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jeudi, 15 août 2013

La flûte de bronze

 marie de la roche  saint-­andré,jeune littérature

Voici un conte de la plus jeune contributrice du blog d'AlmaSoror.
D'elle, AlmaSoror avait déjà publié Le pommier d'argent. 


Il  était  une  fois,  dans  le  plus  grand  des  pays  lointains, 
Un  jeune  berger,  dont  le  visage  rieur  enchantait  les  plus  nobles  dames, 
Dont  les  beaux  yeux  bleus,  faisaient  rêver  les  plus  souillons  du  pays, 
Et  dont  les  cheveux  blonds  du  champs  de  blés  rendaient  jaloux  les  plus  beaux  princes. 
Notre  Apollon,  se  nommait  André,  ou  plutôt  André  comme  les  blés,  

 

Ses  chers  parents  l’avaient  appelé  ainsi  car  il  était  né  à  la  saison  des  moissons, 
André  avait  une  sœur,  celle-­‐ci  se  nommait  Nicolette, 
On  l’appelait  Brunette  à  cause  de  ses  cheveux  bruns  couleur  charbon, 
On  l’appelait  Noisette  à  cause  de  ses  yeux  marron  couleur  chocolat, 
Mais  on  ne  l’appelait  guère  princesse  même  avec  son  visage  de  reine.  

 

Nicolette  avait  les  durs  travaux  ménagers,  André  les  moutons  à  garder, 
Nicolette  ne  pouvait  toucher  le  chaud  pain  du  dimanche,  quand    André   
Pouvait  croquer  à  loisirs  dans  la  mie  chaude. 
Mais  un  jour  alors  qu’André  gardait  ses  moutons  une  lueur  éblouissante  surgit  de  nulle  part, 
et  là,  une  femme  toucha  le  sol  aussi  légèrement  qu’une  plume,  elle  s’arrêta  regarda  autour  puis  posa  les  yeux  sur  André, 
Là,  elle  tendit  la  main,  agita  sa  baguette  (car  elle  était  fée)  et  une  petite  flûte  de  bronze  se posa  sur  sa  main.  

 

Puis  d’une  voix  étrangement  douce  elle  dit  «  André,  prend  cette  flûte,  chaque  fois  que  tu  verras  le  mal,  souffle  dedans.  » 
André  tout  surpris,  rentra  au  village. 
Sur  le  chemin,  il  vit  un  homme  se  disputant  un  bel  âne  avec  son  voisin,  André  porta  la  flûte
à  ses  lèvres  et  une  douce  mélodie  tinta  aux  oreilles  des  deux  hommes  ils  s’arrêtèrent  et
l’âne  partit  en  brayant  :  «  Merci,  merci,  je  ne  l’oublierai  pas  »    

 

Il  continua  son  chemin  et  vit  un  garçon  tirant  sur  les  ailes  d’un  merle, 
Vite  il  porta  la  flûte  à  ses  lèvres,  et  le  garçon  s’en  fut,  l’oiseau  s’envola  à  tire  d’aile  en  piaillant  :  «    Je  ne  l’oublierai  pas,  c’est  promis.  » 
Alors  qu’il  s’approchait  de  sa  maison  il  vit  une  femme  frappant    son  chien, 
Comme  pour  l’âne  et  le  merle,  André  souffla  dans  sa  flûte  et  la  femme  partit 
Pétrir  son  pain.    

 

Le  chien  aboya  alors  :  «  Ouaf,  ouaf,  je  ne  l’oublierai  pas  ! » 
Il  arriva  enfin  devant  la  petite  cabane  qui  leur  servait  de  maison. 
On  entendait  des  sanglots  répétitifs  comme  toujours,  mais  d’ordinaire, 
André  n’entendait  pas  les  pleurs  et  les  sanglots  de  cette  sœur  chérie. 
Le  cœur  d’André  bouillonnait  de  rage  de  voir  ainsi  sa  sœur  souffrir  !   

 

Il  souffla  de  tout  son  cœur  et  de  toute  son  âme  dans  sa  flûte,  et  là  surgît  d’entre  les  bois,  Le  bel  âne  qu’il  avait  sauvé,  et  là  surgît  d’entre  les  bois, 
Le  petit  merle  qu’il  avait  sauvé,  et  là  surgît  d’entre  les  bois, 
Le  loyal  chien  qu’il  avait  sauvé. 
Et  tous  trois  alors  dirent  :  «  Que  nous  veux-­‐tu,  dis  et  nous  ferons  ! »  

 

Alors  André  leur  ordonna  : 
Toi  l’âne,  va  porter  Nicolette  en  quelque  merveilleux  pays  !
Toi  le  chien,  va  protéger  Nicolette    partout  où  elle  ira  !
Toi  le  merle,  va  distraire  Nicolette  quand  elle  le  voudra  !
Et  jamais  ne  l’abandonnez,  quelle  soit  toujours  heureuse  !

 

L’âne,  le  chien  et  le  merle  s’exécutèrent  et  Nicolette  fût  toujours  heureuse, 
Et  si  vous  voyiez  passer  par  là  cet  étrange  cortège, 
Rappelez-­‐vous  bien  de  mon  histoire.  

 

Marie de La Roche  Saint-­André 

 

De cette auteure, AlmaSoror avait déjà publié Le pommier d'argent

 

mardi, 13 août 2013

Militants radicaux des deux extrémités du centre

 1974.LaGrostie_re.Tovaritch.jpg

AlmaSoror avait déjà présenté quelques Affiches des deux bouts de la politique, fasciné(e) par la percutance des graphismes au service de mouvements radicalement militants. Le graphisme de la rébellion, en quelque sorte, la puissance visuelle du côté gauche comme du côté droit des dits "extrêmes".

1974.Israel.Marche_1.jpg

Voici maintenant deux textes, émanant de deux groupes.

L'un, le "groupe de Tarnac", comme les médias l'ont appelé, anarchistes d'extrême-gauche inspirés du situationnisme. Accusés par un gouvernement de droite d'avoir décroché des caténaires de la SNCF et ralenti le trafic de nombreux trains durant de longues heures, ses membres ont été arrêtés par les meilleurs services de police français, gardés à vue le temps imparti aux dangereux terroristes, incarcérés pour certains. Nous présentons l'entrevue que Julien Coupat a donné aux journalistes du Monde, alors qu'il était en détention. (Les prisonniers ont été libérés et le dossier semble abandonné).

