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dimanche, 01 août 2021

Extrait du magnifique "Au-dessus de la mêlée"

Au-dessus de la mêlée, publié dans le Journal de Genève alors que la guerre faisait rage depuis moins de deux mois, l'affreuse guerre de 14-18. Cela lui a valu bien des haines, mais peut-être aussi, le prix Nobel de littérature, ce texte qui dérangeait les partis mais ne pouvait qu'apaiser la souffrance psychique de ceux qui voyaient l'absurdité de ce grand assassinat de masse co-organisé par les États.

Voici un petit extrait de ce texte qui fut une lueur dans la nuit affreuse des boucheries humaines mais n'empêcha pas un mort...

"Osons dire la vérité aux aînés de ces jeunes gens, à leurs guides moraux, aux maîtres de l’opinion, à leurs chefs religieux où laïques, aux Églises, aux penseurs, aux tribuns socialistes.

Quoi ! vous aviez, dans les mains, de telles richesses vivantes, ces trésors d’héroïsme ! À quoi les dépensez-vous ? Cette jeunesse avide de se sacrifier, quel but avez-vous offert à son dévouement magnanime ? L’égorgement mutuel de ces jeunes héros ! La guerre européenne, cette mêlée sacrilège, qui offre le spectacle d’une Europe démente, montant sur le bûcher et se déchirant de ses mains, comme Hercule !

Ainsi, les trois plus grands peuples d’Occident, les gardiens de la civilisation, s’acharnent à leur ruine, et appellent à la rescousse les Cosaques, les Turcs, les Japonais, les Cinghalais, les Soudanais, les Sénégalais, les Marocains, les Égyptiens, les Sikhs et les Cipayes, les barbares du pôle et ceux de l’équateur, le âmes et les peaux de toutes les couleurs ! On dirait l’empire romain au temps de la Tétrarchie, faisant appel, pour s’entredévorer, aux hordes de tout l’univers !… Notre civilisation est-elle donc si solide que vous ne craigniez pas d’ébranler ses piliers ? Est-ce que vous ne voyez pas que si une seule colonne est ruinée, tout s’écroule sur vous ? Était-il impossible d’arriver, entre vous, sinon à vous aimer, du moins à supporter, chacun, les grandes vertus et les grands vices de l’autre ? Et n’auriez-vous pas dû vous appliquer à résoudre dans un esprit de paix (vous ne l’avez même pas, sincèrement, tenté), les questions qui vous divisaient, — celle des peuples annexés contre leur volonté, — et la répartition équitable entre vous du travail fécond et des richesses du monde ? Faut-il que le plus fort rêve perpétuellement de faire peser sur les autres son ombre orgueilleuse, et que les autres perpétuellement s’unissent pour l’abattre ? À ce jeu puéril et sanglant, où les partenaires changent de place tous les siècles, n’y aura-t-il jamais de fin, jusqu’à l’épuisement total de l’humanité ?

Ces guerres, je le sais, les chefs d’États qui en sont les auteurs criminels n’osent en accepter la responsabilité ; chacun s’efforce sournoisement d’en rejeter la charge sur l’adversaire. Et les peuples qui suivent, dociles, se résignent en disant qu’une puissance plus grande que les hommes a tout conduit. On entend, une fois de plus, le refrain séculaire : « Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté », — le vieux refrain des troupeaux, qui font de leur faiblesse un dieu, et qui l’adorent. Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres de l’univers, qu’ils ont pour devoir de gouverner. Point de fatalité ! La fatalité, c’est ce que nous voulons. Et c’est aussi, plus souvent, ce que nous ne voulons pas assez. Qu’en ce moment, chacun de nous fasse son mea culpa ! Cette élite intellectuelle, ces Églises, ces partis ouvriers, n’ont pas voulu la guerre… Soit !… Qu’ont-ils fait pour l’empêcher ? Que font-ils pour l’atténuer ? Ils attisent l’incendie. Chacun y porte son fagot.

Le trait le plus frappant de cette monstrueuse épopée, le fait sans précédent est, dans chacune des nations en guerre, l’unanimité pour la guerre."

Lisons ce texte entièrement par ici...

 

(Mais si Rolland s'élève avec sa révolte, il chute avec son espérance candide d'un comité de probité morale international. Nous savons bien, nous, en 2021, qu'un tel comité ne serait-qu'une tartufferie... Enfin, Au-dessus de la mêlée demeure une grande envolée de la conscience, loin au-dessus des polémiques et des accusations sempiternelles des camps opposés).

vendredi, 06 septembre 2019

Adieu, Julien Gauthier, compositeur, et bonjour éternel à ta musique

Malheureusement, je n'assisterai pas demain à l'hommage rendu au compositeur Julien Gauthier, qui était aussi l'homme qui aimait et était aimé d'une chère amie. L y sera pour nous deux.

C'est pourquoi, ce soir, j'écoute sa symphonie australe. Il l'avait composée après avoir passé de longues semaines en résidence aux îles Kerguelen, à enregistrer les sons des animaux et des éléments.

C'est au cours d'un autre voyage du Nord, un périple au Canada, où il enregistrait encore les sons de l'environnement, que Julien Gauthier est mort, d'une mort stupéfiante. Au petit matin, un grizzly est entré dans sa tente et l'a emporté.

Thou, nature, art my goddess; to thy law
My services are bound.


Ô nature, tu es ma déesse ; c'est à ta loi que sont voués mes services. Ainsi parle Edmund dans le Roi Lear, de Shakespeare. La nature prend alternativement les noms de Désir et de Cruauté.

Julien, un beau regard, une pensée solide, profonde, que nous pensions revoir et confronter encore.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Des yeux sans nombre ont vu l'aurore.

Ils dorment au fond des tombeaux

Et le soleil se lève encore !

 

Les siens, d'yeux, étaient clairs, comme sa musique qui mariait élégamment la tradition sonore et l'exploration contemporaine.

 

L'écouteriez-vous ? Elle est par ici, sur une page de la grande toile des vivants et des morts, tous éternels.

Le premier mouvement attire avec séduction et douceur, et, à la fin du grand voyage symphonique austral, le cinquième mouvement ressemble à une injonction à vivre debout.

Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde.

jeudi, 19 septembre 2013

Alcool, liberté, littérature

« Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ».
Étienne de La Boétie

« Dans chaque Français, il y a un Robespierre. Il faut toujours qu'il décapite quelqu'un ou quelque chose, afin de le rendre pur ».
Romain Rolland

« Aujourd'hui, la réalité est absurde, aussi horrible, aussi impénétrable que nos rêves. Et face à elle, nous sommes sans défense, comme dans nos cauchemars... ».
Ingmar Bergman

chats blancs, voiture, mavra

Ah ! ah ! ah, compagnon des mauvais jours d'avant ! Tu vois un coach pour projeter une image de puissance professionnelle et intellectuelle, de détente, d'amour et de liberté.
Tu es beau, quoi qu'il arrive.
Tu marches, avec la classe des hommes qui défient les hérauts du maL, sur les pages de nos bandes dessinées. Oui.

J'ai voulu définir une ligne éditoriale pour mon profil bas : alcool, liberté, littérature.

Du hard metal dans ta voiture, un frère en marche vers son destin. L'amour est muet, l'âme incapable ; tu ignorais être tant aimé.
Du grégorien dans l'abbaye et la mémoire d'un habit de toi qui traîne encore ici dans la voiture de papa.
Cilices des retrouvailles dans un train il y a presque dix ans, les mots nous trompent et les silences nous laissent absents.

L’autoroute glacial, de métal, s’étend et se déploie. L’asphalte est fraîche comme un grand verre de citron glacé à la vodka. Ne chuchote plus rien, souvenons-nous que la vie est un instant entre deux nuits.

Boulevard de la mer, la route abandonnée, une histoire romantique, heureuse, intéressante, dramatique avec de grands moments de paix et de vastitude.
Mon histoire finit dans un mélange de soleil et de vent, sur une colline. Beauté de la nature sauvage et silencieuse, souvenir de la ville et de la musique.

Crin Blanc et Sir Jerry dansent dans ma mémoire, peuplent les hauts-fonds de mon corps.
Je cours en liberté.
Je dénoue des intrigues.

L'histoire d'un homme et d'un chien qui marchent, heureux, dans le Poème. Ils sont sur la route. Une maison les attend.

(Rêve : une conversation située entre le réel et l'onirique avec des gens mélangés que je connais et que j'invente. A la fin du rêve : je me sens un peu étonnée, contente que ce soit fini. Toi tu dors, tu dors tellement).

La lampe, près du repas qui nous attendra : jolie, grise et élégante, mystérieuse, un tout petit peu trop lumineuse, bien habillée avec son abat-jour, belles anses, long cou de girafe, discrétion surannée.

 

Edith, un dernier soir d'août ou un premier soir de septembre d'une année quelconque

 

mardi, 20 août 2013

20 août, billet anniversaire

Es-tu né dans un port, Jean de La Ville de Mirmonts ?

Musique, tu es la mer intérieure, l'âme profonde.

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mercredi, 02 janvier 2013

Et moi, j'écoutais, crevant d'ennui

 

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Romain Rolland, dont l'épouse Macha (communiste athée élevée dans l'orthodoxie) est en train de se convertir au catholicisme, crie sa lassitude dans son journal personnel, alors que sa femme et ses hôtes, l'écrivain Alphone Bredenbeck de ChateaubrianT (qui n'a rien à voir avec ChateaubrianD) et sa compagne, sont plongés dans d'obscurs et béats entretiens religieux.

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« Donc, Chateaubriant et son amie ont passé l'après-midi parlant de Dieu avec Macha, sans arrêt, cinq heures durant. Et moi, j'écoutais, crevant d'ennui, la tête malade, n'en pouvant plus de cette atmosphère d'absurdité et de rabâchage métaphysique, théologique, « mystagogique », où je suis forcé de mariner, comme un vieux concombre récalcitrant, depuis quatre à cinq mois ! Je ne puis plus tolérer une goutte de ces divagations infantiles, toutes jubilantes de leur certitude, dans le sans-forme. Je suis saturé jusqu'à l’écœurement. Je finirais par réagir, dans la peau ridée de Voltaire ricanant. Vive le bon sens ! S'il y a un Dieu, je suis bien sûr que c'est son plus bel attribut. Croient-ils lui rendre hommage avec ces montagnes d'obscurités accumulées, qu'ils se flattent ensuite de gravir ? Ne serait-il pas plus vraiment pieux et plus sain de dire : - « Il est trop grand. Je ne sais rien, - sinon que je l'aime et que j'espère en lui » ? Et puis, faire sa tâche quotidienne, simplement, en se confiant en lui, sans se mêler de ce qui le regarde... - C'est là, pour moi, la vraie piété. Tout le reste est orgueil et délire de l'esprit ».

 Romain Rolland - Journal de Vézelay

samedi, 27 octobre 2012

Jean-Christophe, de Romain Rolland

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 Le mardi soir, entre novembre 2011 et septembre 2012, fut consacré au roman-fleuve de Romain Rolland, Jean-Christophe. Des êtres venus d'ici ou de là se rassemblèrent le mardi soir pour lire à haute voix ce long roman.

Voici l'électro-page qui nous permit de suivre la lecture même si l'on ne venait pas tous les mardis. Vous y trouverez les résumés des séances de lecture et les prénoms de ceux qui vinrent lire.

Le Salon littéraire d'Edith continue. Pour en savoir plus, il faut cliquer sur le mot Mystère...

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A quelques centaines de mètres de l'immeuble où Jean-Christophe a été écrit, nous lisons dans une petite pièce au fond d'une cour, entre 20h30 et 22h00.

De nombreuses personnes arrivent sur cette page en ayant tapé "résumé de Jean Christophe de Romain Rolland" dans les moteurs de recherche. Il y a donc d'autres êtres humains qui lisent en ce moment Jean-Christophe, ou bien qui doivent avoir l'air de l'avoir lu, peut-être obligés par leur professeur ! Dans ce dernier cas il doit s'agir de pays (ex-)socialistes car ce sont eux qui ont gardé la lampe rollandienne allumée tandis que nous, Français, nous l'oubliions.

 

Quelques liens avant de lire le résumé de nos séances :

Un article de Dorian Wybot

Un article de Chantal Serrière

Un article de 1922, paru dans le cinquième numéro de la Revue Anarchiste, sur Romain Rolland.

Un article du Figaro à propos de la réédition de 2007, due à Francis Esménard

Se procurer Jean-Christophe

 

Sara, Romain Rolland, Jean-Christophe, Arundel

Résumés des lectures

Mardi 8 novembre 2011

Officiants
Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Édith

Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.

Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est davantage lu et étudié à l'étranger que dans notre bonne vieille France.

Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits, au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.

C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier texte qu'on a appelé "roman-fleuve", l'histoire de Jean-Christophe Krafft.

Durant cette première lecture, nous avons appris des choses sur la naissance et l'enfance de notre héros.

"Aux âmes libres de toutes les nations qui souffrent, qui luttent et qui vaincront", telle est la dédicace de ce fleuve littéraire.
Suit la description de l'enfance : jeux, vitalité, amour, haine, peurs, chocs, craintes... Magnifique portrait d'enfant, sans aucune mièvrerie. Tout l'homme à venir est contenu dans le tout petit Christophe...

