dimanche, 30 septembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : La vie misérable des coches en élevage intensif
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
La vie misérable des coches en élevage intensif
On appelle « coche » la femelle du cochon, plus connue sous le terme de truie. Ces animaux arrivent à l’abattoir par lots entiers lorsqu’elles sont réformées, c’est-à-dire lorsqu’elles ne sont plus rentables. Certains abattoirs sont spécialisés dans l’abattage de ces dernières, ainsi que dans le commerce de leurs carcasses ou quartiers de viande. Ces coches sont élevées dans des systèmes d’exploitation industriels et intensifs : dans des bâtiments clos où la lumière du jour ne pénètre jamais. Ne vous imaginez pas une petite porcherie bien paillée, avec une mangeoire pour l’eau, une autre pour la nourriture, qu’un gentil éleveur viendrait régulièrement remplir en accompagnant ses gestes de mots tendres et affectueux. Non, les coches passent la plupart de leur vie dans des stalles, sorte de cages métalliques où elles ne peuvent bouger : seule la position couchée ou debout leur est possible. La nourriture est automatiquement déversée dans la mangeoire. Dans l’Union Européenne, près de 6 millions de truies sont enfermées par an dans des stalles métalliques de 60 cm à 70 cm de large et de 2 m de long !
Truies en salle de maternité, enfermées dans des cages.
Phot Jean-Luc Daub
D’ailleurs, dans ce cadre concentrationnaire, métallique et hermétique, l’éleveur à été remplacé par un technicien en production porcine dont la spécialisation peut être la verraterie, la maternité ou le centre d’engraissement. La verraterie est le lieu où l’on détecte les chaleurs des truies ; on tente parfois de les provoquer en utilisant un robot qui pousse un verrat dans les couloirs étroits entre les cages des truies. Le technicien ne se donne même pas la peine de déplacer lui-même le porc mâle, car il faut laisser un certain temps l’animal devant les femelles, et les couloirs de ce genre d’élevage sont longs. Il existe aussi un robot qui remplace le verrat. Il passe entre les truies en dégageant l’odeur du mâle. Le mélange chimique d’une solution aqueuse est vaporisé et, comme dans la nature, la phéromone parvient au groin des truies pour engendrer la
réponse attendue. La verraterie est aussi le lieu où l’on insémine artificiellement les coches, à la chaîne et sans ménagement, en leur enfonçant une longue tige dans le vagin, avant de répandre le sperme prélevé dans des lieux tout aussi sordides sur des verrats qui ne sont considérés que comme des machines à produire du sperme.
La maternité est le lieu où sont enfermées les coches avant la mise bas. Elles sont encore et toujours prisonnières des stalles, avec un aménagement industriel et aseptisé pour l’accueil des nouveau-nés. Ces derniers naissent sur un revêtement en plastique, ajouré, pour laisser passer les excréments et les urines. Dès la sortie du ventre de leur mère, les porcelets voient l’enfer du milieu industriel de la production porcine. Leurs petits onglons se prennent dans les fentes du sol en caillebotis, sol inadapté pour eux, mais utilisé pour des raisons pratiques et d’économie de main d’œuvre. Ils ne connaîtront pas la paille, ni la sciure ni même la terre à gratter dans laquelle ils fouinent et dont leurs cousins en élevage biologique ont la chance de bénéficier. Les porcelets, dès leur naissance, ont une mère cloisonnée dans une cage métallique qui ne pourra pas se retourner pour les disperser, s’amuser avec eux ou leur inculquer quelques rudiments naturels. Ils connaîtront, dès les premiers jours, une vie non conforme à leurs besoins physiologiques. Pourtant la réglementation relative à l'élevage, la garde et la détention des animaux issue de l'arrêté du 25 octobre 1982, modifié par les arrêtés des 17 juin 1996 et 30 mars 2000, stipule bien que « l'élevage, la garde ou la détention d'un animal ne doit entraîner, en fonction de ses caractéristiques génotypes ou phénotypes, aucune souffrance évitable, ni aucun effet néfaste sur sa santé (article 2 de l'arrêté du 25 octobre 1982). » Cette exigence figure également à l'article L. 214-1 du Code rural, aux termes duquel tout animal doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. On est donc loin d’une préoccupation du bien-être animal, en raison d’une préoccupation de production à moindre coût, sous couvert des institutions scientifiques et des services de contrôles.
Dans cet univers, et en présence de leur mère impuissante, les porcelets subissent le meulage des dents (soi-disant pour éviter qu’ils ne blessent la mère lors d’une tétée trop prononcée). Mais dans un milieu naturel, ou en élevage biologique, la mère, si elle est gênée par ce genre de problème, a la capacité de se lever et d’interrompre la tétée. Ce qu’une truie dans sa cage ne peut pas faire. L’éleveur — pardon : le technicien ou l’ouvrier porcher — sectionne la queue à vif. Là encore, on nous dira que c’est pour leur bien : parce qu’ils risquent de se manger mutuellement la queue. Ah, bon, avez-vous vu des sangliers qui se mangent la queue en milieu naturel ? Non. Ni même en élevage de plein air. Mais en élevage intensif, il y a des risques, car le confinement concentrationnaire, l’obscurité dans laquelle les porcs à l’engraissement sont plongés, l’impossibilité de pouvoir satisfaire leurs besoins physiologiques (fouiner, gratter), l’impossibilité de s’isoler, l’ennui… font que les porcs subissent un stress (avant d’atteindre un état dépressif). Il arrive alors qu’ils attrapent la queue de leurs congénères, seule activité possible. Les blessures qui en résultent peuvent être graves et provoquer des nécroses. La vérité n’est pas que l’on coupe la queue des cochons pour leur bien, mais que l’on cherche ainsi à éviter une perte financière aux éleveurs.
Sachez que les éleveurs qui pratiquent le plein air et l’élevage biologique ne rencontrent pas ce genre de problème. J’allais oublier de parler de la castration à vif des jeunes porcs. La mère, toujours prisonnière dans sa cage, est impuissante devant ce qui se passe et ne peut défendre ses petits qui hurlent de douleur. Lors d’un stage que j’ai effectué chez un éleveur de porcs sur paille, avec des bâtiments ouverts sur la lumière du jour, j’ai effectué moi-même des castrations de porcelets. Les mâles sont castrés en raison de l’odeur que peut avoir la viande à l’âge adulte ou, du moins, au poids atteint pour l’abattage qui est supérieur à 85 kilogrammes. Dans cet élevage, nous prenions le temps de faire une anesthésie locale, sans avoir besoin de mettre un casque sur les oreilles pour nous protéger des hurlements, car les porcelets ne criaient pas. Les dents
n’étaient pas limées, les queues n’étaient pas non plus coupées. De plus, cette opération n’était pas effectuée devant la mère, mais dans un local approprié. Dans un élevage intensif de 1200 truies, les mutilations sont pratiquées devant la mère impuissante. Les cris des porcelets assaillent ses oreilles, et la panique s’empare des autres mères et petits. L’opérateur, lui, a un casque sur les oreilles. Il coince un petit entre ses jambes, la tête en bas, il effectue une incision sur chaque testicule, puis il les compresse l’un après l’autre de façon à faire sortir le gland. Ensuite, il coupe le canal spermatozoïque, tout cela à vif, sans aucune anesthésie, alors que cela relève d’un acte chirurgical. Selon eux, les porcelets ressentent autant la douleur de la castration qu’une piqûre de seringue !
Les porcs à l’engraissement sont appelés « porcs charcutiers ». J’ai visité un petit établissement d’élevage intensif de cette sorte dans la Somme en 2008. En entrant, je vis que trois porcs morts avaient été mis à l’écart, au dehors. Deux autres, mal en point, avaient été mis à part dans une case. Un peu plus loin, un autre était également mort et gisait sur le sol. Dans les autres cases, se trouvaient, dans le noir le plus complet, des cochons hagards, apeurés par une présence soudaine. J’ai actionné l’interrupteur qui répandit la lumière blême de quelques néons. De misérables cochons étaient parqués, nombreux, dans des cases de béton au sol en caillebotis. La saleté était répugnante. Le plafond était bas et une forte odeur d’ammoniaque brûlait les poumons. Que peuvent bien faire de leur journée ces pauvres bêtes ? Rien, sinon développer des troubles de comportements, sombrer dans un état dépressif et se laisser mourir. Les queues étaient coupées, et je me disais que, dans ces conditions, la seule activité possible pour les cochons est de mordre la queue du congénère voisin.
Je rappellerai toutefois que la réglementation de l’arrêté du 25 octobre 1982 relative à l’élevage, la garde et la détention des animaux stipule que les animaux gardés dans des bâtiments ne doivent pas être maintenus en permanence dans l'obscurité, ni être exposés sans interruption à la lumière artificielle.
Lorsque la lumière naturelle est insuffisante, un éclairage artificiel approprié doit être prévu pour répondre aux besoins physiologiques et éthologiques des animaux. Il est certain qu’il n’y a pas beaucoup de contrôles dans ces élevages. Pour en revenir aux stalles, elles seront interdites à partir de 2013, mais au-delà, les coches (truies) pourront malgré tout être gardées en cage les quatre premières semaines de gestation, ainsi que pendant la période de maternité dans une cage de mise bas. Les truies sont parfois sanglées au sol, d’où elles ne peuvent bouger. Cette pratique devrait disparaître, car elle est interdite depuis le 1er janvier 2007. Mais qui va contrôler cela ?
Il est facile de constater le mauvais état de santé des coches à leur arrivée dans les abattoirs : certaines ne peuvent pas marcher et se retrouvent mélangées dans les lots. Elles sont appelées « mal à pied ». Les « mal à pied » concernent tous les porcs boiteux, paralysés de l’arrière-train… Les coches développent, à cause du mode d’élevage qu’on vient de décrire, des problèmes d’aplomb, d’articulation ou des faiblesses musculaires. Ces problèmes sont exclusivement dus à l’élevage intensif, on en retrouve peu ou pas dans les élevages de plein air, biologiques ou dans les élevages extensifs sur de la paille et avec de l’espace. Il y a quelques années, j’avais fait plusieurs visites d’abattoirs spécialisés dans l’abattage des coches. J’avais relevé de gros problèmes concernant la prise en charge de celles qui ne pouvaient pas marcher. Souvent jetées au bas des camions, ou tirées par un treuil électrique, accrochées au bout d’un câble métallique, parfois suspendues et poussées jusque dans la porcherie, les coches malades, blessées ou accidentées étaient malmenées et donc en situation de souffrance. Comme elles étaient dans l’impossibilité de se mouvoir, les employés avaient toutes les peines du monde à les déplacer, elles constituaient un poids pour les exploitants d’abattoirs. Peu prises en considération, elles étaient souvent maltraitées, et elles le restent. Des images filmées par une association française et allemande, dans des abattoirs de porcs français et diffusées au journal télévisé en novembre 2006 le montrent. La législation précise qu’un animal inapte au transport, blessé ou malade, doit faire l’objet d’un contrôle vétérinaire ; celui-ci décide ou non d’euthanasier l’animal sur le lieu d’élevage. Or cela ne se fait pas. Si elles sont blessées et qu’un vétérinaire décide de les envoyer à l’abattoir, elles doivent faire l’objet d’un abattage d’urgence. Mais ce n’est jamais le cas, elles arrivent sans avoir été vues par un vétérinaire, sans le certificat vétérinaire d’information. Lorsque je demandai qu’on me présente le CVI1 pour des coches en piteux état, l’abattoir ou le vétérinaire inspecteur étaient incapables de me montrer le moindre document. Et aucun procès-verbal n’était dressé pour cette infraction. Pourtant le CVI est obligatoire pour tout animal qui arrive blessé à l’abattoir selon l’arrêté du 9 juin 2000, modifié par arrêté du 20 décembre 2000. L’animal malade ou blessé doit faire l’objet d’un diagnostic sur le lieu d’élevage par un vétérinaire qui décide ou non de son envoi à l’abattoir.
