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mardi, 11 juin 2013

Attirer les foules ou bercer les solitaires

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jeudi, 30 mai 2013

Passages de Baude Fastoul (extraits des 29 et 30 mai)

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Je tiens à nouveau le journal de Baude Fastoul, arrêté de nombreuses semaines suite à quelques déceptions et difficultés de vivre, puis, au contraire, à de trop grandes exaltations. Je reprends le clavier fastoulien et c'est étonnant d'avoir laissé tant de temps blanc, sans phrases, sans mémoire. J'avais pris l'habitude de laisser trace de chaque jour, et j'ai l'impression que ces lambeaux de vie non écrite sont perdus pour toujours, contrairement aux jours enfastoulés.

Le principe du journal de Baude Fastoul est que les Fastouliens s'engagent à rendre disponible leur journal après leur mort, afin que celui-ci soit publié, en même temps que tous les autres journaux, au lendemain de la mort du dernier d'entre nous. Cette solution permet à chacun d'entre nous d'écrire en toute franchise des choses qu'il accepte de laisser à la postérité, mais non à ses compagnons d'époque. Toutefois, rien n'interdit au Fastoulien de rendre public un passage de son journal ou celui-ci dans son entier. Il n'a juste pas le droit de céder les droits du journal à quiconque pourrait nous empêcher de le publier au lendemain de la mort du dernier de la confrérie.

L'ayant tenu secret (et pour cause : de nombreux passages concernent des gens que je connais et dont je dis ce que je pense, ou encore des épisodes de ma vie que j'accepte de confier à ceux qui ne me connaîtront pas, mais aucunement à mes contemporains), j'ai éprouvé d'abord une liberté, une excitation qui accompagnaient ce secret. Peu à peu, une certaine lassitude s'installe, due à l'aspect intangible, voire clandestine, que donne l'intimité du secret. Je m'essaie donc à la publicité de certains passages. AlmaSoror reçoit environ 500 visites par jour, et je suis incapable de savoir qui vient, et à quelle fin. Je suis heureuse de savoir que des yeux parcourent nos billets – mais ne peux rien supputer ni supposer sur vous, mes amis. Peut-être parmi vous, certains Fastouliens viennent un peu, souvent, lisent quelques billets, ou tous. Quoi qu'il arrive je n'écrirai rien ici de fastoulien qui livre des informations sur certaines parts de mon intimité, rien non plus qui trahisse autrui.

J'ai beau apprécier de lire, quasi-quotidiennement, l'étrange journal Le jour ni l'heure, du (mal-)pensant Renaud Camus, je n'ai pas ce cran – ni cette impudeur ? - de minutieusement rendre public ce qu'il est d'usage de cacher.

Mercredi 29 mai, jour de la Saint Aymard (prénom d'un de mes oncles éloignés, rencontré à peine trois fois...)

Je ne relate que le soir : j'ai passé la soirée au Godjo, en compagnie Emmanuel, qui découvrait la cuisine éthiopienne avec plaisir. Ils n'avaient pas de tedj, nous avons donc bu du Côtes de Provence. Emmanuel a eu un peu de mal à se laisser inviter, quelques semaines après son anniversaire de quarante ans . Nous avons marché ensemble en sortant du restaurant, jusqu'au Luxembourg. C'est toujours un plaisir de contempler le visage énergique et profond de cet ami si fraternel.

Le soir, couchée tard (après minuit), pour continuer ma lecture d'Un monde invisible, de Laurence Bordenave, suivi de quelques phrases de La brièveté de la vie. J'hésite à laisser tomber Sénèque pour Lucrèce, afin que les thèmes de mes deux lectures s'épousent.

Jeudi 30 mai, jour de la Saint Ferdinand. Levée tôt, puis recouchée avec un café. Activités diverses, jusqu'à ce déjeuner de la rue des Orteaux, court, mais je l'ai rallongé en rentrant à pied. Place de la Nation, deux anciens camarades des Langues Ô me hèlent, nous nous attablons quelque temps et échangeons des nouvelles que chacun essaie de rendre le plus vague possible. Je rentre ensuite par le boulevard Diderot, le boulevard de l'Hôpital, le boulevard de Port-Royal, jusqu'à Duroc. Chacune de ces voies se charge de me renvoyer les souvenirs qui lui sont liés.

Et j'écoute l'Agnus Dei de la messe pour double coeur de Frank Martin, plusieurs fois, et enfin toute la messe. La fameuse messe de Frank Martin, encore si peu connue. Serait-ce, avec le requiem de Duruflé et les litanies de la vierge noire, la musique du XX°siècle que je préfère ?

mercredi, 29 mai 2013

Aujourd'hui vers 14h40 au fond de l'Oise

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Un enfant apprenait une nouvelle qui le marquera pour la vie. Que la paix et la confiance soient avec lui.

mardi, 28 mai 2013

Nadine Gordimer et Jean Cocteau à l'Hôtel de Massa

SGDL, Société des Gens de Lettres, Cristina Campodonico, Jean Cocteau, Variations Cocteau, Michel Deguy, David Gullentops, Serge Linarès, Gloria Paris, Michel Vuillermoz, comédie française, comité Cocteau, Thomas l'imposteur, Nadine Gordimer, Une saison de nobel, André Brink, Jacques Martial, Edouard Glissant, Gabeba Baderoon, Daimler Chrysler, Georges Lory,

Un bel hôtel du quatorzième arrondissement, deux écrivains du XX°siècle,
deux soirées au cours d'un printemps qui se prend pour un automne.