 "Les ombres fuient, le soleil monte. Christophe commence à retrouver son chemin dans le dédale de la journée.
Le matin... Ses parents dorment. Il est dans son petit lit, couché sur le dos. Il regarde les raies lumineuses qui dansent au plafond. C'est un amusement sans fin. A un moment, il rit tout haut, d'un de ces bons rires d'enfant qui dilatent le coeur de ceux qui les entendent. Sa mère se penche vers lui, et dit : "Qu'est-ce que tu as donc, petit fou ?" Alors il rit de plus belle, et peut-être même il se force à rire, parce qu'il a un public. Maman prend un air sévère, et met un doigt sur sa bouche, pour qu'il ne réveille pas le père ; mais ses yeux fatigués rient malgré elle. Ils chuchotent ensemble... Brusquement, un grognement furieux du père. Ils tressautent tous deux. Maman tourne précipitamment le dos, comme une petite fille coupable, elle fait semblant de dormir. Christophe s'enfonce dans son petit lit et retient son souffle..."

Mardi 15 novembre 2011

Officiants
Dominique, Jean-Pierre, Vincent, Agnès, Emmanuel, Francis, Laure, Edith

Nous avons lu les premières révoltes du petit Jean-Christophe, qui découvrait les différences sociales : sa mère Louisa est cuisinière chez des bourgeois, à qui elle parle avec déférence. Son beau costume est en fait un vieux costume du fils des bourgeois, ce que celui-ci fait remarquer en ricanant.
Jean-Christophe se révolte aussi contre l'école.
Il refuse d'être un enfant prodige du piano dont on exploite les dons.
Il découvre enfin que son père Melchior est alcoolique et en subit les effets.
Mais son grand-père Jean-Michel est une ressource vivifiante ; le monde imaginaire, la capacité d'invention, de contemplation, la vie mentale, sont également des ressources et des grandes forces de l'enfant. Le style de Romain Rolland est toujours aussi ample et beau.

 

Mardi 22 novembre 2011

Officiants :
Francis, Dominique, Vincent, Agnès, Anne, Emmanuel, Caroline, Édith

Petit musicien prodige, il ressent l'humiliation d'être utilisé, d'être montré comme un singe savant à la cour ducale : que fait-on de sa dignité ? Comment les membres de sa famille peuvent-ils se comporter volontiers en valets ?
Les exemples autour de lui sont contradictoires : les Krafft, musiciens de talent, ambitieux, volontiers valets envers les ducs mais aussi volontiers méprisants envers le peuple, s'opposent à sa famille maternelle, plus simple, sans haute culture, mais aussi plus libre. Où se situer, que choisir entre ces deux modèles ?
Jean Christophe en tout cas est décidé à devenir compositeur de musique. La vie est ambivalente : grands moments de douleur et de maltraitance, visions extatiques musicales et mystiques, magnifiques promenades nocturnes au son des grenouilles et des grillons, sous les étoiles.
Le style de Romain Rolland est toujours aussi somptueux, ample, à la fois structuré et poétique : comment se fait-il qu'on l'ait tant oublié ?

 

Mardi 29 novembre

Officiants
Vincent St, Dominique, Anthony, Jérémie, Alexandre, Caroline, Agnès, Laure, Edith

L'enfance est derrière nous, Jean-Christophe, après la mort de son cher grand-père Jean-Michel Krafft, est entré dans l'adolescence. 

Devenu soutien de famille, il travaille sans cesse.

Un jour, dans un bateau, il rencontre un garçon, Otto. Ils font connaissance et c'est la première fois que Jean-Christophe, d'ordinaire si solitaire, si loin des enfants de son âge, a un ami. 

Cette amitié entre Christophe et Otto est passionnelle, mais après quelques mois de passion suprême on sent poindre le dépit mutuel. 

 

Mardi 6 décembre

Officiants
Vincent Pt, Laure, Agnès, Émilie, Anthony, Vincent St, Emmanuel, Édith

L'adolescence continue et avec elle son cortège d'amères amours.
L'amitié qui liait Otto et Christophe a crevé comme un ballon, disparu aussi vite qu'elle est née. D'ailleurs, Otto est parti étudier loin, à l'université.
Mais une autre histoire, non moins passionnelle, débute entre Christophe et sa nouvelle voisine Minna de Kérich. Quand la charmante madame de Kérich réalise la flamme naissante entre sa fille et le jeune professeur de piano de celle-ci, sa sympathique bienveillance envers le garçon fond comme neige au soleil. Elle emmène Minna en vacances dans la belle et grande ville de Francfort et s'applique à lui faire oublier le jeune garçon, certes doué et amoureux, mais incapable de tenir une fourchette correctement ou de mâcher bouche fermée.

Christophe se rend brutalement compte qu'il est devenu persona non grata chez les Kérich, une humiliation de plus dans sa vie qui n'en a pas manqué, entre un père alcoolique et flambeur, une mère d'un milieu social inférieur aux célèbres musiciens Krafft, ses désirs d'être un artiste libre et sa posture de valet-musicien.

 

13 décembre 2011

Officiants
Mavra, Dominique, Vincent St, Edith

Après l'humiliation due à la rupture forcée d'avec Minna, Christophe se morfond dans les abîmes du désespoir.
Et puis une nuit, on frappe à la porte. Il entend sa mère aller ouvrir, pousser un cri effrayant ; il se précipite ; devant la porte de la maison, Melchior est là, étendu sur une civière. Il s'est noyé.

La mort de son père éveille Christophe, le sort de sa torpeur. Mais sa mère Louisa, elle, perd le sens de sa vie. Elle devient vieille. Elle n'a plus de mari à soutenir, d'enfants en bas à âge. Elle n'a plus goût à la vie.
Christophe s'occupe d'elle, lui promet de rester avec elle.

L'argent vient à manquer... On se décide à aller emménager dans un appartement, au-dessus de chez des vieux amis.
Adieu, belle maison, adieu souvenirs de la gloire passée des musiciens Krafft !
Dans la nouvelle maison, loin du fleuve, il y a du bruit, de l'inconfort. Christophe est assailli par une crise intérieure : il ne croit plus en Dieu !
Et puis tout son être est mangé par une étrange métamorphose. C'est l'adolescence, la vraie, fracassante, qui s'immisce en lui et lui fait risquer de perdre tout ce qu'il avait construit.
Alors se pose une nouvelle question, qui terrasse toutes les autres, qui met sa vie en jeu.
Qui est-il vraiment ?

 

13 janvier 2012

Officiants
Mavra, Vincent St, Dominique, Vincent P, Laure, Théo, Jérémie, Edith

Stupeur totale dès le début de la lecture. Notre éthéré Jean-Christophe, ébloui par la beauté des nuages, assailli par d'étranges flux intérieurs, se jette sur une paysanne dans un champ ! La jeune fille le griffe, le rue de coup, s'en débarrasse. Christophe abattu se terre plusieurs semaines chez lui. Mais, en face de chez lui, habite Sabine. Elle est belle et libre et mystérieuse, jeune veuve avec une fillette. Ils prennent contact tout doucement, quelque chose va avoir lieu... Et nous finissons la lecture par un profond abattement. Sabine est morte en l'absence de Christophe.
Dernier paragraphe : "Chacun remonte à son tour le calvaire des siècles. Chacun retrouve l'espoir désespéré des siècles. Chacun remet ses pas dans les pas de ceux qui furent, qui luttèrent avant lui contre la mort, nièrent la mort, - sont morts."

 

10 janvier

Officiants
Anthony, Laure, Dominique, Mavra, Aurélie, Vincent P, Emilie, Alexandre, Francis, Emmanuel, Edith

Jean-Christophe s'enferme en lui-même après le deuil de Sabine, jusqu'à ce qu'il rencontre dans un bois une jeune femme délurée en train de manger des prunes. Avec Otto, avec Minna, avec Sabine, tout avait été si platonique que nous avons été étonnés par nos jeunes amants dont la première nuit fut si torride. Au réveil, Christophe trouve Ada laide, mais quand elle s'éveille elle semble à nouveau belle et l'histoire d'amour se poursuit. La bourgeoisie de la ville est choquée, Christophe se fâche avec ses logeurs qui le critiquent devant sa mère. Il se fâche tellement fort que Christophe et sa mère Louisa doivent trouver une autre maison.
Au moment du déménagement, réapparait Ernst, un des jeunes frères de Christophe. Criblé de dettes, sans rien, malade, il est accueilli comme le fils prodige par Louisa et Christophe, qui ne savent pas qu'il est manipulateur. Christophe présente Ada à Ernst : perfides, ils sortent ensemble pour narguer Christophe. La séance s'est terminée sur la stupeur douloureuse de Christophe qui vient de le comprendre.

 

17 janvier 2012

Officiants
Mavra, Laure, Dominique, Sophie, Théo, Edith

Trompé par son amante Ada et par son frère Ernst, Christophe plonge dans une vie de débauche jusqu'à la visite de l'oncle Gottfried, le frère de sa mère, humble colporteur qui lui rappelle en quelques mots que Christophe vaut mieux que cela.
Christophe s'éveille alors à nouveau à lui-même et se remet à la création musicale. Il éprouve de grandes déceptions en réalisant que l'oeuvre des plus grands maîtres allemands ne sont pas exemptes de facilités, de fadaises. Il clame bien haut son mépris et décide, lui, d'être au-dessus de tout ce qui a pu être composé avant lui. Il énerve ses collègues par son arrogance et au moment où nous avons terminé la séance, Jean-Christophe achève la répétition générale avec ses musiciens, juste avant le premier concert où il s'exposera comme compositeur devant la ville entière, pour la première fois.

 

24 janvier

Officiants
Mavra, Vincent St, Dominique, Emilie, Vincent P, Aleixandre, Emmanuel, Edith

Le premier concert de Christophe dans sa ville est un échec. Christophe en profite pour développer son amertume, déjà bien présente. Il rencontre dans un café un jeune homme, Franz Mannheim, fils du banquier juif Lothar Mannheim, qui l'initie à un petit groupes de snobs composés de fils de famille juifs et nobles, qui voudraient se prendre pour des anarchistes, des originaux, des révoltés.
Christophe rencontre Judith, la soeur de Franz. Ils se séduisent intellectuellement mais ne s'aiment pas. Christophe devient critique dans la revue du petit groupe de snobs.
Il éreinte les compositeurs, les musiciens, les divas, le public, ce qui effraye la ville. Il ose enfreindre le "tabou" journalistique et prend la liberté d'éreinter un confrère, de s'attaquer non plus aux musiciens, mais aux critiques musicaux. Alors, l'ostracisme commence.

 

8 février

Officiants
Mavra, Jérémie, Vincent P, Dominique, Laure, Emmanuel, Théo, Francis, Edith

Jean Christophe se rapproche d'un groupe de wagnériens patentés, mais se lasse vite de leur admiration servile pour un maître qu'ils estiment indépassable. Plus que jamais lassé de l'esprit allemand, il va un soir au théâtre voir une pièce jouée par une troupe française, sans espoir, les Français étant encore plus vulgaires que les Allemands. De fait, le rôle d'Hamlet est tenu par une femme traverstie. Christophe s'étrangle de rage et méprise cette époque (XIX°siècle) qui va jusqu'à confondre les sexes, quand soudain l'actrie qui joue Ophélie apparaît. Fasciné par cette femme, Christophe va lui porter son admiration le lendemain. Il découvre qu'elle a bon goût en musique. Une amitié s'établit entre eux. Christophe entre ainsi, via Corinne, en contact avec la France...

 

14 février

Officiants
Mavra, Vincent P, Jérémie, Aleixandre, Vincent S, Emilie, Edith

L'espiègle Corinne disparait dans ses tournées lointaines. L'autre française, une petite jeune femme timide qui a perdu son travail de gouvernante à cause de Christophe (ou plutôt d'une machination ourdie par Mannheim) rentre en France. Christophe se dispute avec ses amis de la revue dans laquelle il écrit.
On joue une de ses oeuvres de façon ridicule à seule fin de se ridiculiser. Privé de sa revue, il écrit dans un journal socialiste pour répondre à l'humiliation dont on a couvert sa musique, mais c'est un journal qui couvre de boue, chaque jour, son patron le Grand Duc. Celui-ci le vire, lui retire son statut de musicien officiel et sa protection.Il s'enfuit vers le Rhin, se retrouve là où son père s'est noyé, songe à se noyer. Mais les beaux yeux d'une vache qui pait, la fraicheur d'une fillette, la beauté humide de la terre, l'en empêchent. Il embrasse un arbre, crie son amour pour la vie. Souffrir même, c'est être vivant ! Il aime être vivant !
Christophe compose dans la solitude. Il prend sur lui de publier sa musique à ses frais, mais l'éditeur qu'il contacte est nullissime, l'arnaque et ne vend aucun exemplaire.

