dimanche, 29 janvier 2023
Ballade en moi même, balade en lieux saints
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vendredi, 27 janvier 2023
paragraphe 3/ GAUDIUM ET SPES / Concile Vatican II
§ 3. De plus, tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré: tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de, la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de pur, instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur.
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mardi, 24 janvier 2023
∞
(Tu disais des poèmes aux quatre saisons. Tu n'es plus. Il faut bien que quelqu'un te succède à cette valse de mots.)
Voici , poème de l'hiver 2022-23
La vie clandestine
dans le froid urbain,
les jours blancs ou gris,
le café du destin ;
une silhouette mutine,
un enfant lointain,
zéro à l'infini
et la gare sans trains.
voici, Le vieux majordome, le poème de l'hiver 2016-17 ;
voici Fazil, le poème du printemps 2017 ;
voici Dans la chambrée, le poème de l'été 2017 ;
voici Silentium, le poème de l'automne 2017, ;
voici Héroïne, le poème de l'hiver 2017-18 ;
voici Tbilissi, le poème du printemps 2018 ;
voici Portrait d'été, le poème de l'été 2018,
voici Pluie d'étoiles, le poème de l'automne 2018 ;
voici Spectre, le poème de l'hiver 2018-19 ;
voici Les champs de persil, poème du printemps 2019 ;
voici Antigua, poème de l'été 2019,
Voici Humus, poème de l'automne 2019.
Voici Je descends l'escalier du temps, poème de l'hiver 2019-20
Voici قسنطينة, le poème du printemps 2020
Voici Plombières-les-bains et Port-Saint-Rêve des Morts, les poèmes de l'été et de l'automne 2020
Voici Sils, le poème de l'hiver 2020-21
Voici Stance, le poème du printemps 2021
Voici Rompre, le poème de l'été 2021
Voici Renouer, poème de l'automne 2021
Voici Aprnée vosgienne, poème de l'hiver 2021-22
Voici Odessa, poème du printemps 2022
Voici La verveine du soir, poème de l'été 2022
Voici La nuit transpercée, poème de l'automne 2022
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lundi, 23 janvier 2023
Comment visiter la basilique de Paray
Par Raymond Dursel, IN BOURGOGNE ROMANE, 1968
La basilique de Paray-le-Monial développe le plan, généreusement épanoui, d'une nef de trois travées, accostée de collatéraux et précédée d'un narthex long lui-même de deux travées ; d'un transept largement saillant sur chaque croisillon duquel étaient à l'origine greffées deux absidioles semi-circulaires (la jolie chapelle flamboyante à chevet polygonal et voûtes en étoiles, édifiée vers 1470 par la famille de Damas-Digoine, a remplacé celle du croisillon méridional) ; d'un vaste chevet, enfin, comprenant une travée droite flanquée de collatéraux de même largeur que ceux de la nef, et une abside semi-circulaire investie par un déambulatoire sur lequel s'ouvrent trois absidioles rayonnantes, précédées chacune d'une courte travée droite.
Sur ce schéma, les architectes clunisiens ont conçu un édifice d'une audace toujours contrôlée, servie par une maîtrise technique et par cette organisation rationnelle des volumes et des espaces qui était un de leurs secrets. La silhouette extérieure offre les plus beaux aperçus : qu'il s'agisse de l'élévation septentrionale, telle qu'on l'admire en tout son développement depuis les coteaux qui bordent la ville au Nord ; de la façade occidentale, resplendissante sous le soleil de l'après-midi ; du grand chevet enfin, dont l'étagement rappelle eux d'Auvergne, mais avec une toute autre cadence.