Les coches qui ne tiennent plus debout sont chargées dans les camions à l’aide de barres en fer, de treuils, tirées au bout d’un câble métallique, ce qui aggrave leurs blessures. C’est interdit, mais c’est encore pratiqué. À l’abattoir aussi, elles sont sorties des camions à l’aide d’un treuil, parfois suspendues jusqu’au poste d’abattage ou tirées par les oreilles. C’est interdit, elles doivent être tuées ou euthanasiées là où elles se trouvent, dans le camion, sur le quai ou dans la case de parcage. Je cite le passage de la Directive Européenne 93/119 : « Les animaux incapables de se mouvoir ne doivent pas être traînés jusqu'au lieu de l'abattage mais être mis à mort là où ils sont couchés ou, lorsque c'est possible et que cela n'entraîne aucune souffrance inutile, transportés sur un chariot ou plaque roulante jusqu'au local d'abattage d'urgence. » (I, 6, annexe A).Lorsque l’une d’entre elles présente des caractéristiques de blessure ou de maladie, la pratique de l’éleveur en intensif consiste à attendre qu’il y ait d’autres animaux dans le même état, pour qu’un lot entier parte pour l’abattoir. Cela sans appeler de vétérinaire et pour faire l’économie d’un transport spécial. Lors du chargement d’un camion, ces coches sont souvent placées avec les autres, si bien qu’elles sont souvent piétinées pendant le trajet par les animaux sains. Certains établissements d’abattage étaient équipés d’un petit camion qui effectuait des navettes en allant chercher les truies qui posaient problème. Cela réduisait considérablement les souffrances de ces truies, en abrégeant leur séjour en élevage.
Mais cela ne se fait plus vraiment, à cause du coût, la carcasse d’une coche ne valant environ que deux cents euros ; sans parler du risque d’une saisie par les services vétérinaires.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (1) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 09 septembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un abattoir de porcs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Blessure ancienne à la patte d’une truie ne pouvant pas marcher emmenée coûte que coûte à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Un abattoir de porcs
Alors que je visitais, en Bretagne, un abattoir de porcs encadré par une vétérinaire, par une responsable qualité, par le directeur et par un technicien vétérinaire, j’assistai impuissant à un déchargement de cochons ne pouvant pas marcher. Le chauffeur utilisait un fil de fer qu’il sanglait autour d’une patte, puis tirait les cochons en les faisant glisser sur le sol. Cette pratique est interdite. Le technicien vétérinaire m’indiqua qu’il aimerait voir disparaître cette façon de faire, et qu’il allait s’en occuper. Il me confia à l’oreille, alors que les autres personnes étaient devant nous, qu’avant son arrivée la façon de déplacer les cochons ne pouvant pas marcher était encore pire. En effet, pour ceux restés couchés dans les camions, immobilisés par une blessure ou un handicap, les employés et les chauffeurs utilisaient tout simplement un crochet qu’ils passaient par l’anus, déchirant la chair des animaux, et les tiraient ainsi sur le sol. Peut-on imaginer les souffrances endurées par les porcs ? Le jeune technicien vétérinaire avait pu s’opposer à cette pratique et la faire disparaître. Je salue le courage de cette personne, car il n’est pas facile de faire cesser des méthodes anciennes, surtout lorsque l’on agit au nom de la protection animale. D’autant plus qu’à l’époque, on ne bénéficiait pas de la pression des consommateurs concernant les conditions de manipulations et d’abattages des animaux. Se préoccuper de protéger les animaux n’était vu que comme une perturbation de la production et du bon déroulement économique, qui avance tel un rouleau compresseur.
Dans cet abattoir, un porcher s’occupait en permanence des arrivages de cochons. Les camions étaient déchargés sur un quai en passant par de longues cases en béton (2300 places) et étaient répartis en fonction d’un système informatisé que les chauffeurs consultaient. Au déchargement, les porcs étaient douchés, se reposaient pendant deux heures, puis étaient de nouveau douchés avant d’être abattus. Cinq personnes, à l’aide de planches en plastique vert et de Movets (sortes de petites plaquettes montées les unes sur les autres qui font du bruit lorsqu’un employé frappe les porcs), allaient chercher les cochons et chargeaient le Restrainer en flux continu (830 cochons à l’heure). À la sortie, les porcs étourdis automatiquement (700 V) étaient saignés au trocart sur un tapis par cinq personnes en même temps en raison de la cadence élevée des abattages.
Les cochons et les truies estropiés, blessés ou douteux (c’est-à-dire peut-être porteurs d’une maladie), étaient laissés sur le quai. À l’aide d’une brouette (appelée ambulance), ces animaux étaient répartis dans deux endroits différents. La brouette peut être déplacée avec un petit tracteur vers des cases (pourvues d’une pince électrique de modèle Étime mobile) destinées à ceux qui ne peuvent marcher et qui sont susceptibles d’être euthanasiés. L’autre case était proche du poste d’abattage, les porcs et les coches ne pouvant passer dans le Restrainer y étaient rassemblés. Ces animaux ne sont abattus qu’en fin de chaîne. Quelques coches et porcs se trouvaient en attente, certains gisaient sur le flanc, et agonisaient. Au centre du local, un treuil permettait de tirer par une patte les coches pour les sortir des camions. Une pancarte indiquait pourtant qu’il est interdit de les suspendre. Deux pinces Etime mobiles permettent l’étourdissement dans le local avant de les saigner sur la chaîne. Deux contrôles ante mortem, répartis dans la journée, sont effectués par l’inspecteur vétérinaire. L’euthanasie des porcs et des coches saisis sur pied est effectuée par le vétérinaire. Cependant, ils sont mis à mort par électrocution (sans être saignés), en appliquant la pince derrière les oreilles pendant une minute, puis sur le cœur. (La saignée sur le quai n’est pas approuvée par les services vétérinaires.)
En notre présence, le porcher emmena un porc dans la nacelle du tracteur, l’animal se retrouva ensuite coincé sous la brouette, la tête en bas et les pattes de derrière en l’air. On m’a dit qu’il était tombé de la brouette lors de son transfert.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 02 septembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : Étourdissement de bovins
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Étourdissement de bovins
Dans un abattoir de la région parisienne, l’abattage classique des bovins était critiquable. Les animaux empruntaient un chemin d’amenée qui montait progressivement vers un box rotatif à usage mixte. C’était un box agréé pour gros bovins, mais modifié pour les veaux. Je n’ai pas assisté aux abattages rituels car je suis arrivé le jour où ils n’avaient pas lieu, mais 80 % du temps est réservé à cette pratique. Pour ce qui concernait l’abattage classique, les bovins étaient assommés à l’aide d’un Matador A22 GBEV dans le box rotatif, par l’ouverture du dessus. L’animal était ensuite évacué par une porte latérale vers le local de saignée. Les étourdissements sur les gros bovins n’étaient pas entièrement satisfaisants. En effet, certains semblaient conscients, mal étourdis, les bovins n’étaient pas, comme on peut le constater d’habitude, complètement assommés après l’utilisation du Matador. En ma présence, deux se sont relevés conscients alors même qu’une perforation du crâne après l’utilisation du pistolet à étourdissement avait été effectuée. L’employé a réutilisé le Matador en l’appliquant une deuxième fois dans l’orifice créé par la première utilisation.
Saignée du bovin après son étourdissement au pistolet à tige perforante.
Phot Jean-Luc Daub
Pour d’autres bovins, on pouvait voir qu’ils n’étaient pas complètement étourdis, l’employé ayant beaucoup de mal à passer la chaîne autour de la patte arrière. Certains animaux clignaient des yeux, ce n’étaient pas des réflexes nerveux. Faisant état de mes constatations sur l’étourdissement des bovins à l’employé, je lui demandai si le Matador était assez puissant. Il me répondit qu’effectivement d’habitude cela marchait mieux, mais que le joint intérieur du Matador avait été changé et que par conséquent il fallait du temps pour qu’il s’assouplisse. Il semblait en effet que la tige du Matador ne rentrait pas assez profondément dans le crâne des bovins. Le joint empêchait ou freinait la détente de la tige. J’en ai parlé au
directeur et au président de l’abattoir.
En outre, il n’était pas toujours possible d’effectuer la suspension rapidement. Les animaux se plaçaient mal à la sortie du box rotatif. Parfois, les bovins restaient accrochés dans le box rotatif par une patte arrière, ce qui les empêchait d’avoir le dos contre le box et les pattes vers le local. Or, cette position est requise pour que l’employé puisse convenablement et en toute sécurité passer la chaîne de suspension autour d’une patte arrière. Le problème vient de l’inadéquation entre le piège et le système de suspension. D’après moi, il s’écoule trop de temps entre cette manipulation et la saignée, même lorsque celle-ci intervient rapidement. Le plus rapide serait de saigner les bovins à la sortie du piège sur le sol, après étourdissement. La suspension pourrait venir ensuite, alors que le sang s’écoulerait. Cela serait beaucoup mieux mais, pour des questions d’hygiène, les services vétérinaires ne veulent pas.
Il est pourtant possible de mieux faire, puisque dans un abattoir de bovins se trouvant dans le Morbihan, la suspension intervenait très rapidement. L’employé baissait le palan et la chaîne, qui se trouvent au-dessus du box rotatif, de sorte qu’il était prêt à suspendre les bovins avant même d’avoir procédé à l’étourdissement. C’est de fort bon sens, mais ce n’est pas toujours une évidence dans d’autres abattoirs. J’ai même déjà assisté à une aberration. En effet, des employés qui venaient d’étourdir un bovin, au lieu de procéder tout de suite à l’évacuation, à la suspension et à la saignée, prenaient le temps de recharger le pistolet à tige perforante avec une cartouche. Manœuvre qui devrait être faite après la prise en charge finale de l’animal. Dans l’abattoir du Morbihan, ce n’était pas le cas, le pistolet était rechargé après, et les bovins étaient évacués du box rotatif sans perte de temps grâce au palan qui fut descendu avant l’étourdissement, ce qui permettait une saignée rapidement exécutée. De plus, une plaque en inox posée à plat sur le sol devant la sortie du box rotatif, avec un bord relevé au bout, permettait de stopper la chute des bovins, et de les bloquer sur le dos. Les pattes arrière étaient alors très accessibles pour effectuer la suspension. Je n’ai pu voir dans aucun autre abattoir
des manipulations aussi rapides, mais cela prouve qu’il est possible de mieux faire.
Dans cet abattoir de la région parisienne, en comparaison d’autres abattoirs munis du même matériel, j’ai trouvé l’étourdissement des bovins insuffisant et la suspension jusqu’à la saignée beaucoup trop longue. En plus, les employés n’attendaient pas la fin de la saignée pour intervenir. Alors que le sang s’écoulait encore et à plein débit, ils découpaient les antérieurs, puis la tête. À ce moment-là, les bovins n’étaient pas toujours morts. On pouvait voir un employé qui avait du mal à couper les antérieurs, le bovin les retirait systématiquement et s’agitait. De lui-même, l’employé comprenait qu’il fallait encore attendre. Le directeur et le président de l’abattoir m’ont dit qu’ils étaient obligés d’aller vite après l’étourdissement. Cela parce qu’ils n’avaient que vingt minutes pour dépouiller les animaux selon les normes des services vétérinaires et que par conséquent, ils ne pouvaient pas attendre la fin de la saignée. Si les opérations d’assommage et de suspension étaient plus rapides, il n’y aurait pas de problème de délai lors de la saignée ; car les employés doivent attendre la fin totale de l’écoulement du sang avant de procéder à toute découpe.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (1) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 26 août 2012
Ces bêtes qu’on abat : Suspension des veaux en pleine conscience
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Suspension des veaux en pleine conscience
Dans un abattoir d’Alsace pratiquant massivement l’abattage rituel, je m’étais directement rendu sur le quai de déchargement où un transporteur, aidé de deux employés, déchargeait un camion de veaux d'engraissement (provenant d'élevages en batterie), âgés de 5 à 6 mois. Le numéro sanitaire sur les boucles des veaux indiquait, tout comme l’immatriculation du camion, que les bêtes provenaient du Cantal. Les animaux demeuraient dans une bonne épaisseur d'excréments. Le chauffeur m'a d'abord dit qu'il les avait chargés la veille, dans l'après-midi ; puis il se rétracta et me dit les avoir chargés dans le courant de la nuit. Les veaux étaient assoiffés ; dans les enclos de stabulation dépourvus d’abreuvoirs, ils léchaient les barrières métalliques humides. Ils attendirent deux heures avant d'être abattus, sans être abreuvés pendant cette attente.
Le déchargement des veaux fut effectué dans des conditions lamentables. Le conducteur plaça l'arrière du camion face aux stabulations, fit descendre la passerelle (très abrupte) et déchargea les animaux au sol. À l'intérieur de la remorque, un employé muni d'un bâton électrique, poussait vers l'extérieur les veaux qui sautaient et trébuchaient les uns par-dessus les autres, et tombaient dans la pente de la passerelle. Dans le couloir des stabulations, les veaux coincés refusaient d'avancer. L'employé muni du bâton électrique leur envoyait des décharges sur le mufle, dans la gueule, dans les oreilles ou même dans les yeux, pour les faire avancer. On pouvait les entendre meugler sous les coups de pile électrique.