L'autre groupe, Génération identitaire, s'est illustré par deux actions pacifiques, ressemblant aux actions des Sans-papiers ou des Femen : ils sont montés sur la mosquée de Poitiers en protestation contre l'islamisation de la France et l'immigration de masse ; ils sont montés sur le toit du quartier général du parti socialiste aujourd'hui au gouvernement. Les membres ont été poursuivis par la justice et sévèrement punis par comparaison avec d'autres d'actions du même type, commises au service d'autres causes. Ce groupe "Génération identitaire" vient de publier, sur son site, un texte intitulé "Déclaration de guerre".

Nous reproduisons ces deux textes, l'entrevue avec Julien Coupat et la Déclaration de Génération identitaire, avec l'idée que, d'une part, bien souvent, on n'écoute ces gens que par le biais des médias, qui nous expliquent en même temps ce qu'il faut en penser ; d'autre part, on les oppose de façon catégorique puisqu'ils sont issus des extrêmes opposés, les uns internationalistes de gauche, les autres identitaires, alors que bien des aspects les rassemblent, notamment : une certaine clarté du langage, une absence de peur vis-à-vis de l'opprobre sociale, un conflit ouvert contre tous les pouvoirs et contre-pouvoirs en place, et la certitude tranquille qu'en dépit de leur petit nombre, ils finiront par gagner le pays à leur cause. Et, peut-être, cette petite chose à laquelle le Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand ne voulait pour rien au monde renoncer :

- Oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J'emporte malgré vous,
Et c'est...
- C'est ?...
- Mon panache.

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 Le Monde : (25 mai 2009)

"Voici les réponses aux questions que nous avons posées par écrit à Julien Coupat. Mis en examen le 15 novembre 2008 pour "terrorisme" avec huit autres personnes interpellées à Tarnac (Corrèze) et Paris, il est soupçonné d'avoir saboté des caténaires SNCF. Il est le dernier à être toujours incarcéré. (Il a demandé que certains mots soient en italique.)"

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?

Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau milieu d'un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans une de leurs "prisons du peuple" en nous assommant de questions où l'absurde le disputait à l'obscène.

Celui qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des "services", là-haut, où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité.

Les sabotages sur les caténaires SNCF en France ont été revendiqués en Allemagne. Qu'en dites-vous?

Au moment de notre arrestation, la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu'elle voudrait nous attribuer, d'autres attaques survenues simultanément en Allemagne. Ce tract présente de nombreux inconvénients : il est posté depuis Hanovre, rédigé en allemand et envoyé à des journaux d'outre-Rhin exclusivement, mais surtout il ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l'attaque au cœur de l'Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public.

Il est vrai que le sabotage des lignes de train y perd beaucoup de son aura de mystère : il s'agissait simplement de protester contre le transport vers l'Allemagne par voie ferroviaire de déchets nucléaires ultraradioactifs et de dénoncer au passage la grande arnaque de "la crise". Le communiqué se conclut par un très SNCF "nous remercions les voyageurs des trains concernés de leur compréhension". Quel tact, tout de même, chez ces "terroristes"!

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de "mouvance anarcho-autonome" et d'"ultragauche"?

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n'a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l'importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s'imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les "anarcho-autonomes". On leur prêtait, pour commencer, l'organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le "triomphe électoral" du nouveau président.

Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.

Il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se reconnaître "anarcho-autonome" ni que l'ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de marxologie. Au reste, la récente fortune du terme "ultragauche" qui a permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache ce que fut l'ultragauche, ni même qu'elle ait jamais existé.

A ce point, et en prévision des débordements qui ne peuvent que se systématiser face aux provocations d'une oligarchie mondiale et française aux abois, l'utilité policière de ces catégories ne devrait bientôt plus souffrir de débats. On ne saurait prédire, cependant, lequel d'"anarcho-autonome" ou d'"ultragauche" emportera finalement les faveurs du Spectacle, afin de reléguer dans l'inexplicable une révolte que tout justifie.

La police vous considère comme le chef d'un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu'en pensez-vous?

Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le point de basculer dans le néant.

Que signifie pour vous le mot terrorisme?

Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d'expliquer non plus la soudaine transmutation du "terroriste" en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d'Evian, en policier irakien ou en "taliban modéré" de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d'avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s'exécutera avec promptitude. Qui n'étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – "terroristes" devenus l'un premier ministre d'Israël, l'autre président de l'Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Le flou qui entoure la qualification de "terrorisme", l'impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l'on peut, elle, très bien définir : l'antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L'antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite "psychologique", pour rester poli.

L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. Il s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance, d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l'"action psychologique", de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la "menace subversive" en associant, au sein de la population, l'ennemi intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur.

L'essentiel, dans la guerre moderne, est cette "bataille des cœurs et des esprits" où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. "La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l'arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu'une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l'effort de guerre de la façon la plus discrète possible", conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

Une fois n'est pas coutume, dans notre cas, l'antiterrorisme a fait un four. On n'est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée "raisonnable" est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l'échec; comme est compréhensible l'acharnement un peu mesquin des "services", depuis le 11 novembre, à nous prêter par voie de presse les méfaits les plus fantasques, ou à filocher le moindre de nos camarades. Combien cette logique de représailles a d'emprise sur l'institution policière, et sur le petit cœur des juges, voilà ce qu'auront eu le mérite de révéler, ces derniers temps, les arrestations cadencées des "proches de Julien Coupat".

Il faut dire que certains jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière, comme Alain Bauer [criminologue], d'autres le lancement de leurs nouveaux services, comme le pauvre M. Squarcini [directeur central du renseignement intérieur], d'autres encore la crédibilité qu'ils n'ont jamais eue et qu'ils n'auront jamais, comme Michèle Alliot-Marie.

Vous êtes issu d'un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction...

"Il y a de la plèbe dans toutes les classes" (Hegel).

Pourquoi Tarnac?

Allez-y, vous comprendrez. Si vous ne comprenez pas, nul ne pourra vous l'expliquer, je le crains.

Vous définissez-vous comme un intellectuel? Un philosophe ?