Le Narthex
La basilique s'ouvre à l'Ouest par un narthex qui, en dépit d'une restauration un peu excessive, n'est pas un monument négligeable. Il s'élève sur deux étages, sans autre communication qu'un escalier ménagé dans l'épaisseur du mur de façade de la nef. Le rez-de-chaussée est entièrement voûté d'arêtes, qui reposent sur deux piles habilement reconstituées et renforcées par l'architecte Millet ; chacune d'elle se compose en fait de quatre colonnes moulurées ou torsadées, pourvues de bases ouvragées à la mode brionnaise traditionnelle, et surmontées de chapiteaux qu'unit un seul tailloir carré. Ce dispositif parait beaucoup trop ingénieux pour remonter à une époque aussi reculée que celle de la consécration de 1004 ; on le daterait avec plus de vraisemblance des années 1050 à 1080.
La salle de l'étage, qui prend vue sur la nef par une large baie en plein cintre, accueille depuis plusieurs années d'intéressantes expositions d'été ; deux fortes piles cruciformes la divisent elle-même en deux travées ; le vaisseau principal, voûté en berceau, est contre-buté par les arêtes des collatéraux. Deux hautes tours carrées cantonnent et enserrent solidement la bâtisse. Celle du Sud, d'aspect nu et rustique, est ajourée à son sommet de deux étages de baies jumelles en plein cintres à colonnettes médianes ; celle du Nord, de construction plus complexe, s'apparente aux belles tours brionnaises et charollaises de Saint-Laurent, Vareilles, Perrecy-les-Forges, Saint-Julien-de-Jonzy, Rigny-sur-Arroux, toutes érigées vers 1120.
La nef
Une simple porte à tympan nu donne accès à la nef. Surprenant contraste ! L'élévation clunisienne fuse littéralement de la nef au chevet, dont le quadruple rang de baies superposées papillote comme les bouquets d'un feu d'artifice. Le triple étagement règne à la nef, au transept, à) la travée droite du chœur, fermement découpé par des bandeaux et pilastres qui se recoupent à angles droits : grandes arcades dont le rouleau extérieur s'orne d'un galon d'oves enrubannés ; placage de trois arcatures aveugles, réduites volontairement à la pureté du schéma et encadrées, en bas par un simple cordon mouluré, en haut par une corniche qui sert d'appui aux fenêtres supérieures et que soutiennent des modillons nus ; séparant les arcatures, des pilastres cannelés ; baies du troisième étage enveloppées par des archivoltes en plein cintre, portées sur des colonnettes rondes , dernière corniche soulignant la naissance des berceaux brisés, scandés par des arcs-doubleaux.
Une élévation à relais
La rigueur de ce parti sait éviter toute sécheresse grâce à d'éblouissantes performances techniques, qui résument à elles seules la sagacité romane. La première consiste dans un système d'élévations à relais, par lequel les supports de l'architecture, loin d'être conçus comme des membres vides et inertes, semblent éliminer au contraire toute pesanteur. Les piles cruciformes, sont cantonnées de demi-colonnes sur trois de leurs faces ; mais, du côté de la nef, c'est un pilastre cannelé à l'antique qui s'appuie au dosseret ; au niveau des sommiers et des grandes arcades, un chapiteau le couronne, dont le tailloir sert d'appui à un second pilastre de même type, qui montre jusqu'au niveau inférieur du triforium, et que flanquent deux minces colonnes insérées dans les redents. Le bandeau qui souligne la base du triforium interrompt ce dispositif, que relaie désormais, jusqu'à la redoublée de l'arc-doubleau, une forte demi-colonne engagée dans un pilastre nu, et coupée seulement, à mi-course, par la corniche supérieure de triforium. La cohérence de cette armature est si parfaite qu'aucun dévers n'est constaté dans une élévation pourtant hardie ; les constructeurs n'ont pas même jugé nécessaire de renforcer les piles du transept qui avaient à supporter le poids de la coupe et du clocher : aucune rupture n'entame donc la continuité de la perspective depuis le fond de la nef jusqu'à la superbe conque absidale.
