mercredi, 29 janvier 2014
Destinée
Pourquoi suivre le fil de l'actualité quand on peut rêver aux mille et un voyages d'un vaisseau fantôme ?
Oubliez vos soucis, ami en quête d'un destin ; lâchez la rampe de l'escalator, fermez les yeux. Le songe d'une nuit d'hiver va vous emporter loin des morosités du jour gris.
Fermez les yeux, ouvrez le coeur, partez pour ne plus jamais revenir.
La vie commence. L'enfance revient. Demain est infini.
(Photo : port des Sables d'Olonne, par Sara)
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mercredi, 08 janvier 2014
Les Basaltiques - critique d'un album musical
Opus en trois chants
Production AlmaSoror
Label Vol libre musica
Composé et réalisé en 2048, par deux musiciens-chanteurs qu’on croyait finis, les Basaltiques est une œuvre musicale d’une durée d’une heure et sept secondes. Les voix erratiques de John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica, escaladant leurs instruments sulfureux, nous hissent aux sommets de la musique Beith. L’année précédente, l’alliance entre John Peshran-Boor et Bob Mushran donna un alliage musical dissonant, avec le disque Lactose sidérale. Les deux dieux de la musique Beith se sont fâchés. C’est donc vers la diva Venexiana Atlantica, native de Saint Jean en Ville -la ville blanche, encore nommée ville aux salamandres - que John Peshran-Boor s’est tourné pour continuer sa démarche de cocréation.
L’opus qui résulte de cette collaboration déçoit par son conformisme, et souffre de la comparaison avec Lactose sidérale. Il étonne, cependant, par son son épuré. Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :
Intro Minérale
Chant I
Marées
Chant II
Latitudes
Chant III
Fort Bastiani
Finale de l’aurore
Nous donnerons au-dessous de cet article l’architecture complète des Basaltiques, œuvre à cheval entre le roman musical et la symphonie pour instruments et voix.
Parmi les grands moments des Basaltiques, il faut citer le long duo - qu’on pourrait appeler duel - entre la batterie et la flûte à bec, qui précède le chant citadelle, dans la partie III Fort Bastiani.
L’ouverture du chant II Latitudes constitue également un moment d’anthologie, dans la version enregistrée par Venexiana Atlantica elle-même. Elle émaille en effet son chant de notes harmoniques, qui ressemblent à des chants d’oiseaux. Ceci nous rappelle qu’au-delà des scandales que cette chanteuse a pu soulever, par exemple en exigeant que l’administration et la communauté humaines reconnaissent son adoption par le chien husky Stacyo, faisant d’elle l’enfant légitime d’un chien, ou encore en payant des tueurs à gages pour assassiner son ex-amante Sofia Sombreur-Noir, afin de se venger d’une infidélité, au-delà donc des scandales dont elle a gratifié les masses humaines ahuries par ses frasques, il ne faut jamais oublier l’artiste, c’est-à-dire la compositrice de Beith et la chanteuse à la voix éblouissante qui n’a cessé de repousser les limites de la voix et du souffle, nous offrant le vibrato le plus long et tremblant du monde.
Dans le chant I Marées, le morceau Autel apparaît irréel, miracle de simplicité où piano acoustique et voix se cherchent et se trouvent en une comptine si naïve qu’on oublie le temps d’une chanson que John Peshran-Boor et la diva Venexiana sont les auteurs de l’œuvre.
Les interludes sont tous très intéressants compositalement - et c’est le Finale de l’aurore qui atteint les sommets avec ses contrastes entre les envolées de flûtes à bec, flûtes traversières, chants harmoniques et violons tandis qu’en bas planent, au-dessus des enfers, les lourdeurs sauvages des contre-harpes, du basson et des basses électriques agrémentés de batterie et de volutes de fumée électro-pianistiques.
Venexiana Atlantica s’est retirée de la scène au mois de Ventôse, après le premier concert des Basaltiques, qui eut lieu à Buenos Aires. Personne ne peut expliquer la raison exacte de cet adieu à la gloire.
On sait que, la nuit qui suivit le concert, elle ne dormit pas. Sur la terrasse de sa chambre de grand luxe, elle parcourut le quatuor de Los Angeles, c’est-à-dire ces quatre romans de James Ellroy : Le Dalhia noir, le Grand Nulle Part, L.A. Confidential et White Jazz. Elle annonça au petit-déjeuner son intention de se cloîtrer au couvent de Santa Catalina, dans la ville d’Arequipa, au Pérou. Depuis l’édification des murailles hautes de Saint Jean en Ville, elle ne vivait qu’avec des billets d’avion toujours prêts pour se rendre en urgence à Arequipa ou à Alger-Centre, deux villes blanches qui lui rappelaient sa ville natale, et, seules, calmaient ses angoisses d’étouffement.
John Peshran-Boor s’est donc trouvé, en la personne de Lilas L.S. Snuk, une interprète pour les Basaltiques. Lilas Snuk donne un ton nouveau aux Basaltiques, avec sa voix mitigée, marmoréenne, un peu rauque.
Du duo original il nous reste un enregistrement. C’est vers lui qu’il faudra se tourner pour puiser à la source inspiratrice initiale de l’œuvre, même si Lilas L.S. Snuk a su l’enrichir en l’interprétant.
Edith de Cornulier-Lucinière, pour AlmaSoror
NOTA BENE :
Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :
Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore
Chacun de ces chants contient trois chants, ainsi :
Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel
Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent
Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi
Attention ! L’opus compte également une intro, un final et deux interludes.
Voici donc le plan complet de l’œuvre :
Intro minérale
Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel
Interlude 23 KFL-8000
Cimetière marin
Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent
Interlude 20 KFL-9000
(évangile)
Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi
Finale de l’aurore
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mercredi, 13 novembre 2013
Contes pour l'âge de raison
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mercredi, 30 octobre 2013
Une enfance littéraire française : Invitation au voyage II
Gustave Doré - gravure pour Le petit poucet.
