jeudi, 31 juillet 2014
Musique d'un exil provincial
Vous lisez un texte qui fut chargé de liens qui coulaient entre ses veinures. Cliquez, visions sonores, images parlantes, qui sait ? L'écriture automatique n'a rien d'un tempo machinal. Mais les liens sont morts. Désactivés.
Les victimes des dictatures du monde entier souffrent de l'exil. Moi je ne fais que hanter les rues d'une province, à quelques heures de train-grande-vitesse de la capitale. Aussi mon exil est-il indicible, et je ne dis rien d'autre que ma joie du soleil. Grande joie du soleil, tu inondes mon être et tu accompagnes cette étonnante prolongation musicale qui a lieu jour après jour depuis la première fois où j'ai mis de la musique dans cet appartement éphémère.
J'ai des périodes planantes, atmosphériques et minimalistes . Dakota Suite. Hammock. Yellow 6. Biosphere
J'ai de longs tunnels de souvenirs. Dire Straits. U2.
J'ai des phases d'ascenseur. Tord Gustavsen Trio.
J'ai des descentes classiques, bien que ce mot ne convienne strictement pas à la musique qu'il englobe. Wagner. Schubert. En fait, il faudrait éliminer ce mot ridicule de classique et orienter les musiques selon d'autres catégories. Je m'y emploie :
Frank Martin, Francis Poulenc, Klaus Nomi et Nina Hagen, tous fils de l'épopée classieuse teintée de punk.
Dans la blancheur presque triste et si monotone de la ville tranquille, les affiches sur les devantures ou les radios dans les cafés parlent du vaste monde. Bombes sur la Palestine, attentats suicides sur Israël, et leurs émules dans les rues de Sarcelles, Paris, Marseille. Guerres importées par l'immigration, guerres exportées par les besoins insatiables du capitalisme en Syrie et en Afghanistan, destruction de pays au nom de la démocratie et des droits de l'homme, catéchisme souillé par ses clercs, comme tous les catéchismes. Christ trahi par les églises, droits de l'homme trahis par ceux qui en vivent (Proudhon : « la pensée d'un homme en place, c'est son traitement »).
Interzone, je te suis dans les méandres mécaniques de ton tempo trop lent. Tu sais détruire les fragiles édifications intellectuelles, tu sais effacer les dialogues trop ressassés.
Vidéos pour faire le vide. Contrairement à une voiture qui s'arrête à des stations essence pour faire le plein, je dois quelquefois cesser toute action pour faire le vide. Le miroir s'enfonce dans le miroir dans un château bourguignon, non loin de Montréal. Des images se succèdent, défilé à peine lyrique des formes pures. Ou quel fou laissa ce bateau amarré voguer quand même de longues minutes sous le joug sonore scandinave ?
Tout cela ne vous emportera peut-être pas aussi loin que mon rêve. Chacun, nous avons nos rêves, qui qui sait d'où ils viennent et où ils iront. La vie qui nous est donnée est courte et amputée déjà, dès le départ, par l'atrophie des pensées et des sentiments. Nos sensations nous blessent ou nous exaltent, mais les voilà déjà parties. Je me regarde dans la glace comme la plupart de mes contemporains, cette foule sans idéaux, et je ne sais pas qui je suis. Peu importe, le temps passe, la mort viendra bien, bien avant que j'aie tenté quelque chose. À moins que je n'essaye dès aujourd'hui ? Lire, écrire, penser, agir, construire quelque chose, là où la loi a oublié de l'interdire, là où le regard d'autrui ne songe pas à se poser.
Ils reviennent de vacances et déploient leurs photographies mais je n'ai aucun album à dévoiler de mon grand voyage intérieur. Pourtant j'ai vu des choses, sombres et pleines de lumière, le matin et le soir, et j'ai vaincu le Temps.
Peut-être aussi que j'écoute les départs pour oublier le Départ ; peut-être que je fuis les tropiques parce que j'attends les Tropiques. Peut-être que je vois des bulles pour être soûle, soûle, soûle. Peut-être qu'une étoile m'a ouvert des portes de la perception ?