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon entend déjà la parole d'Héraclite comme échappée d'un monde révolu. A l'heure de l'intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait spécifier "l'intellectuel", sinon l'étendue du fossé qui sépare, chez lui, la faculté de penser de l'aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

Etes-vous l'auteur du livre L'insurrection qui vient ?

C'est l'aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé intégralement au dossier d'instruction, des interrogatoires où l'on essaie de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L'insurrection qui vient, que vous manifestez comme le préconise L'insurrection qui vient, que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d'Etat bolchevique d'octobre 1917, puisqu'il est mentionné dans L'insurrection qui vient, un éditeur convoqué par les services antiterroristes.

De mémoire française, il ne s'était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d'un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient.

Ce qui fonde l'accusation de terrorisme, nous concernant, c'est le soupçon de la coïncidence d'une pensée et d'une vie; ce qui fait l'association de malfaiteurs, c'est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l'héroïsme individuel, mais serait l'objet d'une attention commune. Négativement, cela signifie que l'on ne suspecte aucun de ceux qui signent de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en pratique la moindre de leurs fermes résolutions; l'injure est de taille. Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de L'insurrection qui vient – et toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère essentiellement policier de la fonction auteur.

J'en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai mieux compris la hargne hystérique que l'on met, en haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre, c'est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai, et ne cesse de s'avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s'avère, sous les dehors d'une "crise économique", d'un "effondrement de la confiance", d'un "rejet massif des classes dirigeantes", c'est bien la fin d'une civilisation, l'implosion d'un paradigme : celui du gouvernement, qui réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que l'ordre politique, la religion ou l'organisation des entreprises. Il y a, à tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n'offrira de remède.

Ce n'est pas en nous transperçant de peines de prison, de surveillance tatillonne, de contrôles judiciaires, et d'interdictions de communiquer au motif que nous serions les auteurs de ce constat lucide, que l'on fera s'évanouir ce qui est constaté. Le propre des vérités est d'échapper, à peine énoncées, à ceux qui les formulent. Gouvernants, il ne vous aura servi de rien de nous assigner en justice, tout au contraire.

Vous lisez "Surveiller et punir" de Michel Foucault. Cette analyse vous paraît-elle encore pertinente?

La prison est bien le sale petit secret de la société française, la clé, et non la marge des rapports sociaux les plus présentables. Ce qui se concentre ici en un tout compact, ce n'est pas un tas de barbares ensauvagés comme on se plaît à le faire croire, mais bien l'ensemble des disciplines qui trament, au-dehors, l'existence dite "normale". Surveillants, cantine, parties de foot dans la cour, emploi du temps, divisions, camaraderie, baston, laideur des architectures : il faut avoir séjourné en prison pour prendre la pleine mesure de ce que l'école, l'innocente école de la République, contient, par exemple, de carcéral.

Envisagée sous cet angle imprenable, ce n'est pas la prison qui serait un repaire pour les ratés de la société, mais la société présente qui fait l'effet d'une prison ratée. La même organisation de la séparation, la même administration de la misère par le shit, la télé, le sport, et le porno règne partout ailleurs avec certes moins de méthode. Pour finir, ces hauts murs ne dérobent aux regards que cette vérité d'une banalité explosive : ce sont des vies et des âmes en tout point semblables qui se traînent de part et d'autre des barbelés et à cause d'eux.

Si l'on traque avec tant d'avidité les témoignages "de l'intérieur" qui exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c'est pour mieux occulter le secret qu'elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos gestes.

Toute l'indignation vertueuse qui entoure la noirceur des geôles françaises et leurs suicides à répétition, toute la grossière contre-propagande de l'administration pénitentiaire qui met en scène pour les caméras des matons dévoués au bien-être du détenu et des directeurs de tôle soucieux du "sens de la peine", bref : tout ce débat sur l'horreur de l'incarcération et la nécessaire humanisation de la détention est vieux comme la prison. Il fait même partie de son efficace, permettant de combiner la terreur qu'elle doit inspirer avec son hypocrite statut de châtiment "civilisé". Le petit système d'espionnage, d'humiliation et de ravage que l'Etat français dispose plus fanatiquement qu'aucun autre en Europe autour du détenu n'est même pas scandaleux. L'Etat le paie chaque jour au centuple dans ses banlieues, et ce n'est de toute évidence qu'un début : la vengeance est l'hygiène de la plèbe.

Mais la plus remarquable imposture du système judiciaro-pénitentiaire consiste certainement à prétendre qu'il serait là pour punir les criminels quand il ne fait que gérer les illégalismes. N'importe quel patron – et pas seulement celui de Total –, n'importe quel président de conseil général – et pas seulement celui des Hauts-de-Seine–, n'importe quel flic sait ce qu'il faut d'illégalismes pour exercer correctement son métier. Le chaos des lois est tel, de nos jours, que l'on fait bien de ne pas trop chercher à les faire respecter et les stups, eux aussi, font bien de seulement réguler le trafic, et non de le réprimer, ce qui serait socialement et politiquement suicidaire.

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire, entre le légal et l'illégal, entre les innocents et les criminels, mais entre les criminels que l'on juge opportun de poursuivre et ceux qu'on laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n'est pas à ce à quoi vous condamne la justice : la peine, c'est la justice elle-même, il n'est donc pas question pour mes camarades et moi de "clamer notre innocence", ainsi que la presse s'est rituellement laissée aller à l'écrire, mais de mettre en déroute l'hasardeuse offensive politique que constitue toute cette infecte procédure. Voilà quelques-unes des conclusions auxquelles l'esprit est porté à relire Surveiller et punir depuis la Santé. On ne saurait trop suggérer, au vu de ce que les Foucaliens font, depuis vingt ans, des travaux de Foucault, de les expédier en pension, quelque temps, par ici.

Comment analysez-vous ce qui vous arrive?

Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure judiciaire "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n'y a pas d'"affaire de Tarnac" pas plus que d'"affaire Coupat", ou d'"affaire Hazan" [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

Ce qu'il y a, c'est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d'un paradigme de gouvernement à un paradigme de l'habiter au prix d'une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s'instaurer, à l'échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d'une gestion "décomplexée", une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s'est jamais vu qu'une classe dominante se suicide de bon cœur.

La révolte a des conditions, elle n'a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l'Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d'opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu'un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n'a aucun titre à exister et mérite seulement d'être mis à bas ? C'est une affaire de sensibilité.