Je me suis présenté à la directrice qui s'est immédiatement mise en colère. Elle était très mécontente que je sois revenu (encore une fois visiter son établissement). Elle m'a demandé si je n'avais rien d'autre à faire que de venir l'embêter pour des animaux, juste avant les fêtes ! Selon elle, il y avait des choses plus importantes à faire.
L'abattage rituel des ovins était terminé. J'ai donc assisté, accompagné de la directrice, à l'abattage rituel des veaux. Celle-ci était quelque peu contrariée car l'abattage allait être effectué dans le box rotatif qui, apparemment, n’était pas utilisé d’habitude. Je le compris en voyant que ma présence désorganisait un déroulement habituel, car le personnel semblait perturbé à l’idée d’utiliser le box. Quatre employés, en plus du sacrificateur, avaient préparé le box. Quatre employés au seul poste d’abattage, cela ressemble, de toute évidence, à une mise en scène. Les premiers sacrifices de veaux ont eu des allures d'essai et les regards que l'on me portait étaient pesants. Un premier homme a fait entrer un veau dans le box à l'aide d'un bâton électrique tout en guidant son équipier qui actionnait les boutons pressoirs. Deux volets, à l'intérieur du box, se sont alors rabattus sur le derrière du veau, poussant l'animal vers l'avant dont la tête sortait par l'ouverture. Une partie latérale à droite s'est avancée verticalement, comprimant ainsi le veau. La plaque avant du box fut actionnée jusqu'à ce que l'ouverture soit obstruée et que, seule, la tête dépasse. La mentonnière a alors soulevé la tête du veau et un employé a effectué la rotation du box, le sacrificateur l'a ensuite saigné. Puis, on remit le box en position normale. Un volet qui éjecta l'animal fut actionné. Les opérations étaient lourdes et longues à effectuer. La directrice décida alors de ne pas faire passer le veau suivant par le box, de le suspendre avant la saignée, bien que cela soit interdit, mais pour me faire apprécier la facilité d’exécution lorsque l’on procède de manière illicite.
Dans ce cas de figure, le veau n'a pas à emprunter le chemin d'amenée du box, ce qui réduit la distance à parcourir et les manœuvres à effectuer par le personnel. On a fait entrer le veau dans la salle d'abattage, juste à côté du box. On lui a ensuite enroulé une chaîne autour de la patte arrière et on l'a suspendu par un crochet qui le soulevait du sol de manière mécanique. Le sacrificateur ne se pressait pas pour le saigner. Après l’accomplissement de l’égorgement en pleine conscience, la directrice, satisfaite, m'a expliqué que c'était plus rapide, plus simple et moins dangereux pour le personnel. Le veau ainsi abattu serait aussi moins stressé. C’est certain, les boxes rotatifs sont stressant et source de souffrances pour les veaux, surtout lorsqu’ils ne sont pas adaptés à leur petite taille. Le mieux, si l’abattoir est mal équipé, c’est de ne pas procéder à l’abattage rituel. La vraie solution n’est pas d’enfreindre la loi pour satisfaire une demande.
L'abattage s'est poursuivi dans le box rotatif, jusqu'à ce qu'un cylindre hydraulique tombe en panne. Le reste des veaux a donc été abattu en étant suspendu en pleine conscience. Et la directrice d'ajouter: « Vous voyez, c'est quand même beaucoup mieux comme ça ! ». J’ai pu savoir, par la suite, que d’habitude les veaux étaient suspendus conscients dans le local d'abattage des ovins où se trouvaient de grosses chaînes et de gros crochets qui leur étaient réservés, à côté de crochets plus petits pour les moutons.
Bovin épuisé et apeuré dans un camion.
Phot Jean-Luc Daub
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 19 août 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un veau pour distraction
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un veau pour distraction
Dans un abattoir de Moselle, un veau de quatre à cinq mois était attaché dehors, près du local où se trouvait le box rotatif. Il semblait intéresser trois employés, qui fumaient une cigarette en faisant une pause. L'un lui tordait les oreilles, le rudoyait en lui donnant des coups de genoux dans les côtes, au niveau des poumons. Les autres riaient (« Il faut bien se détendre », me dirent-ils !). Après qu’ils eurent repris leur poste dans l’abattoir, je m’approchai du veau et le caressai. Malgré tout, le petit animal ne se sentait pas rassuré. Un employé est alors venu le chercher et l'a installé près du box rotatif, une autre personne l'a étourdi au pistolet à tige perforante et l'a suspendu. Mais d'autres bovins suspendus attendaient déjà d’être saignés. Le veau n'a donc pas pu être saigné tout de suite. Il se débattait tellement qu'on a dû lui donner un autre coup de pistolet. Quelqu'un m'a dit que, d'habitude, on ne s'embêtait pas à faire passer les veaux à côté du box (quand il y en a plusieurs, les employés les font passer dans le box rotatif tous en même temps). Comme beaucoup de bovins étaient en attente d'être saignés, et probablement pour avancer le travail d'une autre personne sur la chaîne de découpage, un employé coupait les deux pattes avant des animaux, alors même qu'ils n’étaient pas encore saignés, et qu’il aurait dû attendre la mort complète et effective des bovins avant toute intervention de découpe !
Égorgement en abattage rituel d’un bœuf retourné sur le dos.
Phot Jean-Luc Daub
L'abattoir avait été équipé d'une chaîne d'abattage rituel pour ovins destinés à la consommation de la population musulmane. Les moutons devaient être parqués dans un petit local avant leur égorgement. Le responsable de l’abattoir m'a d'abord expliqué rapidement et assez évasivement que lorsque cette chaîne serait en état de fonctionner, les moutons seraient abattus, suspendus et dépouillés plus loin. Pourtant, d'après les bouches d'évacuation dans le sol, j'avais pu constater que l'une d'entre elles servait à l'évacuation des eaux et que l'autre servait à la récupération du sang. Donc, d'après les installations, j'enavais déduit que les moutons seraient inévitablement suspendus dans le premier local, passeraient au-dessus d'un petit mur et seraient saignés en étant pendus par une patte dans le second local. Après discussion, le responsable confirma mes soupçons. Il était aberrant que l'on installe des équipements en sachant à l'avance que leur utilisation serait illégale, et cela, avec l'accord des services vétérinaires qui avaient étudié le dossier de construction selon le directeur. Cet abattoir n’avait pas bonne réputation auprès des autres établissements d’abattage.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 12 août 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un employé rapide
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un employé rapide
Dans le département du Morbihan, et dans un abattoir de bovins, je fus surpris de la rapidité d’exécution des tâches d’étourdissement et de saignée de l’employé en place au poste d’abattage. En effet, il s’écoulait moins d’une minute entre l’étourdissement et la saignée des animaux. Le tueur qui chargeait son pistolet à tige perforante avant la mise dans le piège des animaux était rapide et efficace. Il étourdissait les bovins, ouvrait la porte latérale, pour l’évacuation hors du piège des animaux, les suspendait dans la foulée et les égorgeait aussitôt. Le treuil muni d’un palan pour la suspension des bovins après étourdissement était descendu sur le sol avant chaque étourdissement et non après. C’est très important. Cela paraît logique, mais ce n’est pourtant pas toujours ainsi que les choses se passent. Cela permet d’écourter le temps entre l’étourdissement et le début de la saignée. Certains tueurs descendent le treuil, alors qu’ils viennent d’effectuer l’étourdissement, ils perdent ainsi beaucoup de temps avant la saignée, qui doit pourtant intervenir le plus rapidement possible, car l’étourdissement n’est pas la mise à mort. Par exemple, la société Mc Key, organisme de certification et de contrôle du groupe Mc Donald, demande dans son cahier des charges « bien-être animal » qu’il ne se passe pas plus d’une minute entre l’étourdissement et le début de la saignée. Cette demande est très intéressante, car elle exige de procéder rapidement à la saignée pour les établissements qui produisent pour cette société.
Position du pistolet à tige perforante sur le crâne d’un bovin.
Phot Jean-Luc Daub
Il me faut toutefois mettre un bémol, parce que l’employé suivant, sur la chaîne d’abattage, procédait à la découpe en la commençant avant la fin de la saignée complète, c’est-à-dire avant la fin de l’écoulement total du sang. La mort de l’animal est effective après qu’il s’est vidé de son sang. L’employé, avec son couteau, parfilait autour des yeux, découpait les oreilles, ainsi que le museau et puis la tête, alors que les bovins n’étaient pas encore morts !
La responsable qualité avec qui j’eus un entretien me dit qu’elle allait faire intercaler une bête supplémentaire sur le stock tampon ce qui permettrait d’attendre un peu plus longtemps après la saignée et avant de procéder à la découpe. Le directeur m’a certifié qu’il s’assurerait que ce délai serait dorénavant respecté.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 05 août 2012
Ces bêtes qu’on abat : Vaches mourantes
Vache faible et épuisée couchée dans un camion sur un marché à bestiaux.
Phot Jean-Luc Daub
Vaches mourantes
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Dans les Vosges, je visitais un abattoir moderne. Lorsque j’arrivai vers le local d’abattage d’urgence, je fus surpris de voir pas moins de dix vaches qui gisaient sur le sol jusque dans la cour. Aucune n’avait la capacité de marcher (elles ne risquaient donc pas de se sauver de l’abattoir). Je me demandais dans quelles conditions elles avaient été chargées et déchargées (au treuil bien évidemment). Certaines étaient agonisantes. Elles auraient dû être abattues dès leur arrivée. C’est le but de l’abattage d’urgence. L’abattoir avait pour habitude d’attendre la fin des abattages, donc la fin de journée, pour s’occuper de celles qui avaient été traînées dans le local d’abattage d’urgence, pour ne pas souiller la chaîne, comme disent les professionnels. Un grossiste effectuait des ramassages spéciaux, afin de faire du commerce avec les bêtes accidentées ou malades, très recherchées pour les steaks hachés.
Bien que la réglementation protège les animaux qui ne peuvent pas se déplacer d’eux- mêmes, en les déclarant inaptes au transport, des bovins sont encore fréquemment déplacés, alors qu’ils auraient dû bénéficier de la mesure d’abattage d’urgence à la ferme. Dans un abattoir que j’ai visité deux fois en l’espace de quelques mois, j’ai pu constater la première fois une génisse morte devant le local d’abattage d’urgence. J’ai observé son crâne : aucune trace d’impact du pistolet à tige perforante n’était visible. Elle avait vraisemblablement été déchargée et déposée encore vivante devant le local d’abattage d’urgence et a fini par mourir. La deuxième fois nous étions attendus, une collègue et moi, aurendez-vous, nous nous sommes dirigés vers ce même local avant de rencontrer nos interlocuteurs. Une vache mourante gisait sur le sol. Nous avons réclamé son euthanasie immédiate. Le vétérinaire appela alors le tueur (selon le terme professionnel consacré) qui n'arriva sur le site qu'après un deuxième coup fil. Malgré un état d’extrême faiblesse empêchant la vache de réaliser le moindremouvement, et malgré les meuglements de l'animal, le vétérinaire considéra que la vache ne souffrait pas. Aucun procès-verbal ne fut dressé au transporteur pour cette vache, qui, selon le vétérinaire, était debout au moment de son chargement dans le camion qui transportait un lot de bovins en provenance de la Manche. La Manche n’étant pas très loin, l’animal était de toute évidence déjà mal en point lors de son départ. Dans tous les cas, vu son état et son immobilité, elle n’aurait pas dû être déchargée au treuil, mais, aurait dû être tuée dans le camion. Le vétérinaire nous dit dresser, malgré tout, des PV pour des animaux malades inaptes aux transports. Six bovins en très mauvais état avaient été déchargés le vendredi précédent (des vaches de réforme). Un seul animal avait fait l'objet d'une saisie totale. À la question : « Pourquoi vous ne les abattez pas dans le camion, puisque les textes réglementaires précisent clairement que les animaux couchés doivent être abattus à bord du camion lorsqu'il n'est pas possible de les transporter sur une plaque roulante sans leur infliger de souffrances supplémentaires ? », le vétérinaire nous répondit que la valeur marchande de l'animal serait perdue. Inaptes au transport, certains bovins devraient même être tués à la ferme.