C'était l'époque où je cherchais partout quelqu'un que je ne rencontrais pas, quelqu'un qui ait du charme, un charme fou et irrécupérable. C'était l'époque des arbres teintés de tous les verts nacrés dans la forêt touffue d'un décembre doux. Une forêt montagnarde où les feuilles des arbres ne tombent pas. Je voudrais réussir cette acrobatie, d'être fière de moi sans que personne ne soit jaloux de moi. Je voudrais vous éclabousser de mes rêves et de mes toiles d'araignée, de mes baisers de pluie, de mes rires éclatants, sans que vous en preniez ombrage. Les charismes nés de tromperies ou de mensonges ont des postérités désagréables.
Un autre jour ou dans un autre cauchemar (comment savoir?) une femme commentait négativement sa vie. L'insatisfaction se focalisait sur le destin qu'elle n'avait pas choisi. Il faut choisir, choisir, car toutes les erreurs valent mieux que l'aigreur d'avoir laissé passer les événements sans jamais rien en décider. Mieux vaut mille erreurs que l'aigreur. Mieux vaut des nuits sur le bitume que sur une couette trop d'amertume. Si tu ne choisis rien, choisis au moins de ne pas choisir, et que ton sacrifice soit consenti en héros qui porte sa croix.
Mar desconocido, mer inconnue, mer intérieure, mer amère et trop profonde, mer silencieuse de méandres et d'abysses, mer muette, mer peuplée de poissons et de créatures qui se désintègrent dès que la lumière les capture. C'est toi que je veux conquérir, toi qui brasses tes tonnes aquatiques à l'intérieur de mon corps, et pour cela je n'ai qu'à fermer les yeux. Tous les tours du monde trompent l'ennui. Toi, tu es brute, trop brute, étrangère à la tricherie. Tu m'appelles, tu m'attends, je te crains et je t'aime.
Tu m'emporteras.
Mais pour l'heure, le soleil tourne dans la cour comme un moulin. Le vent écoute sa propre voix. Au loin les passants conversent sans y penser, sur le chemin de la ville qui mène aux dunes.
Une femme écrit un texto qui mentionne « une couleur, une ampleur, une musique jusque-là inconnues ». Je crois entendre la poésie magnétique qui nous garde, enlacé(e)s à l'existence comme un fruit à son arbre.
Bande originale de cette errance :
Because our lie breathes differently - par Dakota Suite
I can almost see you - par Hammock
Maré - par Yellow 6 (alias Jon Atwood)
Laïka - par Biosphere (alias Geir Jenssen)
Water of Love - par Dire Straits
Numb - par U2
Being there - par Tord Gustavsen Trio
Extrait des pèlerins de Tannhauser - par Richard Wagner
Standchen (Sérénade) - par Franz Schubert
Messe pour double chœur - par Frank Martin
Finale du Dialogue des Carmélites - par Francis Poulenc
The Cold Song de Purcell - interprété par Klaus Nomi
Naturträne - par Nina Hagen
Interzone - par Serge Teyssot-Gay et Khaled AlJaramani
Spiegel im Spiegel, d'Arvo Pärt - interprété par Esmerine au château de Monthelon
Between Signal & Noise - par Eivind Aarset et Nils Petter Molvaer
Le départ - par Amandine Maissiat
Tropiques - par Amandine Maissiat
Soule - par Amandine Maissiat
Film :
The third & the seventh - par Alex Roman
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Les conversations courantes
Mais au fait, nous, pourquoi n'y croyons-nous pas ? Pourquoi ne sommes-nous pas au milieu de l'Assemblée en train de partager le baiser de paix en récitant nos ablutions ? Là est la question qui nous donnera la clef, la clef de notre esprit, la clef du leur.
Le besoin de croire est neurologique (c'est un besoin physique nécessaire à la survie). En l'absence de religion, il se reporte sur le politique. En l'absence de politique, il se reporte sur le culturel.
(Or, le culturel n'existe pas. C'est un amas de représentations floues qui nous poussent et nous attirent plutôt qu'elles ne guident ou structurent).