Voici la deuxième partie de la synthèse de la conférence, intitulée Une enfance littéraire française, que je donne aux étudiants du Cours de Civilisation Française de la Sorbonne.
La première partie, qui aborde le Moyen-Âge, le Grand Siècle et le Siècle des Lumières, est lisible à cet endroit.
J'avais déjà, sur AlmaSoror, donné l'essence de celle de mes conférences intitulée L'enfance, la civilisation et le monde sauvage.
Quant au blog de mon cours, encore en construction, il se consulte à cette adresse...
Le XIX°siècle
Gravroche : l'enfance fait une entrée fracassante en littérature.
Au XIXème siècle, l'enfance entre en littérature par deux portes à la fois. Par la première, les personnages d'enfants surgissent dans les romans ; par la seconde, des écrivains s’attellent à confectionner des romans spécialement pour les enfants.
Victor Hugo, dans son roman Les Misérables, créée les personnages enfantins de Gavroche et Cosette. C'est en découvrant le tableau de son contemporain, le peintre Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple, qu'il est absorbé par la figure du garçon révolté ; il médite ce personnage, qui deviendra Gavroche. On peut donc voir aujourd'hui, au Musée du Louvre, l'enfant peint qui inspira le premier héros enfantin de la littérature « adulte » française.
Gavroche, jeune révolutionnaire, participe aux fameuses barricades qui égrènent le XIX°siècle, jusqu'à l'écrasement total de la Commune de Paris. Celle, précisément, à laquelle il participe, a lieu en 1832. Gavroche, âgé de 12 ans, représente la fleur de Paris : son gamin des rues, fils de la ville et du peuple, gouailleur, courageux, parfois menteur et voleur, qui possède plus d'honneur que les rois et moins de biens que les gueux.
« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l'oiseau s'appelle le moineau ; l'enfant s'appelle le gamin.» Ce gamin peint par l'immense fresquiste littéraire du XIX°siècle,Gavroche, a pris son indépendance : il est sorti du roman de Victor Hugo pour devenir un personnage de la mythologie populaire.
La mort héroïque de l'enfant Gavroche est l'un des passages les plus célèbres de la littérature universelle. Il a douze ans ; on est en 1832. A l’emplacement actuel de la rue Rambuteau, l'armée et le peuple de Paris s'affrontent autour d'une barricade. Il n'y a plus de balles dans le clan des insurgés. Qu'à cela ne tienne ! Le polisson Gavroche brave les balles des militaires pour aller ramasser les balles perdus qui traînent sur les pavés. En chantant.
Et sa chanson a fait le tour du monde, elle est chantée aujourd'hui par les chorales des écoles, elle rappelle le bon vieux temps où Voltaire et Rousseau se disputaient, l'un préférant la liberté, l'autre l'égalité, l'un vantant la culture, l'autre la nature.
On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à...
Gavroche ne finit pas la chanson, en dépit d'efforts démesurés pour donner une dernière fois de la voix. En effet, une balle vient de l'atteindre en plein cœur. Il dit adieu à la vie, et entre dans la mythologie populaire où il restera vénéré pour toujours comme un petit dieu facétieux et vivificateur.
Naissance des romans pour enfants : la comtesse de Ségur
En même temps que les enfants font irruption dans la littérature, naissent les premiers romans composés exprès pour eux.
La comtesse de Ségur connaît un grand succès, lorsqu'elle publie les livres qu'elle s'est mise à écrire pour les enfants de ses enfants. La grand-mère de Camille, Madeleine, Jacques, et tous les personnages présents dans ses romans, devient la grand-mère symbolique de milliers, de millions de petits lecteurs français. Elle est rapidement imitée, notamment par d'autres femmes, mais aucune n'atteint sa gloire et surtout, sa longévité. Peut-être est-ce dû au paradoxe de cette femme, qui parvient à être à la fois éminemment moraliste et totalement déjantée. Ainsi, elle ne manque pas de répéter, livre après livre, les poncifs moraux de l'époque, mais, pour les illustrer, elle se plonge avec délice dans la description d'enfants pas sages : nous suivons leurs états d'âme funestes, leurs bêtises inqualifiables, avec une gourmandise insatiable. La comtesse de Ségur nous entraîne sur la route du péché en faisant semblant de prôner le bien. De ce paradoxe, elle tire son universalité. Car, à lire les ouvrages de ses imitatrices, chapelet de contes dans lesquels le noir est très noir et le blanc, très blanc, on ne peut que s'ennuyer ; ce qui charmait l'air du temps laisse de marbre nos cœurs post-chrétiens, nos âmes mortelles, nos esprits citoyens égalitaristes, nos corps que nous faisons durer le plus longtemps possible.
Mais si nous plongeons dans les romans de la comtesse de Ségur, derrière la façade de ses leçons de morale, nous glissons dans la pratique fascinante et très profonde des 7 péchés capitaux. La violence, le trouble, l'hypocrisie, la déception et la tendresse, la mortification et les grands espoirs, y sont peints avec beaucoup d'amour, de tolérance et de vérité. La comtesse de Ségur est une grande psychanalyste, une alchimiste, une anarchiste déguisée en grand-mère conservatrice.
Elle est tellement intense que les éditeurs d'aujourd'hui ne manquent pas de la censurer. Ainsi, les éditions de La Martinière ont cru bon, dans l'édition de 2011, passer à la trappe les chapitres de Pauvre Blaise traitant de sa première communion.
Car, pour nos anciens moralistes, ce qui n'était pas très catholique allait au diable... Mais pour les nouveaux, ce qui est catholique est voué aux gémonies. Censure, censure, nous te modifions, nous t'inversons, nous te renversons, nous faisons semblant de te détester, mais qui peut se passer de toi ? Ni les blancs, ni les bleus, ni les rouges ; aucun monarchiste, aucun républicain, aucun communiste n'échappe à la tentation que tu leur tends, de reconfigurer le monde en fonction de nos esprits trop petits pour être honnêtes.