 

Le jeudi 30 mai et le jeudi 6 juin, on pourra assister, à la Société des Gens de Lettres, rue du Faubourg Saint-Jacques, à Une saison de Nobel et aux Variations Cocteau. (Mais pour ceux qui ne connaissent pas la Société des Gens de Lettres - SGDL -, ne faut-il pas commencer par écouter Cristina Campodonico nous en parler ? C'est possible au bas de ce billet...)


Jeudi 30 mai à 20h00 à l'Hôtel de Massa

Nadine Gordimer ,  Prix Nobel de littérature 2011, Afrique du Sud

Nadine Gordimer, SGDL, Société des gens de lettres

«... pour la magnifique oeuvre épique d’un très grand intérêt pour l’humanité »

La présentation  sera assurée par Georges LORY
Grand reporter à Jeune Afrique, puis diplomate, conseiller culturel en Afrique du Sud de 1990 à 1994, il participe à la transition démocratique du pays. Entre 1998 et 2008, il est directeur des Affaires internationales de Radio France Internationale et depuis 2009 délégué général des Alliances françaises en Afrique australe. Il a publié trois recueils de poèmes (dont un en afrikaans), traduit des poètes afrikaners dont Breyten Breytenbach et Antjie Krog, des romans et nouvelles de Nadine Gordimer, des textes de John Coetzee et d’André Brink, ainsi que l’écrivain néerlandais Adriaan van Dis. Il est l’auteur de quatre ouvrages dont un sur l’Afrique du Sud.

Une lecture en anglais sud-africain sera donnée par la poétesse sud-africaine Gabeba BADEROON...
Elle est l’auteur de recueils de poésie The Dream in the Next Body (2005), The Museum of Ordinary life (2005), et A Hundred Silences (2006). Son oeuvre est largement traduite et apparaît dans des anthologies : Bending the Bow, African Love Poetry (2009), So Much Thing To say (2010) et Letter to South Africa (2011). Elle a été acclamée dans plusieurs festivals littéraires internationaux, et plus récemment, au Festival de Poésie de Princeton. Gabeba Baderoon reçu le prix de Daimler Chrysler de Poésie Sud-africaine en 2005.

...Suivie d'une lecture en français par Jacques MARTIAL.
Homme de théâtre et de scène autant qu’acteur de cinéma et de télévision, est l’interprète d’un répertoire riche. Militant du Vivre ensemble il est un artiste engagé depuis toujours à la promotion l’égalité des chances dans notre pays et un lecteur d’auteurs tels qu’Aimé Césaire, Edouard Glissant ou encore André Brink. L’Afrique du Sud, où il a eu l’occasion de se produire au théâtre, est pour lui un modèle à travers la capacité de son peuple mais aussi de ses artistes à refuser de se soumettre à l’autorité d’un système injuste mais aussi d’oeuvrer pour une réconciliation pacifique entre ses communautés autrefois séparées. Il est président de l’Etablissement public du parc et de la grande halle de la Villette.

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

Renseignements et réservations : 01 53 10 12 00 - communication@sgdl.org

 

Jeudi 6 juin à 19h30 à l'hôtel de Massa

 Jean Cocteau

Jean Cocteau, Société des gens de lettres, SGDL

« Je suis anticonformiste au point de l’être contre le conformisme qui consisterait à être anti-Académie » disait Jean Cocteau en 1955, lorsqu’il a accepté de siéger à l’Académie française où il venait d’être élu. Un paradoxe qu’on lui a reproché, mais qui ne posait pas le moindre problème à l’homme de lettres.

Jean Cocteau l’homme de théâtre, celui qui se revendiquait avant tout poète mais qui a néanmoins écrit de nombreux romans, qui fut aussi peintre, chorégraphe, scénariste, cinéaste…

Jean Cocteau le créateur d’avant-garde et surtout l’écrivain prolixe, auteur d’une œuvre poétique et romanesque d’une grande amplitude allant du La Lampe d’Aladin (1909) à La partie d’Echec (1961) en passant par Thomas l’imposteur (1923) ou les fameux Enfants terribles (1929). Jean Cocteau, le magnifique poète.

C’est l’aspect protéiforme de la création littéraire de Cocteau que la SGDL souhaite mettre en lumière, au cours d’une soirée émaillée de témoignages, lectures, d’extraits sonores ou audiovisuels, pour une évocation de l’écrivain à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition.

 

Une soirée en présence de Pierre Bergé, président du Comité Cocteau, avec les invités :

Michel Deguy, poète

David Gullentops, éditeur des oeuvres poétiques dans la Pléiade et directeur des Cahiers Cocteau

Serges Linarès, éditeur des Oeuvres romansques dans la Pléiade

Gloria Paris, metteur en scène de "La Machine infernale" et "Les Enfants terribles"

Et Michel Vuillermoz, de la Comédie française, qui lira des extraits de la poésie de Cocteau et "La Difficulté d'être"

Une rencontre présentée et animée par Jacques De Decker, et organisée avec le soutien de la DRAC d'Ile de France - Ministère de la Culture et de la Communication

 

à propos de la SGDL (Société des Gens de Lettres)


Entretien avec Cristina Campodonico... par LesNouveauxTalents

Vol de nuit

charme

Qui es-tu ? Nos regards se sont croisés, puis ton visage s'est figé, blêmi. Alors j'ai poursuivi ma route, l'oeil troublé.