L'encorbellement
La deuxième clé de l'architecture parodienne réside dans la science technique du procédé de l'encorbellement qui, renversant quant à lui les lois logiques de la pesanteur, fait reposer l'élévation sur des surfaces de plus en plus amincies du faîte au sol. Ainsi l'arc qui circonscrit le mur de façade de la nef retombe-t-il, de chaque côté, sur un pilastre d'angle qui, au niveau inférieur du triforium, le cède à une colonne, elle-même en porte-à-faux sur le bandeau soulignant le sommier de la grande arcade. Porte-à-faux semblable aux retombées des arcs qui divisent les voûtains d'arêtes du déambulatoire : les colonnettes jumelées qui les reçoivent s'insèrent exactement dans les écoinçons des belles arcades, à archivoltes décorées de damiers de billettes, qui soulagent le pourtour intérieur.
L'exemple le plus significatif s'observe cependant à l'abside. Un premier effet d'allégement y est obtenu par la différence de niveau entre le berceau brisé de la travée droite du chœur et le cul-de-four absidal, monté sensiblement plus bas et selon un profil moins aigu. Mais, sous cette haute calotte, les archivoltes entourant la rangée des fenêtres hautes introduisent un premier décrochement ; sous les baies, un délicat feston de petits cintres détermine le deuxième surplomb, au-dessus d'un reposant espace de mur appareillé ; enfin, les arcades du sanctuaire, modèle de finesse et d'élégance, reposent par l'intermédiaire de corbeilles évasées sur des colonnettes dont le diamètre a été réduit au minium compatible avec la solidité.
L'éclairement
Enfin, la lumière mystique, tant vantée, de Paray-le-Monial découle d'un agencement des sources d'éclairage tellement habile qu'il se fait presque oublier, au profit de l'incomparable ambiance qu'il diffuse. Les rythmes ternaires des fenêtres hautes forment autour de la nef, des croisillons du transept et de la travée de chœur une guirlande continue. Quant à l'éclairement du chevet, auquel la lumière du matin donne toute sa valeur, comme une illustration des messages ardents livrés par le Christ à sainte Marguerite-Marie, il superpose quatre zones de percements admirablement réparties.
Du milieu de la nef, on voit de bas en haut s'étager les baies inférieures du déambulatoire et celle de l'absidiole d'axe, puis les petites fenêtres percées au-dessus des premières, et qu'encadrent en un effet strictement contrôlé les arcades du sanctuaire ; puis les fenêtre hautes de l'abside ; et, enfin, les deux oculus et la petite baie médiane du mur de raccord entre l'abside et la travée de chœur. Ainsi, à l'élévation graduelle des volumes pleins du chevet extérieur, répond intérieurement cette pyramide à degrés de lumière changeante.
Le décor sculpté
En un pareil édifice, le décor sculpté ne pouvait être qu'accessoire. Il semble d'ailleurs avoir été exécuté avec une certaine hâte : l'un des rares chapiteaux à thèmes humains, sur lequel apparaissent quatre corps à peine dégrossis de la gangue de pierre (la Luxure ?), n'a pas été achevé. Mais cette décoration, par sa discrétion même, souligne avec finesse et à-propos l'ossature. Oves des grandes arcades, damiers du déambulatoire, corbeilles de feuillages, dont certaines sont de bons modèles d'école, quelques chapiteaux zoo et anthropomorphes : à ces rehauts de la structure intérieure doivent être ajoutés les deux portails du transept, visibles de l'extérieur seulement. Ils sont à la fois très différents et complémentaires l'un de l'autre en leur recherche puissamment ornementale. A l'imitation de l'art arabe, une frise court le long des piédroits, s'incurve en accroche-cœur sur la tranche des corbeaux et soutache le linteau. La voussure est richement ornée : damier de billettes au Sud, motif typique de sachets repliés au Nord ; la surface des colonnes qui la reçoivent est elle-même entièrement ciselée.