La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage.

Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Caroline Monnot

Israël, Palestine, Tarnac, groupe de Tarnac, Julien Coupat, Génération identitaire, Le monde, Caroline Monnot, affiches politiques, immigration, gauche, droite, militants extrémistes, SOS Racisme, chômage, dette sociale, cyrano de BErgerac, Edmond Rostand, racisme anti-blanc, SNCF, Isabelle Mandraud, Mazarin, neuroleptiques, affaire coupat, michel foucault, surveiller et punir, l'insurrection qui vient, mosquée de poitiers, solférino, antiterrorisme, DST, attentats, prix nobel de la paix, clairoix, cités

Voici maintenant la "déclaration" du groupe Génération Identitaire :

Déclaration de guerre

(2013)

Nous sommes la GENERATION IDENTITAIRE.

 

« Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

Notre seul héritage c’est notre terre, notre sang, notre identité. Nous sommes les héritiers de notre destin.
Nous avons éteint la télévision pour descendre à nouveau dans la rue. Nous avons peint nos slogans sur les murs, scandé « la Jeunesse au pouvoir » dans nos mégaphones, brandi bien haut nos drapeaux frappés du lambda. Ce lambda qui ornait le bouclier des glorieux Spartiates est notre symbole. Vous ne comprenez pas ce qu’il représente ? Il signifie que nous ne reculerons pas, que nous ne renoncerons pas. Lassés de toutes vos lâchetés, nous ne refuserons aucune bataille, aucun défi.

Vous êtes les Trente Glorieuses, les retraites par répartition, SOS Racisme, la « diversité », le regroupement familial, la liberté sexuelle et les sacs de riz de Bernard Kouchner. Nous sommes 25% de chômage, la dette sociale, l’explosion de la société multiculturelle, le racisme anti-blanc, les familles éclatées, et un jeune soldat français qui meurt en Afghanistan.
Vous ne nous aurez pas avec un regard condescendant, des emplois-jeunes et une tape sur l’épaule : pour nous, la vie est un combat.
Nous n’avons pas besoin de votre politique de la jeunesse. La jeunesse est notre politique.

Ne vous méprenez pas : ce texte n’est pas un simple manifeste, c’est une déclaration de guerre.

Nous sommes demain, vous êtes hier. Nous sommes la Génération Identitaire ».

Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

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Nous sommes la GÉNÉRATION IDENTITAIRE

Nous sommes la génération de ceux qui meurent pour un regard de travers, une cigarette refusée ou un style qui dérange.

Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre-ensemble, du métissage imposé.

Nous sommes la génération de la double-peine : condamnés à renflouer un système social trop généreux avec les autres pour continuer à l’être avec les nôtres.

Nous sommes la génération victime de celle de Mai 68. De celle qui prétendait vouloir nous émanciper du poids des traditions, du savoir, et de l’autorité à l’école mais qui s’est d’abord émancipée de ses propres responsabilités.

Nous avons fermé vos livres d’histoire pour retrouver notre mémoire.
Nous avons cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille. Nous avons découvert que nous avions des racines, des ancêtres, et donc un avenir.

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Revoir, sur AlmaSoror, Beauté des affiches des deux bouts de la politique

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dimanche, 11 août 2013

Extrait du journal de Baude Fastoul de Kevin de M-L

 Kevin de Motz-Loviet, ange, dauphin, sables d'olonneperdre le Nord, être à l'Ouest, compétence, capitaine, pont de bateau, nature, ego

11 août 2013

Je t'aime, monde. Je t'aime, vie. Mais j'ai du mal à vous supporter, la plupart du temps. Peu à peu je calmerai mon cœur, j'approfondirai la connaissance de mon corps et je laisserai mon âme les emplir d'une paix plus large que les tribulations du mental, ce drôle de capitaine qui court sur le pont pour ne pas perdre le Nord, toujours un peu trop à l'Ouest, de bonne volonté, de moins bonne compétence...

Peu à peu j'apprendrai la simplicité du bonheur, la solidarité des êtres déchargés de leur ego malfaisant, la douceur de l'amitié dénuée des comparaisons pernicieuses. Peu à peu je comprendrai comment on doit vivre et mourir en accord avec la Nature.

Peu à peu j'adapterai mon souffle au souffle des dauphins, qui savent si bien unir l'air et la mer, l'homme et le poisson. Ils sont les anges de cette planète.

Peu à peu je deviendrai un ange.

 

Kevin de Motz-Loviet

 

En savoir plus sur la Confrérie de Baude Fastoul

 

samedi, 27 juillet 2013

Patmos

roselyne de féraudy, patmosPatmos - R de Féraudy

 

«Qu'est-ce que la photographie pour moi ? Que suppose-t-elle pour moi ?

Mes images vivent en moi, comme à mon insu. Aussi la naissance d'une image n'est-elle jamais fortuite, elle exige de l'énergie, une certaine détermination, un effort de mise en route.

La photographie est intervenue tard dans ma vie, je m'y suis consacrée, après avoir longtemps travaillé sur l'icône. J'ai découvert, un jour l'Île de Patmos, l'île des visions johanniques, et je ne l'ai plus quittée. La lumière y est si intense qu'elle anime toute surface et transforme toute chose.

Le sujet de l'image en soi a peu d'importance : murs, façades, portes, escaliers, deviennent une source inépuisable de variations abstraites que sculpte la lumière. Le ciel lui-même devient acteur d'un décor fait de masses dynamiques qui tournent, se superposent, s'entrecroisent, sans jamais se figer.

Ces photos m'ont conduite comme au-delà des apparences dans un voyage intérieur, vers une source invisible. Celles que j'aime le plus sont celles qui tendent toujours davantage vers l'abstraction, car elles expriment ainsi, le désir du silence qui m'habite.

Ruelles, murs et escaliers de Patmos en réalité, n'existent plus comme simples objets du visibles mais comme autre chose, cet autre chose que je poursuis et ne cesse de rechercher».

Roselyne de Féraudy - texte de présentation à l'une de ses expositions

Roselyne de Féraudy, Patmos, visions johanniques, photographie, lumière, abstraction

Sur AlmaSoror, à propos de la lumière, on peut lire un hommage à l'abbé Suger et Encore un peu d'Hopper ?