Née dans une famille de la haute aristocratie russe (c'est son père, le comte Rostopchine, que l'on soupçonne d'avoir incendié Moscou, pour que la mère des villes de la sainte Russie ne tombe pas entre les gros bras du parvenu Napoléon), élevée par une mère aux passions sadomasochistes bizarres, elle est devenue française (et catholique romaine) en épousant Eugène de Ségur, qu'elle n'aima point (« Si j'avais su à quel point vous aviez les yeux jaunes, Eugène, jamais je ne vous aurais épousé »). Mais elle aima les enfants qu'il lui donna, et encore les petits-enfants que ceux-ci lui donnèrent, et qui firent d'elle une des plus grandes écrivains françaises et la pionnière de la littérature enfantine.
C'est un peu triste, d'ailleurs, l'histoire des fameuses petites filles, Camille et Madeleine, héroïnes du roman Les petites filles modèles. Car ces jeunes filles sages comme des images, devenues grandes, connurent l'amertume de la vraie vie. Camille épousa un gougnafier, un sale mec, vraiment, qui dépensa son fric (pour lequel il l'avait trompée et épousée), la violait, baisait avec des femmes devant elle, et elle mourut rapidement d'humiliation et de chagrin. Elle laissait un pauvre garçon, Paul, de santé fragile et très malheureux, qui mourut à la fin de l'adolescence. Quant à Madeleine, effarée par l'histoire de sa sœur, elle demeura célibataire. Les deux sœurs, aujourd'hui, sont enterrées côte à côte, pleurant ensemble, peut-être, la mort de l'enfance, la déception de grandir et la folie des éducations qui rendent bébête - et vulnérable.
On doit à la comtesse de Ségur la première autobiographie écrite en français par un animal : les Mémoires d'un âne, dans laquelle Cadichon expose aux humains (et aux autres ânes, peut-être), les grandeurs et les misères de sa condition. Ce célèbre âne-écrivain possède aujourd'hui sa rue, à Aube, village proche du château normand où la comtesse écrivait ; sur la place de la mairie, il a en outre une statue, qui le représente portant l'une des petites filles modèles sur son joli dos.
La comtesse a rendu hommage à sa patrie russe, dans deux beaux ouvrages, L'auberge de l'ange gardien et Le général Dourakine. Un hommage aussi mitigé et paradoxal que tous les messages qu'elle tenta de faire passer.
Sans famille : chef d’œuvre romanesque
Mais le premier écrivain qui use du code romanesque de la littérature générale pour composer une œuvre enfantine peine de grâce et de rebondissements, dans un style littéraire qui n'a rien à envier aux romans que l'époque donne aux grandes personnes, c'est Hector Malot.
Père d'une petite fille nommée Lucille, à laquelle il dédie son chef d’œuvre, Malot créée, avec Sans famille, une œuvre romanesque à la fois ancrée dans son époque et capable de défier le temps.
Ce roman, très littéraire, raconte l'histoire d'un enfant trouvé, Rémi. Rémi est vendu à un musicien ambulant italien, nommé Vitalis. Ils parcourent les routes de France avec leurs animaux, en faisant des spectacles dans les villages ; après de nombreuses péripéties, Rémi finit par retrouver sa vraie famille.
Paru en 1878, ce roman, lu par des générations de francophones, fit l'objet d'une adaptation par le cinéaste de dessin animé Osamu Dezaki, sous la forme d'une série pour la télévision, dans les années 1977-78, soit cent ans après sa publication.
Entrez dans ce roman et vous n'en sortirez pas avant d'avoir laissé chaque phrase adoucir votre cœur :
Je suis un enfant trouvé.
Mais jusqu’à huit ans j’ai cru que, comme tous les autres enfants, j’avais une mère, car lorsque je pleurais, il y avait une femme qui me serrait si doucement dans ses bras, en me berçant, que mes larmes s’arrêtaient de couler.
Jamais je ne me couchais dans mon lit, sans qu’une femme vînt m’embrasser, et, quand le vent de décembre collait la neige contre les vitres blanchies, elle me prenait les pieds entre ses deux mains et elle restait à me les réchauffer en me chantant une chanson, dont je retrouve encore dans ma mémoire l’air, et quelques paroles.
Quand je gardais notre vache le long des chemins herbus ou dans les brandes, et que j’étais surpris par une pluie d’orage, elle accourait au-devant de moi et me forçait à m’abriter sous son jupon de laine relevé qu’elle me ramenait sur la tête et sur les épaules.
Enfin quand j’avais une querelle avec un de mes camarades, elle me faisait conter mes chagrins, et presque toujours elle trouvait de bonnes paroles pour me consoler ou me donner raison.
Par tout cela et par bien d’autres choses encore, par la façon dont elle me parlait, par la façon dont elle me regardait, par ses caresses, par la douceur qu’elle mettait dans ses gronderies, je croyais qu’elle était ma mère.
Gustave Doré, l'illustrateur
Parallèlement à cette double apparition de l'enfance dans les romans pour grandes personnes, et des livres pour enfants dans les librairies, le XIX°siècle voit la naissance de l'illustration à destination de la jeunesse.
Ici, il faut saluer le suprême artiste que fut Gustave Doré.
Né à Strasbourg en 1832 et mort à Paris, rue Saint-Dominique, il était graveur. Son père polyechnicien, brillant ingénieur, voulait qu'il fasse des hautes études, mais sa mère admirait ses beaux dessins d'enfant.
En effet, à 5 ans il dessine tout ce qui se passe autour de lui et dès l'âge de 8 ans il compose ses premières histoires dessinées, ce qui est très original pour son époque où les livres illustrés sont rares.
Il étudie la gravure et devient vite célèbre dans le monde. Il travaille entre Paris et Londres, où il possède une galerie qui a pignon sur vue.
En 1881, il est un dessinateur très célèbre et sa galerie londonienne a vu passer plus de 2 millions de visiteurs en 24 ans ! Mais sa mère meurt ; il ne le supporte pas. Il invite ses amis à dîner, se lève à la fin du repas, prononce une oraison funèbre en l'honneur de sa mère. Quelques jours plus tard, il meurt d'une crise cardiaque.