 

21 février

Officiants
Mavra, Caroline, Vincent P, Théo, Dalila, Aleixandre, Anthony, Jérémie, Vincent S, Francis, Laure, Edith

Jean-Christophe ruiné doit trouver un travail. Il devient professeur de musique (sous-payé) dans une école, où il ne se fait pas bien voir. Dans son malheur et sa solitude il rencontre le couple des Reinhart, monsieur et madame sont disgracieux (Romain Rolland insiste), d'une grande gentillesse, d'une grande ouverture d'esprit, très épris l'un de l'autre. Christophe trouve du confort et se rend chaque soir chez ses nouveaux amis. Mais cette amitié est vue d'un mauvais oeil par la bourgeoisie de la ville, qui hait Christophe et ne peut comprendre une telle amitié. Des lettres anonymes, envoyées sans relâche à M Reinhart, à son épouse et à Christophe, dénoncent une liaison entre Madame Reinhart et Christophe. Bien que ces allégations soient fausses, le harcèlement harasse nos amis, trouble leur amitié. Ils décident de ne plus se voir.
Christophe à nouveau tout seul part à la recherche de Hassler, le musicien que, petit enfant, il avait regardé avec émerveillement. Hassler avait dit au petit prodige de venir le voir quand il serait grand et qu'il aurait besoin de conseils.
Christophe entreprend un voyage pour rencontrer le Maître et trouve un Hassler vieilli, prétentieux, fatigué et vulgaire. Hassler trouve de l'intérêt aux compositions de Christophe, il montre qu'il les trouve supérieures à tout ce qui se fait, mais son enthousiasme retombe, il replonge en léthargie, nargue Christophe qui se trouve dans la rue, grosjean comme devant.

 

28 février

Officiants
Mavra, Anthony, Laure, Vincent S, Dalila,Théo, Vincent P, Eric, Dominique, Philippe, édith

Jean-Christophe, désespéré de sa rencontre avec Hassler, écrit à Shulz, le vieil universitaire musicien qui lui avait écrit des lettres si pleines d'admiration, et auquel il avait répondu sans générosité. Mais il a besoin d'approbation et annonce donc sa visite à son admirateur. Celui-ci est fou de joie. Il appelle ses deux meilleurs amis pour partager la joie de rencontrer leur idole. Christophe prend le train. Hassler pendant ce temps se repent d'avoir si mal reçu un musicien si doué et écrit une lettre à l'hôtel de Christophe : trop tard, celui-ci est parti de la ville.
Christophe passe deux jours en compagnie de Shulz et de ses deux amis, à faire de la musique et se promener. Pour Schulz, ce sont des moments merveilleux que cette rencontre avec un musicien tant admiré, dont les oeuvres ont bouleversé sa vie. Mais Christophe repart en train, puis, faute d'argent, compte finir à pied la route jusqu'à sa ville (60 kilomètres). En chemin, il s'arrête dans une chaumine paysanne. Là, il découvre un objet qui appartenait à son oncle maternel Gottfried, le colporteur plein d'humilité et de sagesse. Il s'exclame de surprise ; on lui explique que Gottfried était un ami de la maison et que c'est ici qu'il est mort...

 

6 mars

Officiants
Mavra, Vincent P, Laure, Dalila, Emilie, Edith

Jean-Christophe chez cette famille apprend des choses sur la vie de son oncle mystérieux. Puis il reprend la route et regagne sa petite ville. Là, il y retrouve cette vie devenue morne, sans amis, sans amours, sans possibilité professionnelle.
Il souhaite émigrer en France et s'attèle à son projet mais sa mère, épouvantée d'être séparée de son seul compagnon de vie, lui fait des scènes telles qu'il n'ose plus partir. Il se résout donc à vivre dans le malheur et le désespoir et sa seule joie est d'observer une jeune fille d'un village voisin, dont il se croit amoureux et qui le trouve ridicule. Un soir qu'il se rend à une fête de village pour observer la jeune fille à son aise, il salue sa mère et lui souhaite une bonne nuit. Elle est belle dans la lumière de sa chambre... Il ignore que cette image est la dernière qu'il emportera d'elle.
Lors de la fête, des militaires débarquent et malmènent les paysans. Lorsqu'un militaire s'en prend à la fille aimée, Christophe réagit et se bat. Encouragés, les paysans se redressent et s'en prennent aux militaires. Une échaffourée a lieu. Plusieurs militaires sont gravement blessés ; d'autres vont chercher du renfort. C'est alors que les paysans réalisent l'étendue du désastre : ils seront sévèrement punis. Ils décident de faire porter la faute à Christophe, mais l'amoureuse moqueuse s'est pris de respect pour lui et exige qu'on ne lui fasse pas tout payer. Christophe toutefois doit passer la frontière, pour ne pas être arrêté. Il écrit un mot à sa mère, que la jeune fille promet de porter, et fuit vers la frontière. 

 

13 mars

Officiants
Dominique, Mavra, Vincent S, Edith

Jean-Christophe arrive... à Paris ! Paris est sale, Paris est mal-accueillant, Paris est cher, Paris est snob et arrogant... Et Christophe pleure dans son lit ultracrade de la trop chère chambre de l'Hôtel de la Civilisation, non loin de la gare du Nord.
Christophe est maladroit, gauche, il parle dans un français épouvantable et d'ailleurs les gens de son hôtel le surnomment "Choucroute" ou "Le Prussien".
Il retrouve Otto Diener, l'ami fusionnel de ses quatorze ans... Mais Otto le snobe. Il va alors chercher Sylvain Kohn, qu'il maltraitait à l'école... Et Sylvain Kohn, qui s'appelle maintenant Hamilton, l'accueille très bien et lui fait rencontrer un éditeur de musique.
à noter, entre la fin du quatrième livre (La Révolte) et le début de La Foire sur la Place, un "Dialogue de l'auteur avec son ombre", où Romain Rolland et Christophe s'entretiennent de la personnalité de Christophe, de savoir lequel est l'ombre de l'autre... "Comme tu as grandi ! Je te préférais enfant", dit Romain Rolland à Christophe...

 

20 mars

Officiants
Laure, Mavra, Dominique, Vincent P, Vincent S, Edith

"Tout musique expressive, descriptive, suggestive, en un mot toute musique qui voulait dire quelque chose, était taxée d'impure. - Dans chaque Français, il y a un Robespierre. Il faut toujours qu'il décapite quelqu'un ou quelque chose, afin de le rendre pur".

Passionnant lecture où la vie intellectuelle et politique parisienne de l'époque est décrite. Comme c'est d'actualité ! Christophe est supris par le nombre de Français portant des noms étrangers, levantins, slaves, etc. Le débat sur le droit d'auteur fait rage. Enfin la création de la Schola Cantorum est relatée.

Christophe se familiarise avec Paris, il dit même "tu parles !" de temps en temps. Il méprise la musique française et l'orgueil français le stupéfie... Mais un jour, ses amis Sylvain Kohn, dit Hamilton et Théophile Gougeart, critique musical incompétent, l'emmènent écouter Pelléas et Mélisandre. Alors Christophe, d'abord perplexe, comprend qu'il se passe quelque chose musicalement. 

 

27 mars

Officiants
Jérémie, Mavra, Emmanuel, Edith

Nous avons appris l'expression sicut amori lupanar. Ce que le lupanar est à l'amour. (Exemple : Le nutella est au chocolat sicut amori lupanar, autant dire un succédané méprisable).

Nous avons accompagné Christophe dans sa révolte contre l'atroce monde littéraire et théâtral français : apologie de l'immoralité sexuelle, concurrence des auteurs pour choquer le bourgeois, incapacité du bourgeois parisien à être choqué par quoi que ce soit, théâtre subventionnés grassement ne servant que des auteurs pitoyables à la mode, critiques ménageant leurs amis ou carrément achetés par un théâtre ou un éditeur, hyperprésence des auteurs cosmopolites, venus de partout, sans réelle origine française.
Un des passages qui nous a plu se trouve ici.

 

3 avril

Officiants
Vincent P, Dominique, Emilie, Vincent S, Laure, Edith

Très belle description d'un Paris qui court après la libéralisation des moeurs (sexuelles), dominé par des socialistes qui cassent du bourgeois en public et en privé font d'excellentes affaires. Tous les artistes se doivent être de gauche. Très belle description enfin de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Et, pour la première fois, nous savons  exactement la date des événements vécus par Jean-Christophe ! Nous sommes en 1905. Une des élèves de Christophe, Colette, devient sa confidente. Mais ils se fâchent parce qu'elle veut papillonner dans un monde hypocrite, ce qui énerve Christophe. Lui-même, entrevoit la possibilité de devenir un chef de file, de se créer une cour de parasites admirateurs qui le soutiendraient... Mais il détruit cette possibilité, parce qu'il sent au fond de lui qu'il est fait pour quelque chose de réellement grand. Il se met à composer comme un fou. Toutefois, ayant refusé de jouer aux côteries, il ne trouve nulle salle où jouer ses oeuvres.
Et la dernière phrase de notre lecture fut : "Christophe travaillait donc en paix, attendant des temps meilleurs, quand lui vint un secours inattendu".

10 avril

Officiants :
Anthony, Vincent P, Mavra, Dominique, Laure, Dalila, Théo, Edith

Christophe devient le professeur de Grazia, jeune cousine italienne de Colette. Grazia, timide, âgée de 14 ans, orpheline de mère, a été amenée à Paris de force par son oncle et sa tante "pour son bien", alors qu'elle et son père auraient préféré vivre ensemble en Italie.

Grazia est une mauvaise élève de piano et Christophe ne la ménage pas. Grazia parvient à demander à son père de la reprendre en Italie et il le fait avec soulagement. Elle repart donc et d'Italie envoie une lettre à Christophe, mais la lettre se perd et il ne la reçoit pas. Romain Rolland nous annonce : "Christophe ignorait la naïve affection, qui de loin veillait sur lui, et qui devait plus tard tenir tant de sa place dans sa vie".

Christophe n'a pas de quoi se nourrir à sa faim. Il vit dans une mansarde de Montmartre, plus misérable encore que la précédente. Il vit de musique et de visions, marche dans la ville. Il s'est fâché avec beaucoup de connaissances parisiennes. Il a la nostalgie de la musique allemande.

Au concert, il se trouve souvent en même temps qu'une petite "grisette" parisienne. Ils ne se parlent presque pas, ne se voient qu'au concert mais sont heureux d'exister l'un pour l'autre.

Un jour, par désoeuvrement, Christophe entre au Louvre. Il y déambule et finit par tomber en arrêt devant Le Bon Samaritain de Rembrandt. Il défaille tant il est subjugué par cette peinture. En sortant du Louvre, il parvient à rentrer chez lui à grand peine. Il se met au lit et tombe dans un délire. A son réveil, fiévreux, une femme le veille. C'est Sidonie, une domestique qui habite dans une mansarde sur le même palier et qui l'a entendu gémir.

Sidonie lui donne une autre image de la France : "Il découvrait avec surprise l'intransigeante honnêteté de Sidonie. (...) Elle avait son orgueil aristocratique. Car c'est une sottise de croire que qui dit : peuple, dit : populaire. Le peuple a ses aristocrates, de même que la bourgeoisie a ses âmes de la plèbe. (...) Il entrevoyait, peut-être pour la première fois, ce peuple de France, qui donne l'impression d'une durée éternelle, qui fait corps avec sa terre, qui a vu passer, comme elle, tant de races conquérantes, tant de maîtres d'un jour, et qui ne passe point".

17 avril

Officiants :
Mavra, Jérémie, Vincent, Anthony, Dominique, Dalila, Edith

Grâce aux soins de Sidonie, Christophe guérit. Elle tombe amoureuse de lui et attend sans doute une geste de sa part. Il ne s'en rend pas compte. Elle démissionne de sa place de domestique et quitte l'immeuble, sans que Christophe comprenne que c'est à cause de lui.

Requinqué, il recommence ses travaux lassants pour l'éditeur de musique Hecht, dans une grande solitude. Il reçoit un jour une invitation de madame Roussin à une Soirée. Il accepte sans joie, pour sortir de son isolement.

Au cours de cette soirée, il fait la connaissance d'un jeune homme pale, sérieux, ultratimide. Ce jeune homme s'appelle Olivier Jeannin et il aime profondément la musique de Christophe.

Alors nous plongeons soudain dans l'histoire d'Olivier, Romain Rolland nous raconte toute son enfance. Nous découvrons que ce nom de Jeannin ne nous est pas inconnu : c'est le nom de l'institutrice française que Christophe avait invité inopinément un soir au théâtre en Allemagne, invitation à cause de laquelle elle avait perdu sa place et avait dû revenir en France. D'elle il n'avait su qu'une chose : qu'elle était le seul soutien de son jeune frère parisien. Le jeune frère est donc Olivier. Nous le savons, nous lecteurs, mais lui, Christophe, n'a pas encore fait le rapprochement entre l'institutrice Antoinette et le jeune parisien Olivier Jeannin.

L'enfance d'Olivier et de sa soeur Antoinette prend de nombreuses pages, parmi lesquelles ce passage descriptif :

"Au-dehors, le bruit du maréchal ferrant dans la forge d'en face, la danse boiteuse des marteaux sur l'enclume, le halètement du soufflet poussif ; l'odeur de la corne grillée, les battoirs des laveuses accroupies au bord de l'eau, les coups sourds du couperet du boucher dans la maison voisine, le pas d'un cheval sonnant sur le pavé de la rue, le grincement d'une pompe, le pont tournant sur le canal, les lourds bateaux, chargés de pile de bois, lentement défilant, halés au bout d'une corde, devant le jardin suspendu, la petite cour dallée, avec un carré de terre, où poussaient deux lilas, au milieu d'un massif de géraniums et de pétunias, les caisses de lauriers et de grenadiers en fleurs sur la terrasse au-dessus du canal ; parfois, le vacarme d'une foire sur la place voisine, les paysans en blouse bleue luisante, et les cochons braillants... Et le dimanche, à l'église, le chantre qui chantait faux, le vieux curé qui s'endormait en disant la messe, la promenade en famille sur l'avenue de la gare, où l'on passait son temps à échanger des coups de chapeau cérémonieux avec d'autres malheureux, qui se croyaient également obligés à se promener ensemble, - jusqu'à ce qu'enfin on arrivât dans les champs ensoleillés, au-dessus desquels, invisibles, se balançaient les alouettes, - ou le long du canal miroitant et mort, des deux côtés duquel les peupliers alignés frissonnaient... Et puis, c'était les grands dîners, les mangeries interminables, où l'on parlait de mangeaille, avec science et volupté : car il n'y avait là que des connaisseurs ; et la gourmandise est, en province, la grande occupation, l'Art par excellence. Et l'on parlait aussi d'affaires et de gauloiseries et, ça et là, de maladies, avec des détails sans fin... - Et le petit garçon, assis dans son coin, ne faisait pas plus de bruit qu'une petite souris, grignotait, ne mangeait guère, et écoutait de toutes ses oreilles. Rien ne lui échappait ; ce qu'il entendait mal, son imagination y suppléait."