Nous n'adhérons pas aux croyances distillées dans les médias, dans les manuels scolaires, dans les œuvres d'art massivement diffusées, car nous n'avons pas été choisis pour siéger parmi les élus, à quelque échelon que ce soit. Si on nous avait abreuvés de cadeaux, ou même d'une relative sécurité, nous serions loyaux envers les élites.
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mercredi, 30 juillet 2014
Jeux
Photo de Tieri Briet
Il est loin le temps des jeux. Le temps où les mains cherchaient comment faire plaisir à l'esprit. Le temps où l'on voguait sur les rêves à la dérive, des après-midi entières.
Si des drames avaient lieu dans la cuisine à côté, ou sur le pas de la porte, personne ne devinait la mortification intérieure sur les lèvres douces de l'enfant.
Qui étions-nous ? Cinq ou six en train de grandir entre un arbre et des pavés et le béton de l'école, des rues, des places, des jardins quadrillés.
Que faisions-nous ? Des châteaux de sable, des batailles navales, des courses-poursuites, des recherches de trésor et des cabanes.
Pourquoi vivions-nous ? Nous n'avions pas demandé à naître ; on ne nous avait pas laissé le choix. Nous chantions de tout notre cœur et nous voulions rire matin, midi et soir. Les caresses étaient tantôt rares, tantôt trop présentes, l'espoir renaissait avec chaque soleil. Nous dansions. Nous chantions en chœur et désirions chanter ainsi pour toujours.
Comme il est loin le temps des jeux. Qui pourrait croire, face à mon visage émacié, que potelée je tapais de ma pelle sur le pâté de sable du garçon d'à côté ? Je regarde les enfants d'un air curieux, je cherche quelque chose que je fus. Je ne trouve pas ; je ne trouve plus.
Pourtant, quand les lumières de la ville et celles du ciel se mélangent, quelque chose surgit du fond de mon estomac. Je ne sais pas comment l'appeler. J'ai encore envie de jouer.
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Une année psychédélique en compagnie des belles grues des rues
Notre photo-collaboratrice Mavra tient un monoblog sur les grues depuis le 30 juillet 2013. Un an de passion psychédélique !
Bon anniversaire, blog des grues ! Nous nous souvenons de tes chefs d’œuvre, tel ce mannequin glacé qui aime un inconnu dans le silence d'une rue où soudain, tout s'arrête :
Une seule chose nous importe : c'est que cette passion gruelle ne s'arrête jamais. Comme un rat qui court dans la nuit du béton des villes, le photocapteur de grues n'aime ni les bâtiments finis, ni les rues proprettes, mais il palpe le devenir en attrapant ici et là, du regard ou de l'objectif, la grue qui parle de demain.
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dimanche, 27 juillet 2014
Litanie des premiers quartiers de lune
Lune bénie
Des insomnies,
Blanc médaillon
Des Endymions,
Astre fossile
Que tout exile,
Jaloux tombeau
De Salammbô,
Embarcadère
Des grands Mystères,
Madone et miss
Diane-Artémis,
Sainte Vigie
De nos orgies,
Jettatura
Des baccarats,
Dame très lasse
De nos terrasses,
Philtre attisant
Les vers-luisants,
Rosace et dôme
Des derniers psaumes,
Bel œil-de-chat
De nos rachats,
Sois l’Ambulance
De nos croyances !
Sois l’édredon
Du Grand-Pardon !
Jules Laforgue
Extrait du recueil L'imitation de Notre-Dame la Lune - 1886
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jeudi, 24 juillet 2014
Esprit, qui peut t'enchaîner ?
« Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres »
Étienne de La Boétie
«The most potent weapon in the hands of the oppressor is the mind of the oppressed »
Steve Bantu Biko
Voici trois extraits du très intelligent texte de Ngugi wa Thiong'o, Décoloniser l'esprit, traduit de l'anglais kenyan par Sylvain Prudhomme et publié en France par La Fabrique éditions.