Honneur à ce fils aimant, qui nous offrit les plus belles illustrations de la Bible, des Fables de La Fontaine et des Contes de Perrault réalisées à ce jour.
C'était la deuxième partie de ma conférence du 24 octobre. La première partie est disponible ici.
Un épisode ultérieur du cours se situe par là bas.
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vendredi, 18 octobre 2013
mille et une grues
Sur le blog 1000 grues aujourd'hui ou hier, cette photo de Mavra :
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jeudi, 17 octobre 2013
Mémoires d’une voyouse
Une histoire d'Edith de CL, photo-illustrée par Sara
Avertissement
Enfants, ne lisez pas ce qui va suivre.
C’est une histoire avec des salauds, des délits, des remords.
C’est une histoire pour les filous, pour les méchants, pour les gueux.
Hors-la-loi
Je suis une malfrate, une hors-la-loi. Si vous connaissiez tous les crimes que j’ai commis, vous fermeriez cette webpage et vous vous enfuiriez en courant vers des sites moins terribles. Ah ! ah ! ah ! Je fais peur aux bonnes gens, aux honnêtes gens, aux petites gens et même aux gens qui ont de l’entregent.
Toutes les histoires que j’ai vécues dans ma vie ont fini comme dans un film noir : course poursuite avec la police, batailles, hurlements, prison. Mais l’histoire que je veux vous raconter tourne différemment.
Adieu Johnnie Walker
En ce temps là, j’avais arrêté de boire. Quand une hors-la-loi arrête de boire, c’est TRES dangereux.
Pourtant, il le fallait. Le docteur m’avait dit : « c’est Johnnie Walker ou vous ». Johnnie Walker, c’est le type qui est dessiné sur les bouteilles de whisky.
-En êtes-vous sûre, docteur ? Lui demandai-je effrayée.
-Sûr.
-Dis-moi la vérité, minable ! Lui hurlai-je en pointant Coco sur son cœur. (coco, c’est mon flingue. Coco était mon meilleur ami).
-Hélas oui, répondit courageusement le docteur.
J’ai donc dit : Adieu Johnnie Walker. J’ai rempli mon frigo de jus de fruits, de Coca-Cola et de yaourts. J’ai pleuré tous les soirs, mais j’ai tenu le coup.
Bon anniversaire, pauvre idiote !
J’avais une longue vie de voyouse derrière moi.
Grâce à mes cachettes et à mon intelligence, les policiers ne me trouvaient jamais. Les gens qui savaient où j’étais n’osaient pas me dénoncer de peur que je les butte avec Coco.
Le soir de mon anniversaire, je m’apprêtais à déguster un immense gâteau à la fraise quand je me rendis compte que je n’avais aucun ami. Mon âme éclata en sanglot (mais mon visage resta très dur).
Je me regardai dans la glace et murmurai :
- Bon anniversaire, pauvre idiote !
Je pointai Coco vers mon cœur, mais il refusa de me planter.
- Que ferai-je sans toi ? Me demanda-t-il.
Alors je rangeai Coco dans un tiroir et j’allai me coucher.
Ce soir là, je décidai de transformer ma vie.
Le procès
J’étais en train de me demander comment devenir honnête quand les journalistes, les juges et les policiers me tombèrent dessus. Cela arriva par un soir de septembre. C’était l’automne et Paris était beau.
On m’arrêta alors que je marchais tranquillement sur le boulevard Raspail.
Mon procès fut rapide. Le juge parla avec éloquence.
Il relata mes crimes:
-
17 pompiers remplis d’hématomes, tous malmenés par l’accusée à la fin d’une rixe dans le terrible quartier de Pigalle.
-
4 hommes et 5 femmes séduits et manipulés par l’accusée pour lui donner de l’argent.
-
480 tonnes de chocolat, bonbons et yaourts à la fraise volés par l’accusée dans 140 magasins.
-
Une vieille femme effrayée et contrainte de laisser l’accusée jouer avec son chien yorkshire.
A la fin du procès, le juge cria : « qu’on jette l’accusée en prison ! » Des applaudissements s’élevèrent dans la salle. On me menotta, on m’emmena.
Au trou !
Au trou (c'est-à-dire en taule, en cabane, au violon, au placard, en prison), je réfléchis beaucoup.
Trois religieux vinrent me parler de Dieu. Cela m’intéressa mais je n’arrivai pas à choisir entre les trois religions, alors je laissai tomber.
Les mois passaient. Peu à peu, j’arrêtai de ricaner en pensant aux coups que j’avais faits.
Au bout d'un moment, je commençai même à lire des livres.
Enfin, je décidai d’arrêter cette vie de perdition et d’écrire l'histoire de ma vie.
Ma rédemption
J’étais respectée dans toute la prison. Les autres filles me craignaient. Elles me donnaient leur dessert.
L’une d’elle s’appelait Stella. Elle m’apprit à parler avec mon cœur. Nous rêvions de marcher ensemble dans la ville, en liberté.
- Tu sortiras d’ici avant moi, me disait-elle.
- Je préparerai tout pour notre vie, répondais-je. On aura notre frigo, des fenêtres sans barreaux, un chat.
La veille de ma sortie de prison, elle me prit la main. « Je sais que tu m’oublieras, me dit-elle, mais sache que tes yeux ont transformé ma vie ».
« Je ne t’oublierai pas », pensai-je dans ma tête.
L’amitié
Quand je sortis de prison, la lumière de la vie me stupéfia. Lors de mon procès, la société m’avait confisqué sans vergogne mes biens durement volés. Dépitée, je décidai de gagner ma vie honnêtement. Je trouvai un boulot dans un bar.
Le jour, je servais dans un restaurant des assiettes de fromage et des chocolats chauds à d’honnêtes gens.