Au portail méridional, une seconde voussure, sans chapiteaux, enveloppe la première ; sur le linteau se développe, au-dessus de la frise, une suite de huit rosaces sculptées, soit d'une fleur épanouie, soit d'animaux fabuleux, soit encore de deux visages humains renversés et tirant la langue. Un cadre rectangulaire, aujourd'hui masqué en partie, délimitait le tout. Le même subsiste au portail Nord, avec ses piédroits cannelés et sa corniche horizontales de petits cintres analogues à ceux de l'abside ; soulignant ce périmètre, court à l'intérieur une frise de rosaces ; le tympan appareillé est nu. L'absence de toute figuration humaine, la gravure en méplat et très refouillée, le cadre en équerre ont fait comparer cette œuvre délicate à "l'entrée d'un palais oriental". On songe, à son propos, aux deux séjours qu'en 1072 et 1090, saint Hugues effectua en Espagne, où resplendissaient devant ses yeux les magies de l'art de l'Islam. L'imagination de l'abbé, tout habitée de rêves bâtisseurs, ne pouvait être insensible à ces prodigieuses élaborations de la forme pure, et son éclectisme dut discerner assez vite quelle part majeure elles auraient à prendre dans l'organisation de la synthèse architecturale que son génie était précisément en train de concevoir.
Par Raymond Dursel, IN BOURGOGNE ROMANE, 1968
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mardi, 17 janvier 2023
Attendre d'agir
« Derrière la porte de nos apparences, qui sommes-nous véritablement ?
Que cachons-nous ?
Qui voulons-nous tenir à l'abri des regards ? »
Ainsi s'interroge un lecteur ou une lectrice de La porte, de Magda Szabo, sur un site de partage littéraire.
Je m'interroge à sa suite. Mais avant de répondre à la question de savoir qui je suis véritablement derrière la porte de mes apparences, il faudrait que je prenne conscience de l'existence de cette porte et de ses attributs. Qui veux-je paraître aux yeux des autres ? Je ne sais même pas. J'aimerais passer pour une mère, mais chacun sait bien que je n'ai pas d'enfants. J'aimerais qu'on me trouve pleine de maîtrise de moi-même et de la vie mais je sais que je déborde un peu partout et que d'ailleurs toute personne consciente sait que nous sommes tous très limités.
Alors ?
J'aimerais me rencontrer un soir, à un dîner mondain, pour découvrir la porte de mon apparence.
Qu'est-ce que je cache aux autres ? Ma honte ? Même pas. Je peux en parler. Mes peines, mes douleurs, je puis aussi les évoquer. Je cache que je me lève beaucoup trop tard presque tous les matins, que lorsqu'enfin j'émerge la culpabilité a déjà envahi les trois quarts de la lumière du jour. Je le cache mais je ne le dissimule pas. Et les proches le savent bien.
Si, dès un jour prochain, pas trop éloigné dans le futur, je prends l'habitude d'être debout à 7h, et d'avoir fini un petit kit prévu avant 9h qui en lui-même justifie ce jour, il me restera la journée pour perdre du temps sans que ce soit trop grave ou l'utiliser à bon escient sans que ce soit un soulagement.
Que veux-je tenir à l'abri des regards ? Mes rêveries éveillées, sans aucun doute, mais c'est aussi par politesse, par éducation. Que se passerait-il s'il n'y avait plus aucune cloison, si la vie physique et psychique des êtres se déroulait dans un grand open space ?
Autres poussières d'AlmaSoror :
La vie tranquille de Dylan-Sébastien
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vendredi, 13 janvier 2023
Livre I Ouverture de la nuit opale
I Le froid
Le froid descend dans l'après-midi grise. Aux abords de la clinique, l'air est calme. Une riche voiture attend devant les vitres coulissantes de la clinique. Un enfant va naître.
C'est la seule ville digne de ce nom dans cette région perdue, où la campagne, difficile à coloniser, s'étend de la mer aux montagnes. La région est un refuge pour ceux, riches et célèbres, qui veulent quitter le tourment du monde. Mais si nous fuyons les tourments, eux ne nous quittent jamais. Ils nous poursuivent jusqu'à ce que nous les embrassions contre notre cœur. C'est ce que quelqu'un découvrait, recroquevillée dans un lit, au fond d'une chambre de la clinique. La brume enveloppait le bâtiment moderne perdu aux confins de la ville, au bord de la nature.