24 avril 2012

Officiants :
Dominique, Vincent S, Mavra, Vincent P, Marc, Stéphanie, Emmanuel, Edith

C'est la première fois depuis le début du roman que nous n'avons pas entendu mentionner Jean-Christophe pendant toute la lecture.

Nous poursuivons l'enfance d'Olivier Jeannin et de sa soeur Antoinette. Le père est un riche banquier, fils de banquier, la famille est influente dans tout le voisinage.

Mais monsieur Jeannin fait de mauvaise affaires (des emprunts miteux) et se ruine. Il se tire une balle dans la tête. Son épouse et ses enfants font face à des créanciers impitoyables (les amis d'hier !) ; l'Eglise refuse d'enterrer un suicidé ; la mère et ses deux enfants vendent tout et partent à Paris.

Paris les accueille mal : arnaque des commerçants, mépris de la famille de madame Jeannin, qui ne veut pas s'encombrer de cette femme et de ses deux enfants ruinés et humiliés.

Alors madame Jeannin se met au travail. Sa fille Antoinette aussi. Le fils Olivier fréquente le lycée. Vie de privations, d'humiliation mais aussi de grand amour partagé à trois. Et puis madame Jeannin meurt, accablée par les travaux. Les deux enfants se retrouvent seuls. Antoinette pourvoit aux soins de son frère et à ses études en travaillant tant qu'elle peut. Olivier et elle vivent dans la solitude, l'affection fraternelle, l'amour de la musique et la misère. Olivier peu à peu grandit et Antoinette découvre avec tristesse que l'adolescence de son frère lui arrache un ange. Car Olivier entre dans l'âge ingrat.

La dernière entrevue entre Olivier et son père : "Ils s'assirent. Une belle nuit de septembre. Le ciel limpide et obscur. L'odeur sucrée des pétunias se mêlait à l'odeur fade et un peu corrompue du canal sombre, qui dormait au pied du mur de la terrasse. Des papillons du soir, des grands sphinx blonds, battaient des ailes autour des fleurs, avec un ronflement de petit rouet. Les voix calmes des voisins assis devant leurs portes, de l'autre côté du canal, résonnaient dans le silence. Dans la maison, Antoinette jouait sur son piano des cavatines à fioritures italiennes. M. jeannin tenait la main d'Olivier dans sa main. Il fumait. L'enfant voyait dans l'obscurité qui lui dérobaient peu à peu les traits de son père la petite lumière de la pipe, qui se rallumait, s'éteignait par bouffées, se rallumait, finit par s'éteindre tout à fait. Ils ne causaient point. Olivier demanda le nom de quelques étoiles".

Vincent P a photographié, au cours d'une balade aux Lilas, ceci :

école Romain Rolland, Les Lilas, Vincent Petit, Vincent Sterne


Premier mai

Officiants
Mavra, Laure, Dominique, Vincent P, Théo, Vincent S, Jérémie, Francis, Dalila, Edith

Antoinette et Olivier poursuivent leur vie de solitude et de labeur. Olivier rate son bac une première fois, non par incapacité intellectuelle mais par une trop grande émotion face à la pression des concours, à la pression qui pèse sur lui. Pour les deux jeunes gens c'est un drame ; mais ils n'en montrent rien et l'année suivante Olivier repasse le bac. Ils craignent bien qu'il échoue à nouveau, pourtant il est admissible, puis admis. La soeur offre alors à son frère des vacances en Suisse. C'est là que la maladie d'Antoinette, qui couvait, se déclare. Antoinette s'est trop sacrifiée ces dernières années. Elle a épuisé ses forces vitales. Nous revivons les trois rencontres ayant eu lieu entre Antoinette et Christophe (au théâtre en Allemagne, dans le train allemand, au milieu des voitures parisiennes), cette fois-ci vu du point de vue d'Antoinette. Antoinette et Olivier un soir à Paris vont au concert : c'est précisément un concert de Christophe Krafft, où celui-ci se fait huer. Antoinette reconnaît le jeune homme allemand, elle achète ses partitions, et trouve celle dédiée à "ma pauvre chère petite victime", avec la date de leur rencontre au théâtre (elle avait perdu sa place d'institutrice en Allemagne pour cette soirée). C'est une sorte d'accomplissement de son amour, même si entre elle et Christophe tout n'est qu'une suite de rencontres ratées. Elle lui écrit une lettre d'amour et d'appel au secours un soir, mais range la lettre dans un livre, "Puis elle se coucha, grelottante de fièvre. Le mot de l'énigme se découvrait : elle sentait s'accomplir en elle la volonté de Dieu. Et une grande paix descendit en elle".

 

8 Mai

Officiants
Mavra, Laure, Vincent S, Dominique, Vincent P, Dalila, Anthony, Jérémie, Edith

Nous assistâmes au début d'une merveilleuse amitié, quasi-amoueuse, entre Olivier Jeannin et Jean-Christophe Krafft, une amitié qui pousse Christophe à dire à Olivier, le lendemain de leur rencontre : "je vous aime".
Les deux jeunes hommes aménagent ensemble, en colocation.
Romain Rolland, réputé pour être un pacifiste internationaliste, consacre de longues pages sur la beauté de la race française, et sur la douleur du peuple français, écrasé sous l'hyperprésence des métèques (extrait ici).

 

15 mai

Officiants
Mavra, Marie-Thérèse, Vincent S, Francis, Dominique, Vincent P, Ingrid, Edith

Romain Rolland, à travers la relation d'amitié entre les colocataires Olivier et Christophe, poursuit ses considérations sur la France décadente. Il note que des idées, telles que "La France aux Français", ne sont pas réellement françaises, puisque la France est universelle. Comment fait-elle alors pour lutter contre la décadence métèque ? Par l'universalité ! La France a un estomac énorme : elle ingère et digère l'étranger : le Nord trouble, le Midi barbare et l'Orient vénéneux.

"- Voudrais-tu que je reprisse la vieille devise de haine : Fuori Barbari ! ou : la France aux Français !

- Pourquoi pas ? dit Christophe.

- Non, ce ne sont pas là des paroles françaises. En vain les propage-t-on chez nous, sous couleur de patriotisme. Bon pour les patries barbares ! La nôtre n'est point faite pour la haine. Notre génie ne s'affirme pas en niant ou détruisant les autres, mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard...

- Et l'Orient vénéneux ?

- Et l'Orient vénéneux : nous l'absorberons comme le reste ; nous en avons absorbé bien d'autres ! Je ris des airs triomphants qu'il prend et de la pusillanimité de certains de ma race. Il croit nous avoir conquis, il fait la roue sur nos boulevards, dans nos journaux, nos revues et nos scènes de théâtre, sur nos scènes politiques. Le sot ! Il est conquis. Il s'éliminera de lui-même, après nous avoir nourris. La Gaule a bon estomac  ; en vingt siècles, elle a digéré plus d'une civilisation."

 

Mardi 22

Officiants
Agnès, Dominique, Anthony, Claudine, Mireille, Francis, Théo, Vincent S, Edith

Jean-Christophe et Olivier mènent une vie de bohème. Romain Rolland nous décrit leur voisins, leur immeuble... Ils sont soutenus par un homme nommé Mooch, pour lequel Christophe éprouve des sentiments ambivalents car il est Juif. (Il lui dit : "Quel malheur que vous soyiez Juif !", ce qui fait honte à Olivier). Mooch répond finement : "C'est un bien plus grand malheur d'être un homme".

À cause de Colette Stevens (une ancienne élève de Christophe, que nous avions vu il y a quelques chapitres), qui répète des confidences d'Olivier à la terre entière et surtout à Lucien Levy-Bruhl, ennemi de Christophe, celui-ci et Olivier sont en froid. Christophe se bat en duel contre Levy-Bruhl ; personne n'est blessé ni ne meurt car ils ne savent pas tirer. Au retour du duel, réconciliation entre Christophe et Olivier.

 

Mardi 29

Officiants
Laure, Dominique, Mavra, Vincent P, Emmanuel, Marie-Thérèse, Vincent S, Dalila, Francis, Edith

Long passage sur les relations de voisinage entre Christophe, Olivier et leurs voisins.

 

Mardi 5 juin

Officiants
Jérémie, Mavra, Sonia, Dominique, Sophie, Anthony, Théo, Aleixandre, Ingrid, Dalila, Edith

Une séance dense.
Les relations entre l'Allemagne et la France se distendent, on croit à la guerre, Christophe et Olivier sont déchirés dans leur amitié franco-allemande... Mais l'orage passe, la guerre n'est pas déclarée.

Christophe reçoit une lettre de sa mère, qui veut le revoir avant de mourir. Olivier se saigne, déposant au Mont-de-Piété des objets chers à son coeur, pour que Christophe puisse prendre le train pour l'Allemagne. Christophe arrive à temps pour voir sa mère, l'embrasser avant qu'elle ne meure, mais il doit fuir la police et c'est Olivier, arrivé à sa suite grâce à l'argent de Mooch, qui s'occupe de l'enterrerment avec les frères indifférents de Christophe.

Christophe revoit le Rhin près duquel il a grandi avant de passer la frontière...

Retour à Paris : Christophe devient enfin célèbre. Les journalistes se pressent chez lui, chacun veut le voir et produire ses opéras. Il est un "génie" officiel. Christophe se laisse un peu griser, sans être dupe ; Olivier est inquiet et se demande si le caractère entier de son ami ne va pas le pousser à dire quelque bêtise et à faire scandale.

 

Mardi 12 juin

Officiants
Anthony, Mavra, Emmanuel, Laure, Vincent P, Alexandre, Fabien, Marie-Thérèse, Edith

Olivier et Christophe rencontrent une jeune femme riche nommée Jacqueline Langeais, charmante, d'à peine vingt ans. Ils s'en éprennent tous deux - mais elle aime Olivier. Christophe s'en rend compte et se met au service de leur histoire d'amour. Il convainc les réticences du père de Jacqueline. Olivier et Jacqueline se marient à la mairie, refusant l'église. Christophe s'apprête à composer pour leur mariage mais l'idée d'un mariage républicain le hérisse. Olivier et Jacqueline partent en voyage de noces en Italie, Olivier très lointain envers Christophe, tout à son nouvel amour...


"Christophe s'était fait beau, presque élégant, pour la cérémonie. Il n'y avait pas de mariage religieux : ni Olivier, indifférent, ni Jacqueline, révoltée, n'en avaient voulu. Christophe avait écrit pour la mairie un morceau symphonique ; mais au dernier moment, il y renonça, après s'être rendu compte de ce qu'est un mariage civil : il trouvait cette cérémonie ridicule. Il faut, pour y croire, être bien dépourvu de foi et de liberté, tout ensemble. Quand un vrai catholique se donne la peine de devenir libre penseur, ce n'est pas pour faire d'un fonctionnaire de l'état civil un prêtre. Entre Dieu et la libre conscience, il n'est aucune place pour  une religion de l'Etat. L'Etat enregistre, il ne lui appartient pas d'unir".

 

Mardi 19 juin

Officiants
Mavra, Dominique, Vincent, Dalila, Francis, Edith

Olivier et Jacqueline s'aiment à la folie, puis s'ennuient ensemble, puis se délitent l'un dans l'autre. Le mariage d'Olivier et Jacqueline a éloigné Christophe, qui souffre et espère qu'il retrouvera un jour l'ami cher à son coeur.

Christophe à Paris rencontre une actrice, Françoise, célèbre, et dont l'enfance fut une vallée de larmes (coups, viols). Ils se parlent, par intermittence, et un jour ils sentent le désir monter et font l'amour. Nous nous sommes arrêtés précisément à ce moment.

Extrait :

"Elle s'ennuyait, s'ennuyait... Elle s'ennuyait d'autant plus qu'elle ne pouvait se donner comme excuse qu'elle n'était pas aimée, ou qu'elle ne pouvait souffrir Olivier. Sa vie lui paraissait bloquée, murée, sans avenir, elle aspirait à un bonheur nouveau, sans cesse renouvelé, - rêve enfantin que ne légitimait point la médiocrité de son aptitude au bonheur. Elle était comme tant d'autres femmes, tant de ménages désoeuvrés, qui ont toutes les raisons d'être heureux, et qui ne cessent de se torturer. On en voit qui sont riches, qui ont de beaux enfants, une bonne santé, qui sont intelligents et capables de sentir les belles choses, qui possèdent tous les moyens d'agir, de faire du bien, d'enrichir leur vie et celle des autres. Et ils passent leur temps à gémir qu'ils ne s'aiment pas, qu'ils en aiment d'autres, ou qu'ils n'en aiment pas d'autres, - perpétuellement occupés d'eux-mêmes, de leurs rapports sentimentaux ou sexuels, de leurs prétendus droits au bonheur, de leurs égoïsmes contradictoires, et discutant, discutant, jouant la comédie du grand amour, la comédie de la grande souffrance, et finissant par y croire... Qui leur dira :

- Vous n'êtes aucunement intéressants. Il est indécent de se plaindre, quand on a tant de moyens de bonheur !

