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samedi, 05 avril 2014

Un samedi soir dans un port en avril

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Oh mes amis, j'ai passé une journée schizophrène, entre une obsession de plomberie autour du pauvre évier et la lecture de Psyché, de Pierre Louÿs, cet écrivain étrange. Tu sais quoi ? Même la promenade à la Chaume, dans ses ruelles (rue de l'Amour, rue des Soupirs, pour finir coincée dans l'impasse des Garçonnes) n'a pas réussi à vider ma tête de la lessive de soude à insérer dans la tuyauterie dévissée sous l'évier ni des hésitations langoureuses et terrifiantes de Psyché Vanetty.

J'ai vissé, dévissé, débouché, et contribué à des forums en ligne sur l'efficience ou la maléfficience du marc de café dans les canalisations. J'ai lu et relu les atermoiements épouvantables et fascinants de Psyché ("Il n'y a pas de honte à craindre Satan. Un homme se défend contre un homme, il ne se bat pas contre un fléau. Ce n'est pas de montrer une âme faible que de s'enfuir devant l'orage, ma fille, ou devant l'amour, car nos bras humains ne sont pas assez forts pour lutter contre le feu du ciel, ni contre celui de l'abîme").

Alors, comprenez que le soir, j'ai mis un billet de 20 euros dans ma poche, une veste Zara sur mon jean Zadig, et je suis sortie pour marcher dans la ville, jusqu'au port, dans cette brume troublante qui engourdissait les maisons. Je suis arrivée aux abords de la Roulotte. Elle est belle, elle est bleue, une agréable odeur de friture bio s'en dégage. Je me suis approchée timidement, les mains dans les poches, tentant d'avoir l'air intelligent et détaché. Je commandai la seule chose qu'il s'y sert : un fish & chips, que j'agrémentais d'une bière Chiens de Perrins de l'Île d'Yeu, car les frites aiment être arrosées. La moutarde semblait bonne, j'en tartinai mes frites d'une couche épaisse et je m'assis au bord du port, rêveuse et solitaire.

Car j'étais solitaire. L'évier et Pierre Louÿs diparurent, laissant la place à deux goélands patibulaires qui matèrent ma gueule sans sympathie et dévisagèrent mon fish & chips avec un intérêt certain. Tu vois, j'ai mangé sans leur accorder le moindre regard, car j'ai vu Birds, le film d'Hitchcock, et je sais à quoi m'en tenir. Au lieu de cela j'ai laissé mon esprit divaguer dans les eaux du port des Sables, puis sur les bâtiments de tôle de la coopérative maritime Cavac. Et la bière pétillait au fond de mon âme, brune, comme un sortilège levuré. Et le temps s'effaça.Quand tout fut fini, je lançai les restes aux goélands, qui crièrent de joie en se précipitant vers les miettes, et repris le chemin de mon antre, par l'océan.

Une bruine tombait au bord de la plage. La marée montait, la température baissait. Je tendais mon visage au ciel pour quémander des gouttes de bruine. J'aimais vivre. Ce n'est qu'en approchant du cours Blossac que je sentis la nuit tomber. Dans un bar, des jeunes hurlaient, pour célébrer, sans doute, un match de foot ou un anniversaire. En quelques minutes, l'air frais et bleu ciel se transforma en pénombre lourde. La pluie se fit plus drue. Moi qui, quelques instants auparavant, levai mon visage pour ne pas manquer une précieuse goutte, je le rentrai désormais dans mon cou pour me protéger, inconstance de la météo et de l'esprit humain. Et puis, la pénombre devint ténèbre. Je songeai à cette phrase que Jérôme Delvaux avait écrit, sur son blog depuis défunt, Sublimation : « il m’invite à honorer avec lui notre maîtresse favorite, la seule qui continue de nous surprendre après des milliers d’étreintes passionnées : la nuit ». La nuit est une amante trop lilithienne pour mes bras chétifs, pour mon âme faible, pour mon corps apeuré. Je préfère le soir, plus amène, plus ambigu, moins fou. Le soir est tout aussi beau que la nuit.

Et puis je rentre dans l'immeuble dont chaque centimètre carré exhale l'atmosphère des années 1950, je tourne la clef dans une porte destinée à être condamnée, je pénètre dans le lieu où l'évier est guéri, ou Pierre Louys se rendort pour toujours, et j'écoute la musique de Mondkopf.

lundi, 10 février 2014

Prendre une vie sabbatique

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L'idée m'est venue un jour que je discutais avec une femme qui semblait se prendre pour une éducatrice envers moi. Je la regardais, pour ma part, sans affection. J'avais des raisons pour cela. Mais enfin, il fallait être polie, elle posait des questions, je tachais de répondre pertinemment. Eh bien, elle m'interrogeait sur mon travail, mon mode de vie, mon logement, et posait toutes les questions qu'on pose quand on veut établir le profil « Insee » d'une personne, son statut social et professionnel, son intégration matérielle et relationnelle dans le monde, sa valeur sociale en somme.