De l'autre côté de toi, deux femmes croyaient m'ensorceler. Mais c'est toi qui m'interpellait.

(Je portais une robe Lacoste mais c'était interdit de le remarquer).

lundi, 27 mai 2013

Le fils de Madeleine

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 Tu démbules peut-être dans les rues de ton quartier au hasard, hagard, les yeux dans le vide intersidéral de ton existence éteinte depuis si longtemps. Tu ne penses à rien. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers instants à Paul Brousse. Tu te liquéfies lorsque tu entends les sirènes des samus, tu trembles quand dans les vitres des bars se reflètent les gyrophares. Quelques moments d'une enfance incomprise te bercent, et tu penses à cette femme que tu aimes. Elle est là-bas, à l'autre bout du monde, de l'autre côté du périphérique, rieuse ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle fréquente. Elle possède une voiture vert foncé qu'elle gare au bout de la rue, sa cuisine n'est jamais impeccablement lavée. Elle t'a éconduit comme une grande repousse un petit garçon qui exagère, ne sachant pas qu'elle hantait tous tes rêves depuis huit années. Tu lui as déplu, en insistant avec des mots déposés ici et là, et elle t'a frigorifié en troquant son sourire de condescendance pour une moue énervée. Mais tu lui as pardonné et désormais c'est à elle que tu penses, chaque soir quelques minutes, lors de la promenade des jours sans pluie. 
C'est drôle, quelque fois tu te demandes ce que l'adolescent que tu étais dirait s'il te voyait, si mal habillé. Tu n'es pas comme les hommes des entreprises, ceux qui passent par l'ascenseur et qu'on voit attablés aux bistrots à l'heure du déjeuner. Tu te demandes aussi s'il croyait vraiment en regardant les grandes personnes qu'il aurait lui aussi, à son tour, une femme à tenir par la main, une voiture à conduire sur la route, des enfants à emmener à l'école.

Je t'ai connu un peu à l'époque où nous étions tous mélangés, dans ce quartier en construction. Tu sais, bien que nous soyons différents, il me semble avoir touché ton coeur, le jour où tu as effleuré ma main. Tu déambules certainement comme avant, dans les rues de ton quartier, hagard, entrouvrant ta bouche par où passe toute la surprise naïve des choses qui nous dépassent. Tu penses à des choses sans importance. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers moments à Paul Brousse. C'était trop difficile, de toujours penser que tu as perdu celle qui te maintenait digne. Quelques moments d'une journée incomprise te peinent, et tu penses à cette femme qui te fascine. Elle est là-bas, à l'autre bout du réel, de l'autre côté des administrations, songeuse, ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle régente.


ECL

mercredi, 15 mai 2013

Le châtiment - par Hanno Buddenbrook

 hanno buddenbrook

«La plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute».

Une horde de hérauts sauvages descendait l'avenue du rire. La ville n'était alors qu'à son ébauche. Nous n'étions alors qu'à nos commencements. Ta main n'avait qu'à peine frôlé la mienne. Je ne portais pas encore en moi le renardeau qui devint peu à peu l'homme qui te traque ; aucun cheveu gris ne teignait ma blondeur ; aucune ride ne plissait mon visage. Et nous descendions l'avenue du rire en compagnie des amis de longue date et de passage, certains que l'avenir éclaterait de joie, prescients de l'importance du jour. Il fallait refaire les lacets de nos chaussures, voler des boites de gâteaux dans les magasins délaissés. Il fallait arracher les panneaux des constructeurs et danser sur la loi inique.

Et personne ne songeait à filmer ce moment. Personne n'a pris de photographies. Aucune archive n'explique notre destin. Parmi nous, combien d'anges sont morts ? Combien de faux rebelles sont partis ?

Ton bras ne pesait pas sur mon épaule, tes yeux ne connaissaient pas ce reflet sombre. Il fallait partager l'amour et la nourriture, l'écot et le vêtement. Les guitares frottées aux tombées du soir grésillaient auprès des feux de camp, et personne n'imaginait qu'un jour, le lieu des tentes de fortune serait une école.

Nous n'avions rien à regretter, nos parents nous semblaient des ennemis. Nous n'avions rien à craindre, même la prison nous faisait hausser les épaules. Et personne ne venait nous chercher, nous menotter, nous emporter, car nous avions pour nous le nombre, la lassitude des vieux et la faiblesse des enfants. Parmi les algues et les boues, tu m'appris à connaître ton corps, à enjoliver d'un baiser le décor, à accepter les vents contraires, j'apprenais à vivre dans la tendresse.

La violence n'était point absente de nos longues embardées ; la faim et le froid nous tenaillèrent durant les deux ou trois premiers hivers. Et puis le renardeau fut conçu, oisillon que tu prenais entre tes mains ; pour lui et pour sa génération, nous déclinâmes les airs de guitare vers des modes moins majeurs. Ils grandissaient ces petits sous nos mains insouciantes, quel autre parent a craint moins que nous ? Toute confiance était naturelle, tout défiance criminelle. Il était le charme de nos aubes, la joie de nos après-midi, et pour le bercer le soir nous inventions les plus belles mélodies.

Et puis le renardeau a grandi, le poisson s'est éloigné de sa mère, l'ourson s'est confronté à son père et nous ne comprenions pas.