Qui leur arrachera leur fortune, leur santé, tous ces dons merveilleux, dont ils sont indignes ! Qui remettra sous le joug de la misère et de la peine véritable ces esclaves incapables d'être libres, que leur liberté affole ! S'ils avaient à gagner durement leur pain, ils seraient contents de le manger. Et s'ils voyaient en face le visage terrible de la souffrance, ils n'oseraient plus en jouer la comédie révoltante...

Mais, au bout du compte, ils souffrent. Ils sont des malades. Comment ne pas les plaindre ?  - La pauvre Jacqueline était aussi innocente de se détacher d'Olivier qu'Olivier l'était de ne pas la tenir attachée. Elle était ce que la nature l'avait faite. Elle ne savait pas que le mariage est un défi à la nature, et que, quand on a jeté le gant à la nature, il faut s'attendre à ce qu'elle le relève, et s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué".

 

Mardi 26 juin

Officiants
Mavra, Laure, Vincent P, Emilie, Marie-Thérèse, Vincent S, Sonia, Jean-Baptiste, Dominique O-F, Sophie, Dalila, Gabriel, Edith

Jacqueline et Olivier ont un enfant ; Jacqueline n'arrive pas à aimer cet enfant. Elle n'arrive plus à aimer Olivier. Olivier est attendri par Jacqueline et par leur enfant.

Christophe est retourné en Allemagne, grâce à un diplomate, et il a revu Mina de Kerich, qui s'est mariée, et sa mère.

Passages intéressants sur le droit d'auteur musical...

Mardi 3 juillet

Officiants
Dominique, Laure, Mavra, Fabien-Côme, Vincent P, Dalila, Théo, Xenia, Aleixandre, Edith

Jacqueline quitte Olivier et l'enfant, dont on ignore toujours le nom.

Olivier est désespéré. Cécile Fleury, amie d'Olivier et Christophe, s'occupe du bébé ; l'amitié entre les deux hommes reprend, à ceci près que la dépression d'Olivier épuise Christophe, qui a besoin de vitalité, de puissance, de joie.

Long discours sur les femmes qui plaquent mari et enfant, tenu par madame Arnault, amie de Christophe. On condamne ces femmes de façon radicale, et pourtant, y a-t-il un fond à leur malheur ? Zweig, ami de Rolland, avait sûrement lu ce passage avant d'écrire ses 24 heures de la vie d'une femme.

Olivier ne sort pas de sa dépression, quand soudain il apprend que ses voisins, un couple ouvrier et leurs cinq enfants, se sont suicidés de misère. Nous en sommes là.

Extrait de la séance :

"Calme du coeur. Les vents suspendus. L'air immobile...

Christophe était tranquille ; la paix était en lui. Il éprouvait quelque fierté de l'avoir conquise. Et secrètement, il en était contrit. Il s'étonnait du silence. Ses passions étaient endormies ; il croyait, de bonne foi, qu'elles ne se réveilleraient plus.

Sa grande force, un peu brutale, s'assoupissait, sans objet, désoeuvrée. Au fond, un vide secret, un "à quoi bon", caché ; peut-être le sentiment du bonheur qu'il n'avait pas su saisir. Il n'avait plus assez à lutter, ni contre soi, ni contre les autres. Il n'avait plus assez de peine, même à travailler. Il était arrivé au terme d'une étape ; il bénéficiait de la somme de ses efforts antérieurs ; il épuisait trop aisément la veine musicale qu'il avait ouverte ; et tandis que le public, naturellement en retard, découvrait et admirait ses oeuvres passées, lui, s'en détachait, sans savoir encore s'il irait plus avant. Il jouissait, dans la création, d'un bonheur uniforme. L'art n'était plus pour lui, à cet instant de sa vie, qu'un bel instrument dont il jouait en virtuose. Il se sentait, avec honte, devenir dilettante".

 

Mardi 10 juillet

Officiants
Marc, Laure, Théo, Mavra, Vincent S, Edith

Horrifiés par ce suicide de misère, d'une famille ouvrière de cinq enfants, Olivier et Christophe se lancent à corps perdus dans le mouvement social. Ils y rencontrent des bourgeois qui mettent en avant d'hypothétiques origines pauvres, des bourgeois dont l'unique but, par masochisme, est d'anéantir leur propre classe, des ouvriers qui haïssent les bourgeois par essence et quelque soit leurs idées et actions, et enfin des ouvriers qui ont compris que la Syndicalisme et la Révolution pouvaient offrir de belles carrières. Ils y découvrent l'esprit bourgeois chez la plupart des ouvriers, qui auraient fait de bons bourgeois s'ils en avaient les moyens et dont l'unique révolte était de n'être pas né du bon côté du manche social.

Extrait : [La souffrance] "remplissait le monde. Le monde, cet hôpital... Ô douleurs, agonies ! Tortures de chair blessée, pantelante, qui pourrit vivante ! Supplices silencieux des coeurs que le chagrin consume ! Enfants privés de tendresse, filles privées d'espoir, femmes séduites et trahies, hommes déçus dans leurs amitiés, leurs amours et leur foi, lamentable cortège des malheureux que la vie a meurtris ! Le plus atroce n'est pas la misère et la maladie ; c'est la cruauté des hommes les uns envers les autres. Àpeine Olivier eut-il levé la trappe qui fermait l'enfer humain que monta vers lui la clameur de tous les opprimés : prolétaires exploités, peuples persécutés, l'Arménie massacrée, la Finlande étouffée, la Pologne écartelée, la Russie martyrisée, l'Afrique livrée en curée aux loups européens, les misérables de tout le genre humain. Il en fut suffoqué ; il l'entendait partout, il ne pouvait plus concevoir qu'on pensât à autre chose. Il en parlait sans cesse à Christophe. Christophe, troublé, disait :

- Tais-toi ! Laisse-moi travailler.

Et comme il avait peine à reprendre son équilibre, il s'irritait, jurait :

- Au diable ! Ma journée est perdue ! Te voilà bien avancé.

Olivier s'excusait.

- Mon petit, disait Christophe, il ne faut pas toujours regarder dans le gouffre. On ne peut plus vivre.

- Il faut tendre la main à ceux qui sont dans le gouffre.

- Sans doute. Mais comment ? En nous y jetant aussi ? Car c'est cela que tu veux. Tu as une propension à ne plus voir dans la vie que ce qu'elle a de triste. Que le bon Dieu te bénisse ! Ce pessimisme est charitable, assurément ; mais il est déprimant. Veux-tu faire du bonheur ? D'abord, sois heureux !

- Heureux ! Comment peut-on avoir le coeur de l'être, quand on voit tant de souffrances ? Il ne peut y avoir de bonheur qu'à tâcher de les diminuer.

- Fort bien. Mais ce n'est pas en allant me battre à tort et à travers que j'aiderai les malheureux. Un mauvais soldat de pus, ce n'est guère. Mais je puis consoler par mon art, répandre la force et la joie. Sais-tu combien de misérables ont été soutenus dans leurs peines par la beauté d'une chanson ailée ? À chacun son métier ! Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté. - Mon premier devoir, c'est de faire ce que je fais, et de vous fabriquer une musique saine, qui vous redonne du sang et mette en vous le soleil. 

Pour répandre le soleil sur les autres, il faut l'avoir en soi. Olivier en manquait. Comme les meilleurs d'aujourd'hui, il n'était pas assez fort pour rayonner la force à lui tout seul. Il ne l'aurait pu qu'en s'unissant avec d'autres. Mais avec qui s'unir ? Libre d'esprit et religieux de coeur, il était rejeté de tous les partis politiques et religieux".

 

 Mardi 17 juillet

Officiants
Jérémie, Mavra, Francis, Dalila, Emmanuel, Marie-Thérèse, Jean-Pierre, Sonia, Lisa, Edith

Olivier et Jean-Christophe se jettent dans la militance sociale. Ils se lient avec le milieu militant ouvrier, et font connaissance d'Emmanuel, jeune garçon d'une dizaine d'années, fils d'une prostituée décédée, élevé par son grand-père chez qui il travaille comme apprenti. Emmanuel est bossu et il a une amie, Rainette, une petite infirme qui ne peut sortir de chez elle. Rainette est très catholique, Emmanuel n'attend que la Révolution, tous deux sont des enfants qui souffrent et rêvent d'une délivrance à travers les idées et les croyances de leurs parents, qu'ils répètent avec ferveur. 

Un jour de premier mai, Olivier et Jean-Christophe se mêlent à des manifestations de travailleurs et de militants. Policiers et manifestants s'affrontent. Olivier voit le petit Emmanuel écrasé par la foule, il se précipite pour le sauver, mais alors qu'Emmanuel est sauf Olivier se prend des mauvais coups et les voisins le transportent au café, blessé.

Pendant ce temps, Jean-Christophe chante un hymne révolutionnaire de son cru, debout sur une barricade, ce qui le "mouille" auprès des autorités. Pour tout arranger, dans la bataille il contribue à la mort d'un policier.

A la fin de la manif, Olivier Jeannin, meilleur ami de Christophe et second héros de notre roman, se meurt, il rend ses derniers soupirs sous les larmes du petit garçon difforme qu'il a sauvé.

Pendant ce temps, Christophe, qui ignore tout de la blessure d'Olivier, est emmené par des amis vers la frontière, pour échapper à une arrestation.

 

EXTRAIT :

"L'enfant, retenant son souffle, écoutait le conte de fées que lui disait son grand ami. Et Olivier, à son tour, réchauffé par l'attention de son petit auditeur, se laissait prendre à ses propres récits.

Il est, dans la vie, des secondes décisives où, de même que s'allument tout d'un coup dans la nuit d'une grande ville les lumières électriques, s'allume dans l'âme obscure la flamme éternelle. Il suffit d'une étincelle qui jaillisse d'une autre âme et transmette à celle qui attend le feu de Prométhée. Ce soir de printemps, la tranquille parole d'Olivier alluma dans l'esprit que recelait le petit corps difforme, comme une lanterne bossuée, la lumière qui ne s'éteint plus. Aux raisonnements d'Olivier, il ne comprenait rien, à peine les entendait-il. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chair, devenaient réalité. Le conte de fées s'animait, palpitait autour de lui. Et la vision qu'encadrait la fenêtre de la chambre, les hommes qui passaient dans la rue, les riches et les pauvres, et les hirondelles qui frôlaient les murs, et les chevaux harassés qui traînaient leur fardeau, et les pierres des maisons qui buvaient l'ombre du crépuscule, et le ciel pâlissant où mourait la lumière, - tout ce monde extérieur s'imprima brusquement en lui, comme un baiser. Ce ne fut qu'un éclair. Puis, cela s'éteignit. Il pensa à Rainette, et dit :

- Mais ceux qui vont à la messe, ceux qui croient au bon Dieu, c'est pourtant des toqués.

Olivier sourit :

- Ils croient, dit-il, comme nous. Nous croyons tous à la même chose. Seulement, ils croient moins que nous. Ce sont des gens qui, pour voir la lumière, ont besoin de fermer leurs volets et d'allumer leur lampe. Ils mettent Dieu dans un homme. Nous avons de meilleurs yeux. Mais c'est toujours la même lumière que nous aimons.

Le petit retournait chez lui, par les rues sombres où les becs de gaz n'étaient pas encore allumés. Les paroles d'Olivier bourdonnaient dans sa tête. Il se disait qu'il est tout aussi cruel de se moquer des gens parce qu'ils ont de mauvais yeux que parce qu'ils sont bossus. Et il pensait à Rainette qui avait de jolis yeux ; et il pensait qu'il les avait fait pleurer".

 

 Mardi 24 juillet

Officiants
Dominique LB, Mavra, Fabien, Vincent P, Laure, Jean-Pierre, Anthony, Edith

Réfugié dans une ville suisse, Jean-Christophe apprend la mort de son ami Olivier et tombe dans le désespoir.

Il est accueilli par un ancien ami d'Allemagne, sa femme Anna. Celle-ci se montre d'une grande froideur, d'une incapacité totale d'éprouver des émotions, sauf lorsqu'elle chante : alors sa sensualité gronde et des torrents d'émotions vitales s'échappent de cet être mystérieux.

Nous en sommes restés au moment où Christophe réalise qu'Anna, derrière le vide apparent de sa personnalité, recèle une grande force et un charme à découvrir. Nous nous sommes quittés effrayés par la séance torride qui nous attend le mardi 31...

 

 Mardi 31 juillet

Officiants
Anthony, Mavra, Vincent P, Dominique,  Fabien, Laure, Francis, Jérémie, Edith

Anna et Christophe vivent une passion physique. Braun ne se doute de rien. Mais Bäby, la domestique, a disposé de la cendre dans le couloir pour mesyrer d'éventuelles traces de pas entre la chambre d'Anna et celle de Christophe. Anne déjoue la ruse au moyen d'un petit balai... Las ! Elle oublie de remettre le balai à sa place ! Bäby sait...
Deux punitions attendent Anna : l'opprobre de la ville, d'une part ; la damnation de Dieu, d'autre part. Anna défaille.
Quant à Christophe, il se torture de tomber l'ami Braun, le bienfaiteur Braun qui l'a recueilli et soigné...