Un moment, comme je lui disais que j'avais opté pour telle solution de logement partagé avec des proches avec lesquels je m'entendais bien, afin de n'être pas astreinte à un travail à plein temps pour assurer un loyer parisien, elle eut un rictus méprisant et me dit : « c'est une solution de facilité ».

J'eus d'abord la pulsion de me défendre, de prouver qu'au contraire, c'était une solution réfléchie, aboutie, même si pas forcément éternelle. Au moment d'ouvrir la bouche pour récriminer, je vis le fiel de son regard, la médiocrité de son visage et je me retins. Allai-je dépenser du souffle, de l'énergie, des mots, de la syntaxe, des expressions faciales pour meubler un quart d'heure de la vie de cette femme ? Alors je dis :

« Oui, c'est ça. J'ai vu que la vie était difficile et je me suis dit, fournir des efforts me pompe l'air, il faut que je trouve la solution de facilité ».

Elle écarquilla les yeux et la bouche, révulsée de mon absence de honte de moi. « Et tu crois que c'est bien, de se rabattre sur des solutions de facilité ? Il faut être exigent dans la vie. Tout le monde fournit des efforts, et toi tu choisis la solution de facilité ? »

En mon cœur, la haine bouillait tellement que j'ai éteint le feu. Autant de haine, c'est à dire autant de sentiment pour une femme qui ne m'intéresse pas et qui nuisait à mon bien-être ? Non, c'était inutile. J'allongeais mes jambes, appuyais mon dos sur le dos du fauteuil, reprenais une gorgée du whisky que l'homme que j'étais venue voir, ce héros (il la supporte au quotidien) m'avait généreusement servi, et je répétais, un peu lascive : « Ouais, je choisis la solution de facilité. Ça me fait chier de me faire chier ».

Son visage, cette fois, fit le chemin inverse : ses yeux se plissèrent, sa bouche se ferma, de petits plis piqués formèrent une expression revêche. Elle ressemblait à un oxymore : hautaine sans hauteur. Nous la quittâmes et sortîmes dîner dans le quartier. J'oubliais momentanément cette conversation déplaisante ; pourtant, elle revint la nuit suivante, me hanta les jours d'après.

C'est ainsi que l'idée de la solution de facilité m'est venue, sans la chercher, au cours d'un conflit de petite taille qui m'a ouvert une porte.

Car, les jours suivants, je m'interrogeais, je sondais les gens que je rencontrais, je voulais savoir : au fond, sur le plan moral, spirituel, sociétal, sur tous les plans de la vie, est-il vraiment abject d'opter pour la solution de facilité ? Que lui reproche-t-on, à la facilité ? Que reproche-t-on en outre à une solution ?

J'ai trouvé beaucoup de gens pour me dire que la difficulté était mère de toutes les vertus et la facilité mère de tous les vices, mais jamais un argument n'accompagnait leur sentence vertueuse. J'ai observé autour de moi les gens qui menaient une vie pénible et pleine d'efforts, et ceux qui se la coulaient douce, et n'ai pas trouvé de corrélation entre la première voie et la vertu, pas plus qu'entre la seconde et le vice.

Il m'a semblé alors que, réellement, la facilité peut être une solution, de même que la meilleure solution peut être la plus facile. C'est comme ça que m'est venue l'idée de prendre une vie sabbatique.

Je ne savais pas alors à quel point j'aurais à fournir d'efforts de réflexion, de formulation, de recherche, de tâtonnements, de développement personnel, de quête spirituelle, de tentatives professionnelles avant d'aboutir à l'orée d'un univers où, oui, la solution de facilité est possible.

Je ne savais pas alors à quel point la solution de facilité nécessite autant d'efforts de création, efforts qui ne ressemblent pas assez aux efforts scolaires pour être accessibles à ceux qui la méprisent autant, embourbés qu'ils sont dans leur application à l'effort sans cesse recommencé, à l'effort imposé par le monde extérieur. La route de la vie sabbatique est longue, et je n'ai pas encore atteint le rivage du paradis, mais je crois que cette quête vaut la peine.