Page 30 :
Il y avait de bons et de mauvais conteurs. Les bons pouvaient dire et redire la même histoire sans jamais nous lasser. Il arrivait qu'ils reprennent une histoire racontée par un autre : elle semblait aussitôt plus vivante et plus haletante. La différence tenait au choix des mots et des images, aux inflexions de la voix, aux brusques changements de ton. Nous apprenions de cette façon le prix du vocabulaire et des nuances. La langue ne se réduisait pas à une suite de mots. Elle avait un pouvoir de suggestion qui excédait largement sa signification immédiate. Ce goût pour la magie du verbe étaient encouragé par des jeux, des devinettes, des calembours, des proverbes, des allitérations sans queue ni tête que nous débitions pour le plaisir des sonorités. Nous n'apprenions pas seulement le sens de notre langue, nous savourions sa musique. Le foyer et les champs étaient notre seule école maternelle, mais la langue de nos veillées nocturnes, la langue de notre communauté et la langue de nos travaux aux champs ne faisaient qu'un, c'est ce qui importe ici.
Par la suite j'allais à l'école, une école coloniale, et cette harmonie fut rompue.
Page 63 :
Les compradors au pouvoir ne redoutent rien autant qu'un soulèvement ouvrier et paysan. Pour peu qu'un écrivain propage l'espérance révolutionnaire au sein du peuple, il devient subversif. Ses écrits sont une menace, il risque la prison, l'exil ou même la mort. Trêve pour lui d'accolades nationales, d'honneurs, de vœux pour la nouvelle année ; il n'a plus droit qu'aux calomnies, aux diffamations, aux mensonges innombrables répandus sur son compte par la bouche de la minorité armée au pouvoir (c'est-à-dire à la botte de l'impérialisme) qui regarde la démocratie comme une menace. La participation démocratique du peuple à la conduite de sa propre existence, ou ne serait-ce qu'au débat concernant la conduite de sa propre existence, a toujours été considérée comme nuisible au bon gouvernement d'un pays et de ses institutions ; dans la mesure où elles sont celles du peuple, les langues africaines ne peuvent qu'être ennemies de l’État néocolonial.
Page 104 :
Un de mes livres, Détenu, porte le sous-titre "journal d'un écrivain en prison". Pourquoi "d'un écrivain" ? Parce que ma principale occupation sous les verrous fut l'écriture d'un roman. Caitaani Mutharabaini (Le Diable sur la croix) parut en 1980 chez Heinemann. C'était le premier roman écrit en kikuyu.
Au moment de mon arrestation, le 31 décembre 1977, outre mon engagement dans les activités du centre Kamiriithu, j'étais professeur et directeur du département de littérature de l'université de Nairobi. Je me souviens de mon dernier cours. C'était avec mes étudiants de troisième année. Au moment de nous séparer, je leur annonçai mon intention de reprendre l'année suivante une étude de l’œuvre romanesque de Chinua Achebe. Je voulais analyser, des premiers livres aux plus récents, l'évolution de la représentation de la petite-bourgeoisie, professeurs, soldats, policiers, catéchistes, contremaîtres, depuis le début du colonialisme jusqu'à leur accès au pouvoir et à leur responsabilité dans le naufrage du pays. En prévision de ce travail, je demandai aux étudiants de lire deux livres sans lesquels on ne peut à mon avis comprendre la littérature africaine : Les Damnés de la terre, de Frantz Fanon, et L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, de Lénine.
Cinq jours plus tard - exactement six semaines après l'interdiction de Ngaakika Ndeenda (Je me marierai quand je voudrai), j'étais enfermé comme prisonnier politique dans la cellule 16 de la prison de haute sécurité de Kamiti. La cellule du 16 allait devenir pour moi ce que Virginia Woolf appelait "une chambre à soi" et qu'elle considérait comme indispensable à l'écrivain. La mienne m'était fournie gratis par le gouvernement kenyan.
Décoloniser l'esprit, de Ngugi wa Thiong'o. Traduit de l'anglais kenyan par Sylvain Prudhomme. La Fabrique édition.