Christophe et Anne ont une bonne idée, qui les délivreront l'une de l'opprobre de la ville et l'autre de sa culpabilité amicale : ils vont mourir ensemble. Mais Anna pensant que Christophe n'en aura pas le courage allume le gaz dans sa chambre. Christophe la délivre à temps.
Résolus à mourir ensemble, ils prennent le pistolet de Braun et se cachent de Bäby qui dort. Hélas ! Anna tire trois coup contre sa tempe, et les coups de partent pas. Elle devient presque folle. Christophe est désespéré. Braun rentre et trouve sa femme dans un état effroyable. Il la veille. Puis Anna réussit à prononcer un désir : "aller au culte".

Nous en sommes là !

 

 Mardi 7 août

Officiants
Jean-Pierre, Anthony, Mavra, Vincent P, Alexandre, Emmanuel, Vincent S, Edith

Jean-Christophe fou de passion comprend qu'Anna devient folle à cause de lui, de leur trahison, et il fuit la ville.

Il compose, son nom s'est imposé, ses cheveux ont blanchi aux travaux musicaux et aux duretés de sa vie erratique et passionnée.
Et puis une envie tourmente Jean-Christophe : retrouver l'enfant d'Olivier. Il écrit à Cécile, qui l'avait recueilli et élevé, mais celle-ci répond que la mère indigne est un jour venue lui arracher l'enfant.

Un long et beau passage sur la souffrance animale et l'horreur du comportement humain envers les animaux.
(Rappelons que Rolland est disciple de Tolstoï et ami de Gandhi, deux grands défenseurs de la personne animale. Ce passage animaliste célèbre est lisible par ici )

Jean-Christophe découvre la Suisse italienne, puis l'Italie, et qui rencontre-t-il par hasard dans la forêt ? Grazia !!!

Elle est veuve désormais, seule avec ses deux jeunes enfants. Ils évitent l'intimité, ne sachant (ou sachant trop bien) ce qui pourrait arriver si l'isolement les laissait épancher un cœur soudain bien tendre.

Un passage sur la musique :

« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.

Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.

Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure, je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».

Un passage sur la lumière :

 

"Sur la mer lumineuse, dans la nuit lumineuse, il se laissait bercer, longeant les promontoires bordés de cyprès enfantins. Il s'installa dans le village, il y passa cinq jours dans une joie perpétuelle. Il était comme un homme qui sort d'un long jeûne, et qui dévore. De tous ses sens affamés, il mangeait la splendide lumière... Lumière, sang du monde, fleuve de vie, qui, par nos yeux, nos narines, nos lèvres, tous les pores de la peau, t'infiltres dans la chair, lumière plus nécessaire à la vie que le pain, - qui te voit dévêtue de tes voiles du Nord, pure, brûlante, et nue, se demande comment il a jamais pu te vivre sans te posséder, et sait qu'il ne pourra plus jamais vivre sans te désirer".

 

 Mardi 14 août

Officiants
Anne, Francis, Agnès, Laure, Jean-Pierre, Edith

Sublimes passages sur l'Italie qui s'éveille à l'aube du XX°siècle : l'Italie visuelle et antique, mais aussi l'Italie intellectuelle, politique, sociale...

Jean-Christophe et Grazia ne succombent pas à la tentation ; leur amitié demeure platonique au grand dam de Christophe qui voudrait épouser sa grande amie.

Puis Christophe retourne à Paris, pour la première fois depuis sa fuite. Il est accueilli comme un grand artiste et la douleur de la perte d'Olivier et des anciens amis se rappelle à lui, cruelle.

Nous sommes restés au milieu d'une longue lettre que Christophe écrit à Grazia, pour lui raconter ses retrouvailles avec Paris.

 Mardi 21 août

Officiants
Théo, Anne, Jérémie, Mavra, Vincent S, Edith

La vie parisienne de Christophe se poursuit. Son succès lui est agréable, mais en même temps il lui fait honte tant il trouve son propre public médiocre.

Christophe feuillette un livre dans une librairie. D'étranges sentiments montent en lui... Il connait ces mots... Il connait ces idées... Et soudain il lit une histoire que son ami Olivier lui avait racontée quelques jours avant sa mort !
Ebahi, il part à la recherche du poète... Et le retrouve en la personne d'Emmanuel, le tout jeune ouvrier bossu, "fils d'une prostituée et d'un alcoolique" et auquel Olivier s'était attaché.

Les deux hommes s'étreignent sous l'émotion du souvenir commun d'Olivier. Mais très vite, Emmanuel est vexé par la pitié de Christophe, qu'il prend pour de la commisération, pour son milieu, son corps difforme, sa vie misérable en dépit du succès littéraire.

Un jour, une tout jeune homme, de quatorze ans, sonne à la porte de Christophe. C'est Georges Jeannin, le fils d'Olivier ! Christophe bouleversé veut s'occuper de ce jeune homme malicieux, plein de charme, fuyant comme une anguille.

Grazia, sans doute après une histoire d'amour malheureuse en Italie (elle ne le dit jamais), vient à Paris accompagnée de ses enfants Aurora et Lionello. Sa tendresse platonique avec Christophe se poursuit... Lionello, que Christophe n'arrive pas à aimer, tombe gravement malade de phtisie. Grazia laisse sa fille Aurora chez sa cousine parisienne Colette (ancienne élève de Christophe comme elle) et emmène son fils dans un sanatorium. L'ambiance des sanatoriums et l'état de son fils la désespèrent. Un jour, Christophe, malgré sa défense, vient la voir. Elle ressent un immense soulagement et ils veillent ensemble cet enfant qu'elle adore et que Christophe ne parvient pas à trouver agréable. Lionello guérit.

Mardi 28 août

Officiants
Dominique LB, Mavra, Jean-Pierre, Vincent P, Emilie, Vincent S, Edith

Grazia se décide à épouser Christophe. Mais son fils Lionello le ressent et feint de rechuter dans sa maladie pour éloigner sa mère de Christophe. À force de feindre la maladie, l'enfant la contracte et en meurt. 

À Paris, Christophe fait désormais partie de la vieille garde, bousculée par la jeunesse française qui veut un nouvel art, de nouvelles idées, un nouveau monde. Après le socialisme et la liberté de moeurs de la génération précédente, les nouveaux jeunes souhaitent l'ordre de l'Action française et le catholisicme, que même les plus incroyants prônent, comme une structure nécessaire à la société.

Georges Jeannin, le fils d'Olivier, vit une adolescence sulfureuse : femmes, sports. Il se bat un jour en duel contre un journaliste qui a maltraité Christophe dans un article.

Et puis Grazia meurt, là-bas en Italie, la main dans la main de sa fille Aurora.

 

Mardi 4 septembre

Officiants
Théo, Emilie, Jean-Baptiste, Vincent S, Laure, Vincent P, Sonia, Jean-Pierre, Ingrid, Fabien-Côme, Dalila, Francis, Marie-Thérèse, Dominique LB, Edith

Merveilleux finale ! Georges Jannin, fils d'Olivier, épouse Aurora, la fille de Grazia. Jean-Christophe meurt dans un combat joyeux et mystique, où la musique et la prière déiste, d'inspiration tolstoïenne, se mêlent. La légende de Saint Christophe est merveilleusement évoquée car Jean-Christophe meurt dans un rêve où il porte un enfant sur son dos, un enfant lourd, lourd, lourd... Et il lui demande : "Enfant, qui es-tu ?" L'enfant répond : "Je suis le jour qui va naître".

Le roman finit donc somptueusement, sur la mort mystique du musicien, comme il avait commencé autour de son berceau.

La lecture des dernières pages furent accompagnées au piano par Vincent S : un moment que nous n'oublierons jamais.

Nous lûmes dans l'édition Albin Michel de 2007

romain rolland
Romain Rolland, prophète d'Europe

 

 

lundi, 17 septembre 2012

énième extrait de Jean-Christophe

 

jean-christophe, Romain Rolland

Voici, encore, un extrait de Jean-Christophe, ce roman de Romain Rolland lu toute l'année par les adeptes du mardi soir, semaine après semaine, dans la pénombre de la pièce du milieu.

Sur la colonne de gauche de ce blog, dans la rubrique "pages", vous pouvez découvrir cette aventure de lecture collective en cliquant sur la page Jean-Christophe.

Quant aux extraits déjà publiés ici, vous les découvrirez en cliquant, dans cette même colonne de gauche, dans sur la catégorie "Jean-Christophe". Ils apparaîtront dans du plus récent au plus ancien.
Oui, il faut toujours cliquer, sur un blog... Le cliquetis des clics nous claque, et pourtant nous continuons à cliquer. Le cyborg clique et si vous lisez ceci en ce moment, c'est qu'il y a du cyborg en vous...

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"L'enfant, retenant son souffle, écoutait le conte de fées que lui disait son grand ami. Et Olivier, à son tour, réchauffé par l'attention de son petit auditeur, se laissait prendre à ses propres récits.

Il est, dans la vie, des secondes décisives où, de même que s'allument tout d'un coup dans la nuit d'une grande ville les lumières électriques, s'allume dans l'âme obscure la flamme éternelle. Il suffit d'une étincelle qui jaillisse d'une autre âme et transmette à celle qui attend le feu de Prométhée. Ce soir de printemps, la tranquille parole d'Olivier alluma dans l'esprit que recelait le petit corps difforme, comme une lanterne bossuée, la lumière qui ne s'éteint plus. Aux raisonnements d'Olivier, il ne comprenait rien, à peine les entendait-il. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chair, devenaient réalité. Le conte de fées s'animait, palpitait autour de lui. Et la vision qu'encadrait la fenêtre de la chambre, les hommes qui passaient dans la rue, les riches et les pauvres, et les hirondelles qui frôlaient les murs, et les chevaux harassés qui traînaient leur fardeau, et les pierres des maisons qui buvaient l'ombre du crépuscule, et le ciel pâlissant où mourait la lumière, - tout ce monde extérieur s'imprima brusquement en lui, comme un baiser. Ce ne fut qu'un éclair. Puis, cela s'éteignit. Il pensa à Rainette, et dit :

- Mais ceux qui vont à la messe, ceux qui croient au bon Dieu, c'est pourtant des toqués.

Olivier sourit :

- Ils croient, dit-il, comme nous. Nous croyons tous à la même chose. Seulement, ils croient moins que nous. Ce sont des gens qui, pour voir la lumière, ont besoin de fermer leurs volets et d'allumer leur lampe. Ils mettent Dieu dans un homme. Nous avons de meilleurs yeux. Mais c'est toujours la même lumière que nous aimons.

Le petit retournait chez lui, par les rues sombres où les becs de gaz n'étaient pas encore allumés. Les paroles d'Olivier bourdonnaient dans sa tête. Il se disait qu'il est tout aussi cruel de se moquer des gens parce qu'ils ont de mauvais yeux que parce qu'ils sont bossus. Et il pensait à Rainette qui avait de jolis yeux ; et il pensait qu'il les avait fait pleurer".

 

Jean-Christophe, de Romain Rolland

lundi, 30 juillet 2012

Le monde, cet hôpital...

 

jean-christophe, Romain Rolland, salon littéraire, mardistes, lutte ouvrière, lutte des classes, bourgeoisie, suicide de misère, classe ouvrière, XX° siècle, syndicalisme, musique, artistes engagés, 1912, romain rolland

"Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté".

 Un extrait de Jean-Christophe, de Romain Rolland

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Christophe et Olivier se lancent à corps perdus dans les luttes sociales, après qu'une famille ouvrière de leurs voisinage - les parents et cinq enfants - s'est suicidée de misère.

Nous sommes à peu près en 1910. Le roman a été publié en 1912.

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[La souffrance] "remplissait le monde. Le monde, cet hôpital... Ô douleurs, agonies ! Tortures de chair blessée, pantelante, qui pourrit vivante ! Supplices silencieux des coeurs que le chagrin consume ! Enfants privés de tendresse, filles privées d'espoir, femmes séduites et trahies, hommes déçus dans leurs amitiés, leurs amours et leur foi, lamentable cortège des malheureux que la vie a meurtris ! Le plus atroce n'est pas la misère et la maladie ; c'est la cruauté des hommes les uns envers les autres. Àpeine Olivier eut-il levé la trappe qui fermait l'enfer humain que monta vers lui la clameur de tous les opprimés : prolétaires exploités, peuples persécutés, l'Arménie massacrée, la Finlande étouffée, la Pologne écartelée, la Russie martyrisée, l'Afrique livrée en curée aux loups européens, les misérables de tout le genre humain. Il en fut suffoqué ; il l'entendait partout, il ne pouvait plus concevoir qu'on pensât à autre chose. Il en parlait sans cesse à Christophe. Christophe, troublé, disait :

- Tais-toi ! Laisse-moi travailler.

Et comme il avait peine à reprendre son équilibre, il s'irritait, jurait :

- Au diable ! Ma journée est perdue ! Te voilà bien avancé.

Olivier s'excusait.

- Mon petit, disait Christophe, il ne faut pas toujours regarder dans le gouffre. On ne peut plus vivre.

- Il faut tendre la main à ceux qui sont dans le gouffre.