La nuit, je me réfugiais dans ma piaule, au septième étage d’un immeuble. Par la fenêtre, les toits de la plus belle ville du monde m’apparaissaient éclairés par la lune. J’écrivais ma vie palpitante sur mon ordinateur. Je racontais tous mes coups, toutes mes planques, tous mes secrets, pour publier mes mémoires à titre posthume. Mon œuvre s’appelait : les Mémoires d'une voyouse.
Parfois je regrettais Coco. La vie est si facile quand on peut pointer son flingue sur les gens énervants ! Mais je pensais à Stella. Elle et moi, nous nous étions promis de devenir sages comme des images. Un jour, elle sortirait de prison… Alors la vie serait douce comme l'amitié.
FIN
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mardi, 15 octobre 2013
12 ans plus tard
Je n'y ai pensé qu'une seule fois. C'était il y a treize ans, dans l'avion petit qui m'emportait vers Helsinki. Il pleuvait, la pluie aspergeait le hublot et floutait l'image que j'avais des nuages. Il n'y avait plus personne autour de moi. L'hôte de l'air allait et venait, vaquait au service des autres passagers. J'étais si sage, je ne ressemblais à rien d'autre qu'un être humain qui ressemble à tous, sans rien de spécial, de dérangeant ou de charmant. Je partais peut-être pour toujours, pourtant au fond je savais que je reviendrais bientôt prendre la place terne que je tenais depuis si longtemps et dont la grisaille monotone, la sonnerie monocorde, annihilait mes émotions. Mort-vivante, comme tant d'entre vous ; jeune fille qui sait qu'elle a déjà renoncé aux grandes inondations. J'avais un peu peur dans la boite volante, pas trop. Un soda sans saveur, sans doute un sandwich, et j'y ai pensé. C'était une idée nouvelle et si évidente, qui me tentait, qui me paraissait à portée de main. Un instant, j'ai eu la vie devant moi. Une autre vie.
J'y songe aujourd'hui, aujourd'hui bien qu'il ne pleuve pas. Dehors, l'automne annonce les frimas à venir. La semaine dernière, la vigne-vierge était encore un peu verte. Elle est bordeaux, orange, rouge maintenant. Je repense à ce trajet Paris-Helsinki, aux battements de mon cœur, à l'idée qui passa, à l'atterrissage finalement, à Katharina et Manuel qui attendaient. À l'oubli d'un appel, au retour au pays, aux autres voyages à moitié bâclés. Qu'elle était belle, cette vie qui m'attendait. Mais je cherchais quelqu'un quelque part, c'est cette quête inassumée qui guidait mes pas là où je savais qu'il n'y avait rien.
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vendredi, 04 octobre 2013
Salve, regina
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samedi, 21 septembre 2013
Orso dort encore
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vendredi, 13 septembre 2013
Les romans vénéneux
Alceste Chapuys-Montlaville s'exprima sur les romans-feuilletons, à la Chambre des députés, le 13 juin 1843. Son discours moraliste ne manque pas d'honnêteté intellectuelle, notamment vis-à-vis de l'opposition politique.
Ce discours contre le roman populaire dégradant, ne fut pas isolé à cette époque et l'on peut lire La querelle du roman-feuilleton, de Lise Dumasy, ou encore l'article de la dormeuse blogue sur Frédéric Soulié, l'auteur à succès qu'on accusa d'avoir poussé ses lectrices au crime... par ses romans vénéneux.
"(...)
Nous ne le dissimulons pas, les âmes françaises tendent à s'amollir ; il est triste de le dire, mais, depuis quelque temps, on quitte les choses sérieuses pour les choses légères. Les œuvres d'une imagination sans règle et sans mesure, sont accueillies avec une ferveur marquée ; aussi l'avidité mercantile s'est-elle empressée de chercher par tous les moyens à les faire pénétrer dans les masses, afin de gagner de l'argent. La spéculation, messieurs, vous le savez, s'inquiète peu de la valeur morale des marchandises qu'elle vend, pourvu qu'elle ait un grand débit et qu'elle fasse bien ses affaires, peu lui importe si elle altère ou fortifie la santé publique. La spéculation est de par sa nature aveugle, insensible, elle vend de l'opium aux Chinois et des romans à la France.
Que voyons-nous, en effet, depuis quelque temps ? Une littérature nouvelle s'est emparée des esprits, on ne produit plus des ouvrages sérieux, honnêtes et utiles, on ne fait usage du talent qui vous a été donné par la Providence que pour composer des romans en feuilletons, dans lesquels abondent les tableaux les plus vifs, les expressions les plus passionnées, les situations les plus immorales, les principes les plus pervers.
Il semble qu'on se plaît à augmenter par de déplorables entraînements les dispositions de notre peuple à se laisser séduire et emporter par les élans de l'imagination, principal, brillant, mais dangereux attribut (quand il n'est pas réglé par le jugement) de notre nature française.
On en est arrivé à un point extrême où on ne respecte rien, ni la grammaire ni le bon goût littéraire, ni les mœurs ni la religion : même les secrets des ménages ont été répandus sur la place, non pas avec des noms supposés, mais avec des noms retournés, de sorte qu'il ne s'agissait que de rétablir les lettres dans leur ordre naturel, pour connaître les dates, les familles et les personnages.
On se moque agréablement et il faut le reconnaître, souvent avec une certaine grâce d'intelligence et une certaine fleur de langage, de tout ce qu'il y a de plus sacré et de plus religieux parmi les hommes et, chose inouïe, ce ne sont pas des jeunes gens et des littérateurs de pacotille qui se rendent coupables de ces faits, ce sont des hommes éminents par l'intelligence, déjà vieux d'âge et de renommée et qui n'ont pas à donner pour excuse leur inexpérience ou les difficultés de leur position.
Les effets de cette diffusion des mauvais romans et des pernicieuses doctrines se font sentir dans toutes les classes de la société. Il n'est pas une ville, pas un village, pas un salon, pas une taverne, où ils ne pénètrent et ne fassent de grands ravages dans les âmes.