 

lundi, 21 octobre 2013

L'absence de valeurs chrétiennes

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Dans les années 1960, le Vatican a fait avec la liturgie ce que beaucoup de pays ont fait avec l'architecture et l'urbanisme : destruction d'une grande partie d'un patrimoine multiséculaire et construction hâtive de nouveautés fonctionnelles qui vieillissent mal.

Je ne parlerai pas de ces changements liturgiques : abandon d'une langue universelle, abrègement du rite de la messe, traduction de cette messe abrégée dans les langues vernaculaires. Je parlerai d'erreurs de langage que les catholiques (et autres chrétiens) font souvent, en montrant par ces erreurs inconscientes, mais pas innocentes, qu'ils commettent de grands écarts par rapport à la foi qui devrait être la leur.

En parlant de valeurs chrétiennes, les chrétiens démontrent qu'ils sont entièrement convertis à la pensée laïque. En effet, une valeur est quelque chose de fondé sur la raison et le concensus. Ainsi, les valeurs républicaines n'ont rien d'une vérité révélée par un Dieu ni d'une vérité scientifique déduite après une étude rigoureuse : c'est un consensus humain, né de la réflexion de la communauté des hommes libres qui forment la République. Contrairement à la révélation divine, aux vertus cardinales et théologales, aux commandements, les valeurs ont vocation à être discutées, remises en question, modifiées en fonction de l'avancée de la raison humaine. Or le christianisme est une religion de la transcendance, et ce que cette religion propose, n'a rien de discutable ou de modifiable. Transformer le dogme de la confession chrétienne catholique en valeurs, revient à le trahir.

En parlant de former des élites chrétiennes, les chrétiens démontrent encore qu'ils se sont éloignés du message christique pour adopter des sentiments laïcs et une vision du monde sans religion. L'élite chrétienne, selon la tradition, se compose des âmes sanctifiées, des saints et de ceux qui leur ressemblent, de ceux qui iront directement au paradis sans passer par le purgatoire. En aucun cas, une gent de hauts diplômés, de dirigeants ou de riches ne peut constituer une quelconque élite chrétienne. Tout au plus forment-ils des élites laïques pratiquant la religion chrétienne.

Des valeurs chrétiennes, portées par une élite chrétienne ? Ce serait une hérésie à l'état pur. Il n'y a pas de valeurs chrétiennes, il n'y a que des vertus inaliénables, que la raison peut comprendre, mais qu'elle n'a pas vocation à modifier. Ainsi la foi, l'espérance, la charité, ou encore la communion des saints, l'obligation de ne pas pêcher contre le saint-esprit. Personne, pas le moindre clerc, ne peut prétendre tirer d'une vertu ou d'un commandement, une valeur. Les vertus et commandements sont à pratiquer tels quels, dans leur essence sacrée et n'ont pas à être traduits en comportements laïcs.

Quant à l'élite chrétienne, elle existe certes, mais n'a strictement rien à voir avec l'élite d'une société. Nous verrons au jour du jugement si nous en avons fait partie ou non, de l'élite chrétienne, et ce, que nous soyons trisomiques ou diplômés de l'école polytechnique.

Si dans une église ou dans une revue estampillée catholique, un évêque, même sincère, vous recommande de suivre les valeurs chrétiennes qui portent l'église, vous pouvez être certain que ce pasteur n'a pas beaucoup de chances de vous entraîner vers les portes du ciel.

 

Edith de CL

 

Le catholicisme sur AlmaSoror :

L'indult "Agatha Christie"

Les litanies de la bonne mort

Salve regina

Si, au jour du jugement

Solstice d'été ou la Saint-Jean

Évangélisation et assimilation

Un dimanche à Avila

Adélaïde

La charité

Je suis solitaire

Ode à Saint Kevin

Et moi j'écoutais, crevant d'ennui

Lettre de loup

L'orgueil

Tous les métiers mènent au ciel

L'abbé Suger, maître de l'an 3000

Pub montréalais

Hildegarde, abbesse d'antan

Une taverne québecoise...

Pleines de grâce : pietas de Rome et du Poiré-sur-Vie

Extase

John Littleton, un Américain à Reims

Le benêt de saint-vivien

Moi, si j'avais commis...

Familles, fières de vos mensonges

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Chefs de guerre et de religion

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Les origines de la liturgie

Attendant la Jérusalem céleste

Mourir au bout du chemin

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La nouvelle religion

Depuis l'aube

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Commentaire de Mirimonde sur une vanité

Inspirations prophylactiques

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Ma rencontre avec Anne-Pierre Lallande, chrétien, anarchiste, antispéciste

Para ti

Lettre d'amour de droite