Sur le parquet, un poème froissé gît. Il fut envoyé à une infirmière par un frère qui vit loin et qu'on n'a pas vu depuis longtemps. Le papier est tombé de sa main. Elle pleure en nettoyant des ustensiles. Elle sait que la personne étendue dans le lit souffre aussi. Communion de deux étrangères.
N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire : il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur. Je n'irai plus à l'autel du Dieu qui réjouissait ma jeunesse.
II Le vent
L'histoire s'ouvrit dans un joli village, perdu dans l'immensité du ciel, au bord d'un océan bordé de sable. Le soleil se couchait sur la mer scintillante ; sur les kilomètres de dunes ; sur les maisons basses. Au-dessus de l'étendue d'océan, les mouettes dansaient dans l'incendie du soir. Elles hurlaient. Nul bruit d'homme ne troublait cette fête quotidienne. Seuls le silence et le bruit : le chant raclé des vagues qui venaient de tellement loin mourir majestueusement sur le fini du sable, ponctué des cris de guerre des mouettes en transe. Les grands oiseaux attendaient sur la plage.
Depuis plusieurs siècles, le village et ses alentours n'avaient pas changé d'âme. Malgré les changements infligés par le temps et les mains d'hommes, le territoire, qui s'étendait sur cinq kilomètres depuis les hautes collines jusqu'au rivage, était chargé d'immémorial. L'hiver n'y était jamais glacial ; il se contentait d'être purificateur. Entre le printemps chatoyant qui arrivait et l'été lourd qui s'en était allé, les lieux et les êtres s'abstenaient de se parer de gel et de se pâmer transis. Ces mois froids et clairs semblaient un espace blanc traversé de rayons de soleil pâle. La pluie tombait avant l'aube ou après le coucher du soleil pour nettoyer les éparses traces de pas qui avaient sali le chemin des dunes. Laissés libres par les humains du village, chiens et chevaux paraissaient l'hiver à moitié sauvages, courant avec bonheur dans les dunes et les landes, errant à la tombée du jour aux abords des maisons pour demander la pitance –eux qui l'été redevenaient animaux sages des prés clos et des cours d'étable.
Là, il était difficile d'imaginer que la planète terre a été dépouillée de toute sa sauvagerie, de sa grande nature vierge et majestueuse ; que la mer bleue et profonde, grise et furieuse parfois, put être la grande poubelle des déchets du monde civilisé ; que des milliards d'êtres humains grappillaient chaque jour les derniers espaces purs pour les coloniser, les posséder, les disséquer, les analyser, les transformer, les meurtrir... Les regretter. Là, tout paraissait suspendu, entre ciel et terre, entre montagne et falaises, entre toits de chaume et dunes, et les nuits se succédaient chargées d'étoiles et de présages. Les dieux prononçaient encore des sentences écrites en marées d'astres dans le noir du ciel nocturne ; les enfants croyaient en l'infini du monde et de la terre, et les adultes, en sa virginité. Le vent venait souvent de loin, de très loin ; mais les histoires qu'il apportait enroulées dans son manteau roulant et grondant arrivaient déformées, et se mêlaient aux mythes ancestraux pour mieux dissimuler la vérité de la réalité des lointaines cités effrayantes, dont chacun imaginait à sa guise la configuration, l'atmosphère et l'organisation.
Le vent venait.
Ce jour là, le vent n'était pas venu par les terres, traversant les continents, mais par les mers, voguant sur les flots, puis s'élevant très haut dans les cieux, enfin redescendant planer au ras des vaguelettes, participant aux tempêtes et sifflotant aux oreilles des îles, des atolls et des bateaux. Il arrivait joyeusement, se rapprochait de la côte, et devinait déjà ce petit village bordé de sables et de collines. Il pressentait la fête et se hâtait doucement.