Au lieu de vivre tout simplement suivant la vieille mode du genre humain sur le sol, au milieu des joies et des labeurs alternatifs de la vie réelle, on vit dans le monde idéal, on se berce d'illusions, on se repaît de chimères, chacun, après avoir bu à cette coupe parfumée, remplie des liqueurs les plus enivrantes, perd le sentiment et le goût de la réalité ; les effets de ce redoutable opium se révèlent bientôt. Alors on reçoit en songe les plus brillantes et les plus inconcevables fortunes, les fleurs, les femmes, les applaudissements, les richesses de toutes sortes pleuvent sur la tête du patient, qui prend en pitié sa situation réelle, qui se met à mépriser l'habit, l'outil, le cabinet, l'étude, la maison de son père, et n'aspire plus qu'à quitter son modeste patrimoine, pour aller se précipiter dans les hasards et dans les flammes des grandes villes, où il rencontre, pour achever sa perte, des fêtes que je ne qualifierai pas et des théâtres dont la licence est proverbiale.
Certes, ce n'est pas à l'opposition que le pays peut attribuer un pareil désordre, car non seulement elle gémit des causes qui le produisent, mais elle donne elle-même l'exemple de la retenue. L'organe le plus avancé de la cause démocratique, le National, et je le dis à son grand honneur, a toujours refusé d'admettre dans ses colonnes les romans de l'espèce dont je parle.
Quelle est au contraire la feuille qui a publié le roman le plus détestable, où les doctrines les plus saintes, les plus nécessaires à la société étaient foulées au pied, avec un cynisme révoltant ; c'est le journal officiel du gouvernement, c'est le Messager.
(…)"
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jeudi, 12 septembre 2013
Ange - de l'abandon des chiens
Les abandons de chiens ne sont pas rares et se ressemblent. Le chiot grandit parmi des êtres humains ; il apprend à aimer ces êtres bizarres qui se tiennent debout sur leurs pattes arrière. Un jour, les humains énervés par une bêtise décident d’en finir avec cet aboyeur gênant. Ils le portent à un refuge ou l’attachent à un arbre sur le bord de la route. Le cœur du chien s’emplit de tristesse.
La suite de l’histoire est incertaine. Certains chiens passent toute leur vie dans un chenil. D’autres sont tués. D’autres rencontrent de nouveaux humains qui essaient de les consoler.
Ce chien-là s’appelait Ange. Au bord d’une route, le père l’avait attaché à un poteau électrique, pendant que la mère distrayait les enfants pour qu’ils ne se s’aperçoivent de rien. La voiture était repartie en trombe, et Ange était resté attaché.
Pendant trente jours et trente nuits, les enfants demandèrent où leur ami avait disparu. On leur dit qu’il s’était enfui parce qu’il était tombé amoureux. Mais ils ne le crurent pas. On leur dit qu’il avait trouvé un copain. Mais ils ne le crurent pas. On leur dit que s’ils continuaient à demander, ils recevraient une bonne torgnole.
Ils le crurent.
Après avoir hurlé jusqu’au fond de la nuit, Ange s’écroula de fatigue au pied du poteau, dans le froid de la nuit automnale. Il s’endormit.
Au petit matin, il réussit à détacher la laisse du poteau. Il était seul, au bord de la route déserte : aucun humain, aucune bête ne passait aux alentours. Il s’élança en courant sur la route.
Il partit dans la direction qu’avait prit la voiture de sa famille bien aimée. Son corps, son cœur et son esprit s’accrochaient à cette idée : retrouver ses humains. Peu importait si leur cruauté lui donnait une douleur insupportable.
A bout de souffle, le corps meurtri, il courut sur le bord de l’autoroute depuis l’aube jusqu’au soir.
Au bout de cette course effrénée, il aperçut quelque chose de magnifique dans le ciel lointain. C’était le soleil, qui voulait se coucher, et s’installait confortablement sur l’horizon. Une tâche rouge traversa l’astre fatigué, comme un sourire, et Ange crut que le soleil l'invitait à venir dormir auprès de lui. Ému, il reprit une dernière fois son souffle, et courut vers ce grand frère jaune. L’horizon ressemblait à un lit, douillet et moelleux. Ange se dépêchait, et songeait que lorsqu’il serait au creux de ce lit, tout au bout du ciel, il pourrait boire un peu d’océan et manger des nuages. Il courut de plus en plus vite, chargé d’espoir.
Quand il vit qu’un grand chien attendait dans le soleil, et frétillait de la queue en le voyant venir, prêt à jouer, il sentit une joie chaude envahir son cœur. Cela lui donna des ailes, à lui qui courait depuis l’aube.
Heureux, dans un dernier élan, Ange plongea dans le soleil.
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dimanche, 01 septembre 2013
Ton rêve, lorsque tu penses à celles, à ceux qui dormaient dans ses bras avant toi
Damien :
Toutes ces femmes, toutes ces femmes, toutes ces femmes flottent autour de toi quand tu marches sur la place qui s'étend vers le Sud de la ville. Et tous ces chiens, ces chiens, ces chiens qui dorment de l'autre côté de ton regard, as-tu prononcé leurs noms ? Tu vieillis, tu vieillis, tu vieillis, autour de tes yeux et sur le bord des lèvres il est écrit que tu vieillis. Tu dors, tu dors un peu et je m'endors au fond de mes propres yeux - où sont l'écaille et le hasard fiévreux ? Le hasard qui nous avait tendu les mains, les bras, plus loin que le coin des gens heureux.
Électre :
Ressembler aux hommes et aux femmes qui m'avaient donné du feu, à Pornichet. Ils ressemblaient à un rêve et ils souriaient comme des frères. Ils avaient l'habit des princes et ils m'invitaient à aller avec eux. Ils me laissaient libres. Ils me laissaient partir si j'étais différente, pas assez libre, pas assez prête, pas assez d'accord.
Je suis partie et je le regrette. Je ne pense pas à ceux qu'ils avaient étreint avant. Je pense à ceux et celles qui ont eu la chance d'être étreints après. Après que je n'aie pas osé rester.