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dimanche, 20 juillet 2014
Index nominum : C
C
Cagliostro (Joseph Balsamo)
Il est cité dans Comme l'éclatante lumière du midi
Les Calcinés
Ils sont auteurs de Je n'abats jamais
Calélira
Elle est l'auteur de Equihen plage : un petit bout de liberté
Truman Capote
Il est mentionné dans La ville de perdition
Il est mentionné dans Un dimanche à Avila
Il est mentionné dans Mystique littéraire
Il est mentionné dans Moineville : la ville des écrivains
Il est mentionné dans La tourelle du hibou
Celeblog (blogueur)
Il est cité dans Auto(?)censure
Chiquita
Elle est mentionnée dans Mascara
Ceppi
Il est mentionné dans Des thèmes, quelques œuvres (sans être expressément nommé)
Jules César
Il est mentionné dans Intemporalité
François René de Chateaubriand
Il est mentionné dans Dialogue entre deux hommes qui ne se sont jamais rencontrés
Il est mentionné dans la Soirée Rouge Célibat de Maître Ravenswood
Il est cité dans Mélange de paternités
Il est cité dans Éloge de la Mémoire
Il est mentionné dans Auto(?)censure
Il est cité en exergue de L'homme des mégalopoles
Malcolm de Chazal
Il est cité dans Délirium très mince
Olivia Chevalier-Chandeigne
Elle est citée dans Horreo
Frédéric Chopin
Il est mentionné dans la Maternité
Joan Clark
Elle est mentionnée dans Dans l'avenue Desbordes-Valmore
Estelle Claris
Elle est l'héroïne d'Estelle au mois d'avril
Robert S. Close
Il est mentionné dans Aime-moi (baise-moi ?) matelot : le seul roman de gare entièrement lu devant une Cour suprême très sérieuse
Jean Cocteau
Il est mentionné dans Une enfance littéraire française I
André Collinet
Il est cité dans L'après-midi aux Sables d'Olonne
Il est cité dans Il n'arrive point de barrique de sucre en Europe qui ne soit teintée de sang humain
Il est mentionné dans La confrérie de Baude Fastoul
Ry Cooder
Il est mentionné dans La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T
Julien Coupat
Il est cité dans Militants radicaux des deux extrémités du centre
Crin Blanc
Il est mentionné dans L'enfance, la civilisation et le monde sauvage
Il est mentionné dans L'âme-soeur et la sœur nourricière
Il est mentionné dans Une chansons, trois films
Il est mentionné dans Alcool, liberté, littérature
Astolphe de Custine
Il est cité dans Le despotisme des bons
L'index des noms propres d'AlmaSoror se constitue au fil des heures perdues, des insomnies et des paresses.
Il permet à la barmaid de ce zinc blogal, sur lequel vous venez d'échouer pour la première ou la millième fois, de se ressouvenir des huit années d'existence d'AlmaSoror, d'abord en tant que revue mensuelle en ligne, entre septembre 2006 et septembre 2008, et puis ici même, en blog à chronoposologie libre et variable.
Le temps passe, je vieillis, AlmaSoror vogue et ne sombre pas. Si nous ne servons plus d'alcool de salamandre sur ces terres virtuelles (pour des raisons antispécistes), nous ne manquons jamais d'inventer de nouvelles recettes de cocktails inédits et épicés, frais et alcoolisés, pour nos visiteurs de l'aube à la nuit.
Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Des êtres de passage, assurément. Il n'y aura aucun survivant dans les décombres de notre époque, un jour nous serons poussière et des enfants du futur, peut-être, viendront deviner comment et pourquoi nous avons existé.
Blancheur ! Blancheur ! Blancheur ! La grande blancheur éclate autour de moi. J'ai nagé hier soir dans l'océan brumeux à l'heure où les lampadaires de la ville océane s'allumaient. L'eau était froide.
J'ai rêvé dans la rue qui monte, des corbeaux sur la neige, des arbres à perte de vue, des enfants roux enveloppés dans des manteaux de plume. Une fille d'environ quarante ans me tenait par la main, silencieusement nous contemplions ce paysage.
Immobile et silencieuse, je me suis endormie au bout du tunnel de l'insomnie. AlmaSoror, tu ressembles à mon destin.