Le vent léger, presque indéfinissable, prit la route des dunes. La grande route à moitié de terre battue, à moitié bétonnée, qui menait au tranquille petit lieu de vie humain. Il était seul sur la route ; il avançait lentement. Il faisait danser les feuilles des arbres qui bordaient la route des dunes. Il caressait les lapins et les écureuils qui couraient dans les landes éparses. Il suivait la route, en flânant de temps en temps.
Le vent venait.
Le vent savait faire peur. Il était le grand ennemi du territoire, surtout des hommes. Pourtant, ce soir, il ne paraissait pas méchant ; il ne voulait pas faire peur. Il semblait joyeux, guilleret. A moins qu'il ne tourne et se fâche d'un coup, il ne troublerait pas la fête. Les bêtes dans les bruyères le saluaient. Il poursuivait sa route. Il se déployait, s'avançait résolu vers le village blanc. Bientôt, il en atteignit l'orée. Chargé des odeurs de la mer et du large, il s'engouffra entre les premières maisons de bois brut et fit tranquillement irruption sur la grand-rue.
Le long de la grand-rue, jolie cicatrice de macadam bordée de fleurs et d'herbes folles, s'élevaient humblement des maisonnettes d'un ou deux étages, peintes de toutes les couleurs pâles du temps, aux volets bien entretenus, aux lumières accueillantes. La grand rue du village, à cette heure avancée de l'après midi, battait son plein, c'est à dire qu'une cinquantaine de petits humains l'emplissaient de leurs rires, et leurs jambes affairées la traversaient par petits pas rapides. Les bras aussi étaient affairés, accrochant des lampions, installant de grandes tables à tréteaux qui faisaient ainsi se rejoindre les maisons de chaque côté de la rue. La fête se préparait, une fête bien différente de celle qui s'accomplissait tous les soirs au bord de mer, pour le coucher du grand dieu jaune, mais tout aussi colorée, calme et tranquille. Une fête bienveillante, en somme. Soudain les gestes se suspendirent, les mots moururent. Les nez, les truffes humèrent l'air, surpris.
Le vent était venu.
Les gens l'accueillirent gentiment ; c'était un vent ami, incapable de gâcher la petite fête. Ils le laissèrent gambader dans les rues et sur les toits, et furent ravis qu'il fasse flotter les fanions et les lampions. Il portait même les odeurs des plats de l'extrémité de la rue, pour les emmener de l'autre côté, où elles se mélangeaient avec les desserts, faisant un splendide concert d'odeurs – les chiens et les enfants remuaient la queue et tapaient dans leurs mains, tout excités par le festin qui s'annonçait.
Les postes de radios et de télévision, dans les salons des maisons, reflétaient la fête qui avait lieu dans tout le pays, grandiose, comme le montraient les images du président du pays et de ses ministres, marchant heureux sur les grandes avenues, et les défilés de militaires et de pompiers.
Le village, à l'instar du pays entier, avait dressé les drapeaux et les nappes aux couleurs de la patrie, et chacun maintenait son regard une bonne partie du jour, laissant les autres loisirs et délaissant les travaux, pour suivre avec une concentration implacable, sur le petit écran du salon, les évolutions des organes officiels de la nation, en ce jour international de la paix, où les pays du monde, dans un paradoxe d'une touchante cruauté, affichaient en même temps que leur volonté de paix la grandeur et l'entretien régulier de leurs armées.
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jeudi, 12 janvier 2023
Pàrizsban jàrt az ösz...
Il était une fois un poète hongrois qui descendait le boulevard Saint-Michel au début du XXème siècle...
Párisba tegnap beszökött az Ősz.
Szent Mihàly ùtjan suhant nesztelen,
Kánikulában, halk lombok alatt
S találkozott velem.
Ballagtam éppen a Szajna felé
S égtek lelkemben kis rőzse-dalok:
Füstösek, furcsák, búsak, bíborak,
Arról, hogy meghalok.