Marc :
L'influence de l'imaginaire sur la voix, sur la peau, sur la vue, l'ouïe, l'odorat ; sur la détente et l'énergie ; sur le rire, les gestes, sur la qualité des silences et sur celle des caresses : l'influence de cet imaginaire est trop grande pour que je me laisse aller à imaginer les autres hommes de sa vie.
Édith :
Je me dis qu'elles étaient belles, chaudes, denses, ensoleillées ou peut-être, parfois, nocturnes dans leurs voix ombrées, au fond de leurs films noirs, avec leurs mains expertes, et je bois du rhum.
Alexandre :
Je veux tout savoir et j'insiste pour tout entendre, tout comprendre, tout refaire comme ils avaient fait.
Délia :
Ne rien savoir. Ne rien penser. Agir. Tout lui faire oublier.
Laure :
Ce n'est pas un rêve, c'est un cauchemar.
K :
J'y peux rien. Moi aussi j'ai eu mes amours fauves.
Manuel :
Je les compte et je me compare !
Antoine :
Rien à foutre.
Florence C :
Je suis la seule, l'unique, la première et la dernière.
(Sur une idée de K.)
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vendredi, 30 août 2013
Metal Girl
AlmaSoror se résout à publier la lettre de Val Morning à L.T., presque dix ans après...
"Vous, vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne".
Nous ne jugeons rien. Qu'elles reposent en paix.
Metal Girl (Val Morning)
To L.T
Metal girl,
Where are gone
The blue insistences
That
At childhood times
Tore
The vault of heaven
And flew over
The crystal Acropol
Where we were exiled ?
(Is childhood still your refuge
When Europe is blue ?)
Only us
Could see them,
For we had touched
Elsewhere's dreams
With our little satin-fingers.
Alas !
Bird-City
Ran away,
And I look for
The alchemy of chromosoms
That lets
The way to the other side of the world
Open.
Is Childhood still your refuge
When Europe is blue ?
Galaxies let us down ;
They pursue their spherical cycles,
With the lack of concern
Of the adolescents
Who will never wake up old.
I know that you know
That youth is inscribed in us
Like the past lives are
In the stones
Of faraway
Immaculate
Mountains.
Is childhood still your refuge
When Europe is blue ?
But we must bear this moving mask
Earthy life imposes,
And which will turn and crumble
In Dust,
In alluvium.
We were exclusively built
For the beauty of elusive things ;
We've been imposed
The glaring uglyness
Of garish reality.
Opium and smoke,
Alcohols and words
Are sweet shores...
But me,
I still wait for
The return
Of the big flying vessel.
Metal girl
I have become a motels girl
While you married
And settled.
Do you remember
The dangerous games and crazyness ?
My body grew up
And opium
Came
Instead of candies and stories.
But nothing has changed.
Nothing...
Is childhood still your refuge
When Europe is blue ?
Val Morning (R.I.P.)
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samedi, 24 août 2013
Prières pour la ville atlante
Par Hanno Buddenbrook
Traduction d'Edith de Cornulier-Lucinière
Préface de la traductrice
A l'heure où je traduisais ces poèmes suspendus entre ville et rêve, Hanno Buddenbrook était encore vivant.
J'enseignais alors le hawaiien et l'allemand à l'université des Pierres Emmurées de Saint Jean en Ville. Je devais participer à des colloques et à des fêtes intellectuelles organisés par le comité spirituel de la ville, qui tenait à sa réputation mondiale de Paradis intellectuel. A mes heures libres, je traduisais les poèmes de Hanno Buddenbrook. Depuis le balcon où je cherchais la correspondance des mots, j'entendais le flot monotone de la rivière, le bruissement sempiternel des feuilles au dessus d'elle, recouvert parfois par la musique du théâtre musical des Colonnes San Marco. Le rythme de ma vie d'alors effaçait les arcanes familiales qui avaient tant obscurci ma jeunesse. Tous mes amis étaient orphelins. N'ayant rien à dire d'eux mêmes, il savaient écouter le bruit des nuages et l'amour des oiseaux. N'ayant rien à sauver ils sauvaient l'art et le monde et nous échangions des idées sans penser à la mode et à l'argent. Hanno Buddenbrook se mourait à des lieues de là, sans que je puisse le rejoindre, le passage entre nos deux villes étant interdit. Je lui consacrai mon temps libre et le savais heureux de savoir son œuvre entre des mains emplies de vénération. Nous buvions des coquetels si bons et chaleureux que j'avais l'impression de flotter au dessus de la vie et supportais ainsi la triste fadeur de mes confrères universitaires et de mes étudiants. C'était ma vie d'alors, à cette époque étrange où personne n'aurait su dire qui dirigeait le pays et quelles en étaient les bornes. Comme il faisait bon ignorer la marche du monde ! Je n'avais que l'alcool noyé de fruits, la poésie et les longues marches à l'autre bout de Saint Jean en Ville, dont l'avenue bordée d'arcades rappelait le temps de l'Amérique du Sud coloniale. C'est dans cet esprit que j'ai traduit ces prières pour la ville atlante, prières païennes, certes, mais d'un paganisme post-chrétien. Je ne veux retoucher ces traductions ; un autre que moi, peut-être, dans l'incertitude d'un présent à venir, cherchera à mieux rendre dans notre langue, cette langue Buddenbrookienne qui demeure, depuis sa mort, l'unique présence de son auteur parmi nous. Une présence surannée, certes, mais vivante, et qui ressuscite, au détour d'une phrase, un monde que nous détestions autant que nous le regrettons aujourd'hui.
Édith de Cornulier-Lucinière, demi-Fructôse de l'an 2044, après la moisson
Prières pour la ville atlante
Par Hanno Buddenbrook
I Apache
Apache ! Tu danses au-dessus des villes. Comme Christ, tu marches sur les eaux vives et tu meurs loin des eaux dormantes. Des chiens sont tes amis, des amis te servent la soupe du soir. Personne ne t'aime assez pour cesser de te craindre. Chacun t'admire trop pour souhaiter ta mort. Tu domines sans pouvoir, ta puissance lumineuse ne touche jamais aux vies des autres. Tu es Mystique.