- Sans doute. Mais comment ? En nous y jetant aussi ? Car c'est cela que tu veux. Tu as une propension à ne plus voir dans la vie que ce qu'elle a de triste. Que le bon Dieu te bénisse ! Ce pessimisme est charitable, assurément ; mais il est déprimant. Veux-tu faire du bonheur ? D'abord, sois heureux !

- Heureux ! Comment peut-on avoir le coeur de l'être, quand on voit tant de souffrances ? Il ne peut y avoir de bonheur qu'à tâcher de les diminuer.

- Fort bien. Mais ce n'est pas en allant me battre à tort et à travers que j'aiderai les malheureux. Un mauvais soldat de pus, ce n'est guère. Mais je puis consoler par mon art, répandre la force et la joie. Sais-tu combien de misérables ont été soutenus dans leurs peines par la beauté d'une chanson ailée ? À chacun son métier ! Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté. - Mon premier devoir, c'est de faire ce que je fais, et de vous fabriquer une musique saine, qui vous redonne du sang et mette en vous le soleil. 

Pour répandre le soleil sur les autres, il faut l'avoir en soi. Olivier en manquait. Comme les meilleurs d'aujourd'hui, il n'était pas assez fort pour rayonner la force à lui tout seul. Il ne l'aurait pu qu'en s'unissant avec d'autres. Mais avec qui s'unir ? Libre d'esprit et religieux de coeur, il était rejeté de tous les partis politiques et religieux".

 

 

Romain Rolland, in Jean-CHristophe

 

mardi, 17 juillet 2012

s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué

Jean-Christophe, Romain Rolland

"Elle s'ennuyait, s'ennuyait... Elle s'ennuyait d'autant plus qu'elle ne pouvait se donner comme excuse qu'elle n'était pas aimée, ou qu'elle ne pouvait souffrir Olivier. Sa vie lui paraissait bloquée, murée, sans avenir, elle aspirait à un bonheur nouveau, sans cesse renouvelé, - rêve enfantin que ne légitimait point la médiocrité de son aptitude au bonheur. Elle était comme tant d'autres femmes, tant de ménages désoeuvrés, qui ont toutes les raisons d'être heureux, et qui ne cessent de se torturer. On en voit qui sont riches, qui ont de beaux enfants, une bonne santé, qui sont intelligents et capables de sentir les belles choses, qui possèdent tous les moyens d'agir, de faire du bien, d'enrichir leur vie et celle des autres. Et ils passent leur temps à gémir qu'ils ne s'aiment pas, qu'ils en aiment d'autres, ou qu'ils n'en aiment pas d'autres, - perpétuellement occupés d'eux-mêmes, de leurs rapports sentimentaux ou sexuels, de leurs prétendus droits au bonheur, de leurs égoïsmes contradictoires, et discutant, discutant, jouant la comédie du grand amour, la comédie de la grande souffrance, et finissant par y croire... Qui leur dira :

- Vous n'êtes aucunement intéressants. Il est indécent de se plaindre, quand on a tant de moyens de bonheur !

Qui leur arrachera leur fortune, leur santé, tous ces dons merveilleux, dont ils sont indignes ! Qui remettra sous le joug de la misère et de la peine véritable ces esclaves incapables d'être libres, que leur liberté affole ! S'ils avaient à gagner durement leur pain, ils seraient contents de le manger. Et s'ils voyaient en face le visage terrible de la souffrance, ils n'oseraient plus en jouer la comédie révoltante...

Mais, au bout du compte, ils souffrent. Ils sont des malades. Comment ne pas les plaindre ?  - La pauvre Jacqueline était aussi innocente de se détacher d'Olivier qu'Olivier l'était de ne pas la tenir attachée. Elle était ce que la nature l'avait faite. Elle ne savait pas que le mariage est un défi à la nature, et que, quand on a jeté le gant à la nature, il faut s'attendre à ce qu'elle le relève, et s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué".

In Jean Christophe, de Romain Rolland.

jeudi, 24 mai 2012

Digérer les étrangers, par Romain Rolland

Dans ce roman écrit entre 1904 et 1912, le Français Olivier et l'Allemand Christophe discutent de savoir si la France va étouffer sous le poids des immigrés...

L'auteur, Romain Rolland, fut un pacifiste et socialiste, grand ami de Freud et de Gandhi.

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- Voudrais-tu que je reprisse la vieille devise de haine : Fuori Barbari ! ou : la France aux Français !

- Pourquoi pas ? dit Christophe.

- Non, ce ne sont pas là des paroles françaises. En vain les propage-t-on chez nous, sous couleur de patriotisme. Bon pour les patries barbares ! La nôtre n'est point faite pour la haine. Notre génie ne s'affirme pas en niant ou détruisant les autres, mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard...

- Et l'Orient vénéneux ?

- Et l'Orient vénéneux : nous l'absorberons comme le reste ; nous en avons absorbé bien d'autres ! Je ris des airs triomphants qu'il prend et de la pusillanimité de certains de ma race. Il croit nous avoir conquis, il fait la roue sur nos boulevards, dans nos journaux, nos revues et nos scènes de théâtre, sur nos scènes politiques. Le sot ! Il est conquis. Il s'éliminera de lui-même, après nous avoir nourris. La Gaule a bon estomac  ; en vingt siècles, elle a digéré plus d'une civilisation. Nous sommes à l'épreuve du poison... Libres à vous, Allemands, de craindre ! Il faut que vous soyez purs ou que vous ne soyez pas. Mais nous autres, ce nest pas de pureté qu'il s'agit, c'est d'universalité. Vous avez un empereur, la Grande-Bretagne se dit un empire ; mais en fait c'est notre génie latin qui est impérial. Nous sommes les citoyens de la Ville-Univers. Urbis. Orbis.

- Cela va bien, dit Christophe, tant que la nation est saine et dans la fleur de sa virilité. Mais un jour vient où son énergie tombe ; alors, elle risque d'être submergée par l'afflux étranger. Entre nous, ne te semble-t-il pas que ce jour est venu ?

- On l'a dit tant de fois depuis des siècles ! Et toujours notre histoire a démenti ces craintes. Nous avons traversé bien d'autres épreuves, depuis le temps de la Pucelle, où, dans Paris désert, des bandes de loups rôdaient. Le débordement d'immoralité, la ruée au plaisir, la veulerie, l'anarchie de l'heure présente ne m'effraient point. Patience ! Qui veut durer, doit endurer. Je sais très bien qu'il y aura ensuite une réaction morale,  - qui, d'ailleurs, ne vaudra pas mieux, et qui conduira probablement à des sottises pareilles : les moins bruyants à la mener ne seront pas ceux qui vivent aujourd'hui de la corruption publique !... Mais que nous importe ? Ces mouvements n'effleurent pas le vrai peuple de France. Le fruit pourri ne pourrit pas l'arbre. Il tombe. Tous ces gens là sont si peu de la nation ! Que nous fait qu'ils vivent ou qu'ils meurent ! Vais-je m'agiter pour former contre eux des ligues et des révolutions ? Le mal présent n'est pas l'oeuvre d'un régime. C'est la lèpre du luxe, les parasites de la richesse et de l'intelligence. Ils passeront.

- Après vous avoir rongés.

- Avec une telle race, il est impossible de désespérer.

Jean-Christophe, de Romain Rolland. Achevé de publié en feuilleton dans les Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy, en 1912.

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mardi, 15 mai 2012

La France profonde et l'élite cosmopolite, par Romain Rolland

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Romain Rolland, ami de Tolstoï et de Freud, grand introducteur de Gandhi en France, écrivit son roman Jean-Christophe entre 1906 et 1912...

Dans Jean-Christophe, Olivier explique à son ami allemand,  ce qu'est la vraie France, cachée par la publicité et par les élites française cosmopolites, qui ont honte de leur propre "race".

(Suivi par Les oiseaux de Passage, poème de Jean Richepin chanté par Georges Brassens)

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« Christophe ne pouvait comprendre qu'Olivier fût Français. Son ami ressemblait si peu à tous les Français qu'il avait vus ! Avant de l'avoir rencontré, il n'était pas loin de prendre pour type de l'esprit français moderne Lucien Lévy-Cœur, qui n'en était que la caricature. Et voici que l'exemple d'Olivier lui montrait qu'il pouvait y avoir à Paris des esprits aussi libres, et plus libres de pensée qu'un Lucien Lévy-Cœur, qui pourtant restaient purs et stoïques, autant que quiconque en Europe. Christophe voulait prouver à Olivier que sa sœur et lui ne devaient pas être tout à fait Français.

— Mon pauvre ami, lui dit Olivier, que sais-tu de la France ?

Christophe protesta de la peine qu'il s'était donnée pour la connaître ; il énuméra tous les Français qu'il avait vus dans le monde des Stevens et des Roussin : Juifs, Belges, Luxembourgeois, Américains, Russes, Levantins, voire ça et là quelques Français authentiques.

— C'est bien ce que je disais, répliqua Olivier. Tu n'en as pas vu un seul. Une société de débauche, quelques bêtes de plaisir, qui ne sont même pas Français, des viveurs, des politiciens, des êtres inutiles, toute cette agitation qui passe, sans la toucher, au-dessus de la nation. Tu n'as vu que les myriades de guêpes qu'attirent les beaux automnes et les vergers abondants. Tu n'as pas remarqué les ruches laborieuses, la cité du travail, la fièvre des études.

— Pardon, dit Christophe, j'ai vu aussi votre élite intellectuelle.

— Quoi ? Deux ou trois douzaines d'hommes de lettres? Voilà une belle affaire! Dans ce temps, où la science et l'action ont pris une telle grandeur, la littérature est devenue la couche la plus superficielle de la pensée d'un peuple. Et, dans la littérature même, tu n'as guère vu que le théâtre, et le théâtre de luxe, cette cuisine internationale, faite pour une clientèle riche d'hôtels cosmopolites. Les théâtres de Paris ? Crois-tu qu'un travailleur sache seulement ce qui s'y passe?

Pasteur n'y est pas allé dix fois dans sa vie ! Comme tous les étrangers, tu donnes une importance démesurée à nos romans, à nos scènes de boulevards, aux intrigues de nos politiciens... Je te montrerai, quand tu voudras, des femmes qui ne lisent jamais de romans, des jeunes filles parisiennes qui ne sont jamais allées au théâtre, des hommes qui ne se sont jamais occupés de politique, — et cela, parmi les intellectuels. Tu n'as vu ni nos savants, ni nos poètes. Tu n'as vu ni les artistes solitaires, qui se consument en silence, ni le brasier brûlant de nos révolutionnaires. Tu n'as vu ni un seul grand croyant, ni un seul grand incroyant. Pour le peuple, n'en parlons pas. A part la pauvre femme qui t'a soigné, que sais-tu de lui? Où aurais-tu pu le voir? Combien de Parisiens as-tu connus, qui habitaient au-dessus du second ou du troisième étage? Si tu ne les connais pas, tu ne connais pas la France. Tu ne connais pas, dans les pauvres logements, dans les mansardes de Paris, dans la province muette, les cœurs braves et sincères, attachés pendant toute une vie médiocre à de graves pensées, à une abnégation quotidienne, — la petite Église, qui  de tout temps a existé en France, — petite par le nombre, grande par l'âme, presque inconnue, sans  action apparente, et qui est toute la force de la France, la force qui se tait et qui dure, tandis qu'incessamment pourrit et se renouvelle ce qui se dit : l'élite... Tu t'étonnes de trouver un Français qui ne vit pas pour être heureux, heureux à tout prix, mais pour accomplir ou pour servir sa foi? Il y a des milliers de gens comme moi, et plus méritants que moi, plus pieux, plus humbles, qui, jusqu'au jour de leur mort, servent sans défaillance un idéal, un Dieu, qui ne leur répond pas. Tu ne connais pas le menu peuple économe, méthodique, laborieux, tranquille, avec au fond du cœur une flamme qui sommeille, — ce peuple sacrifié, qu'a défendu jadis contre l'égoïsme des grands mon « pays », le vieux Vauban aux yeux bleus. Tu ne connais pas le peuple, tu ne connais pas l'élite. As-tu lu un seul des livres qui sont nos amis fidèles, les compagnons qui nous soutiennent? Sais-tu seulement l'existence de nos jeunes revues, où se dépense une telle somme de dévouement et de foi ? Te doutes-tu des personnalités morales qui sont notre soleil et dont le muet rayonnement fait peur à l'armée des hypocrites ? Ils n'osent pas lutter de front; ils s'inclinent devant elles, afin de mieux les trahir. L'hypocrite est un esclave, et qui dit esclave dit maître. Tu ne connais que les esclaves, tu ne connais pas les maîtres... Tu as regardé nos luttes, et tu les as traitées d'incohérence brutale, parce que tu n'en as pas compris le sens. Tu vois les ombres et les reflets du jour, tu ne vois pas le jour intérieur, notre âme séculaire. As-tu jamais cherché à la connaître ? As-tu jamais entrevu notre action héroïque, des Croisades à la Commune ? As-tu jamais pénétré le tragique de l'esprit français ? T'es-tu jamais penché sur l'abîme de Pascal ? Comment est-il permis de calomnier un peuple qui, depuis plus de dix siècles, agit et crée, un peuple qui a pétri le monde à son image par l'art gothique, par le dix-septième siècle, et par la Révolution, — un peuple qui, vingt fois, a passé par l'épreuve du feu et s'y est retrempé, et qui, sans mourir jamais, a ressuscité vingt fois !... — Vous êtes tous de même. Tous tes compatriotes qui viennent chez nous ne voient que les parasites qui nous rongent, les aventuriers des lettres, de la politique et de la finance, avec leurs pourvoyeurs, leurs clients et leurs catins ; et ils jugent la France d'après ces misérables qui la dévorent. Pas un de vous ne songe à la vraie France opprimée, aux réserves de vie qui sont dans la province française, à tout ce peuple qui travaille, indifférent au vacarme de ses maîtres d'un jour...