Elért az Ősz és súgott valamit,
Szent Mihály útja beleremegett,
Züm, züm: röpködtek végig az uton
Tréfás falevelek.
Egy perc: a Nyár meg sem hőkölt belé
S Párisból az Ősz kacagva szaladt.
Itt járt s hogy itt járt, én tudom csupán
Nyögő lombok alatt.
Ady Endre (1877-1919)
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mardi, 03 janvier 2023
Testament en souvenir d'un père qui fut un neveu
Ces quelques lignes que nous venons de sceller par des moyens crypto-informatiques, sont dédiées au neveu des deux hommes qui, le 26 avril 1961 à Alma-Ata, au soleil, firent un choix opposé ; l'un sauva son âme et perdit sa vie ; l'autre vendit son âme et prolongea son corps. Mais ce neveu (qui avait 14 ans en 1961) est mort avant de lire ce livre, malgré la promesse de la rue Milton.
Ce testament est donc le mien et constitue une tentative de rédemption.
Elle est baignée par le souvenir du frère de la sœur qui, le 7 janvier 1966, composa la musique du poème La tempête, de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix ; le manuscrit de la partition avait été retrouvé dans sa chambrette, posé à côté d’un livre d’Édith Stein, mais perdu ensuite par le neveu au cours des incessants déménagements.
Ce testament constitue une tentative de réparation.
Ce testament évoque en creux quelques personnes mortes dans années 1970, dont nous connaissons les visages et les souffrances, mais dont nous n'avons jamais vu les sourires ni entendu les rires. C’est lui qui s’en souvenait, cet homme (le neveu) sans lequel ce chemin n’existerait pas. C'est donc un testament lacunaire, car personne ne connaît quelqu’un s’il ne l’a pas entendu rire, dans une chambre ordinaire, un dimanche matin.
La constellation des gémeaux a présidé à l'écriture de ces quelques lignes destinées aux égarés, aux hospitalisés, aux habitants des asiles où vivent les personnes inadaptées au fonctionnement de la société. À cet égard, sans suggérer des événements strictement vécus, il doit son secret à l’existence d’une fratrie d’origine nantaise, dont les meilleurs éléments sont morts avant l’âge de trente ans. Ceux qui restèrent le plus longtemps furent les plus lâches, les plus malsains ou les plus fourbes et c’est pour expier leur très grande faute que nous avons voulu transmettre cet héritage.
Sous les aigles de sang de ce secret, ne délivrent ni le restaurant italien de la rue Pierre Leroux, ni l’appartement lesbien du neuvième arrondissement, ni la prison excentrée où croupit l’homme le plus profondément libre que nous ayons connu. Au contraire, ce secret est entretenu par les banales notations du temps qui passe et ne passe pas, du temps qu’il fait et ne fait pas, de l’amour qui existe ou n’existe pas.
Aussi ce testament inéquitable est le résultat douloureux d’une absence de testament.
La femme qui l’a écrit ne cessera jamais d’être habitée par cet homme d’une très grande intelligence (le neveu) qui ne sut pas composer avec la société, qui aurait pu inspirer le monde et qui n’a réussi qu’à faire souffrir ceux qui le comprenaient. Car sa belle voix grave, ses yeux très clairs, sa droiture physique et le tranchant de ses pensées le rendaient si séduisants qu’on en devenait addict, toujours en manque. La rancune et le pardon : l’ambivalence de ceux qui le côtoyaient. Mais il a passé comme un inconnu, ce cœur impérial, ce destin brisé.
Cet acte de lecture que vous venez d'accomplir est la preuve de votre appétence pour la frontière. Il convient de vous remercier pour votre langueur, pour votre vice qui a su épouser le nôtre.
Nous sommes des fantômes, et pourtant nous avons soif de cette eau qui ne donne plus jamais soif, nous avons faim de ce pain qui console. C'est pourquoi nous invoquons la protection du suave saint François de Sales, afin qu'il porte ce testament vers la disparition ou vers la germination, car lui seul sait ce qui vaut et ce qui n'est rien.
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