Vache agonisante devant un local d’abattage d’urgence d’un abattoir. Elle devrait être abattue de suite, mais elle sera laissée souffrante…
Phot Jean-Luc Daub
J’ai appris, grâce aux confidences d’un vétérinaire d’un autre endroit, que beaucoup de bovins déclarés inaptes au transport sont encore envoyés à l’abattoir alors qu’ils devraient être euthanasiés sur le lieu d’élevage. Le vétérinaire de l’abattoir nous rétorqua que nous faisions de l’anthropomorphisme lorsque nous lui dîmes que vu l’état dans lequel elle se trouvait, la vache devait beaucoup souffrir. Il nous a alors rétorqué que si elle souffrait, elle l’aurait déjà dit ! Ma collègue réagit intelligemment en lui faisant remarquer : « Là, c’est vous qui faites de l’anthropomorphisme ! »
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 29 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Pince électrique jusque dans la bouche
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Pince électrique jusque dans la bouche
Dans le Nord de la France, j’assistai aux abattages des ovins (moutons). Une trentaine de moutons furent abattus de manière rituelle. Renseignements pris, j’appris que les moutons étaient en fait destinés à la consommation non religieuse. Ils auraient dû être abattus de façon classique, c’est-à-dire avec un étourdissement préalable, de façon à leur éviter des souffrances dues à l’égorgement. Les moutons étaient en fait abattus de manière rituelle (c’est-à-dire sans être étourdis avant l’égorgement) parce que les boyaux étaient récupérés par des boucheries hallal pour faire des merguez. Il est fréquent, et cela pose un véritable problème, que des moutons destinés à la consommation classique soient abattus rituellement. Cette pratique tend à se généraliser. Et dans ce milieu, nul ne peut l’ignorer.
Dans le département d’Ille-et-Vilaine, par un froid glacial, j’assistai à l’abattage des porcs. Ils étaient tout simplement suspendus vivants avant d’être étourdis à l’aide d’une pince électrique. L’employé, qui ne pensait pas mal faire, s’appliquait à pratiquer l’étourdissement tout en me regardant.
Dans un autre abattoir de France, la responsable nous fit savoir que l’abattage rituel des veaux se déroulait à côté du box rotatif prévu pour l’abattage des gros bovins. Les veaux seraient couchés sur le sol, puis égorgés. Les employés, auxquels je posais des questions à ce sujet, me dirent que les veaux étaient égorgés dans ce box rotatif, pourtant uniquement agréé pour les gros bovins. Les employés se serviraient de cordes pour maintenir les veaux en position dans le box. Mais d’après moi, les veaux devaient être, tout simplement, suspendus par une patte arrière devant le box, avant d’être égorgés. Dans tous les cas, les trois méthodes annoncées sont interdites, mais il n’est pas rare d’enfreindre la réglementation pour pratiquer coûte que coûte l’abattage rituel, même si l’abattoir n’est pas équipé pour le faire. La demande et la pression sont tellement fortes que souvent des responsables d’abattoirs cèdent.
Concernant l’abattage rituel musulman des moutons, la contention est obligatoire. L’abattoir utilisait une berce, c’est-à-dire une sorte de table en V pour y mettre le mouton à l’envers, avant de l’égorger. Cette pratique est interdite au profit d’une contention mécanique. Pour la fête du mouton, l’Aïd-el-kébir, avant l’arrivée de la nouvelle responsable une fosse était creusée dans la cour de l’abattoir, et les moutons étaient égorgés par les particuliers musulmans au-dessus de celle-ci. C’est interdit. Lorsque je suis venu assister aux sacrifices des moutons lors de cette fête, ces derniers étaient égorgés à l’intérieur de l’abattoir par un sacrificateur, ce qui répond à l’exigence de la loi. Cependant, les moutons étaient suspendus, les uns après les autres, par une patte arrière avant l’égorgement, ce qui est interdit, puisqu’ils doivent être maintenus au moyen d’une piège à contention mécanique.
Dans un abattoir à petite production où j’avais été gentiment accueilli vers cinq heures du matin par le responsable, l’abattage des bovins et celui des porcs posaient des problèmes. Je commençai par ne pas trouver le numéro d'agrément du box rotatif. C'était un box rotatif mixte (permettant l’abattage classique et rituel), manifestement pour gros bovins, avec une ouverture sur la partie haute pour l'étourdissement en abattage classique. En position normale, le plancher du box était fortement incliné, ce qui effrayait les bovins qui, lorsqu’ils y entraient, avaient ensuite du mal à se tenir debout et avaient tendance à glisser sur le côté. Quelques bovins furent abattus pendant ma visite. Une seule personne effectuait toutes les opérations (faire entrer les bovins dans le box, les étourdir, puis les suspendre). L'accès à la partie haute du box se faisait par une petite échelle d'installation artisanale. L'employé devait effectuer l'étourdissement à partir d'une plate-forme où derrière lui, il n'y a aucune barrière le protégeant du vide. Après l'étourdissement, il devait redescendre de l'échelle, faire le tour du box, actionner l'ouverture de celui-ci pour dégager l'animal de côté, puis lui enchaîner une patte arrière pour le suspendre. Cela faisait beaucoup de manœuvres pour un seul homme ! Mais, surtout cela entraînait une énorme perte de temps entre l’étourdissement et la saignée, qui doit normalement intervenir rapidement. Si l’abattoir n’avait pas pratiqué l’abattage rituel, on n’y aurait pas utilisé de box rotatif, dont le maniement est beaucoup plus contraignant qu’un simple piège en forme de caisson, et, du coup, les abattages non rituels de bovins auraient été beaucoup plus simples à effectuer.
Pour l’abattage des porcs, un employé mettait une quinzaine de porcs dans une petite pièce (où se trouvait le poste d'étourdissement) séparée du poste de saignée par une barrière métallique. Il en faisait ensuite passer sept ou huit de l'autre côté et les étourdissait sans immobilisation par un piège. L'employé essayait tout de même de maintenir les cochons en dirigeant la tête des animaux vers l'angle de la pièce, avant de placer la pince. Au début, il y avait deux employés pour procéder à cette opération : les cochons s’écroulaient sous le choc électrique, puis l’un des deux employés plaçait la pince sur le côté de la tête pendant que l’autre attachait les bêtes par une patte arrière pour les suspendre. Un peu plus tard, le premier employé alla travailler sur la chaîne d’abattage, de sorte qu’il n’y en avait plus qu’un pour effectuer les étourdissements. Malheureusement, il plaçait la pince n'importe où sur le corps des porcs. Parfois l'un des pôles électriques se trouvait dans la bouche ou sur le groin des animaux, alors que la pince doit être appliquée derrière les oreilles ! Il se servait aussi de la pince électrique pour faire bouger les porcs afin de les amener le plus près possible du rail de suspension, en leur envoyant des décharges électriques. Lorsqu'ils étaient suspendus, il les poussait avec la pince pour les faire avancer vers le poste de saignée.
À mon arrivée dans l’abattoir, l'abattage des ovins était terminé. J'ai demandé à un employé comment ils avaient été abattus. Il me répondit qu'ils avaient été suspendus par une patte, puis qu'ils avaient été saignés. Tous les moutons étaient donc abattus rituellement (même ceux n’étant pas destinés à la consommation hallal. J'ai informé le responsable que, lors de l'abattage des ovins, la suspension avant la saignée était interdite. Il m'a répondu qu'il était impossible de faire attention à tout. C’est pourtant un gros détail qui ne peut échapper à personne, pas même aux membres des services vétérinaires de l’abattoir.
Dans un autre abattoir en Alsace, les porcs étaient étourdis après leur passage dans un Restrainer à électronarcose automatiquement réalisée à 600 V pendant 2,8 secondes. Cependant, alors que sur la chaîne d’abattage les employés ne suivaient pas le rythme du Restrainer qu’un employé alimentait en porcs, il a été procédé à l’arrêt volontaire de l’appareil. Un porc venant d’être étourdi était resté coincé au niveau des broches électriques sans être éjecté sur la table de réception. Tandis que les autres, complètement paniqués, étaient restés prisonniers entre les bandes entraîneuses du Restrainer. J’en ai informé le responsable de l’abattoir, qui m’a dit que cela n’était pas possible. J’avais donc certainement rêvé. Malgré tout, je suis resté ferme dans ma constatation, en lui demandant d’éviter ce genre de manœuvres préjudiciables aux animaux, lui expliquant que si en aval les employés n’arrivent pas à suivre, il ne faut en aucun cas, qu’en amont les autres employés « approvisionnent » en porcs le Restrainer.
Case dans un abattoir où sont regroupés les cochons malades ou blessés.
Phot Jean-Luc Daub
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 22 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Rouge sang
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Rouge sang
Un des premiers abattoirs que j’ai visités me donna la couleur rouge comme signe annonciateur des découvertes que j’allais faire durant mes années de protection animale dans ce milieu. Il s’agissait d’un abattoir d’une grande ville de Bretagne. Lors des abattages rituels des veaux et des moutons, l’infraction était caractérisée par le fait que ces animaux étaient tout simplement suspendus par une patte arrière, et égorgés ensuite. Les services vétérinaires disaient qu’il n’avait pas été jusqu’à présent possible de faire autrement, puisque aucun appareil n’avait été agréé pour la contention de ces animaux. Réponse laconique de la part des intervenants, puisque si on ne peut pas faire autrement, rien n’oblige à pratiquer l’abattage rituel en se mettant en infraction par rapport à la réglementation, et en faisant souffrir des animaux. Pour l’abattage classique de ces mêmes animaux, un technicien vétérinaire me montra un pistolet pneumatique qui était soi disant utilisé, mais qui était en fait totalement hors d’usage. Par déduction, ces petites bêtes destinées à la consommation classique ne devaient pas être étourdies et étaient toutes abattues de manière rituelle.
Égorgement rituel du bœuf retourné sur la dos.
Phot Jean-Luc Daub
Lors de l’abattage rituel juif, les bovins emprisonnés dans le box rotatif, attendaient beaucoup trop longtemps à l’intérieur avant d’être abattus. L’enfermement dans cet amas de tôles entraînait des frayeurs supplémentaires à celles qu’occasionne un abattage rituel. Les bovins avaient ainsi tout le temps d’observer l’animal qui les avait précédé (suspension, écoulement du sang, odeur, bruit, découpe..). Lorsque l’employé juif actionnait le bouton qui permettait le retournement de l’animal sur le dos, il ne se pressait pas ensuite pour l’égorger. L’animal se retrouvant à l’envers, compressé par des battants métalliques sur les côtés, une mentonnière lui maintenant la tête en arrière pour faciliter l’accès au cou par le
sacrificateur. Il restait dans cette position inconfortable le temps que le sacrificateur se décide à l’égorger. La source de souffrance, facilement visible et compréhensible, ne semblait émouvoir… que moi.
Un petit bovin qui devait être sacrifié rituellement, par un égorgement en pleine conscience, finit par être étourdi à l’aide du pistolet à tige perforante. En effet, le box rotatif étant trop grand pour les animaux de sa taille, la mentonnière lui écrasait la tête au lieu de la tirer en l’arrière. De même, au fur et à mesure des manipulations, dans tous les sens, mécaniquement actionnées par le sacrificateur pour essayer d’avoir accès à la gorge de l’animal, les pattes avant du petit bovin sortirent par l’espace réservé normalement à la tête. Je ne sais pas si cela était dû à ma présence, mais un employé décida de l’étourdir au pistolet d’abattage pour mettre fin au calvaire de l’animal qui ne semblait pas soucier le sacrificateur rituel. Un autre bovin mâle, qui était mal placé lors de la rotation du box, fut lui aussi étourdi par un autre employé, mais ce dernier ne savait même pas où trouver les cartouches qui étaient éloignées du lieu d’abattage. Je préciserai également qu’il a été impossible aux responsables, au directeur et aux services vétérinaires, de me montrer les papiers concernant l’autorisation d’effectuer des sacrifices sans étourdissement par les sacrificateurs juifs et musulmans. L’absence des documents relatifs à l’autorisation de sacrifier rituellement s’est relevée fréquente, en particulier concernant l’agrément des sacrificateurs musulmans ; c’est elle qui faisait le plus souvent défaut.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (2) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 15 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Le « bien-être » des porcs… Un argument publicitaire
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Le « bien-être » des porcs… Un argument publicitaire
La « demande sociale en bien-être animal » engendre des opérations de marketing dans le milieu de l’élevage, particulièrement celui des élevages intensifs de porcs, pour tenter de s’approprier une notion dont ces milieux ignoraient tout jusqu’à présent. Depuis quelques années, de plus en plus d’éleveurs se posent des questions concernant la manière dont ils exercent leur métier et font le choix d’un mode de production animale plus respectueux des animaux et de leurs besoins physiologiques. Les associations de protection animale et celles de défense des consommateurs informent ces derniers et dénoncent les conditions misérables dans lesquelles les bêtes sont élevées : la préférence est aux modes d’élevages alternatifs sur de la paille, en plein air ou en « bio », et non dans des bâtiments dont les animaux ne sortent jamais. Afin de contrer cette prise de position, les filières d’élevage intensif ripostent par des articles de journaux, des communiqués de presse, des journées portes ouvertes et des argumentaires publicitaires très étudiés. Le « bien-être animal » est devenu un argument publicitaire dont on tente de s’approprier les mots sans vraiment savoir quoi mettre dedans. L’important étant de donner l’illusion.