Ou encore :

Lumière du Sud, sang du monde

La matière du rêve


Et puis encore :

Lux et Nox

7

Où les ténèbres se font, là...

Le jour d'après

Ses galops de lumière à tous les étages du ciel

Les bras maritimes

L'ésotérisme


Et enfin :

Toute la poussière du monde

Hommage au Caravage

Hommage à Lucrèce

Prénom : Angèle

Angèle

C'est un prénom que j'entends souvent prononcer par une voix pleine de charme, celui d'un visage entraperçu deux soirs et un matin. Je me souvenais d'une chanson intitulée Angèle et en voulant la trouver sur le site de partage musical grooveshark, j'ai découvert d'autres titres, certains affreux, d'autres beaux (d'autres encore, incertains, tel celui de Sasho Roman, car je ne parle pas sa langue) :

Oultre cette déclinaison musicale, on peut lire la pièce Angèle, d'Alexandre Dumas, ou voir le film Angèle, de Marcel Pagnol.

Ou encore, tenter d'escalader une montagne d'Angèle jalousement gardée au fond de la belle Drôme provençale. Mais ceux qui ont le mal des montagnes ne préfèreraient-ils pas mettre les voiles sur la Belle Angèle ?

vendredi, 26 juillet 2013

Le dernier rêve

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Quand je mourrai, ce sera par une splendide journée d'automne, un grand jour de soleil estival perdu au milieu de la saison rousse.

Je partirai loin d'une maison rangée déjà depuis quelques jours, un chapelet peut-être à la main, en hommage aux ancêtres inconnus. Je suivrai la route serpentant d'une colline, et, malgré mon âge avancé, j'avancerai d'un pas lent, mais sûr, une certaine fierté enveloppera mon allure d'aura. Ainsi je n'aurai pas honte devant mes témoins les bêtes de la terre, du fleuve et du ciel, qui apercevront ma silhouette traverser leur monde pur.

Je saurai dans la conscience paisible que ces pas sont mes derniers. La dernière balade d'une trouvère presque fatiguée.

En haut de la colline, m'attendront la mort et le Christ. Côte à côte, l'une sororale, comme le fut sa jumelle, la vie ; l'autre assez fraternel pour me tendre son auguste main dans le soir naissant.

Mon dernier sourire sera pour eux. Ma dernière pensée sera pour le fils dilectif qui m'enterrera le jour suivant.

Je rejoindrai le monde des vivants comme on entre dans la maison retrouvée de l'enfance : avec gratitude.

 

Edith

 

à voir sur AlmaSoror : le dernier rêve du dernier jour.

 

jeudi, 25 juillet 2013

La robe rouge de Dana - présentation de la narration

La robe rouge de Dana, scénario, Chili, dictature, thème

 

L’histoire dure deux jours. Le texte est séparé en deux grands chapitres : dimanche et lundi. Chaque jour comporte le matin, l’après midi et le soir.

 

Les dialogues sont numérotés. Le texte a été divisé par scènes pour rendre la réflexion visuelle plus facile.

 

 

 

Les lieux :

 

 

 

La capitale Santiago du Chili

 

L’appartement de la famille Barka

 

Le local du journal Quotidien libre

 

Le palais du Ministère de la Police

 

Les rues, dont une grande avenue

 

En banlieue, la prison Mendoza-Cuarto

 

 

 

La petite ville de San Juan de Marcos

 

La gare ferroviaire et routière

 

Le village de San Nicolo del Mar

 

La maison de Dana

 

La maison de Victoria

 

La maison de Lucia

 

La place du village avec l’arrêt de car, l’épicerie

 

La route de la plage et la mer…


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vendredi, 19 juillet 2013

Quitter les lieux

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Au bout d'un si long temps. Laisser derrière soi les pans d'une vie effacée à jamais. La question se pose alors : errer ici et là, ou reconstruire un autre présent qui deviendra passé, dans un endroit précis ?

Amer savoir, celui qu'on tire du temps passé. Amère histoire, qui nous définit et que le vent oublie, si vite.

Quitter les lieux pour ne plus jamais revenir. Ce sera fait, bientôt.

Mais tout n'est qu'une image. Rien de ce qui nous entoure n'existe réellement. Les rides s'installent et nous transforment, pour si peu de temps. Même la mort n'est qu'anecdotique. Nos visages, nos figures passent comme des reflets. Nous y croyons quelque temps, nous nous identifions à nous-mêmes avec la naïveté de la foi primitive, des illusions enfantines. Et puis la réalité de ce que nous vivions enlève son masque, qui ne cachait que le vide.

Demande à la poussière si tu peux lui parler, qu'elle t'explique le néant qui te précède, qui te suit comme une ombre, qui t'enveloppe comme un linceul et qui te dissout comme une bulle.

- Qui es-tu ?

- Rien.

jeudi, 18 juillet 2013

La robe rouge de Dana - Note d'intention

La robe rouge de Dana, scénario, Chili, dictature, thème

A travers l’histoire d’une femme, Victoria, dont la vie est entièrement, implacablement détruite par son père dont elle est l’opposante politique, au sein de la dictature chilienne, surgit la question des choix personnels et des sentiments intimes, et du conflit que leurs oppositions éventuelles peuvent créer.

Trois thèmes sous tendent cette histoire.

J’ai voulu parler de la culpabilité. De la difficulté d’être la fille d’un assassin, d’un suppôt d’une dictature, quand l’amour et la répulsion se disputent au creux d’un cœur d’adulte qui, vis-à-vis d’un père, ne peut qu’être un cœur d’enfant. Ainsi, la culpabilité politique et la culpabilité familiale, dont la résolution est contradictoire.

Le second thème émerge de lui-même du conflit qui oppose les personnages, et concerne deux attitudes-types et antinomiques, face à la vie et à la société. Il y a le pouvoir absolu qui ne veut jamais se remettre en question, parce qu’il représente l’ordre suprême, et il y a la résistance, qui fait la révolution. Et le nécessaire lien qui unit ces deux attitudes, et qui peut se transformer en besoin réciproque et par là devenir un système tournant sur lui-même et pour lui-même.