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samedi, 19 juillet 2014
Aide à vivre
Ce silence est un luxe, un appel, parfois presque un étouffement. Quelle quiétude, ces bougies, cette lenteur de vivre, la douce lumière rouge aux lueurs jaunes qui se balance dans la pièce. Dans ce moment où je me sens enfin vivre l'instant présent, qui sait si ce que je ressens ressemble à la caresse de la paix profonde ou à la morsure affreuse de l'angoisse ? Moi, je ne sais pas. Mais tout est si beau et intense quand on ressent la pleine présence du moment, quand on est tout entier à ce qui est. La beauté du lieu dans le soir tombé, la chaleur diffuse et infiniment douce de la lumière aident à vivre.
Motz-Loviet
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Béatitude
La plus grosse douleur, c'est d'être rejeté du monde. Pour nous, les hommes ; pour les animaux aussi. Loup oméga. Clochard. Prisonnier. Considéré comme coupable, ou pas capable.
Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt :
beati pacifici, quoniam filii Dei vocabuntur :
beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam,
quoniam ipsorum est regnum caelorum.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui subissent persécution pour la justice,
car le royaume des cieux est à eux.
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vendredi, 18 juillet 2014
La robe rouge de Dana
Synopsis
Chili, années 70.
Monsieur Barka est le chef de la police du Chili. Il est père de deux enfants, un fils, fidèle, qu’il ne respecte pas, et une fille Victoria, qu’il a adorée toute son enfance et qui est désormais une opposante acharnée du gouvernement.
Il y a une dizaine d’années, il a emprisonné sa fille Victoria, enceinte, et son gendre parce qu’ils faisaient de la dissidence. Il n’a pas hésité à faire exécuter son gendre et “disparaître“ sa petite fille Isabel, née en prison.
Depuis, Victoria Barka est retournée vivre dans son village, où vit également son amie Dana, universitaire alcoolique. Elle écrit des articles pour un journal contestataire et fréquente des amis proches de la dissidence, ayant renoncé au système.
Mais un jour, Victoria Barka revient dans un article sur les assassins de sa fille et de son mari ; elle n’y cite pas expressément son père, mais personne ne peut s’y tromper.
Après la lecture de cet article, Barka décide de partir rencontrer sa fille. Il veut avoir une explication avec elle, et surtout, lui annoncer la vérité : sa fille Isabel n’est pas morte. C’est lui qui l’a adoptée et qui l’élève. Pendant ce temps, Victoria passe le temps avec Dana et Pierre, un ami de Dana. Pierre, photographe français en visite, se trouve impliqué dans une histoire politique qui ne le concerne pas, et au cours de laquelle il fait face à ses propres démons. Tandis que dans le village trois filles qui rappellent les Erinnyes de la mythologie gréco-romaine, semblent comploter, et il est difficile de savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire.
Lors de la rencontre fatidique entre le père et la fille, Barka est muré dans ces certitudes et Victoria dans sa souffrance. Barka ne révèle donc pas le secret d’Isabel. Déçu, de retour chez lui il organise un coup monté pour ré-emprisonner sa fille. Ce coup politique à des fins personnelles est contré par son propre gouvernement. Mais il s’en sort à temps. Et Victoria reste vivre dans son village, ignorant encore l’existence de sa fille. Jusqu’à quand ?
Note d’intention
A travers l’histoire d’une femme, Victoria, dont la vie est entièrement, implacablement détruite par son père dont elle est l’opposante politique, au sein de la dictature chilienne, surgit la question des choix personnels et des sentiments intimes, et du conflit que leurs oppositions éventuelles peuvent créer.
Trois thèmes sous tendent cette histoire.
J’ai voulu parler de la culpabilité. De la difficulté d’être la fille d’un assassin, d’un suppôt d’une dictature, quand l’amour et la répulsion se disputent au creux d’un cœur d’adulte qui, vis-à-vis d’un père, ne peut qu’être un cœur d’enfant. Ainsi, la culpabilité politique et la culpabilité familiale, dont la résolution est contradictoire.
Le second thème émerge de lui-même du conflit qui oppose les personnages, et concerne deux attitudes-types et antinomiques, face à la vie et à la société. Il y a le pouvoir absolu qui ne veut jamais se remettre en question, parce qu’il représente l’ordre suprême, et il y a la résistance, qui fait la révolution. Et le nécessaire lien qui unit ces deux attitudes, et qui peut se transformer en besoin réciproque et par là devenir un système tournant sur lui-même et pour lui-même.
Mais au-delà de ces rôles-types je me suis demandé quels types d’êtres humains ces attitudes cachaient ou révélaient, et quels sentiments, quelles idées, quelles émotions les dominaient et motivaient leurs choix. Sommes nous des marionnettes destinées à jouer des rôles que nous n’avons pas choisi, dont nous n’aurions pas voulu ? Où se situe notre pouvoir d’action sur notre propre vie ? Quand on est quelqu’un d’entier et qu’on a fait un choix en profondeur, que ce soit celui de la violence ou celui de la résistance, a-t-on les moyens de revenir en arrière ? Quand on a tout misé pour un idéal, revenir en arrière, n’est-ce pas se trahir soi même ? Enfin, quand on a perdu son amour (l’amour de sa fille, l’amour de son père) pour sa cause, la cause n’est elle pas le substitut essentiel et vital de cette perte ?
Je me suis demandée si l’histoire de Victoria et de son père était une déchirure liée à un hasard politique, ou la conséquence d’une trop grande compréhension, d’une fusion telle qu’elle interdit la vie, et que seule la lutte implacable peut briser.
Car au delà de leur opposition qui relève de la tragédie au sens narratologique du terme, le drame du père et de la fille réside peut-être dans leur étrange ressemblance, dans leur identification au rôle qu’ils se sont donnés à eux-mêmes, ou que les circonstances leur ont donné.
La robe rouge de Dana – Dana étant à la fois témoin et symbole, confidente de Victoria telle les deuxièmes rôles des tragédies du XVI éme siècle, dont la présence exacerbe le drame – est un drame familial et politique, à la fois profondément individuel et profondément collectif, qui met en scène la déchirure qu’implique une incohérence entre l’éthique (ici politique) et l’amour (ici paternel et filial). En toile de fond, le débat entre la recherche de l’absolu (l’ordre) et l’acceptation de l’imperfection (le désordre) se trame. Et le scénario se clôt sur la fureur de vivre et de se battre pour la liberté, que rien n’éteint.
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L'homme et la brique
Un père pontier à l'usine à Flins, une mère serveuse à L'oie d'Or, et moi j'ai créé une briqueterie artisanale. Cuite ou crue, peinte ou nue, ocre ou grise, ma brique est terre et elle rendra douce ou mystérieuse l'ambiance où vous ferez grandir vos petits. Murs et murets, tables et bar intérieur de cuisine, voyez tout ce que vous pouvez aménager grâce à notre métier, si ancien, si bien ancré dans notre présent.
Au commencement était l'argile. L'eau de kaolin vient s'y mêler. Le pétrissage, puis le séchage, distillent leurs odeurs et leur poussière, qui hanteront les rêves de mes fils Hugues, Kévin et Bastien quand ils seront grands – quand ils seront vieux. J'ose espérer que l'un d'eux reprendra la maison Pontguillaume. J'ose espérer qu'ils s'entendront toujours aussi bien qu'hier soir, lorsqu'ils jouaient au ballon au coucher du soleil.
Il faut disposer les briques dans le four, et j'aime à voir mes apprentis, au début gauches et hésitants, devenir, avec les mois qui passent, les rois de la cuisson. Ils apprennent à aimer la vision infernale du rougeoiement pendant que les rectangles de terre chauffent, chauffent, chauffent...
Des tuiles ? Quelquefois. Quand les commandes de briques s'effondrent, que la demande en tuiles demeure, oui, nous créons de belles tuiles pour une clientèle amatrice de toits rouges et oranges. Mais la brique reste notre plume de paon.
Nous vivons au bord du fleuve. C'est le signe d'un contact avec l'eau, qui irrigue la terre et la rend ferme et molle et friable. C'est le signe d'un contact avec la lune, qui dirige les élans des eaux de la planète, la Terre.
