nils Petter Molvaer. Le bain fait des bulles, la musique aussi. Bientôt, une vision émerge : des poissons de toutes les couleurs dansent une chorégraphie dans l’air tiède.
A la musique et au film des poissons, se mêlent des souvenirs d’une enfance qui revient en bribes nouvelles : sans queue ni tête, sans mots ni sens, des émotions et des sensations ressenties au cours des après-midi languissantes d’enfance reviennent émaner leur senteur. Le bain se prolonge bien après les huit minutes trente trois secondes de musique.     Une complicité s’est créée entre tous mes êtres : l’enfant, le grand, le méchant et le gentil sont si contents d’avoir contemplé ensemble la danse des poissons !

Vous savez, l’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Persiennes anciennes ou volets coulissants dans un métal moderne, rues vieillottes ou allées magistrales bordées de hautes tours, arbres sauvages de la nature encor vierge ou hêtres bien rangées comme des écoliers sages, marrons et allumettes pour faire des vaches au fond d’un fouillis de jardin ou cannettes de bière dans le terrain vague mangé par le périphérique, vieilles dames maquillées susurrant autour de leurs tasses de thé ou vieux gars du comptoir aux bons rires et aux bonnes torgnoles, brasseries beaufardes qui se veulent chic ou troquet pouraves des bouts des villes, plages qui s’étendent à l’infini au bord du grand bleu et aires aménagées par les conseillers municipaux, construisent nos cerveaux de symboles et d’images qui nous façonnent et que la nouveauté égare.

L’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Quelques lectures, cependant, ouvrent des portes. Nous pouvons ainsi fuir le monde qui nous est à la fois offert et imposé. Nous pouvons partir sur le grand bateau de la littérature et faire le tour du monde. Les aéroports sont pour les faux voyageurs, ceux qui paient, ceux qui montrent leurs papiers aux surveilleurs des comptoirs de contrôle. Les vrais voyageurs ne paient pas. Ils refusent tout contrôle. Ils s’embarquent, quelque fois sans le dire à personne. Et les marques du voyage sont invisibles sur leur peau. Elles n’émergent qu’au milieu des caresses profondent. Là, elles trahissent un naufrage passé, une île secrète, une attente des sirènes du lendemain.

H.L.

 

dimanche, 06 décembre 2009

Le blog d’AlmaSoror est-il un roman en chantier ?

 

 

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photo de Sara

 

 

J’ai oublié mon rêve : il ne restait que le mot “romanblog” au réveil.
La nuit était noire et la chambre, grande et vide. Mon lit n’était habité que par moi. Le mot romanblog trônait dans le silence de l’immeuble et les images qui l’avaient sans doute fait naître avaient disparu. Que fallait-il que je fasse ?

Alors c’est un roman écrit à plusieurs mains, à plusieurs coeurs. Loin de nos corps qui oublient de vivre, recroquevillés devant l’écran d’ordinateur, les doigts crochus sur le clavier en plastic.

Le blog d’AlmaSoror est un roman écrit par ceux qui contribuent, qui envoient des textes selon notre charte, cette charte qui n’a pas bougé depuis l’entrouverture de la porte en septembre 2006 : intemporel. L’air du temps change avec les époques, mais toujours il est irrespirable.

Nos chapitres sont dans le désordre. Il faut quelque fois aller relire le début. Nuls en technique, ou bien trop absents, nous nous soumettons aux lois du blog, à ses structures incompréhensibles. Nos personnages sont vagues, et souvent ils nous invitent à entrer dans leur chorégraphie. C'est pourquoi les auteurs du romanblog en deviennent, à certaines heures, les héros. Et puis nous subissons des effractions. Par voie des commentaires, des étrangers s'imposent et s'incorporent dans le romanblog, ils l'influent d'une manière irréversible.
Quelle est la structure qui nous guide ? C'est encore difficile à dire. Ce qui est sûr, c'est qu'après avoir existé comme un journal tenu par une Maîtresse des cérémonies, entre septembre 2006 et septembre 2008, AlmaSoror est devenu une forme mouvante et s'est mis à vivre une vie difforme et sans filet. Tout s'est embrouillé et Edith a cessé de croire qu'elle y était pour quelque chose. Elle se contente d'accueillir avec angoisse les contributions, les silences, les cris et s'engouffre à la suite de ses inspirateurs dans des sentiers battus seulement par les flots et le vent.
C'est aussi elle qui reçoit les plaintes, les réclamations et les remerciements.
Frères, soeurs, héros et méchants, nous sommes tous entrain d'assister à la construction d'une oeuvre dont nous sommes les briques. Que faut-il en penser ?
Le café moka d'Ethiopie, en tout cas, délasse et scande ces faits vitalolittéraires.

Signé : quelques uns.

 

vendredi, 04 décembre 2009

Etat civil sans regard

Le regard et les morts d'un homme

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“Au fond, quel merveilleux phénomène que l'oeil de l'homme, ce joyau entre toutes les formations organiques, lorsqu'il s'ajuste pour concentrer son éclat humide sur une autre forme humaine ! Précieuse gélatine composée d'une substance aussi commune que le reste de la création, il montre, tout comme les gemmes précieuses, que les diverses matières n'importent point en soi et que tout est dans leur assemblage ingénieux et heureux. Mucilage enchâssé dans une caverne osseuse, une fois privé de l'âme il est destiné à pourrir quelque jour dans la tombe, à se dissoudre de nouveau en boue liquide ; mais aussi longtemps que subsiste en lui l'étincelle de vie, il sait jeter d'admirables ponts éthérés par dessus tous les gouffres de l'extranéité qui se peuvent interposer entre un humain et un autre".

Thomas Mann
Photos de Sara

 

C’était tes yeux qui disaient tout. Tes lèvres ne murmuraient jamais. Il y avait les souvenirs chauds de l’Espagne et le froid blanc de Finlande. Les traces des doigts sur les vitres, la maison de bois dans laquelle on n’allait jamais. Croyait-on alors que nous vivrions pour toujours ? Le mystère de ma jeunesse m’est fermé. Je n’ai plus la clef. Je ne comprends plus qui j’étais.

Je me souviens de quelqu’un dont j’oublie le visage et le nom de famille, avec qui je vivais et que je pensais accompagner toute ma vie.

Il ne me reste que ce regard qui me connaissait et qui ne se doutait pas de ce que je serai devenu, quarante ans et des poussières plus tard.

Ce regard d’une femme qui vit peut-être encore, quelque part.

Comment se peut-il que le temps passe autant ? Que les êtres s’oublient ? Que les hommes changent au point que je ne suis plus celui qui vivait alors, au fond de la Scandinavie ?

Nous mourrons mille fois ; seul notre Etat Civil nous reconnaît au delà de ces morts. C’est parce que notre Etat Civil est un marquage dénué de réalité humaine.

 

David Nathanaël Steene

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dimanche, 29 novembre 2009

Dépit noir et blanc

 

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photo Sara

 

 

"Les gens sont attirés par les couleurs flashy comme une mouche par une lampe",


Sara (revenant, dépitée, d'un Salon du Livre Jeunesse)

mercredi, 25 novembre 2009

La cuve

 

Gare.Rouen.jpg

 

Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.



Là, dans ce trou boueux, le timide soleil
Vient poser rarement un pied blanc et vermeil ;
Là, les bourdonnements nuit et jour dans la brume
Montent sur la cité comme une vaste écume ;
Là, personne ne dort, là, toujours le cerveau
Travaille, et, comme l'arc, tend son rude cordeau.
On y vit un sur trois, on y meurt de débauche ;
Jamais, le front huilé, la mort ne vous y fauche,
Car les saints monuments ne restent dans ce lieu
Que pour dire : Autrefois il existait un Dieu.




Là, tant d'autels debout ont roulé de leurs bases,
Tant d'astres ont pâli sans achever leurs phases,
Tant de cultes naissants sont tombés sans mûrir,
Tant de grandes vertus, là, s'en vinrent pourrir,
Tant de chars meurtriers creusèrent leur ornière,
Tant de pouvoirs honteux rougirent la poussière,
De révolutions au vol sombre et puissant
Crevèrent coup sur coup leurs nuages de sang,
Que l'homme, ne sachant où rattacher sa vie,
Au seul amour de l'or se livre avec furie.



Misère ! Après mille ans de bouleversements,
De secousses sans nombre et de vains errements,
De cultes abolis et de trônes superbes
Dans les sables perdus et couchés dans les herbes,
Le Temps, ce vieux coureur, ce vieillard sans pitié,
Qui va par toute terre écrasant sous le pié
Les immenses cités regorgeantes de vices,
Le Temps, qui balaya Rome et ses immondices,
Retrouve encore, après deux mille ans de chemin,
Un abîme aussi noir que le cuvier romain.


Toujours même fracas, toujours même délire,
Même foule de mains à partager l'empire ;
Toujours même troupeau de pâles sénateurs,
Mêmes flots d'intrigants et de vils corrupteurs,
Même dérision du prêtre et des oracles,
Même appétit des jeux, même soif des spectacles ;
Toujours même impudeur, même luxe effronté,
Dans le haut et le bas même immoralité,
Mêmes débordements, mêmes crimes énormes,
Moins l'air de l'Italie et la beauté des formes.


La race de Paris, c'est le pâle voyou
Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ;
C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure
Paresseux et flânant, et loin de sa demeure
Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs
Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ;
Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère,
Le nom du ciel pour lui n'est qu'une farce amère ;
C'est le libertinage enfin en raccourci ;
Sur un front de quinze ans c'est le vice endurci.


Et pourtant il est brave, il affronte la foudre,
Comme un vieux grenadier il mange de la poudre,
Il se jette au canon en criant : Liberté !
Sous la balle et le fer il tombe avec beauté.
Mais que l'Emeute aussi passe devant sa porte,
Soudain l'instinct du mal le saisit et l'emporte,
Le voilà grossissant les bandes de vauriens,
Molestant le repos des tremblants citoyens,
Et hurlant, et le front barbouillé de poussière,
Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre.


Ô race de Paris, race au coeur dépravé,
Race ardente à mouvoir du fer ou du pavé !
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes,
Ainsi que des fiévreux, tous les porte-couronnes !
Flot hardi qui trois jours s'en va battre les cieux,
Et qui retombe après, plat et silencieux !
Race unique en ce monde ! effrayant assemblage
Des élans du jeune homme et des crimes de l'âge ;
Race qui joue avec le mal et le trépas,
Le monde entier t'admire et ne te comprend pas !


Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.
 


Auguste Barbier
 

(il vécut entre l'an 1805 et l'an 1882)

 

dimanche, 22 novembre 2009

Du théorème de Bolzano au théorème de Brouwer

 

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En mai de l'an 2007, Laurent Moonens nous proposait un article mathématique intitulé "du théorème de Bolzano au théorème de Brouwer". Le voici en pédéhaif ici :

Les amis Bolzano, Brouwer et leurs théorèmes

 

Pour en apprendre plus sur Laurent Moonens, voici sa page ; et quelques vidéos de lui sont visibles ici.