Mais au-delà de ces rôles-types je me suis demandé quels types d’êtres humains ces attitudes cachaient ou révélaient, et quels sentiments, quelles idées, quelles émotions les dominaient et motivaient leurs choix. Sommes nous des marionnettes destinées à jouer des rôles que nous n’avons pas choisis, dont nous n’aurions pas voulu ? Où se situe notre pouvoir d’action sur notre propre vie ? Quand on est quelqu’un d’entier et qu’on a fait un choix en profondeur, que ce soit celui de la violence ou celui de la résistance, a-t-on les moyens de revenir en arrière ? Quand on a tout misé pour un idéal, revenir en arrière, n’est-ce pas se trahir soi même ? Enfin, quand on a perdu son amour (l’amour de sa fille, l’amour de son père) pour sa cause, la cause n’est elle pas le substitut essentiel et vital de cette perte ?

Je me suis demandée si l’histoire de Victoria et de son père était une déchirure liée à un hasard politique, ou la conséquence d’une trop grande compréhension, d’une fusion telle qu’elle interdit la vie, et que seule la lutte implacable peut briser.

Car au delà de leur opposition qui relève de la tragédie au sens narratologique du terme, le drame du père et de la fille réside peut-être dans leur étrange ressemblance, dans leur identification au rôle qu’ils se sont donnés à eux-mêmes, ou que les circonstances leur ont donné.

La robe rouge de Dana – Dana étant à la fois témoin et symbole, confidente de Victoria telle les deuxièmes rôles des tragédies du XVI éme siècle, dont la présence exacerbe le drame – est un drame familial et politique, à la fois profondément individuel et profondément collectif, qui met en scène la déchirure qu’implique une incohérence entre l’éthique (ici politique) et l’amour (ici paternel et filial). En toile de fond, le débat entre la recherche de l’absolu (l’ordre) et l’acceptation de l’imperfection (le désordre) se trame. Et le scénario se clôt sur la fureur de vivre et de se battre pour la liberté, que rien n’éteint.

Suite

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mardi, 16 juillet 2013

Aspiration

1974.Israel.Enfant.jpg

 «Je voudrais marcher dans l'air parfumé d'un soir provençal, avec toi. Et le chant des cigales et les cris des hiboux nous ensorcelleraient. Tu me laisserais passer la main autour de tes épaules, frôlant ton cou, mon souffle se ferait plus chaud, plus rauque et plus rapide, imperceptiblement. Il n'y aurait pas de souci, ni de finances, ni de santé, ni aucun d'aucune importance ; il n'y aurait plus la honte d'être ce que l'on est, de s'appeler comme on s'appelle, d'habiter où l'on habite et d'aller là où l'on va, faute de pouvoir aller ailleurs. Il y aurait le souvenir tendre d'une grand-mère à qui l'on n'a pas dit au-revoir, à la fin d'une jeunesse noire. Il y aurait les fleurs sur le bord du chemin et le lendemain qui attend de nous offrir un premier baiser».

 

Kevin de Motz-Loviet, lettre à L.N.

 

jeudi, 11 juillet 2013

La robe rouge de Dana - Synopsis

 La robe rouge de Dana

Chili, années 70.

 

Monsieur Barka est le chef de la police du Chili. Il est père de deux enfants, un fils, fidèle, qu’il ne respecte pas, et une fille Victoria, qu’il a adorée toute son enfance et qui est désormais une opposante acharnée du gouvernement.

Il y a une dizaine d’années, il a emprisonné sa fille Victoria, enceinte, et son gendre parce qu’ils faisaient de la dissidence. Il n’a pas hésité à faire exécuter son gendre et “disparaître“ sa petite fille Isabel, née en prison.

Depuis, Victoria Barka est retournée vivre dans son village, où vit également son amie Dana, universitaire alcoolique. Elle écrit des articles pour un journal contestataire et fréquente des amis proches de la dissidence, ayant renoncé au système.

Mais un jour, Victoria Barka revient dans un article sur les assassins de sa fille et de son mari ; elle n’y cite pas expressément son père, mais personne ne peut s’y tromper.

Après la lecture de cet article, Barka décide de partir rencontrer sa fille. Il veut avoir une explication avec elle, et surtout, lui annoncer la vérité : sa fille Isabel n’est pas morte. C’est lui qui l’a adoptée et qui l’élève. Pendant ce temps, Victoria passe le temps avec Dana et Pierre, un ami de Dana. Pierre, photographe français en visite, se trouve impliqué dans une histoire politique qui ne le concerne pas, et au cours de laquelle il fait face à ses propres démons. Tandis que dans le village trois filles qui rappellent les Erinnyes de la mythologie gréco-romaine, semblent comploter, et il est difficile de savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire.

Lors de la rencontre fatidique entre le père et la fille, Barka est muré dans ces certitudes et Victoria dans sa souffrance. Barka ne révèle donc pas le secret d’Isabel. Déçu, de retour chez lui il organise un coup monté pour ré-emprisonner sa fille. Ce coup politique à des fins personnelles est contré par son propre gouvernement. Mais il s’en sort à temps. Et Victoria reste vivre dans son village, ignorant encore l’existence de sa fille. Jusqu’à quand ?

Suite

 

lundi, 01 juillet 2013

Faking the streets

faking the streets,jim morrison,cinéma

Un film d’Amos Mariecque
Avec Bob Mushran, John Peshran-Boor, Lilas L.S. Snuk, Vénéxiana Atlantica, Ondine Frager, Hélène Lammermoor
Produit par GUSH Productions, L.A., 2032.


Au fond d’une rue défoncée de Los Angeles, un homme marche en titubant. Un air de guitare électrique accompagne les images et une voix lancinante récite Jim Morrison :


" ...An angel runs
Thru the sudden light
Thru the room
A ghost precedes us
A shadow follows us
And each time we stop
We fall”


