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mercredi, 23 octobre 2019

Ne pas tomber.

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Suivre le fil du temps qui reste, incertain, mais présent. C'est ce soir que je suis seule. C'est ce soir que je suis ivre. C'est ce soir que je suis libre. Une musique d'ambient m'accompagne. Dans ses silences, se prolonge le silence qui m'entoure. Parce que la route est cachée par des arbres qui se dénudent. Peu à peu, la nuit tombe comme un rêve sombre sur mes pensées. J'aurais voulu écrire, mais l'air est trop intense. Des odeurs d'herbes fines montent jusqu'à la fenêtre. Trois petites lumières douces aménagent ma pénombre. Une folie susurre à mon oreille d'entamer la métamorphose irréversible ; je l'écoute sans succomber à son piège. J'aime cet instant ; j'aime cette instance. Je songe à mes neveux qui s'endorment peut-être, dans de petits lits franciliens. Chacun d'entre eux m'a donné une raison de tenir debout, de chanter, de danser. Toutes les lectures de ma vie ont infusé mon monde intérieur, je suis ce que je suis et ce que j'ai acquis en tournant des pages pleines de phrases. C'est le phrasé d'une vie, le verbe incarné, le rêve descendu de la pensée pour prendre corps. Sa résonance, d'écho en écho, se multiplie à l'infini. Alors que la musique définit un labyrinthe aux formes molles, telles des tubes glissants, l'inspir et l'expir ralentissent et se déploient, comme des vagues qui ne s'arrêteront jamais. Ce soir, dans la verdeur sublime de l'impulsion, je chevauche ma propre respiration.

dimanche, 06 octobre 2019

Ô filiation

J’étais donc seule, seule et seule, à ce dîner brillant, seule à penser qu’une loi qui modifie la filiation en autorisant la procréation médicalement assistée, en préparant le terrain pour la gestation pour autrui, j’étais donc seule à trouver que cette loi est inique.

J’osais à peine le dire et chacune de mes paroles, pourtant ô combien mesurée, faisait l’objet d’un sec rabrouement. Lorsque j’insistais, des rires ridiculisaient mon dire.

Alors je me suis tue. Puisqu’ils possédaient la liberté, l’égalité et la fraternité, puisqu’ils assimilaient toutes mes pensées profondes à une attitude rétrograde, liberticide, méchante et grotesque, j’ai gardé le silence.

J’ai gardé le silence comme un allié ; j’ai gardé le silence comme un trésor.

J’ai gardé le silence comme un frère.

Qu’as-tu fait de ton frère ?

Je l’ai gardé et il m’a protégée.

 

Sur AlmaSoror, il y a six ans : 

Les dictatures douces

jeudi, 03 octobre 2019

Une oeuvre libre avant la fin

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Une œuvre libre

Comme un enfant qui braille

Ou dort ;

Un homme trop grand

Pour haïr ses ennemis ;

La saga-cohorte des nuages

Que le ciel blanc déroule

Depuis la nuit du temps.

 

J'ai grandi dans une liturgie

De pins parasols et de verbes d'antan,

Là-bas.

À l'Ouest où se confondent

Les lignes de terre et d'océan.

Mais le béton armé, comme une torture,

Cachait la vue des cimes

- Béton-pourriture.

 

Poils légers sur la peau d'hommes et de femmes,

Tâches de rousseur des enfances vieillies,

Notes de Chopin dans un bistrot défraîchi,

Voici ma vie.

Voilà venue l'heure des déroutes,

Le poivre dans les cheveux, le sel aux reins.

L'écriture du poème est la dernière porte

Avant la fin de la faim.

mercredi, 02 octobre 2019

Bâtir pour tuer l'espérance : l'architecture d'aujourd'hui

Merci à monsieur Guillaume Blanc pour son article désespéré et lucide sur l'architecture des bâtiments publics d'aujourd'hui et l'état de l'université :

Au cœur d'une université d'excellence.

En gare de Nantes, tout à l'heure, ma compagne de voyage et moi-même soupirions en observant la misère profonde des bâtiments de béton qui poussent d'année en année, de manière désorganisée, sans plan, sans vision... et qui sont si laids qu'ils donnent envie de mourir.
Je me suis souvenue d'il y a quelques années, j'étais avec cinq inconnus dans un compartiment ; arrivés en gare de Paris-Montparnasse, l'un des voyageurs a ricané en évoquant la laideur des immeubles et chacun a acquiescé. Ce fut notre seul échange, après quatre heures silencieuses sur les rails à travers la France.

Une illustratrice de ma connaissance, qui a animé beaucoup d'ateliers dans des écoles des périphéries des villes, m'avait raconté cette fillette pour qui les maisons, les immeubles, n'existaient pas. Pour elle, tout était "des bâtiments". En effet, cette enfant vivait dans un bâtiment, étudiait dans un bâtiment, était soignée dans un bâtiment, sa vie se déroulait au milieu des bâtiments, dans des bâtiments, tous en béton, tous laids, tous désespérants.

Sur AlmaSoror nous avons déjà souffert avec vous, dans des bâtiments, par les bâtiments :

entasser un nombre maximal d'êtres humains

Fascisme, non sans beauté

Laideurs du monde moderne

Errants des mégapoles d'Europe

Le bien-être des porcs

Coches en élevage intensif

Un chariot de lapins blancs

La première porte de garage

Tristesse balnéaire, séniors en culottes courtes

Encore un adieu

Zig-Zag

Mourir, sourire à chaque instant

La belle vie

Cactus sur béton

Cathédrale de plastique

Le flot urbain

Les champs de persil

Par des matins brisés

L'exode urbain et l'art

Autour du périphe

L'homme des mégalopoles

La ville qui vient

de commencements en commencements