Oui, c'est trop naturel que vous n en connaissiez rien, je ne vous en fais pas un reproche : comment le pourriez-vous ? C'est à peine si la France est connue des Français. Les meilleurs d'entre nous sont bloqués, prisonniers sur notre propre sol... On ne saura jamais tout ce que nous avons souffert, attachés au génie de notre race, gardant en nous comme un dépôt sacré la lumière que nous en avions reçue, la protégeant désespérément contre les souffles ennemis qui s'évertuent à l'éteindre, — seuls, sentant autour de nous l'atmosphère empestée de ces métèques, qui se sont abattus sur notre pensée, comme un essaim de mouches, dont les larves hideuses rongent notre raison et souillent notre cœur, — trahis par ceux dont c'était la mission de nous défendre, nos chefs, nos critiques imbéciles ou lâches, qui flagornent l'ennemi, pour se faire pardonner d'être de notre race, abandonnés par notre peuple, qui ne se soucie pas de nous, qui ne nous connaît même pas... Quels moyens avons-nous d'être connus de lui ? Nous ne pouvons pas arriver jusqu'à lui... Ah! c'est là le plus dur! Nous savons que nous sommes des milliers d'hommes en France qui pensons de même, nous savons que nous parlons en leur nom, et nous ne pouvons nous faire entendre ! L'ennemi tient tout : journaux, revues, théâtres... La presse fuit la pensée, ou ne l'admet que si elle est un instrument de plaisir, ou l'arme d'un parti. Les coteries et les cénacles ne laissent le passage libre qu'à condition qu'on s'avilisse. La misère, le travail excessif nous accablent. Les politiciens, tout occupés de s'enrichir, ne s'intéressent qu'aux prolétariats qu'ils peuvent acheter, La bourgeoisie indifférente et égoïste nous regarde mourir. Notre peuple nous ignore ; ceux même qui luttent comme nous, enveloppés comme nous de silence, ne savent pas que nous existons, et nous ne savons pas qu'ils existent... Le néfaste Paris ! Sans doute, il a fait aussi du bien, en groupant toutes les forces de la pensée française. Mais le mal qu'il a fait est au moins égal au bien ; et, dans une époque comme la nôtre, le bien même se tourne en mal. Il suffît qu'une pseudo-élite s'empare de Paris, et embouche la trompette formidable de la publicité, pour que la voix du reste de la France soit étouffée. Bien plus : la France s'y trompe elle-même ; elle se tait, effarée, elle refoule peureusement ses pensées en soi... J'ai bien souffert de tout cela, autrefois. Mais maintenant, Christophe, je suis tranquille. J'ai compris ma force, la force de mon peuple. Nous n'avons qu'à attendre que l'inondation passe. Elle ne rongera pas le fin granit de France. Sous la boue qu'elle roule, je te le ferai toucher. Et déjà, çà et là, de hautes cimes affleurent... »

Romain Rolland

 

La page d'AlmaSoror dédiée à Jean-Christophe se trouve ici...

Romain Rolland, Jean-Christophe, immigration, cosmopolitisme, populisme, élite, peuple

 

 Les oiseaux de passage, ou quand Georges Brassens chante Jean Richepin

Merci à l'internaute qui a mis cette vidéo sur Ytube.

Le texte de Jean Richepin se lit ici...

dimanche, 01 avril 2012

La littérature française au XIX°siècle, décrite par Romain Rolland

Jean-Christophe, Romain Rolland, littérature, dévergondage, littérature bourgeoise, littérature sexuelle, Sylvain Kohn

Ce passage du roman Jean-Christophe, écrit au 162 boulevard du Montparnasse avant la première guerre mondiale, nous démontre que nos conservateurs crient au loup sans se lasser, croyant toujours que cette fois, la société est descendue vraiment trop bas... Tandis que nos pourfendeurs de morale ne sont que d'affligeants fonctionnaires du choquage de bourgeois.

Jean-Christophe, Romain Rolland, littérature, dévergondage, littérature bourgeoise, littérature sexuelle, Sylvain Kohn

"Ce fut par les journaux quotidiens que Christophe fit d'abord connaissance, - comme des millions de gens en France, - avec la littérature française de son temps. Comme il était désireux de se mettre le plus vite possible au diapason de la pensée parisienne, en même temps que de se perfectionner dans la langue, il s'imposa de lire avec beaucoup de conscience les feuilles qu'on lui disait les plus parisiennes. Le premier jour, il lut parmi des faits divers horrifiants, dont la narration et les instantanés remplissaient plusieurs colonnes, une nouvelle sur un père qui couchait avec sa fille, âgée de quinze ans : la chose était présentée comme toute naturelle, et même assez touchante. Le second jour, il lut dans le même journal une nouvelle sur un père et son fils, âgé de douze ans, qui couchaient avec la même fille. Le troisième jour, il lut une nouvelle sur un frère, qui couchait avec sa soeur. Le quatrième, sur deux soeurs qui couchaient ensemble. Le cinquième... Le cinquième, il jeta le journal, avec un haut-le-coeur, et dit à Sylvain Kohn :

- Ah ! ça, qu'est-ce que vous avez ? Vous êtes malades !

Sylvain Kohn se mit à rire, et dit :

- C'est de l'art.

Christophe haussa les épaules :

- Vous vous moquez de moi.

- En aucune façon. Voyez plutôt !

Il montra à Christophe une enquête récente sur l'Art et la Morale, d'où il résultait que "l'Amour sanctifiait tout", que "la Sensualité était le ferment de l'Art", que "la morale était une convention inculquée par une éducation jésuitique", et que seule comptait "l'énormité du Désir". - Une suite de certificats littéraires attestaient dans les journaux la pureté d'un roman qui peignait les moeurs des souteneurs. Certains des répondants étaient les plus grands noms de la littérature, ou d'austères critiques. Un poète des familles, bourgeois et catholique, donnait sa bénédiction d'artiste à une peinture très soignée des mauvaises moeurs grecques. Des réclames lyriques exaltaient des romans, où laborieusement s'étalait la Débauche à travers les âges : Rome, Alexandrie, Bysance, la Renaissance italienne et française, le Grand Siècle... c'était un cours complet."

 

Romain Rolland, in Jean-Christophe

vendredi, 02 décembre 2011

Trois esthètes du XX ème siècle : Romain Rolland, Jacques Benoist-Méchin, Raoul Vaneigem

Trois grands stylistes de la langue française, dont je n'ai pas entendu parler à l'école.

Raoul Vaneigem, Jacques Benoist-Méchin, Romain Rolland, Jean-Christophe, anarchie, situationnisme, collaboration, libération

Romain Rolland - pourquoi cet homme n'est plus lu en France aujourd'hui ? Il l'est, ailleurs. Disciple de Tolstoï, c'est lui qui a fait connaître Gandhi en France, c'est lui qui a donné à son ami Sigmund Freud l'idée du sentiment océanique.
Son roman Jean-Christophe est un chef d'oeuvre, un arc en ciel où se mêlent en un même scintillement les couleurs du style littéraire, de la structure et du scénario, de la philosophie et de la vision mystique. Un arc en ciel ancré dans l'histoire européenne de l'aube du XX° siècle.

"Le corps et l'âme s'écoulent comme un flot. Les ans s'inscrivent sur la chair de l'arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s'use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde."
in
Jean-Christophe, 1912

Raoul Vaneigem, Jacques Benoist-Méchin, Romain Rolland, Jean-Christophe, anarchie, situationnisme, collaboration, libération

Jacques Benoist-Méchin, on sait pourquoi cet homme n'est lu que dans les arrières salles, les boudoirs, les bureaux cachés. C'est parce qu'il subit le sort de ceux qui se sont "trompés de camp" lors de la seconde guerre mondiale. Condamné à mort à la Libération, grâcié par le président Auriol et enfin embauché en sous main par les gouvernements français pour des missions dans les pays arabes qu'il adorait, il a toujours écrit, que sa vie se déroule dans les salons mondains et les ministères, en prison, en voyage... Plus qu'un historien, c'est un chroniqueur de son temps, qui rappelle Thucydide et Joinville, une des plus belles langues de notre langue du XXème siècle.

"Passe devant nous, semblable à une citadelle resplendissante de blancheur, l'Olympic Cloud, un pétrolier de 30 000 tonnes... Ce château de rêve glisse lentement devant nos yeux. Sa gloire immaculée domine de haut le désert, les dunes et le faîte des palmiers.
Ce palais majestueux a l'inconsistence d'un mirage. Il semble sur le point de se dissoudre dans la nuit."
In Un printemps arabe, 1959

Raoul Vaneigem, Jacques Benoist-Méchin, Romain Rolland, Jean-Christophe, anarchie, situationnisme, collaboration, libération

Raoul Vaneigem vit encore, lui, l'anarchiste, ex-ami de Debord et situationniste. Je ne sais trop qu'en dire, sinon que son écriture a du souffle et qu'elle m'a revivifiée lorsque j'étais salariée et travaillais dans un bureau.

"Ils croient mener une existence et l'existence les mène par les interminables travées d'une usine universelle. Qu'ils lisent, bricolent, dorment, voyagent, méditent ou baisent, ils obéissent le plus souvent au vieux réflexe qui les commande à longueur de jours ouvrables.

Pouvoir et crédit tirent les ficelles. Ont-ils les nerfs tendus à droite ? Ils se détendent à gauche et la machine repart. N'importe quoi les console de l'inconsolable. Ce n'est pas sans raison qu'ils ont, des siècles durant, adoré sous le nom de Dieu un marchand d'esclaves qui, n'octroyant au repos qu'un seul jour sur sept, exigeait encore qu'il fût consacré à chanter ses louanges.

Pourtant, le dimance, vers les quatre heures de l'après-midi, ils sentent, ils savent qu'ils sont perdus, qu'ils ont, comme en semaine, laissé à l'aube le meilleur d'eux-mêmes. Qu'ils n'ont pas arrêté de travailler".
In Adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l'opportunité de s'en défaire, 1990

 

Raoul Vaneigem, Jacques Benoist-Méchin, Romain Rolland, Jean-Christophe, anarchie, situationnisme, collaboration, libération

 

J'ai des rêves, des quêtes. Je n'ai pas tout lu de ces trois hommes. Je voudrais entendre l'oeuvre musicale composée par Benoist-Méchin, Equateur.

J'ai des réserves. Je n'aime pas la passion de Benoist-Méchin pour les sociétés complètement mysogines, tels le nazisme ou l'islam ; je n'aime pas la passion de Vaneigem pour les sociétés complètement machistes, celles des nomades qu'il décrit en déployant son style avec fougue. Ces réserves ne sont pas d'ordre litttéraire. Elles n'ont donc aucune espèce d'importance puisque la littérature est libre et flotte bien plus haut que les idées ou les actions.

J'ai une admiration pour ces trois plumes, bien que Benoist-Méchin ait pu taper à la machine, et Vaneigem sur un ordinateur, au moins pour la partie récente de son oeuvre.

Dans ces trois styles, une sensorialité démultipliée, la sensualité de la vie transmuée dans la sensualité des mots, un grand amour des expériences concrètes et la capacité de s'élever très haut dans l'abstraction.

Ils sont je crois parmi les trois plus grands écrivains du XX°siècle, en langue française. Il y en a d'autres, mais ceux-cis sont bien peu cités.

 

 

mercredi, 09 novembre 2011

Jean-Christophe - 8 novembre 2011

 

"La cruauté envers les animaux et même déjà l’indifférence envers leur souffrance est à mon avis l’un des péchés les plus lourds de l’humanité. Il est la base de la perversité humaine. Si l’homme crée tant de souffrance, quel droit a-t-il de se plaindre de ses propres souffrances ?"

Romain Rolland

 

Romain Rolland, Madeleine Rolland

Frère et Soeur Rolland

 

 

Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.

Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est plus lu et étudié à l'étranger qu'en France.

Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.

C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier roman-fleuve, l'histoire de Jean-Christophe Krafft.

 

SaraPhot Sara

 

La première « lecture du mardi » a eu lieu hier. Elle était accompagnée d'un Monbazillac blanc moelleux et d'une fourme du Puy de Dôme.

A mardi prochain, frères lecteurs, pour un autre chapitre, un autre fromage, un autre vin. A mardi prochain, pour la messe de Jean-Christophe.


Les officiants d'hier : Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Edith


Conseils de lecture :

Ce passage sur la musique, de Jean-Christophe

La nouvelle "Le prophète", de Thomas Mann

ciel de Mavra, Biarritz

Ciel Mental, par Mavra

 

samedi, 20 août 2011

Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde.

 

Ils sont si peu nombreux, de nos jours, ceux qui ont lu Jean-Christophe, le roman-fleuve et fleuve musical de Romain Rolland, publié au début du XXème siècle.

Romain Rolland, Jean-Christophe, Roman-Fleuve, 13


« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.


Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...
L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.

Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure,
je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».

 

Romain Rolland - Jean-Christophe

 

Jean Christophe sur Une bibliothèque au 13