Le générique se termine et l’image fond vers le noir. CUT.
L’image qui suit tranche : dans une cuisine, à l’aube (l’image est bleutée, le bleu de l’aube, volontairement, n’a pas été atténué par un choix de pellicule), trois personnes parlent d’une voix traînante du film télévisé qu’ils ont vu la veille.
La mère, rousse, bouclée, aux beaux yeux bleus, semble avoir renoncé au bonheur. Elle traîne ses jambes, sa voix, sa vie.
Le fils aîné est nerveux et furieux. Il ne parle pas : il hurle. Il sait. Il sait que la vie est ratée pour presque tout le monde et qu’il faudra se battre et supporter, jusqu’à la mort délivreuse.
La fille chantonne et sourit. Elle essaie de passer un bon moment. Elle essaie d’être aimée par sa mère et son frère. Elle n’a pas renoncé, elle. Elle n’est pas cynique. Elle rêve d’avenir et de joie partagée. Elle est infiniment seule face à ces deux êtres dépités qui se comprennent et partagent leur cynisme. Ils la méprisent. Elle les aime.
C’est cette fille, Shaïna, que le cinéaste nous donne à suivre durant les longues mais fascinantes deux heures de film.
Shaïna rencontre Miles, un grand homme noir qui fut trompettiste et qui travaille comme barman dans des bars du quartier Allen-By. Elle le suit dans ses pérégrinations de demi voyou. Mais si lui sait d’où il vient et où il va, pour elle il s’agit d’une inconsciente descente aux enfers.
Le film parle de la vie ratée et du cinéma réussi. En témoigne cette scène. Shaïna sort de chez Miles, qui dort. Elle a un œil au beurre noir. Elle appelle chez elle pour obtenir du réconfort mais la mère est shootée, le frère excédé. Alors elle marche seule dans la ville. La voix off commence. C’est la voix mûre d’Ondine Frager. "J’ai vu un film en rêve. Ça s’appelait You loved me twice et ça racontait une fantastique histoire d’amour. Moi qui ne crois pas aux histoires d’amour, j’ai été transportée comme un passager du ciel. Tout au début du film, je crois que les images sont noires et blanches. Puis elle deviennent de plus en plus colorées et le film se termine sur un coucher de soleil flamboyant ".
C’est une femme plus âgée qui parle sur ce visage de jeune fille blessée. C’est peut-être - le spectateur l’espère de tout son cœur - la voix de la femme devenue plus vieille et qui sait allier rêve et réalité pour équilibrer sa vie.


Si l’histoire de Shaïna n’est pas trop désespérée, c’est à cause de ces flash, qui ne sont pas des flash back, mais des flash to, qui insèrent des images du futur, de ce qui sera.
C’est aussi parce que ce film est une mise en abîme de la vie - des vies - du cinéaste, un film où chaque mise en abîme creuse une mise en abîme, ce qui est imagé par l’image, à peu près au milieu du film, de la fillette, voisine du héros, qui joue avec des poupées russes.
Shaïna suit Miles dans ses bêtises, et on le sait d’emblée, elle paiera pour lui.
Au moment du braquage, Shaïna et Miles se déchirent. L’angoisse de l’échec immédiat révèle tout ce qui les sépare. Chacun, en quelques secondes, se retranche derrière tout ce qu’il n’a pu partager avec l’autre. Et c’est la fin. La fin de la cavale, la fin de l’histoire d’amour, et bientôt la fin du film. Les quelques scènes de flicaille et de sirènes qui durent ne sont là que pour nous préparer lentement à sortir de la salle de cinéma. Il n’y a plus rien à voir. La prison sera sans doute un lieu de réflexion, un temps de reconstruction. Peut-être pas de rédemption, puisque Shaïna au fond n’a rien détruit. Mais un temps de fortification. On sait, par les flash to, que Shaïna deviendra shaïnA, belle femme de cinquante à la voix douce qui respire le parfum des fleurs urbaines et qui se souvient.
C’est un film de ville. La ville, immense, répugnante, poétique, avale tout ce qu’elle abrite.
Encore un témoignage sur notre monde moderne, citadin et individualiste, où tout est possible et où les frontières de l’interdit et de la misère morale ne cessent de reculer.
Mais c’est aussi le seul monde où la liberté est possible, où la poésie sort de ses carcans ancestraux pour se laisser réinventer au gré des pérégrinations des personnages. Même Jumbo, le chien stupide à la bave perpétuelle, est un individu noyé mais plus entier que s’il était le chien d’une famille d’un petit village du Mexique, pas encore touché par le " monde moderne ".
Une réflexion déchirée sur la solitude libre et l’esclavage social. Entre peinture expressionniste et photographie noir et blanc, le film (qui alterne passages en couleur et noir et blanc) nous emmène loin dans l’Art du vide sans jamais tomber dans le vide artistique.

 

ECL 2033

vendredi, 28 juin 2013

Vivre à Spleen-Lès-Nixes (I)

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Nous avons demandé à plusieurs habitants de Spleen-lès-Nixes de raconter leur ville, avec leurs mots, leurs maux, leurs habitudes, leurs désirs et leurs déceptions. Sur cette ville, dont on parle beaucoup sans la connaître, ne devrions-nous pas écouter d'abord ceux qui ont accepté de s'y installer ? Leurs motivations, variées, se rejoignaient en ceci que chacun évoque le désir d'une rupture d'avec une vie trop monotone, trop difficile ou, au contraire, trop confortable.

Nous vous présenterons donc désormais régulièrement des témoignages de Nispleenois et de Nispleenoises, qui ont accepté de partager leur expérience dans cette ville new-nouvelle.

Dès la semaine prochaine, vous découvrirez, sur AlmaSoror, les témoignages d'Ozanne Le Boucanier et de Kevin Og Noulste, frère de la regrettée Erika.

En attendant, nous partageons un extrait du roman de Saul Astrée sur Spleen-lès-Nixes, Les amours atlantes.

 

«Il ouvrait la bouche en se rapprochant d'elle. Il murmurait quelque chose ; sa voix était incroyablement grave et douce.

-Je t'aime, Atlanta.

- Je t'aime aussi, Ananas Noyé, lui répondait-elle.

Elle l'avait appelé Ananas Noyé parce que c'était ce qu'il était inscrit sur les boites de sirop : ananas noyé dans du sirop. Ananas noyé ressortait en belles lettres de couleurs. Si elle avait pu avoir un chien, elle l'aurait appelé aussi comme cela.

Il l'appela Magella car c'était le nom du magnifique robot féminin qui était représenté sur toutes les notices d'utilisation des instruments ménagers. Magella était aussi la voix électronique des ordinateurs. Et ainsi ils s’aimèrent ».

Les amours atlantes, de Saul Astrée, préface de Max Farmsen, éditions FuriBarde, à paraître en 2014. 