Cochons élevés en surnombre dans un élevage intensif.
Phot Jean-Luc Daub
Une adhérente de l’association, sensibilisée et attentive, nous avait fait parvenir un communiqué publicitaire qui se révèle pour le moins déplacé, tant l’interprétation du « respect de l’animal » qui en est faite est inconvenante quand on pense aux éleveurs qui ont réellement pris en compte le « bien-être animal ». L’article apparaît encore plus décalé quand on a connaissance de l’étude très sérieuse émanant du Comité scientifique vétérinaire de la Commission européenne rendu en septembre 1997, et qui révèle que les méthodes d’élevage
intensif sont préjudiciables au bien-être des porcs. Sur ce communiqué publicitaire, on peut voir un couple d’éleveurs « tout sourire », à l’intérieur d’un bâtiment d’élevage intensif, devant une truie entravée dans une case métallique. Ses mouvements sont réduits aux seules possibilités de se coucher et de se lever. Elle ne peut ni se retourner, ni s’occuper de ses petits. Un petit porcelet est exhibé à la hauteur du photographe. Sous l’image, on peut lire ces mots : « Le respect des animaux nous tient à cœur ». Et voici quelques passages de l’article : « Le couple a fait installer un système de ventilation pour y maintenir une température agréable, tout en supprimant les courants d’air. Chaque animal porte un numéro, ce qui ne les empêche pas d’en appeler certains par leur nom. Les éleveurs consacrent beaucoup de temps et observent les cochons avec beaucoup d’attention. Leur fils se passionne déjà pour cet élevage et ils savent que le respect des animaux lui tient à cœur ».
Concrètement, rien n’est fait pour favoriser le bien-être animal. Passer beaucoup de temps « à les observer » et ne pas se rendre compte que les conditions d’élevage ne sont pas adaptées à l’animal, mais que finalement c’est l’animal qu’on essaye d’adapter à un système d’élevage dit moderne, c’est manquer de jugeote. Ce qui semble respecté, c’est la méthode d’élevage intensif. Observer des truies enfermées dans le noir, et prisonnières de stalles métalliques, n’est pas respecter l’animal. Leur mettre de la ventilation est un minimum pour les maintenir en vie. Ce n’est que de la littérature qui sert à anesthésier les consommateurs.
Truie suspendue avec l’aide d’un treuil sur le quai d’un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
D’autres articles font également la promotion de l’élevage intensif des porcs : « Les animaux sont élevés sur des caillebotis, système qui permet une hygiène optimale, les boxes sont climatisés ». L’article met également l’accent sur la qualité et la certification de l’élevage sur le plan de l’hygiène. Et surtout, au cas où le consommateur ne serait pas encore convaincu du bien-fondé de l’élevage en bâtiments, il est précisé que : « Tout est fait pour la sécurité du consommateur ». Dans les élevages en plein air, tout est également fait pour la
sécurité du consommateur, d’ailleurs aucune recommandation n’interdit la consommation d’animaux élevés hors de ce cadre aseptisé. C’est même mieux : les animaux étant plus résistants aux maladies, pratiquement aucun traitement ne leur est administré. Le caillebotis (sol ajouré pour laisser passer les excréments) n’apporte rien pour le bien-être des porcs qui préfèreraient être sur de la paille ou avoir un accès au plein air. C’est un plus pour le confort de l’éleveur qui n’a rien d’autre à faire qu’à utiliser de l’eau à haute pression pour nettoyer (quand c’est nettoyé !).
Dans un autre article, la filière porcine, se sentant victime des actions contre les élevages intensifs, affirme que ce n’est pas bien d’opposer un système à un autre. La grande question n’est pas d’opposer une méthode d’élevage à une autre, ni même d’opposer des personnes entre elles, mais de prendre en compte « le respect et le bien-être des animaux » durant leur élevage et jusqu’à l’abattage, car effectivement, ce sont des êtres vivants et sensibles.
Les filières industrielles ne se sont pas préoccupées du bien-être animal jusqu’à présent. Dans le cadre de la logique productiviste, le maximum de ce qui est fait pour l’animal consiste à le maintenir vivant dans des conditions contraires à ses besoins. Il existe même de l’alimentation non blanche, c’est-à-dire une alimentation dans laquelle des médicaments sont déjà intégrés. Dans ces articles, il est souvent question du « confort de l’animal », ce qui n’a rien à voir avec le « bien-être ». Bénéficier d’un confort de ventilation pour une truie qui n’est pas libre de ses mouvements, prisonnière d’une stalle métallique et dans un environnement sans lumière naturelle n’a rien à voir ni avec le respect ni avec le bien-être.
J’aimerais citer les propos de Jocelyne Porcher, sociologue, chercheur à l’INRA, au sujet de l’intensification de la production porcine, lors d’une interview, par Sylvie Berthier, pour la Mission Agrobiosciences (septembre 2004)1. « En 1970, il y avait environ 800 000 élevages de porcs (12 porcs/exploitation). Il y en a actuellement 19 000 dont 3 500
1http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=1096
“spécialisés” concentrent la moitié du cheptel (plus de 2 000 porcs/exploitation). 70 % des élevages de porcs sont situés dans le Grand-Ouest (Bretagne, Pays de la Loire). Entre le recensement agricole de 1988 et celui de 2000, la moitié des élevages de porcs ont disparu, notamment bien sûr les plus petites exploitations. On assiste donc depuis les années 1970 à une énorme concentration des structures, qui va de pair d’ailleurs avec celle des abattoirs. Autres chiffres. En 1970, une truie produisait 16 porcelets sevrés par an ; elle en produit aujourd’hui 26. Ces dix porcelets ont été obtenus grâce à une accélération drastique du cycle de production de la truie et à un accroissement de la productivité du travail des éleveurs et des salariés. Ainsi, toujours en 1970, l’intervalle entre la mise bas et la saillie était de 21 jours, il est actuellement de 8 jours. Le sevrage se faisait à 52 jours, il se fait à 25 jours en moyenne actuellement. Je voudrais m’arrêter un instant sur cette moyenne. La législation interdit le sevrage des porcelets avant 21 jours. Donc les éleveurs et les salariés affichent cette durée minimum. En réalité, du fait de la surproductivité des truies, c’est plutôt à 18 jours, voire à 15 que les porcelets sont sevrés. En effet, bien qu’elles n’aient toujours que 14 tétines, les truies donnent naissance à 18 voire à 20 petits par portée. Les éleveurs répartissent ces porcelets surnuméraires entre les truies et complémentent avec du lait ou de l’aliment artificiel. Ils sèvrent dès que possible. Le but étant d’augmenter non pas directement le nombre d’animaux produits, car ces porcelets surnuméraires garderont une croissance ralentie, mais le tonnage de viande produit. Dans ce cas-là, un porc, même pas très beau, c’est toujours des kilos gagnés ». La préoccupation des éleveurs intensifs n’est à l’évidence pas le bien-être des animaux, mais la production de kilos de viande quelles que soient les méthodes employées.
Les formes d’élevage alternatif ou extensif ont inclus dans leur mode de production, et ce depuis longtemps, la prise en compte du « respect de l’animal et de son bien-être ». De nouvelles mesures, qui permettent d’améliorer les conditions d’élevage des truies dans les élevages intensifs, ont été adoptées
par le Conseil des ministres européens le 23 octobre 2001 et par la Commission européenne le 9 novembre 2001. Se fondant sur les conclusions du Rapport des experts du Comité scientifique vétérinaire, la Commission a fait des propositions qui portaient sur les problèmes d’isolement des porcs, et en particulier des truies confinées dans des stalles1 individuelles, de certains systèmes d’alimentation qui peuvent entraîner un comportement agressif, notamment lorsque les truies sèches sont sous-alimentées et restent affamées durant toute leur vie, sur les revêtements des sols artificiels, entre autres des caillebotis qui occasionnent des blessures et des gênes, et également sur la section partielle de la queue des porcelets…
Ces propositions n’ont pas été entièrement suivies par les ministres européens de l’Agriculture, mais permettent une sensible amélioration. Notons que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande et la Suède ont adopté une législation plus restrictive qui vise à interdire le confinement en stalle pour les truies gestantes. David Byrne, Commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, avait déclaré que : « L’intensification de l’élevage des porcs au cours de ces dix dernières années a donné lieu à des pratiques entraînant des souffrances inutiles… ». Pourtant, des bâtiments d’élevage intensif continuent à voir le jour, et des opérations de communication de ce modèle de production continuent à faire l’apologie d’un domaine (le bien être animal) qui n’est pas le sien.
Des alternatives existent. L’association de défense des consommateurs de la Chambre des consommateurs d’Alsace déclare que « des éleveurs ont mis au point des systèmes d'élevage adaptés aux besoins naturels des animaux et qui assurent une très bonne sécurité sanitaire au consommateur : l'agriculture biologique, mais aussi des initiatives régionales comme les produits d'élevage Thierry Schweitzer. Ces élevages assurent l'accès à l'air libre, la liberté de mouvement (y compris pour les truies), la présence d'un sol paillé, et l'élevage des animaux en petits groupes. L'impact positif de ces modes d'élevage sur l'environnement n'est pas négligeable. Ils doivent être soutenus. Les éleveurs alsaciens qui les ont créés, en partenariat avec des associations de consommateurs et de citoyens, ont accumulé les connaissances techniques qu’ils sont tout prêts à divulguer ». Mais le consommateur doit veiller à ne pas se faire piéger par de la publicité ; celle-ci a souvent pour but de l’induire en erreur. Pour continuer à parler de l’Alsace, qui est une région que je connais bien – mais ces remarques peuvent être valables pour d’autres régions de France – un représentant de la filière intensive porcine distribuait des tracts vantant un groupement au nom alsacien. Ma propre mère s’est fait abuser ! Elle m’a remis le tract commercial distribué aux clients du magasin, dont voici quelques extraits : « …Pour nous, éleveurs de porcs et de bovins alsaciens, la qualité est notre engagement fondamental…, C’est pourquoi nous respectons une charte très stricte concernant l’élevage notamment en termes de règles sanitaires, alimentaires et environnementales ». En réalité, les cochons sont enfermés dans des bâtiments industriels. Rien n’est dit du mode d’élevage ni du respect du bien-être des animaux, excepté cette phrase « … la viande des éleveurs d’Alsace, c’est des animaux élevés en Alsace dans le respect des bonnes pratiques d’élevage ». Dans le respect des bonnes pratiques… Cela ne veut rien dire, mais laisse surtout penser aux consommateurs que les animaux, les porcs en l’occurrence, sont élevés dans des conditions qui leur sont favorables. Il n’en est rien puisque les cochons de cette marque sont élevés dans des bâtiments intensifs. Sur le dessin du prospectus, on peut voir un cochon représenté avec une queue en tire-bouchon, alors que pas un seul de leurs cochons n’a conservé sa queue : elles sont coupées à vif pour éviter, étant donné les conditions défavorables qui créent du stress, un comportement agressif, qui consiste dans le fait que les animaux mangent la queue de leurs congénères.
Figure en outre à l’intérieur du document, la photo d’un éleveur de porc, tout souriant, un porcelet dans les bras.
