Quelle musique écouter dans sa salle de bains ? (mercredi, 09 décembre 2009)
...Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !...
Charles Baudelaire
Par H.L
Si elle est bleue, pleine de lumière et si quelque chose de l’absence intérieure flotte dans l’espace vide qui entoure les murs, il faut écouter Alone in the bathtub, de Nils Petter Molvaer. Le bain fait des bulles, la musique aussi. Bientôt, une vision émerge : des poissons de toutes les couleurs dansent une chorégraphie dans l’air tiède.
A la musique et au film des poissons, se mêlent des souvenirs d’une enfance qui revient en bribes nouvelles : sans queue ni tête, sans mots ni sens, des émotions et des sensations ressenties au cours des après-midi languissantes d’enfance reviennent émaner leur senteur. Le bain se prolonge bien après les huit minutes trente trois secondes de musique. Une complicité s’est créée entre tous mes êtres : l’enfant, le grand, le méchant et le gentil sont si contents d’avoir contemplé ensemble la danse des poissons !
Vous savez, l’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Persiennes anciennes ou volets coulissants dans un métal moderne, rues vieillottes ou allées magistrales bordées de hautes tours, arbres sauvages de la nature encor vierge ou hêtres bien rangées comme des écoliers sages, marrons et allumettes pour faire des vaches au fond d’un fouillis de jardin ou cannettes de bière dans le terrain vague mangé par le périphérique, vieilles dames maquillées susurrant autour de leurs tasses de thé ou vieux gars du comptoir aux bons rires et aux bonnes torgnoles, brasseries beaufardes qui se veulent chic ou troquet pouraves des bouts des villes, plages qui s’étendent à l’infini au bord du grand bleu et aires aménagées par les conseillers municipaux, construisent nos cerveaux de symboles et d’images qui nous façonnent et que la nouveauté égare.
L’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Quelques lectures, cependant, ouvrent des portes. Nous pouvons ainsi fuir le monde qui nous est à la fois offert et imposé. Nous pouvons partir sur le grand bateau de la littérature et faire le tour du monde. Les aéroports sont pour les faux voyageurs, ceux qui paient, ceux qui montrent leurs papiers aux surveilleurs des comptoirs de contrôle. Les vrais voyageurs ne paient pas. Ils refusent tout contrôle. Ils s’embarquent, quelque fois sans le dire à personne. Et les marques du voyage sont invisibles sur leur peau. Elles n’émergent qu’au milieu des caresses profondent. Là, elles trahissent un naufrage passé, une île secrète, une attente des sirènes du lendemain.
H.L.
| Lien permanent | Commentaires (3) | | Facebook | Imprimer |
Commentaires
Oui, partir ! S'embarquer sur le grand bateau de la littérature.
Poème d'Antonio Machado :
(Voyageur, il n'y a pas de chemin : le chemin se fait en marchant).
Caminante, son tus huellas
el camino y nada más;
Caminante, no hay camino,
se hace camino al andar.
Al andar se hace el camino,
y al volver la vista atrás
se ve la senda que nunca
se ha de volver a pisar.
Caminante no hay camino
sino estelas en la mar.
Écrit par : Voyageur | mercredi, 09 décembre 2009
Tout dépend du temps qu'on a devant soi. Si on a un après midi à perdre dans la baignoire on peut carrément se mettre la Passion selon st Matthieu ou le Vaisseau fantôme.
Écrit par : Morgan Domeneg | samedi, 12 décembre 2009
Belles phrases à propos du voyage. En voici une autre, de Pierre Loti "Il viendra un temps où la terre sera bien ennuyeuse à habiter, quand on l'aura rendue pareille d'un bout à l'autre, et qu'on ne pourra même plus essayer de voyager pour se distraire un peu".
Écrit par : Pierre Loti | mercredi, 16 décembre 2009