II Poussière
L'électrorayon du soleil orange et rouge t'attrape et t'emprisonne. La ville a froid dans cet après-midi de fin du monde. Aucun poète n'a le droit de vivre aux yeux des cités paresseuses, qui construisent, édifient, érigent, pour fuir le temps du rêve. Nos sciences fracassées par les somnifères n'éclosent plus à Insomniapolis. Nos églises sont vides de Dieu. Les rues pressées voient passer les errants, les clochards, les bêtes abandonnées, les enfants livrés à leurs jeux de bagarre. Il n'y a plus que quelques solitudes pour aller chercher la réponse au bord du fleuve. Le fleuve, qui charrie vos idées et vos déchets, n'a pas oublié les poissons de l'autre monde, les êtres des autres villes, celles que l'océan a recouvert il y a des milliers d'années.
III Ferraille
Fer et sang, feu, métal, acier, plastic aussi, qui demeurent vaillants sans rouiller au-dessus des ponts. Carcasses de voitures et de machines dont on ne sait plus l'utilité, squelettes d'immeubles et béton fondu des routes, les rats vous ont élu pour cathédrales de leurs messes sans Nom. Ils vivent de vos émanations et se repaissent en vos formes avachies. Vos lumières les bercent, vos ombres les rafraîchissent et le son que leurs pattes émettent en vous parcourant sont la musique de leurs hymnes. Où sont les êtres humains ? Partis : ils construisent ailleurs la future ville des rats.
IV Désert
Où les arbres ne poussent plus, cela s'appelle le désert, disaient les livres de géographie. Et les enfants sages marchaient dans les grands magasins peuplés de grandes personnes, persuadés qu'ils parcouraient le Sahara.
V Magie
La musique renaît. Pierres se rencontrant dans l'espace, souffle des animaux préhistoriques, amoureux au fond des lits, enfances courant dans les rues, notes de trompettes et de métalophones tombant comme la pluie sur les vitres et les dalles : la magie éclot dans la musique. C'est le début du monde. Le monde est mort. Les enfants sont venus.
Hanno Buddenbrook,
Editions du Soleil, 2025
(D'Hanno Buddenbrook et sur AlmaSoror, vous pourrez lire aussi Le Châtiment...)
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jeudi, 22 août 2013
Bioenfance
AlmaSoror vous invite, si vous en éprouvez le désir et si vous y êtes prêt, à pénétrer dans un texte intitulé bioenfance, écrit le jeudi 22 aout avant 10h29 du matin à Paris, dans une chambre au fond d'une cour du boulevard du Montparnasse.
Donzac, par L.B.
Surtout ne pas succomber aux premières saveurs, froides, à leurs effluves légèrement analgésants, comme rescapés d'un crash mental, mais qui escorte le plus aérien des massages : le doigté pulpé. Vous êtes arrivé à bord de la Mésange, vaisseau de verre en forme d'oiseau blessé dessiné par un enfant malade, qui trace des parachutes depuis dix ans sur de grandes feuilles blanches qui râlent quand on les brûle. Exterminons d'emblée les scories qui hérisseraient les cheveux de tout lecteur estampillé normal : traces noires, fumées grises se désintègrent, sous l'intense activité d'un aérosol futuriste. Vous pouvez vous installer confortablement dans les volutes sonores naissantes. Pourtant, ce voyage ne vous transportera dans nulle contrée réelle, et encore moins au bout d'un songe désincarné à des fins commerciales. Il ne s'agit que d'un caprice hémiplégique, qui ouvrira l'album de l'innocence que vous aviez délaissé depuis longtemps. La première fois que votre corps se souviendra d'un temps où le temps construisait vos forces au lieu de les manger. Le phénix et le sphinx accompagnés de leur mère, petits jumeaux terribles accrochés aux bas résille d'une femme fatale, marchent parmi les paysages nus et vierges vers la maison symbolique où la mémoire dissimulée lance des rappels indistincts à intervalles réguliers. Du repas fantôme sur la table – face à la télévision qui envoie ses ondes périmées – et de tous ces arbres sans racines – bouleaux sans feuilles, érables débranchés – émane la fragilité dont vous aurez besoin pour respirer. Si vous bavez un peu, votre salive ira irriguer les troncs de l'être végétal du centre. Bouleversées, soudainement bizarres, vos mains intuitivement trieront les équations propres et les noms ésotériques. Cendres = (vers la gauche + cymbales) – Orages x [(principe + principes) – bolchevisme émotionnel]. Vous suivez le flux des calculs simples, imparables, et beaux. La préméditation discrète de votre cœur qui veut battre autrement descend dans la vallée profonde, à moitié engloutie. La réalité du jour dévide les poussières du studio où l'âme bien rangée végète : « Tu diras comment les câbles ont enroulé leur étreinte plastique autour des joies naïves, où l'ancienne utopie filtrait ses effets convulsifs », précise le guide, conscient des légendes aux ondes closes et de leur instant latent, étanche et imperméable. Émotionnelle d'abord, votre âme comme un serpent descend l'ascenseur du monde, s’habitue lentement au contraste, s'approche des éclairages et températures du cortex. Sur ces plages, où le reflet irréel des pensées aquarélise le sable, le cercle trompeur du soleil assombrit la lune amniotique qui dissimule l'androphage visage de la candeur. L'enfant qui peint préside à l'écriture du ciel, et dans votre somnolence au cours de ce voyage sans teint, le bourdonnement de vos oreilles lancine le chant répétitif des rails. Solitaire visité par la couleur amie, vos doutes additionnels baignent un art déroutant du souvenir. Le précieux Kevin, saint d'Irlande échoué sur les rives d'une France mythique, mixe l'étape finale de la nébuleuse cyborg-symphonie. Ce safari sensoriel vous met en orbite d'un rêve fameux pour un destin satellitaire sans lendemain.
Édith, d'après Bio
Orteaux, par Laurence Bordenave
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