Le fond vert de l’image donne à croire que nous pourrions avoir affaire à un éleveur plein air. Il n’en est rien, je me suis renseigné. Dans ce village alsacien, il n’y a qu’un éleveur de porcs en bâtiment, et sur caillebotis. Nous aurait-on montré la réalité des modes d’élevage sur un prospectus publicitaire ? Non ! Alors pourquoi nous induire en erreur en édulcorant la réalité ? J’ai épluché le site Web de cette marque alsacienne : rien n’est dit concernant les conditions d’élevage des animaux, ni même concernant ce fameux respect des bonnes pratiques ; il n’est fait mention que « d’élevage contrôlé ». Il est également indiqué qu’« une équipe constituée d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, à laquelle est associé un vétérinaire, [qui] est chargée de suivre les élevages tant du point de vue de la technique pure que des aspects sanitaires, de l’alimentation, du bien-être animal, de la conception des bâtiments, etc. ». Ah, un vétérinaire est dans le coup ? Voilà qui peut rassurer le consommateur, mais quel est son rôle en matière de bien-être animal dans ce type d’élevage qui ne prend pas en compte les réels besoins des animaux ? Seul point positif, le nom de l’éleveur figure sur les barquettes de viande vendue. Il serait donc facile pour le consommateur de connaître l’origine des méthodes d’élevage employées. Encore faut-il savoir poser les bonnes questions et ne pas se laisser « embobiner », comme cela a été le cas de ma mère où, dans l’hypermarché, le représentant de la filière qui lui a remis le prospectus, lui a certifié que les cochons étaient bien élevés, avec beaucoup d’espace pour chacun…
Sachez que plus de 95 % des 26 millions de porcs abattus en France chaque année sortent des systèmes industriels, et que seuls nos choix d’achat peuvent apporter une aide considérable au bien-être des animaux. Du moins pouvons-nous contribuer à faire cesser le mal-être des animaux d’élevages intensifs en refusant les produits qui en sont issus.
1 Les stalles seront interdites à partir de 2013, mais au-delà les truies pourront être gardées en cage les quatre premières semaines de gestation, ainsi que pendant la période de maternité dans une cage de mise bas.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 08 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Des vaches dans le local d’abattage d’urgence
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Vache qui ne peut se relever dans un transport et qui est elle-même couchée sur une autre qui est morte par suffocation.
Phot Jean-Luc Daub
Des vaches dans le local d’abattage d’urgence
Une année, j’ai visité dans la Manche un abattoir qui se démarquait par ses pratiques d’abattage. Je m’étais présenté à une responsable qui me laissa visiter les lieux seul. Elle me montra les bulletins et les articles qu’elle avait amassés concernant l’association dans le cadre de laquelle j’effectuais ces contrôles. Elle s’attendait à nous voir arriver un jour ou l’autre.
Après avoir conversé avec elle, je m’équipai de ma blouse, de mes bottes alimentaires et de mon casque. L’équipement était tout blanc, ce qui peut apparaître bizarre alors que les tâches de sang maculent le tablier de rouge. Mais c’est la norme, tout le monde est en blanc. L’abattoir n’était plus tout jeune, il était même vétuste et insalubre.
J’assistai aux abattages rituels des ovins. Un groupe de mouton était emmené dans le local d’abattage, le sacrificateur accrochait à un treuil une longue barre en fer. À l’aide d’une ficelle, il prenait une patte arrière d’un mouton et l’attachait à la barre. Il répétait l’opération en y attachant deux autres bêtes. Dans une panique compréhensible, les trois moutons tentaient de défaire le lien en tirant sur la patte attachée. L’employé actionna le treuil qui leva les trois moutons en l’air. La suspension des animaux vivants est pourtant interdite, plus encore si on en accroche trois en même temps ! Il poussa ensuite les trois moutons vers le poste de saignée. Là, le sacrificateur les égorgea un après l’autre.
J’assistai – et ce fut encore pire – à l’abattage rituel d’une vache. Le même employé alla chercher une vache dans la bouverie, il l’attacha par le cou au mur du local d’abattage. Puis, il fit descendre le treuil et enroula une chaîne autour d’une des pattes arrière de l’animal. Le sacrificateur actionna le treuil et suspendit la vache. Il détacha la tête qui, en se balançant, venait se cogner contre une paroi métallique. La bête se retrouva la tête en bas, suspendue par une patte. Il la poussa jusqu’au poste d’abattage puis, muni de son couteau, il l’égorgea en pleine conscience. Cette pratique est également interdite, l’abattoir aurait dû être équipé d’un box rotatif.
Bœuf en attente dans un box rotatif servant à l’abattage rituel, la mentonnière lui relève la tête.
Dans le local d’abattage d’urgence, deux vaches étaient couchées sur le sol dans l’incapacité de se mouvoir. En principe, elles auraient dû être tuées dès leur arrivée : ce genre de situation requiert ce que l’on appelle l’abattage d’urgence. De plus, puisqu’elles ne pouvaient pas marcher, elles n’auraient pas dû être déchargées à l’aide du câble métallique au bout d’un treuil, elles auraient dû être abattues dans le camion. L’une des vaches était encore attachée par le câble à une patte arrière. Manifestement, on ne se pressait pas pour leur donner la mort et mettre fin à leur souffrance certaine. Comme bien souvent, elles allaient être abattues en fin de journée, lorsque les autres tueries prendraient fin. C’était la pratique habituelle, le caractère d’urgence perdait tout son sens.
J’allais assister au déchargement, peu commun, d’une troisième vache. Un véhicule, une petite camionnette, faisait une marche arrière dans le local d’abattage d’urgence. Pour faire de la place, le chauffeur poussa, à l’aide de la camionnette, l’une des vaches qui gênait l’entrée. Il sortit de son véhicule, détacha celle qui était retenue par une patte, pour aller attacher celle qui était couchée dans la camionnette. Le chauffeur qui, par ses gestes précis montrait qu’il n’en était pas à son coup d’essai, ouvrit en grand les portières du véhicule. Il monta à bord et mis le moteur en marche. Il avait au préalable tendu le câble. Le chauffeur enclencha la première vitesse et démarra brusquement, de sorte que la vache retenue par le câble se retrouva expulsée du camion et se fracassa la tête sur le sol, car le véhicule était bien plus haut que le sol. Le chauffeur est ensuite parti sans se retourner pour voir dans quel état se trouvait l’animal. Toutes ces opérations se passaient sous les fenêtres du bureau des services vétérinaires. Je présume que les deux autres vaches avaient été déchargées de la même façon et que ce n’était pas la première fois qu’il agissait de la sorte. L’association pour laquelle je travaillais déposa une plainte et le chauffeur fut condamné à payer une amende (ce qui me fut reproché plusieurs années après sur un marché aux bestiaux où je me fis agresser, comme nous le verrons plus loin).
Une heure après, les trois vaches n’avaient toujours pas été abattues, deux d’entre elles gisaient, agonisantes. J’insistais auprès des responsables pour que l’abattage soit mis en œuvre et que les souffrances de ces bovins soient abrégées. Mais rien ne se passait. J’ai alors demandé à pouvoir téléphoner. Je tentai de joindre le Ministère de l’Agriculture pour les avertir de la situation. Ayant écouté la conversation, la responsable de l’abattoir en compagnie du directeur ordonna l’abattage immédiat des trois bovins. Ce qui fut fait. Je quittai cet abattoir écœuré et ne sachant pas si les méthodes employées pour les abattages allaient perdurer. Je n’ai pas eu l’occasion d’y retourner ayant tant à faire ailleurs, mais le Ministère de l’Agriculture avait, par un courrier, vivement réagi.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 01 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Avec le personnel d’abattoirs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Avec le personnel d’abattoirs
En ce qui concerne le personnel d’abattoirs, je ne parlerai que de quelques cas comme celui d’un tueur qui étourdissait les cochons à l’aide d’une pince électrique.
Etourdissement dans un abattoir allemand à la pince électrique.
Phot Jean-Luc Daub
Il était tétanisé par ma présence. Souvent, lorsque j’arrivais dans un abattoir, l’information faisait vite le tour et passait d’employé à employé. On disait quelque chose du style : « Attention, il y a le monsieur de la protection animale ». Ce tueur de cochons était tellement stressé par ma présence qu’il faisait beaucoup de manières et de gestes inutiles. Il me faisait comprendre que son métier était dur, qu’il avait mal au bras, qu’il avait peur que les cochons suspendus lui retombent sur la tête. Il insistait si longtemps avec la pince électrique sur les cochons, que ce n’était plus un étourdissement par simple choc électrique, mais une mise à mort par électrocution. Mais ce monsieur pensait bien faire. Par contre, il ne se rendait même pas compte qu’il était en pleine infraction, car il pratiquait l’électronarcose après la suspension des animaux. Il les attachait par une patte arrière, puis il les suspendait vivants. Ce n’était plus un étourdissement qu’il pratiquait ensuite, car les cochons étaient tués avec la pince électrique.
Il m’est arrivé, lors de la visite d’un petit abattoir, de devoir attendre le retour du directeur parce qu’il était parti à la chasse (!), m’avait confié les employés en m’offrant un café.
Etourdissement d’une vache avec un pistolet à tige perforante.
Phot Jean-Luc Daub
Il faut aussi subir la colère des directeurs, parce que dans le maillon des contrôles,pour eux, nous sommes un contrôle de plus, et parfois de trop. Je cite les propos de l’un d’eux : « Je n’ai rien contre vous, mais là ç’en est trop, j’ai un audit surprise aujourd’hui, cette semaine j’avais un contrôle du fisc, la semaine dernière un contrôle ESB, et avec vous maintenant un contrôle de protection animale ». Ces contrôles de protection animale ne sont pas toujours faciles à gérer, mais ils l’étaient encore moins il y a une dizaine d’année, où cette démarche étaient très mal vue. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que cela soit apprécié, mais la demande de respect de l’animal exigée par les consommateurs pousse les directeurs d’abattoir à préférer laisser un membre de la protection animale entrer dans son établissement, pour mettre en avant la transparence, la bonne volonté des intervenants, et aussi pour montrer qu’on y applique les bonnes pratiques.
Il faut supporter les moqueries du personnel ou les tentatives d’intimidation ; on vous arrose d’eau sans le faire exprès ou on passe près de vous avec le couteau pointé vers le ventre, ça peut faire un peu peur, ne serait-ce qu’à cause d’un risque d’accident. Il y a aussi la pression parfois exercée par les responsables : « Je vous laisse visiter mon abattoir, mais je ne veux pas de vagues ! ».
Truie éventrée dans un local d’abattage d’urgence devant une pauvre vache apeurée.
Phot Jean-Luc Daub
Autre cas difficile. C’est celui d’une responsable d’abattoir qui voulait absolument me mettre dans les mains le pistolet à tige perforante qui servait à étourdir les bovins, mais qui avait été utilisé par un employé pour se suicider. Il s’agissait là aussi de me déstabiliser. Mais ce fut en vain, car je relevai beaucoup d’infractions dans cet établissement.
Une autre fois, il y eut un sacrificateur musulman qui, informé de ma venue dans l’abattoir, se sauva en courant. J’appris par la suite qu’il n’était pas en possession d’une autorisation de sacrificateur ; c’était un simple marchand de boucherie. Le directeur d’abattoir m’avait alors dit qu’il ne le connaissait pas, alors qu’un employé m’avait averti de sa présence, afin que j’assiste à l’abattage rituel, car selon lui il ne savait pas égorger un animal.
Il y avait aussi les Services Vétérinaires qui, ayant eu connaissance de ma présence dans un abattoir, se montraient, me suivaient à la trace, me demandaient ma carte d’enquêteur, et vérifiaient si j’avais bien l’équipement vestimentaire relatif à l’hygiène alimentaire, pour voir si moi-même je ne commettais pas une infraction ! Mais, je dois le dire, il y eut et il y a encore des responsables d’abattoirs et des membres des Services Vétérinaires totalement coopératifs.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (2) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 24 juin 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un bouc pas comme les autres
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un bouc pas comme les autres
Il m’est souvent arrivé, lors de mes déplacements, de faire des rencontres surprenantes. Celle que je vais décrire l’était particulièrement. En visite d’abattoirs dans le département de la Manche, où je les avais quasiment tous inspectés, je terminai la semaine par celui d’une grande ville. Lorsque je me suis présenté au directeur, il était assis derrière son bureau, les mains rassemblées à hauteur de la poitrine. À peine avais-je fini de parler qu’il m’annonça de façon très posée : « Je vous attendais » ! Il n’était pas censé m’attendre, puisque les visites s’effectuaient inopinément. Mais je ne fus pas surpris, il avait dû être averti, car j’avais écumé un grand nombre d’abattoirs du département. Un autre directeur, ou peut-être même les services vétérinaires avaient dû le prévenir de ma présence dans le secteur et d’une visite potentielle. Il ne m’en tenait pas rigueur et l’accueil fut plutôt chaleureux. Après m’avoir décrit son établissement d’abattage, nous avons visité les lieux ensemble. Rien à redire à propos des postes d’abattage, les tueries se déroulaient convenablement et les postes d’abattage étaient équipés correctement. Bien que les abattages soient une violence à l’encontre des animaux, un certain calme régnait, les employés travaillaient de façon posée sans brutaliser les animaux. Et ce n’est pas ma présence qui changeait quelque chose, car dans ce milieu, on ne peut pas tricher. Si les employés travaillent de façon critiquable, il est impossible de faire semblant et de travailler de façon acceptable en ma présence. Les habitudes ancrées ne peuvent pas se défaire si facilement.