Outre la rubrique "La ville", qui regroupe tous nos textes et nos images citadinophiles, AlmaSoror avait publié un article d'Axel Randers intitulé La ville de perdition. 

lundi, 24 juin 2013

Natalène, présentation et refrain

Depuis de nombreux mois, nous travaillons de nuit et sans relâche au film d'AlmaSoror. Le cinéma blogal n'en est qu'à ses débuts, nous tâtonnons comme les autres, plus que les autres certainement, mais nous tenons à ce projet qui réconciliera nos aventures villabareuses et nos déconfitures sagalactiques

Si vous villabarâtes avec nous, peut-être que vous comprendez quelque chose à ce film.

Si vous n'avez jamais villabaré dans le temps, avec nous autres, y saisirez-vous l'essence du sens ? Peut-être que les lecteurs assidus d'AlmaSoror sauront en tout cas perdre haleine sans perdre pied, perdre pied sans perdre le latin, etc.

Notre film s'appelle Natalène. La cinéaste est Olympe Davidson, comme il se doit, et la scénariste est Édith de CL, comme il se doit aussi, sans doute. Nous regrettons forcément qu'Esther Mar ne bouge plus de ses bords de Marne. La Marne est belle, Esther, mais nous t'aimions, quoi que tu penses et dises.

Pour ce soir, nous présentons le refrain de Natalène. L'ouverture du film sera dévoilée la semaine prochaine. En fonction du montage et de la courbe des humeurs, toujours très variable, de la tenancière d'AlmaSoror, le film sera mis en ligne plus ou moins régulièrement, de façon plus ou moins commentée, dans un ordre plus ou moins réaliste. Tout ceci sera archivé dans la rubrique "Pharus Obscurior", qui, si vous ne l'aviez pas remarqué encore, regroupe nos chroniques cinématographiques.

Bonne nuit les amis, camarades, mesdames et messieurs.

Trois entrées en matière

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Trois ouvertures de romans qu'AlmaSoror voudrait partager avec ses lecteurs inconnus et chéris. L'amer Gorki (1868-1936) (car Gorki est un pseudonyme qui signifie amer...), l'acerbe Kadaré (né en 1936) et le sybillin Luxun (1881-1936) invitent à la danse littéraire dès les premières phrases de la Tempête sur la ville, du Palais des rêves et du Journal d'un fou.

Je me disais : AlmaSoror ! pourquoi ces trois hommes, quel soude les lie ? En rédigeant ce billet, apparut l'année 1936 : année de la mort de Gorki et de Luxun, et de la naissance de Kadaré.

 

Tempête sur la ville,de Maxime Gorki
traduit du russe par Z. Lvovsky pour Stock

Au milieu de la vallée, en tous sens sillonnée de routes grises, Okouroff, bourg bigarré, s'élève tel un jouet ingénieux posé sur la paume d'une main large et ridée.
C'est quelque part, bien loin dans la Forêt Noire, que la Poutanitza prend sa source, rivière paresseuse et lente qui, se faufilant entre des collines couvertes de labours, dévale vers la ville qu'elle divise en deux parties égales : Shikane, le quartier de l'élite, et Saretz, le fief de la pègre.
Ayant ainsi partagé la ville, la rivière coule, plus lente encore vers le sud-ouest où, son lit s'amincissant petit à petit, elle se perd enfin dans les marais de Lakhoff, couleur de rouille, et les îlots sauvages, plantés de pins grêles qui s'étendent en rangs serrés jusqu'à l'infini. A l'est, ça et là au sommet des collines, tordus et dépouillés par les intempéries, de vieux arbres longent la grand'route qui conduit au chef-lieu du département.
Grâce à l'abondance des eaux dans la région, l'air y est saturé en été d'une humidité tiède et odorante, le ciel presque toujours pâle et voilé, le soleil terne, le crépuscule étrangement pourpre. Et la lune, à son lever, montre une face énorme, rouge comme la chair vive.


Le palais des rêves, d'Ismaël Kadaré
traduit de l'albanais par Jusuf Vrioni pour Fayard

Les rideaux laissaient filtrer la clarté trouble du petit jour. Selon son habitude, il remonta la couverture pour somnoler encore un peu, mais il eut tôt fait de se rendre compte qu'il n'y parviendrait pas. La pensée que l'aube qui se levait annonçait une journée exceptionnelle suffit à lui ôter toute envie de dormir.
Un instant plus tard, cherchant ses pantoufles au pied du lit, il eut l'impression que son visage encore engourdi était effleuré d'un petit sourire ironique. Il s'extirpait du sommeil pour aller assumer ses fonctions au Tabir Sarrail, le fameux Bureau qui s'occupait précisément du sommeil et des songes, ce qui aurait suffi à susciter chez tout autre un rictus bien particulier. Mais lui se sentait par trop angoissé pour pouvoir franchement sourire.
Du rez-de-chaussée montait l'arôme agréable du thé et des rôties. Il savait que sa mère et sa vieille nourrice l'attendaient avec empressement et il s'efforça de les saluer avec le plus de chaleur possible.

- Bonjour, maman. Bonjour, Loke !

- Bonjour, Mark-Alem. Tu as bien dormi ?

Dans leurs yeux aussi se lisait cette légère excitation liée de quelque manière à sa nouvelle nomination. Peut-être, comme lui-même peu auparavant, s'étaient-elles dit que c'était la dernière nuit durant laquelle il avait pu goûter le sommeil ordinaire des simples mortels. Désormais, il ne faisait aucun doute que quelque chose dans sa vie allait changer.


Le Journal d'un fou, de Luxun (c'est un pseudonyme).

Très étonnamment le nom du traducteur n'apparait pas dans cette édition (Bibliothèque cosmopolite Stock). Que s'est-il passé ? Seul le préfacier est mis en avant, mais c'est un traducteur de l'anglais ! Je crois que la traductrice est Michelle Loi, je cherche à vérifier. Notons que Luxun a emprunté son titre à Gogol... Lui qui n'ignorais pas la littérature russe, puisqu'il a traduit Gorki en chinois.

La lune est éclatante, cette nuit.
Il y a plus de trente ans que je ne l'avais vue ; aussi, lorsque je l'ai aperçue aujourd'hui, me suis-je senti extraordinairement heureux. Je commence à saisir que j'ai passé ces trente dernières années dans le noir ; il faut que je me tienne sur mes gardes. Sinon, pourquoi le chien de la maison des Tchao m'aurait-il regardé par deux fois ?
J'ai mes raisons de craindre.