Quel interdit avait-il à braver, au creux de nos bras libertaires ? Quelle révolte avait-il à couver contre notre amour sagittaire ? Il est bientôt minuit, tu es caché derrière le lit. Moi, j'attends au bord de la fenêtre aux volets fermés. Les sirènes des bateaux annoncent la police du port et dans l'école d'en face la discipline claque comme un fouet. Quand des pas résonnent dans la route nocturne, de l'autre côté du garage, nos cœurs battent sourdement et nos tempes se mouillent. Que lui avons-nous donné qui l'a privé de lui-même ? Est-ce de nous avoir vu nous aimer dans les flammes de la nuit, est-ce de ne l'avoir pas empêché de jouer avec le totem des gitans du sentier des étangs ? Nous savons qu'il a un fusil, acheté dans les villes des bords d'autoroute, et qu'il reviendra, tôt ou tard, tuer son père, violer sa mère et sangloter tout seul au milieu des ruines de son enfance, jusqu'à ce que la police l'enferme ou le tue ou l'absolve et qu'il meurt à son tour, désespéré. Tu le hais, je lui ai déjà pardonné et nous le savons tous deux. Tout au bout de nos rêves de jeunesse, il y avait donc la punition qui attend ceux qui s'affranchissent des règles. Le châtiment qu'aucun salut ne rattrapera.

Hanno Buddenbrook

Traduit par Edith de CL et H. Lammermoor

 

mardi, 14 mai 2013

vestiges textuels d'un lundi noyé

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Combien d'instants (senti)mentaux abandonnés dans les espaces du vide ?
Ce ciel mental m'a accompagnée quelque temps ; au bout du jour je l'ai éclaté dans le néant.
 
En voici des lambeaux.
 
Edith CL

edith de cornulier lucinière, blogspot, blogger

Levée à six heures et tenté de me ressouvenir des cloches de l'église de Saint-Christophe du Ligneron, des avions qui passent au-dessus du Pont-Hus. Recouchée avec un café noir et rêvé au lit. Puis, écouté le Miserere d'Allegri, interprété de façon très priante par un chœur anglais au sein duquel un ange soprano luit. Que faut-il vivre pour laisser le temps passer sans se consumer de rage ? Faut-il se brûler à nos plaisirs, faut-il apprendre à renoncer aux tentacules du Désir ?
Il est huit heures lorsque je sors de la salle de bains, prête à affronter le jour qui commence. Les petits bruits qui émanent de mon téléphone portable annoncent les premières communications, mais je ne les regarde pas encore. Je vais marcher à travers le septième arrondissement sans croiser personne, sans regarder au-dehors, juste pour me fatiguer déjà avant de m'atteler à mon bureau. Une énorme dépression flotte autour de moi comme un nuage, elle me harcèle mais je détourne sans cesse les yeux pour ne pas qu'elle m’attrape.
Au bout de la rue de l'université, retour en fanfare de la joie de vivre.
 
10h. Depuis ce matin déjà, combien de fois ai-je écouté le Miserere ? Je n'ai encore parlé à personne du monachisme secret que je conçois et qui m'aide à mener ma barque dans le couloir bourbeux du monde apparent.
Mais voilà que j'arrache au temps quelques lignes pour un mail, quelques pages pour un rapport que je dois rendre bientôt, quelques coups de fil pour des rendez-vous à venir. Et j'ai sauvé le jour : les cases sont cochées.
Souvenirs récurrents des vins d'Alsace d'hier soir, goûtés dans un bar de la rue du Jour, à l'instigation de Frédéric-Etienne, qui connaît l'organisateur de ces vinicôteries. Je suis revenue avec un pinot blanc, un Gewurtztraminer et un Riesling Kanzlerberg.
Un dîner à préparer : ce soir, nous serons huit autour de deux tables rassemblées en une. Et nous reparlerons de ces gentilshommes de fortune ?
 
En attendant, fête de petits légumes grillés à l'italienne, absence de vins.
 
Après le déjeuner, une sieste dans les bras de Sainte Thérèse d'Avila. Merci à la grande doctoresse de l'extase, celle qu'il faut lire, et relire, pour comprendre cette phrase d'un homme qui a souffert et joui comme elle, quelques siècles après elle :

"Nous, êtres limités à l'esprit infini, sommes uniquement nés pour la joie et la souffrance. Et on pourrait presque dire que les plus éminents s'emparent de la joie par la souffrance".
Ludwig van Beethoven

Par la souffrance et par l'étreinte fantôme, ils atteignent la joie suprême.

Assoupissement, qu'une rêverie trouble : il me reste de cette unique nuit, ta voix, ton souffle, tes reins, les gestes de tes mains. Et me reviennent, quand je plisse les yeux dans les moments d'oubli du monde, la peur en ombre sur ton visage, le scintillement des lumières sur ton corps.
 
Après-midi bercée par les merles, qui piaillent ! Grand amour de la vie : promenade, et travail à nouveau : encore des lignes, des mails, des appels, des confirmations et des circonvolutions qui ne seront plus à l'ordre du jour d'un jour à venir. Baisse de tension, désir de mort : toute la beauté du monde se défend de m'aimer. Toutes les passions du monde se meuvent au creux de moi. Toutes les morts du monde surgissent en renaissance.
 
Chute de l'après-midi. Un vent frais nous appelle. Quelqu'un, dehors, quête une présence.

Ragots dans la cour de l'immeuble, alternativement ensoleillée ou menaçant d'un orage. Nous cancanons comme les merles, avec moins de musicalité.

Flics, assistants sociaux, inspecteurs des impôts, chefs, sous-chefs de bureaux et tous vos acolytes, nos cerveaux ne sont pas à vos ordres. Mécontents, vous nous donnez des formulaires ou des médicaments. à quoi ressemble le ciel mental d'un sbire de l'Etat ? N'ayez pas peur. Le ciel amental est infini.
 
Premières taches du soir sur la cour. Encore une promenade pour saluer la ville. Coups de téléphone d'amitié - et un dernier, professionnel (mon Dieu quelle efficacité !)
 
Dîner de huit voisins, dîner rapide. Visite et présence expresses d'amis rares.
 
Conversation chuchotée entre deux fenêtres : que recherches-tu à travers tes histoires d'amour ? (Réponse de mon bel ami : la douceur chaude et enivrante des caresses, la profondeur des rencontres du coeur, la jouissance physique extrêmement agréable, le charme du partage quotidien, l'impression de vivre intensément, l'admiration mutuelle, le charme des jours qui passent tranquilles, l'honnêteté, l'élégance au bout de la rue, le flou d'un visage humide. Et toi ?).
Moi ? Je ne sais pas. De toute façon, tu n'écoutes plus, tu repars de ton côté de la rue.
 
Il y eut enfin quelques textos avec l'insaisissable (in)connue de l'autre bout de la ville, et Axel est venu me chercher pour faire un tour en voiture. On a tourné deux heures dans la nuit, cette fois j'ai payé l'essence.
 
E.


Visite nocturne

 Edith de CL

Où va l’enfance quand un adolescent grandit et devient un adulte ? Quand il dit à son miroir, en le regardant dans les yeux : va-t’en, enfant, désormais je suis un adulte. Sait-on où le pauvre petit trouve refuge ?

Grâce aux licornes, qui chevauchent des millions de nuages pour venir les chercher, tous ces enfants vont vivre sur une île perdue. Gracieuses comme de petits chevaux, les licornes ont une corne sur le front ; certaines ont des ailes. Elles sont invisibles, sauf lorsqu’elles désirent qu’on les voit. Chaque fois qu’un adolescent ne veut plus de l’enfant qui est en lui, l’une d’elle chevauche des milliers de kilomètres, dans les airs, pour venir le chercher. La licorne prend l’enfant sur son dos, et pendant des jours et des nuits, elle chevauche les nuages, au-dessus des villes, des forêts et des océans, pour l’emmener sur l’île de l’enfance oubliée.

Très peu de gens connaissent l’existence de cette île d’exil. Gabrielle ignorait son existence, jusqu’au soir où on frappa à sa fenêtre alors qu’elle réfléchissait à sa table de travail.

Le travail de Gabrielle consiste à écrire, sur son ordinateur, des articles pour des journaux. Elle écrit presque tout le temps. Quand elle n’écrit pas, elle boit beaucoup d’alcool ; elle ne peut pas s’en empêcher. Avec ses vieux amis au restaurant, elle boit. Seule dans son petit appartement du dix-septième étage, elle boit. Du cognac et de l’armagnac, du vin, de la bière, et du whisky. Elle n’arrive pas à s’arrêter. De temps en temps, elle se sert un petit verre, et décide que ce sera le dernier verre d’alcool de sa vie. Une journée passe. Le soir suivant, avec un soupir, elle se ressert un petit verre en murmurant : c’est raté pour cette fois. Je n’ai pas arrêté.

Ce soir-là, elle travaillait à sa petite table de bois, en sirotant de l’armagnac, lorsqu’on frappa à sa fenêtre. Comme elle habitait au dix-septième étage d’un immeuble en béton, elle sursauta. Comment avait-on pu grimper si haut ? Apeurée, elle releva les yeux. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit, en suspension devant la vitre, une petite fille qui la regardait, assise sur une licorne volante.

Elle demeura quelques instants hébétée. Son regard oscillait entre les yeux de la fillette et ceux de la licorne. Elle crut qu’elle rêvait. La licorne voletait autour de la vitre, avec de très beaux mouvements d’ailes, chevauchée par l’enfant aux grands yeux. Gabrielle renonça à comprendre. Elle alla ouvrir la fenêtre.

- Je suis folle, pensa-t-elle. Je le savais déjà, d’ailleurs.

Lorsque la fenêtre fut grande ouverte, la licorne vint poser ses pattes sur le rebord. L’enfant tenait sa crinière d’une main.

- Bonjour Gabi, fit l’enfant.

- Bonjour, répondit Gabrielle.

- Hhmmmouahw, dit doucement la licorne.

- Bonjour… Lui dit Gabrielle en lui passant la main sur son museau. La licorne ferma les yeux de contentement.

« Je pensais que les licornes n’existaient pas », songeait Gabrielle en frissonnant ; elle contemplait le vide qui s’étendait au-dessous de la licorne et de sa petite cavalière. Dix-sept étages ! En bas, la ville paraissait minuscule, comme une miniature.

- Entrez, dit Gabrielle en ouvrant grand la fenêtre.

La licorne donna un coup d’aile, et bientôt elle posait délicatement ses pattes sur le carrelage de la pièce. La petite fille se laissa glisser à terre.

- Merci Licorne, dit-elle à l’étrange animal en lui pinçant la barbiche.

La licorne frotta sa tête contre l’épaule de la fillette et alla s’allonger sur le canapé. Elle prenait toute la place du canapé. Elle se blottit contre les coussins, se gratta les pattes avec sa corne, et ferma les yeux. Elle s’endormit.

- Si mes amis voyaient cela ! pensait Gabrielle. Mais elle parvint à surmonter sa stupéfaction et se dit que l’enfant devait avoir soif. Elle regarda dans sa cuisine.

- Ma pauvre enfant, je ne peux t’offrir que de l’eau. Car tu ne bois pas d’alcool, je suppose ? Non, bien sûr ! Cette petite a beau traverser la nuit à dos de licorne, elle doit boire du jus d’orange comme tous les enfants. Il n’y a que les vieilles alcooliques comme moi pour s’enfiler de l’armagnac toute la soirée…

Elle parlait tout haut, comme d’habitude, sans s’en rendre compte. La fillette l’écoutait. Elle vint se planter devant Gabrielle, et la contempla de ses grands yeux candides.

- Mais Gabi, dit la petite. Tu n’aimes pas l’alcool !

Gabrielle la considéra un instant, ne sachant que penser.

- Petite fille, comment sais-tu mon nom ? Et qui te dit que je n’aime pas l’alcool ?

- Tu ne me reconnais pas ? demanda la fillette, les larmes aux yeux. Pourquoi ne me reconnais-tu pas ? Je t’aime tant ! Tu m’as donc oubliée…

Sur les joues de la petite fille les larmes coulaient en cascade. Gabrielle, très émue, oublia l’étrangeté de la situation. Oui, bien sûr, elle connaissait cette petite fille. Mais elle ne parvenait plus à se souvenir de son nom, ni de l’endroit de leur rencontre. Elle la regardait pleurer avec une grande tristesse. Les yeux de la petite fille demeuraient grand-ouverts, dégoulinants de larmes. Soudain, Gabrielle sut qui était l’enfant. Elle faillit tomber ; elle vacilla, s’accrocha à une chaise et bégaya :

- Mais… Gabi ! Tu es Gabi ! Tu es… Tu es… L’enfant que j’étais il y a longtemps… Oh, Gabi ! Tu n’es donc pas morte ? Tu es revenue me voir ?

Elle prit la petite fille dans ses bras. Maintenant, c’était Gabrielle la grande qui sanglotait à chaudes larmes.

La petite fille lui essuyait les larmes en lui caressant les cheveux.

- Alors, tu es devenue alcoolique ? demanda-t-elle.

- Oui… Tu m’en veux ?

- Non, mais comment peux-tu boire de l’armagnac ? Je détestais l’odeur quand les grands en buvaient ! ! ! Tu manges toujours du chocolat, au moins ?

- Heu… Je… Je t’avoue que non. J’oublie d’en acheter.

- Mais enfin, j’adorais le chocolat ! Et les croissants ? Tu ne manges plus de croissants ?

- Ah, si, ça, je continue. En plus, maintenant je peux m’en acheter tous les matins avec mon argent. Tu sais que je suis journaliste ?

- Je voulais être écrivain !

- Si tu crois que c’est facile ! Et puis, quand on est journaliste, on écrit tous les jours, tu sais… Tiens, au moment où tu es arrivée, j’écrivais justement un papier sur cette stupide guerre qui commence et qui va tuer plein de gens.

- Je suis contente que tu n’aimes pas les guerres… Mais je voulais être écrivain, moi…

- Désolée Gabi. J’ai essayé… J’ai vraiment essayé…

La fillette baissa la tête. Elle avait l’air déçu et mécontent.

- Gabi, tu crois que c’est facile, la vie d’adulte ?

- …

- Je t’assure que rien n’est comme tu l’imaginais.

- Je sais… Je devine. C’est pour ça que tu bois, n’est-ce pas ?

- Peut-être…

- J’avais promis que je serais écrivain.

- Je me souviens… Je suis désolée, Gabi.

- Tu me fais rater ma promesse.

Et la petite fille cacha son visage entre ses mains pour ne pas montrer sa peine.

Gabrielle la serrait contre elle pour la consoler, mais elle sentait confusément que rien ne pouvait apaiser l’enfant qu’elle avait été.

Elle lui murmura :

- Cela fait si longtemps, si longtemps que tu n’étais plus là. Je ne t’ai jamais oublié, tu sais. Pendant toutes ces années, il n’y a pas une soirée où je n’ai pensé à toi.

La fillette releva la tête.

- C’est vrai ? Tu me le jures ?

- Je te le jure, répondit Gabrielle.

- Alors, écris-moi une histoire. Je veux que tu sois écrivain ; je l’avais promis.

- C’est vrai, tu l’avais promis.

- Tu dois tenir mes promesses. Si tu m’aimes.

- J’écrirai, Gabi, c’est sûr. Tu peux me croire.

Le visage de la fillette s’éclaira d’un sourire. La femme et la petite fille avaient presque le même sourire. Mais celui de la femme était plus doux, et celui de la fillette plus triste.

- Tu m’en veux ? murmura Gabrielle. Dis, Gabi, tu m’en veux ? De n’avoir pas écrit…

La fillette secoua la tête pour montrer qu’elle ne lui reprochait plus rien

- Tu vas le faire maintenant. Je suis contente d’être venue.

Gabrielle se sentit soulagée. La toute petite fille qu’elle avait été il y a bien longtemps, et dont elle ne se souvenait plus très bien, elle venait de la retrouver et de lui faire une promesse.

Maintenant, Gabi, l’enfant, se faufilait hors des bras de Gabrielle.

- Fais-moi visiter ta maison.

- D’accord, dit Gabrielle.

La licorne dormait toujours sur le canapé. Gabrielle prit la main de la petite fille dans la sienne. Elle lui montra sa chambre.

- Oh, c’est drôle ! dit l’enfant dans un éclat de rire. Elle est aussi en désordre que la mienne !

- Et oui, dit Gabrielle. Je ne range pas mieux que toi.

Elles riaient toutes les deux. L’enfant voulut voir la salle de bains, qu’elle trouva très jolie, avec son carrelage bleu et blanc.

- Je suis contente que tu aies une maison comme ça. J’en rêvais.

Gabrielle fut très heureuse de ce compliment. Elle avait eu peur que la fillette lui reproche sa façon d’arranger son appartement.

- Veux-tu dîner avec moi ce soir ? Je cuisine très mal, mais…

- Gabi, voyons ! je ne mange plus depuis longtemps, s’écria la petite Gabi, et elle éclata d’un rire cristallin. Je suis ton enfance ! C’est toi qui manges.

- Ah, oui, c’est vrai, marmonna Gabrielle, qui ne comprenait pas très bien.

- Moi, je vis sur l’île des enfants oubliés et je t’envoie des rêves, la nuit, pour te faire un beau sommeil. Malheureusement, parfois tu ne comprends pas mes rêves, et ça te fait des cauchemars. Depuis longtemps, je sentais que cela n’allait pas très bien dans ta vie. Alors j’ai demandé à la licorne de m’amener jusqu’à toi. Elle est belle ma licorne, n’est-ce pas ?

- Elle est magnifique. Elle est à toi ?

- Bien sûr. Tous les enfants ont une licorne et toutes les licornes ont un enfant. Elle est ma meilleure amie et nous sommes toujours ensemble sur l’île.

A ce moment, la licorne s’éveilla Elle étira ses quatre pattes sur le canapé, ses griffes déchirèrent les coussins. Quand elle fut bien éveillée elle sauta à terre. Ses pattes glissèrent sur le carrelage et elle faillit tomber. Elle se posta devant les deux Gabi, comme pour dire :

- Je suis prête !

Alors Gabi la petite caressa sa douce corne bleutée.

- Oui, ma licorne, dit-elle à la licorne. Je vais monter sur ton dos, nous chevaucherons les océans de nuages au milieu des oiseaux, et tu me ramèneras sur l’île de l’enfance oubliée. Et toi, Gabi, dit-elle à la grande Gabi, Tu vas tenir tes promesses ?

- Je ne sais pas si je vais réussir à arrêter de boire, répondit Gabi. Mais je te jure de manger plein de chocolat, et d’écrire une histoire.

Comme la licorne s’impatientait, la petite sauta sur son dos. La licorne sauta par la fenêtre. Au fond de la nuit, la lune souriait. La petite fille s’exclama :

- Oh ! Regarde la lune, elle sourit ! Licorne, emmène-moi dire bonjour à la lune.

La licorne balança sa tête pour dire oui, et s’élança dans le ciel.

- Je reviendrai lire ton histoire ! cria Gabi à Gabrielle.

Gabrielle lui fit de grands signes de la main, tandis que le vent de la nuit faisait danser ses cheveux.

- Si un jour tu reviens, je te lirai mon histoire, murmura-t-elle en fermant la fenêtre. Mais ne sois pas étonnée si cela parled’une petite enfant d’il y a très longtemps et d’une licorne qui chevauche les nuages.

 

Edith de CL - 2006

 

lundi, 13 mai 2013

Contes de notre monde

petite fille d'honneur

Le benêt de Saint-Vivien

Adélaïde

Mascara

Lorenzo

Aranjuez

Contes du Purgatoire

VillaBar

Toute la poussière du monde

Au Confessionnal du coeur

La dernière auberge

dimanche, 12 mai 2013

Mode réceptif

nadège steene,ivresse des possibles,révolution intérieure

 

Billet de Nadège S.

Je n'écoute plus seulement ce que les gens disent, j'écoute tout ce qu'ils ne disent pas. J'entends leur silence, je sonde leur regard, j'écoute sans contredire leur mensonge. J'essaie de pointer les étendues vides.

Je veux découvrir tous les aspects du monde, des gens, des relations, tout ce que je n'ai pas encore compris, tout ce qui m'a échappé, faute d'accès initiatique. À n'écouter que les mots, à croire aux idées, à ressasser les faits, les actes, on connaît une bonne part du réel mesurable. Mais il reste un monde obscur qui ne s'appréhende pas de même. Il reste un monde non-dit, un monde vécu de façon trop intérieure ou secrète pour éclater sur la scène. Il y a un monde obscur, impalpable, où se passent des phénomènes qui, sans que nous le sachions, nous touchent, nous blessent, nous sauvent, nous métamorphosent. Quelles sont les dimensions de cette réalité, cette réalité dont je n'ai pas les clefs et dans laquelle se vit une partie de ma vie ?

Je me tais de plus en plus, afin de créer un espace d'écoute dans lequel autrui peut se laisser aller à s'exprimer. Je limite tant que je peux mes réactions, je vainc mon envie de débattre ou de convaincre, pour enfin laisser cette place à l'expression de l'autre.

Peu à peu, j'entrevois des idées, des images, des opinions qui auparavant n'auraient pas frayé leur chemin jusqu'à moi. Ce n'est pas facile d'entendre tout. Où cela va-t-il me mener ?

J'ai peur de la transformation intérieure. J'ai peur de l'ivresse des possibles. Je suis prête.

Nadège Steene

 

Autres textes de Nadège St. sur AlmaSoror :

Amour fantôme de Nadège

Le diamant et la poussière du temps

5 règles de comportement relationnel

5 à 7 début mars

La musique de Nadège

Où est la folie ? (dédié à Esther)

samedi, 04 mai 2013

La route

éolienne, route, nuit, enfance, henri tachan

La nuit

La nuit, l'enfance s'efface complètement. Les diables sortent par la porte de derrière ; les fées se drapent de tulle rouge et les rangées de serviteurs proposent des verres de champagnes à nos mains tremblantes.

Tu t'appelles je ne sais pas encore comment. Tes lèvres frissonnent de peur, de tendresse ou de froid, peut-être, bien qu'il fasse chaud au creux du bar du Temps. Demain j'ai 35 ans mon amour, accompagne-moi sur cette pente raide où tant d'amis ont dégringolé pour ne plus jamais remonter à la surface verte des jeunesses.

L'aube

L'aube, l'oubli des veilles nous guette. Ton bras suspendu sur le vide s'arrête. Le long des jambes, sur la surface des ventres, se balance l'espoir frêle qu'un jour, dans mille jours, nos mains presseront la même cafetière avant le chant du coq.

Aube nouvelle dans notre vie où se chante la liturgie des ouragans. Vatican III, danse avec moi !

 

L'après-midi

Route des vacances, j'ai fait toutes tes stations d'essence, tellement plus tard, bien après l'époque des petits Lu. J'y ai retrouvé pourtant les sensations d'une épopée de mon enfance, ressurgie ainsi au croisement des quatre voies contradictoires. Mais est-ce vraiment le temps de songer à ces nécropoles perdues, est-ce vraiment le lieu d'évoquer ce chemin en sens inverse ?

Le soir

Quand tout l'amour, tout l'argent, toute la gloire nous entourent, qu'est-ce qui nous pousse à partir en haillons par un soir de décembre et descendre l'escalier de la ville qui mène au banc des clochards ?

L'appel du vide, l'appel de Dieu, l'appel du Diable.

 

Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva, Edith de Cornulier Lucinière, Robert Desnos, j'ai tant rêvé de toi, Frédéric Hunter

photos Mavra NN - vidéos chouravées poliment sur le web.

(La nuit d'Henri Tachan
Le Grand Meaulnes, de Jean-Gabriel Albicocco
Robert Desnos par Frédéric Hunter)

jeudi, 02 mai 2013

Zestes de jeunesse (Qui sont les charmeurs de serpents ?)

Gange, Edith de Cornulier, Edith Lucinière

Quelquefois je reste assise, j'imagine le ciel, j'essaie de faire éclater ces verrous qui maintiennent nos pensées dans des cadres sans envergure.
En pensée, je brise toutes les vitres pour que l'air entre et balaye les préjugés qui restent en dépot et encrassent mon être. Comme sont précieux les gens qui par leur regard ou une phrase nous apportent une délivrance.

Je ne comprends pas pourquoi c'est impossible de se noyer dans l'azur, de se dissoudre dans un ciel bleu et pur.

Ne ressemblons-nous pas parfois à des serpents envoûtés qui se tordent dans un panier en rêvant de fuir ! fuir ! fuir !

Qu'est-ce qui nous retient ? Le corps ? Des liens ? Qu'est-ce qui nous retient ?

Tout au bout des insomnies, qui sait si on finit par trouver la méthode du souffle psychédélique...

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mercredi, 01 mai 2013

Mascara

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«Ils ont découvert l'enfant en suivant les traces de l'ogre».
Raoul Vaneigem

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Paul, est-ce toi qui m'a appris à porter un masque ? J'ai mille masques, qui ne sont qu'un seul masque. Ce masque avec lequel je dis des choses drôles dans des dîners en ville, ce masque avec lequel je courais dans les manifs noires et rouges à la Bastille, ce masque que je portais pour oser pénétrer dans le local des Apaches.
C'est avec ce masque que j'entrerai dans la grande salle pour siéger majestueuse parmi mes pairs ; c'est avec ce masque que j'abattrai les barrières entre deux corps transis de se mêler.

Paul, je t'ai démasqué.

Anne, est-ce toi qui m'as appris à donner mes trésors aux enfants étrangers, à cacher mes butins sous la terre du côté de l'étang, à pleurer sur la plage des Sables un premier mai, à sauter par la fenêtre en croyant qu'un filet va surgir pour me sauver ?

Anne, je t'ai surpassée.

Mascara, masacarade. Vous étiez si étranges, tout le monde le dit. L'ange blond et la brune triste perdus dans ce monde pour lequel vous n'aviez pas été dressés. Frères et soeurs morts en bandoulière contre vos coeurs, rage de passer à l'épée le décor de vos enfances détraquées.

Satan et Chiquita, que reste-t-il de votre cavale ?

Une saltimbanque, une européenne, un mousquetaire : trois adultes qui se souviennent à peine. Des photos déchirées dans un jour de colère. Des vinyles et des bouquins.

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