La rencontre surprenante se fit ailleurs que dans les locaux d’abattage. Elle eut lieu dans la bouverie attenante aux postes d’abattage. Il s’agissait en fait d’une rencontre avec un bouc qui avait son box attitré. Le bouc n’était pas destiné à l’abattage. Il avait pour domicile l’abattoir, et il était bien le seul animal à ne pas être tué en abattoir. Encore que j’aie déjà vu des chats se promener dans une salle d’abattage dans le Nord de la France. Son box était garni de paille pour litière et de foin pour le fourrage. C’était un bouc qui était passé du côté des humains, des employés de l’abattoir, un traître en somme. Il était investi d’une mission qu’il accomplissait brillamment. Je n’allais plus tarder à en voir la démonstration. Le directeur demanda à un employé de me montrer comment ils procédaient pour conduire sans brutalité les ovins vers le lieu de tuerie.
Après avoir ouvert la porte d’une case où se trouvaient des moutons, l’employé ouvrit la porte du box du bouc. Ce dernier sorti tout seul, se dirigea vers la case des moutons, rentra à l’intérieur et après en avoir fait le tour, ressortit et prit la direction du local d’abattage. Étonnement, les moutons le suivaient sans se soucier de la direction vers laquelle il les menait. D’un pas fier, il entra dans le local d’abattage, et tous les moutons y entrèrent également en toute confiance. Le bouc fit le tour du local et reprit la direction de la sortie pour retourner dans son box douillettement paillé. L’employé referma la porte du local d’abattage, laissant les moutons pris au piège et relégués au sort qui leur était réservé.
Aucun stress, aucune manipulation humaine. Les moutons étaient conduits avec ménagement, car dans d’autres circonstances, les employés sont souvent obligés d’en tirer un par une patte pour que les autres suivent.
Camion qui a roulé toute la journée et qui attend derrière un abattoir le lever du jour, à la place de décharger et faire boire les bovins. La chauffeur dort dans sa cabine…
Phot Jean-Luc Daub
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 17 juin 2012
Ces bêtes qu’on abat : Des images qui marquent
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Des images qui marquent
Ces visites d’abattoirs m’ont fait vivre des situations mémorables et m’ont imprégné d’images. Des situations marquantes, je vous en parle tout au long du livre, mais voici quelques images qui ne me quittent plus.
Deux porcelets emmenés à l’abattage…
Phot Jean-Luc Daub
Il faisait encore nuit lorsqu’à 5 heures du matin, je visitai un abattoir en Alsace. J’assistai à l’abattage des porcs ; ces derniers hurlaient et ne voulaient pas entrer dans le local d’abattage. L’employé frappait avec un bâton ceux qui étaient au bout du rang. De ce fait, ceux qui recevaient les coups fonçaient dans les premiers qui avançaient malgré eux sans comprendre quelle direction ils devaient prendre. Les hurlements des uns paniquaient les autres restés dans la porcherie. Les brutalités exercées par l’employeur stressaient les animaux. Les hurlements s’entendaient jusque dans la bouverie, où les bovins en attente étaient également pris de panique.
Un taureau qui était seul dans un box était complètement effrayé. On pouvait lire l’inquiétude dans son regard. Il allait et venait dans le box, cherchant désespérément à en sortir. Il avait bien compris que quelque chose n’allait pas et que bientôt ce serait son tour. Il me faisait mal au cœur, ce taureau. Un monstre, tant il était grand et costaud, une force de la nature réduit à avoir peur et à être impuissant. L’image la plus insupportable pour moi, ce fut lorsqu’il remarqua que les poutrelles métalliques du bas de son box étaient beaucoup plus écartées que celles du haut. Un grand espace lui donnait espoir de passer entre ces poutrelles pour s’enfuir (comme certains bovins ont déjà réussi à le faire, s’échappant ainsi que l’abattoir. J’en parlerai plus loin). Il tenta désespérément de sortir par ce petit espace. Rien à faire, il était bloqué par ses épaules. Il était désespéré et tellement apeuré ! Ce taureau m’a beaucoup marqué. Je suis parti de l’abattoir sans chercher à assister à sonabattage. Cette image me restera en mémoire.
L’abattage rituel des veaux était scabreux. Ces derniers étaient entrés dans le box rotatif, visiblement trop grand pour eux. Actionnant le bouton pressoir, un employé fit faire un demi-tour au box, tandis que le veau n’était pas fermement maintenu à l’intérieur. La tête se plaçant mal et n’étant pas tirée en arrière par une mentonnière, l’employé se servait d’une barre de fer pour la coincer et l’appuyer en arrière. Pendant ce temps, un sacrificateur musulman égorgeait l’animal tant bien que mal. Le veau perdant son sang s’éteignait doucement, parfois en meuglant de peur ou de souffrance.
Dans un autre abattoir, en Lorraine, j’assistai aux abattages des bovins. Ils étaient en file indienne dans le couloir de la mort. Celui qui était le plus près du piège recevait des coups de pile électrique pour qu’il entre dedans. Apeurées, certaines vaches meuglaient. Les abattages se déroulaient rapidement. Le pistolet à tige perforante était placé sur le crâne des bovins qui tombaient dans le piège. Une porte latérale s’ouvrait, les bovins tombaient sur le sol, un employé les suspendait par une patte arrière juste avant de les saigner à la gorge. Les animaux se vidaient de leur sang et finissaient par mourir.
Vache agonisante dans un local d’abattage d’urgence, elle a été déchargée en la tirant avec l’aide du câble actionné par un treuil, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub
L’image qui m’a le plus marqué dans cet abattoir concerne un épisode qui s’est passé dans la bouverie, et que voici. Dans un box, un cochon et un mouton étaient ensemble. On voyait bien qu’ils se connaissaient et qu’ils avaient grandi ensemble. Le mouton était apeuré, il se blottissait contre le cochon. Ce dernier prenait son rôle de protecteur à cœur. C’est tout juste s’il ne gonflait pas sa poitrine pour impressionner quiconque tentait d’approcher. L’image était belle et faisait en même temps pitié. Puis, un employé est venu chercher le cochon. Ce dernier ne voulait pas sortir du box. Le mouton était paniqué. L’employé s’est équipé d’une planche avec laquelle il poussait le cochon vers l’extérieur, l’empêchant de reculer. Le mouton, qui voulait le suivre, dut rester en retrait, dans le box. Une fois dans le couloir, le cochon commença à être pris de panique, il hurlait de toutes ses forces. Le mouton courait dans
tous les sens et se cognait contre les parois du box pour tenter de sortir. Je trouvais la situation triste. Dans le local d’abattage, le cochon cherchait à fuir par la porte fermée. Mais l’employé s’étant saisi de la pince électrique lui donna un coup entre les oreilles et le cochon s’évanouit. Puis, à l’aide d’une chaîne, le tueur lui attacha une patte arrière et le suspendit. Il le saigna à la gorge. Dans la bouverie, on entendait le mouton qui bêlait d’affolement, désormais seul et complètement paniqué. Je n’ai pas assisté à l’abattage du mouton.
Dans un abattoir de l’Ain, alors que je me trouvais dans le hall regroupant les porcs en attente d’être abattus, il y avait dans une case des coches (truies) ; elles étaient nombreuses. L’une d’entre elles avait mis bas. Pas moins de douze porcelets étaient nés. Elle venait de donner la vie dans l’endroit le plus macabre qui soit, un lieu où l’on tue et dont la loi interdit à tout animal de sortir vivant. Les pauvres porcelets à peine nés étaient déjà condamnés à mort. Le personnel s’en chargea. Une fois mis dans un caisson roulant, ils furent conduits au poste d’abattage. Avec la pince électrique, un employé les électrocuta tous en même temps, puis il les saigna un après l’autre. Il les chargea dans le caisson, avant de les jeter dans une benne. Triste naissance, triste fin. Et que dire de la coche qui était obligée de mettre au monde ses petits sans pouvoir faire un petit nid de paille, sans pouvoir s’isoler de ses congénères. Les autres truies, par maladresse et à cause de l’exiguïté de la case, la bousculaient et piétinaient les nouveaux-nés. Lugubre endroit que l’abattoir pour donner la vie… Un peu comme les vaches qui pour donner du lait sont inséminées artificiellement. Elles mettent bas des veaux qui leur sont retirés dès la naissance. Ainsi, l’éleveur peut bénéficier du lait que fournit la vache pendant plusieurs mois. Les femelles sont généralement gardées, tandis que les mâles s’en vont dans des centres d’engraissement pour finir en viande.
Conformément à un texte de loi de la protection animale, les animaux sur le point de mettre bas ne doivent pas être transportés. Comment l’éleveur n’a-t-il pas vu que la coche était pleine ? Il l’a envoyée à l’abattoir pensant qu’elle ne serait
plus jamais gestante. Il l’a réformée en somme. Il y en a qui disent qu’ils aiment leurs animaux, mais quand ils ne rapportent plus ou ne produisent plus, ils les envoient à l’abattoir. Drôle de façon d’aimer les animaux !
En Franche-Comté, c’est à un abattage rituel de moutons que j’assistai. L’abattoir n’était pas équipé d’un piège mécanique, obligatoire pour ce type d’abattage. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière puis saignés. La suspension des ovins alors qu’ils sont encore vivants est interdite. Beaucoup d’abattoirs pratiquent cette méthode pour gagner du temps ou faire l’économie d’un piège. Un des moutons qui venaient d’être suspendus fut saigné par le sacrificateur musulman et, alors qu’il perdait tout son sang, il relevait la tête comme pour chercher à comprendre ce qui se passait. Ses yeux étaient fixés vers les miens, son regard était plein d’interrogation. Que pouvais-je faire ?
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 10 juin 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un abattoir qui aurait dû fermer
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un abattoir qui aurait dû fermer
En août 2002, j’ai visité un abattoir en compagnie d’une stagiaire de l’association pour laquelle je travaillais, et qui voulait devenir enquêtrice. Elle en a pris plein les yeux, pour parler vulgairement, et moi-même je ne parviens toujours pas à croire à ce que nous avons vu.
Cochons déchargés brutalement avec des coups de piles électriques…
Phot Jean-Luc Daub
Au petit matin, nous nous sommes présentés dans un abattoir de porcs de la région Rhône-Alpes, qui était en pleine effervescence. C’était un abattoir qui avait déjà été visité par l’association, mais l’énergie déployée pour ce contrôle n’avait amené à aucun résultat. Le directeur des lieux nous a accueillis et, malgré sa réticence, nous a laissés visiter l’abattoir en compagnie de la « responsable qualité ». Cette dernière semblait dépassée par les événements et s’avérait incompétente concernant les abattages. Les conditions dans lesquelles se déroulait la tuerie étaient effarantes. Voici ce que nous avons constaté.
Un camion était en attente dans la cour de l’abattoir, dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison du manque de place dans les boxes des porcs. Les cochons étaient entassés dans les cases d’attente sur le quai. Un verrat était mélangé avec les truies, ce qui est interdit.
Le Restrainer avec étourdissement automatique était défectueux et obsolète. Les porcs en ressortaient mal ou pas du tout étourdis, et se retrouvaient à courir dans le local. Des porcs se coinçaient par deux dans le Restrainer. Utilisation d’une pince de secours défectueuse, cosses rouillées, courbées et non entretenues. Le câble électrique de la pince se débranchait pendant l’utilisation. Pince non reliée à un boîtier électrique conforme, mais à une simple prise de courant. Application de la pince électrique n’importe où et n’importe comment (sous le ventre, dans le cou, sur le dos, sur les fesses). Porcs hurlants pendant l’application de la pince, ce qui prouvait qu’elle n’était pas assez puissante pour les étourdir, mais suffisamment pour les faire souffrir. Utilisation de cette pince pour l’abattage des coches (animaux encore plus gros que les porcs charcutiers). Les porcs étaient suspendus et saignés en pleine conscience. L’employé quittait le poste de saignée alors qu’il y avait des porcs suspendus en attente d’être saignés.
