Jeux (mercredi, 30 juillet 2014)
Photo de Tieri Briet
Il est loin le temps des jeux. Le temps où les mains cherchaient comment faire plaisir à l'esprit. Le temps où l'on voguait sur les rêves à la dérive, des après-midi entières.
Si des drames avaient lieu dans la cuisine à côté, ou sur le pas de la porte, personne ne devinait la mortification intérieure sur les lèvres douces de l'enfant.
Qui étions-nous ? Cinq ou six en train de grandir entre un arbre et des pavés et le béton de l'école, des rues, des places, des jardins quadrillés.
Que faisions-nous ? Des châteaux de sable, des batailles navales, des courses-poursuites, des recherches de trésor et des cabanes.
Pourquoi vivions-nous ? Nous n'avions pas demandé à naître ; on ne nous avait pas laissé le choix. Nous chantions de tout notre cœur et nous voulions rire matin, midi et soir. Les caresses étaient tantôt rares, tantôt trop présentes, l'espoir renaissait avec chaque soleil. Nous dansions. Nous chantions en chœur et désirions chanter ainsi pour toujours.
Comme il est loin le temps des jeux. Qui pourrait croire, face à mon visage émacié, que potelée je tapais de ma pelle sur le pâté de sable du garçon d'à côté ? Je regarde les enfants d'un air curieux, je cherche quelque chose que je fus. Je ne trouve pas ; je ne trouve plus.
Pourtant, quand les lumières de la ville et celles du ciel se mélangent, quelque chose surgit du fond de mon estomac. Je ne sais pas comment l'appeler. J'ai encore envie de jouer.
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Commentaires
Vous ne le savez pas, mais mot pour mot, ligne à ligne, c'est tout ce que je pourrai dire, et de ce que j'ai vécu, et de ce que je pense aujourd'hui...
Merci.
Il y a un autre moi-même dans le frère que j'ai perdu et la sœur jamais née qui aurait pu être l’aînée de notre fratrie.
Je me sens bien, à présent, après vous avoir lue, âme sœur...
Merci.
Jean-Jacques M’µ
Écrit par : Jean-Jacques M’U | lundi, 04 août 2014
Alors dédions Jeux à ce frère en-allé, à cette soeur jamais née, cher visiteur de l'Âme-Soeur.
"On est de son enfance comme on est d'un pays" et bien souvent ce pays c'était une terre dévastée par la guerre des grands, avec des frontières instables. Mais des fleurs sauvages poussaient ici et là et la joie surgissait au détour d'un événement minime.
Nos autres "soi-même" semblent nous veiller, sentinelles postées au bord des nuits blanches du coeur. Merci à eux.
Écrit par : AlmaSoror | lundi, 04 août 2014