Je ne parlerai pas des soucis qui rongent mon être. Il suffit de dire que tout n'est pas rose. Les femmes savent faire souffrir, les hommes oublient les services rendus. Mais les enfants qui jouent le soir, le regard aimant du chien, l'odeur des briques, le souvenir du père et de la mère partie trop tôt, tout cela fait de moi un homme qui vous dit : merci.
Micka Pontguillaume
Sur AlmaSoror, on peut lire aussi le témoignage de Calélira sur sa ville d'enfance, Equihen.
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dimanche, 13 juillet 2014
Le film du dimanche soir : Milton Pluie
Pour terminer ce long dimanche, regardons Milton pluie, par Sara
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samedi, 12 juillet 2014
Toi
Je dors dans une chambre où le soleil balaie la poussière à la tombée du soir ; j'y bois une tisane au pissenlit au milieu des volutes de guitare électrique qui s'échappent de mon ordinateur. Je revois en pensée l'époque où tu m'accompagnais.
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Vous, les loups
Lorsque les enfants des écoles vont rencontrer leurs grands frères et grandes sœurs des maisons de retraites, et que l'un d'eux commence à raconter une histoire du temps où il avait leur âge, le dernier loup breton remonte à la surface des mémoires et nous rappelle la cruauté et la beauté, des loups comme des hommes.
Ainsi, voici le début d'une histoire trouvée sur Arbannour. Mais celui qui trouvera la suite pourra prévenir AlmaSoror, et recevoir ainsi le plus beau baiser virtuel du monde.
« L'hiver 1865 avait été terrible et toute la région avait souffert d'un froid précoce et épouvantable, au point que nous ramassions les poissons morts le long des berges gelées de l'Odet. Nous n'allions pas à l'école tant le vent d'est sifflait et étouffait le pays sous un un épais manteau de gelée et de brumes.
Le matin, toute la famille restait bien au chaud dans la pièce commune de la grande maison où Jakez et ses cinq frères et quatre sœurs vivaient.
Seul Youenn le père se levait de bon matin pour nourrir les bêtes et il allait avec sa brouette jusqu'au village livrer le lait frais.
Ce matin-là, le silence était différent et même le coq restait muet. Seul un petit bruit d'étincel- les qui crépitaient dans la cheminée et une bonne odeur de soupe nous avertissaient que notre mère préparait le petit déjeuner.
Mes sœurs remuaient doucement dans leur grand lit au fond de la pièce et je les voyais à peine.
A gauche, le grand lit clos des parents semblait bailler d'une nuit trop courte.
Par les carreaux givrés, je distinguais le gros brouillard qui montait de la rivière avec la marée, et la fumée, qui descendait de la cheminée, paraissait s'ajouter à cette lumière opaque.
Soudain au loin, on entendit le bruit caractéristique des gros sabots ferrés de mon père et la roue cerclée de la brouette sur le petit pont à une centaine de mètres de la ferme. Les bruits nous arrivaient déformés par le brouillard et nous semblaient à la fois proches et loins, forts et doux.
A l'ordinaire, l'arrivée de mon père accélérait le lever de toute la famille qui attendait ce moment avec beaucoup d'impatience : le pain frais du matin était notre seule joie de la journée et quoique notre famille n'était pas la plus pauvre, nous mangions presque toujours les mêmes repas : soupe, pain, des oeufs et un peu de viande le dimanche.
Les enfants appréciaient la miche chaude du matin et nous dégustions notre unique tranche comme un gâteau de choix.
Mais aujourd'hui, mes frères et mes sœurs ne se réveillaient pas. Étant l'aîné, je me levais souvent un peu avant eux pour aider ma mère à préparer la tablée et à nourrir les poules et les lapins.
Aujourd'hui, j'avais dix ans et je me sentais plus responsable et presque un homme ».
Le texte est publié (non intégralement, sacrebleu), sur le site d'Arbannour, à cette place exactement...
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vendredi, 11 juillet 2014
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« Car, si toutes connaissances ont l'être pour objet, et finissent là où l'être finit, nécessairement celui qui l'emporte sur tout être échappe aussi à toute connaissance ».
Saint Denis l'Aréopagite, Des noms divins, ch 1, §5.
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