Deux cochons blessés ne pouvant pas marcher sur le quai d’un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
L’abattoir était équipé de trois boxes de stockage accolés au quai de déchargement. Les boxes étaient exigus, on relevait un nombre important de porcs qui ne pouvaient se coucher et qui se marchaient les uns sur les autres. Dans l’une des cases, un verrat se trouvait parmi les coches ; or il est interdit de mélanger les mâles et les femelles. Un employé pendant notre présence mit en route les douchettes afin de pulvériser de l’eau sur les animaux. Outre le fait que cela permet de les laver, les douchettes ont pour fonction d’apaiser les animaux.
Deux autres camions étaient garés dans la cour dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison des boxes surchargés. Le camion rouge avait seulement déchargé à 9 heures, alors qu’il était arrivé à l’abattoir la veille, à minuit. Il avait effectué son chargement la veille à 10 heures du matin en Bretagne. Le temps passé par les cochons dans le camion était de vingt-trois heures. De plus, il n’était équipé ni d’abreuvoirs, ni de ventilateurs. Je vous laisse imaginer dans quel état étaient les porcs en plein été. Le deuxième camion avait chargé à Dunkerque la veille vers 21 heures. Il était arrivé à l’abattoir à 7 heures du matin. Et il ne déchargea les animaux que vers 9h30, après le premier camion. Temps passé dans le camion : plus de douze heures. Celui-ci était en revanche équipé de ventilateurs et d’abreuvoirs, mais non utilisables par les porcs (car placés trop haut, et destinés plutôt à des bovins).
Truie blessée ne pouvant plus marcher jetée en bas du camion à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Les animaux en attente dans les boxes et les camions étaient dans un grand état d’énervement, ils hurlaient et se mordaient. Ces transports se passaient en plein été, les cochons du premier camion avaient passé vingt-trois heures sans abreuvement, et il est probable que durant les vingt-quatre heures précédant le départ, ils n’avaient rien eu comme nourriture ni comme eau, selon les pratiques habituelles de mise à jeun. Ils avaient donc passé au moins quarante-sept heures sans eau ni nourriture.
La réglementation impose une formation du personnel au convoyage des animaux de boucherie. L’un des chauffeurs me confia avoir suivi une formation dans le département de la Sarthe. De son propre aveu, il avait déclaré que seul un film avait été diffusé, que dans l’ensemble il avait trouvé cela un peu léger, et que peu d’éléments avaient été donnés concernant la manipulation et le confort des animaux pendant les transports.
Les porcs étaient parqués dans des boxes disposés en longueur. Il y avait bien des abreuvoirs en forme de godet, mais ils étaient vides. Des douchettes étaient présentes, mais qui ne furent mises en marche qu’au moment de notre arrivée. Les porcs étaient extrêmement sales et provenaient d’élevages intensifs. Les locaux étaient sombres et sans aération. Il faisait déjà très chaud ce matin-là. Le site était très bruyant à cause des hurlements qui provenaient du poste d’abattage, ainsi que des porcs apeurés que l’employé faisait entrer dans le couloir de chargement du Restrainer. Pour les « mal à pied », c’est-à-dire les porcs boiteux ou ne pouvant se déplacer par eux-mêmes, la responsable qualité nous avait parlé d’un chariot mobile pour les déplacer, mais personne n’a pu nous le montrer.
Abattage raté sur le quai d’un abattoir, la truie a roulée sur elle-même pour se sauver. Les tueurs la saignent dans la cour de l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Le poste d’abattage est la partie la plus chaotique que la stagiaire et moi-même ayons visité. Elle en avait l’estomac retourné. L’immobilisation des porcs était effectuée à l’aide d’un Restrainer très vétuste. Un employé faisait entrer les porcs dans un couloir en béton relié au Restrainer. Il utilisait « une pile électrique » reliée à un câble sous tension pour les faire avancer entre les bandes entraîneuses de l’appareil. L’intensité du courant était trop forte et secouait violemment les porcs. L’électronarcose (l’anesthésie) se faisait automatiquement au bout du Restrainer, par deux broches électriques en forme de plaques verticales qui se plaquaient sur la tête. Ces dernières entraînaient ensuite les animaux en dehors du Restrainer. Ces manœuvres étaient effectuées trop lentement, ce qui retardait le moment de la suspension des porcs qui doit intervenir rapidement pour que les animaux ne se réveillent pas.
Nous avons constaté que les broches électriques étaient inadaptées pour les porcs de petite taille et que leur application se faisait sur n’importe quelle partie du corps, en lieu et place de la tête. L’ampérage était trop faible, ce qui fait que les porcs ne subissaient pas un choc électrique censé les anesthésier, mais au contraire, ils recevaient des décharges électriques qui les faisaient souffrir. En général, l’électronarcose des Restrainers est réglée entre 250 et 700 volts avec un temps d’application d’une seconde, voire moins. Personne ne pouvait me dire à quel voltage était réglée l’électronarcose. Certains passaient sous les broches sans être étourdis ou à peine. Ils étaient tout de même suspendus et saignés, donc en pleine conscience. Je suis intervenu pour empêcher la suspension d’un porc qui n’était pas étourdi, alors que l’employé en avait déjà suspendu trois autres en pleine conscience.
Pas moins de sept porcs qui étaient passés dans le Restrainer en étaient sortis en se sauvant dans le local d’abattage. Ceux trop maigres ou de petite taille étaient malgré tout poussés par l’employé dans le Restrainer, en sachant bien qu’ils ne seraient pas étourdis. Ils arrivaient parfois par deux, coincés côte à côte sous les broches électriques.
L’employé qui avait commencé à suspendre un porc qui n’était pas anesthésié interrompit cette manœuvre à ma demande. Il tenta alors de l’étourdir avec la pince de secours qu’il appliqua sur l’animal. La pauvre bête hurlait de douleur sous les coups électriques de la pince inefficace, mais suffisamment forte pour faire souffrir. En se débattant, l’animal qui était à moitié suspendu s’est décroché et l’employé lui appliqua la pince n’importe comment, sous le ventre, sur le dos, sur les fesses et sur le cou, alors qu’elle s’applique derrière les oreilles. Le porc hurlait toujours. Un autre employé vint et rebrancha la pince à la prise électrique qui s’était arrachée, et l’appliqua sur la tête. Ils suspendirent ensuite le cochon. Pendant ce temps, la chaîne d’abattage et le Restrainer avaient été interrompus à la demande de la responsable qualité qui ne pouvait que constater l’ampleur du problème. Pendant l’interruption, un porc était resté coincé entre les broches en sortie de Restrainer, assistant de ce fait, apeuré, à tout ce qui se passait.
Quelques mots concernant la pince électrique. La pince électrique de la marque Morphée était placée à proximité du Restrainer, mais beaucoup trop loin en cas d’urgence. C’est en fait une pince de secours au cas où l’animal ne serait pas bien étourdi avec le Restrainer. Elle était en mauvais état, les cosses étaient complètement rouillées et retournées. Elle n’était pas branchée à son boîtier d’origine qui était ouvert et vide, mais à une simple prise électrique, ce qui ne permet pas d’effectuer un réglage précis de l’intensité. La pince se débranchait lorsque l’employé la prenait en main et qu’il l’appliquait sur les porcs. L’intensité de la pince doit permettre à l’animal d’être immédiatement plongé dans un état d’inconscience, ce qui n’était pas le cas. On m’a dit qu’elle était utilisée pour les coches, animaux beaucoup plus grands que les porcs charcutiers. Lorsque j’ai voulu la montrer en exemple d’un mauvais matériel à la stagiaire, la pince avait disparu. Je l’ai retrouvée coincée derrière le piège de contention des coches. Elle avait certainement été jetée entre le mur et le piège de contention. On imagine bien que le personnel ne semble pas vraiment l’utiliser. De toute façon, elle était inopérante, elle ne permettait pas d’étourdir les animaux, mais leur infligeait des souffrances dues aux différentes décharges électriques. Notons encore que le piège de contention, qui doit en principe servir pour les coches, était complètement insalubre et rempli de papiers, vieux paquets de cigarettes, cannettes de boisson….
L’employé du poste de saignée attendait que plusieurs porcs soient suspendus à sa hauteur pour les saigner au couteau, alors qu’en principe, dès qu’un animal arrive suspendu au poste de saignée, il faut effectuer une incision sous la gorge afin que l’animal se vide de son sang le plus tôt possible après l’anesthésie, et avant qu’il ne reprenne conscience. À un moment donné, l’employé quitta son poste, alors qu’un porc était suspendu en attente d’être saigné et que d’autres arrivaient. Je l’ai signalé à la responsable qualité qui est allée le chercher. Ce dernier a manifesté son mécontentement, estimant que ce n’était pas la peine de venir pour si peu. Il a quand même effectué la saignée sur les porcs qui s’étaient réveillés.
Les coches sont en fait des truies réformées qui durant leur vie n’ont fait que mettre des petits au monde. Étant donné leur taille, elles sont difficiles à abattre et peu maniables. Le piège à contention n’était plus utilisé, alors que son emploi est obligatoire. Elles étaient étourdies à côté du Restrainer. Pour les porcelets, il n’y avait pas non plus de contention, et il est fréquent que les abattoirs ne soient pas équipés pour leur abattage ; on le pratique quand même, ce qui assure un revenu supplémentaire.
Nous n’avons pas assisté à l’abattage des coches, mais ce qui était inquiétant, c’est que la pince électrique, inefficace sur des porcs de 110 kilos était utilisée sur des truies qui peuvent atteindre 220 à 250 kilos, voire plus. Ces dernières doivent souffrir sous les décharges électriques.
Pour ce qui concernait le personnel, c’est simple : il était incompétent et n’avait reçu aucune formation ; celle-ci est pourtant obligatoire. Les directeurs d’abattoirs de porcs ont de la difficulté à trouver du personnel. Ces derniers ne savaient manifestement pas utiliser le matériel d’abattage. Le personnel n’était pas très consciencieux, loin de ses responsabilités, et complètement indiffèrent aux animaux. Les employés ont même souri en nous voyant. Ils ne se pressaient pas pour abréger les souffrances des porcs en difficulté.
Le local où travaillait le personnel était extrêmement bruyant (notamment à cause du retour des crochets contre une paroi métallique, en plus des cris des porcs). Le local était exigu et sombre. Le local d’abattage était sale et insalubre. Les lieux semblaient n’être ni entretenus ni nettoyés. Sans les excuser, les employés se trouvaient dans des conditions de travail difficiles et, comme bien souvent dans ce cas, leur mal-être se répercute sur le traitement des animaux.
J’ai fait part de nos constatations au directeur, qui nous avait informés qu’un nouveau Restrainer avait été commandé et qu’il serait livré prochainement par la société STORK. Le directeur semblait totalement indifférent aux souffrances infligées aux animaux dans son abattoir. L’absence de personnel compétent était manifeste.
Je fis remarquer au directeur qu’au moins une pince de secours en bon état pourrait limiter les souffrances. Il aurait même fallu interrompre les étourdissements automatiques et les effectuer manuellement avec une pince électrique convenable. Deux ans après, rien n’avait changé. Après cette visite, j’ai téléphoné à la Direction des Services Vétérinaire du département pour les informer de la situation critique de cet abattoir. Le technicien vétérinaire ne semblait pas vouloir agir, malgré l’urgence, mais me fit savoir qu’il allait prévenir sa direction. Rien ne fut fait. J’informai également le bureau de la Protection Animale du Ministère de l’Agriculture, où l’on m’a dit que le Chef de bureau serait averti. Là encore, aucune mesure d’urgence ne fut prise, même après divers courriers qui suivirent.
L’abattoir tuait 4000 porcs par semaine dans des conditions très critiquables. Une intervention urgente du Ministère de l’Agriculture aurait été souhaitable. Cela aurait été la moindre des choses puisque c’est à cette instance que revient la charge de faire appliquer la réglementation en matière de protection animale dans les abattoirs. Nous étions face à une inertie totale.
Publié dans Le corps, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |