Ces bêtes qu’on abat : Avec le personnel d’abattoirs (dimanche, 01 juillet 2012)

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


 

 

Avec le personnel d’abattoirs

 

En ce qui concerne le personnel d’abattoirs, je ne parlerai que de quelques cas comme celui d’un tueur qui étourdissait les cochons à l’aide d’une pince électrique.

 

Etourdissement dans un abattoir allemand à la pince électrique.
Phot Jean-Luc Daub

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Il était tétanisé par ma présence. Souvent, lorsque j’arrivais dans un abattoir, l’information faisait vite le tour et passait d’employé à employé. On disait quelque chose du style : « Attention, il y a le monsieur de la protection animale ». Ce tueur de cochons était tellement stressé par ma présence qu’il faisait beaucoup de manières et de gestes inutiles. Il me faisait comprendre que son métier était dur, qu’il avait mal au bras, qu’il avait peur que les cochons suspendus lui retombent sur la tête. Il insistait si longtemps avec la pince électrique sur les cochons, que ce n’était plus un étourdissement par simple choc électrique, mais une mise à mort par électrocution. Mais ce monsieur pensait bien faire. Par contre, il ne se rendait même pas compte qu’il était en pleine infraction, car il pratiquait l’électronarcose après la suspension des animaux. Il les attachait par une patte arrière, puis il les suspendait vivants. Ce n’était plus un étourdissement qu’il pratiquait ensuite, car les cochons étaient tués avec la pince électrique.

 

Il m’est arrivé, lors de la visite d’un petit abattoir, de devoir attendre le retour du directeur parce qu’il était parti à la chasse (!), m’avait confié les employés en m’offrant un café.

 

Etourdissement d’une vache avec un pistolet à tige perforante.
Phot Jean-Luc Daub

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Il faut aussi subir la colère des directeurs, parce que dans le maillon des contrôles,pour eux, nous sommes un contrôle de plus, et parfois de trop. Je cite les propos de l’un d’eux : « Je n’ai rien contre vous, mais là ç’en est trop, j’ai un audit surprise aujourd’hui, cette semaine j’avais un contrôle du fisc, la semaine dernière un contrôle ESB, et avec vous maintenant un contrôle de protection animale ». Ces contrôles de protection animale ne sont pas toujours faciles à gérer, mais ils l’étaient encore moins il y a une dizaine d’année, où cette démarche étaient très mal vue. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que cela soit apprécié, mais la demande de respect de l’animal exigée par les consommateurs pousse les directeurs d’abattoir à préférer laisser un membre de la protection animale entrer dans son établissement, pour mettre en avant la transparence, la bonne volonté des intervenants, et aussi pour montrer qu’on y applique les bonnes pratiques.

 

Il faut supporter les moqueries du personnel ou les tentatives d’intimidation ; on vous arrose d’eau sans le faire exprès ou on passe près de vous avec le couteau pointé vers le ventre, ça peut faire un peu peur, ne serait-ce qu’à cause d’un risque d’accident. Il y a aussi la pression parfois exercée par les responsables : « Je vous laisse visiter mon abattoir, mais je ne veux pas de vagues ! ».

 

Truie éventrée dans un local d’abattage d’urgence devant une pauvre vache apeurée.
Phot Jean-Luc Daub

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Autre cas difficile. C’est celui d’une responsable d’abattoir qui voulait absolument me mettre dans les mains le pistolet à tige perforante qui servait à étourdir les bovins, mais qui avait été utilisé par un employé pour se suicider. Il s’agissait là aussi de me déstabiliser. Mais ce fut en vain, car je relevai beaucoup d’infractions dans cet établissement.

 

Une autre fois, il y eut un sacrificateur musulman qui, informé de ma venue dans l’abattoir, se sauva en courant. J’appris par la suite qu’il n’était pas en possession d’une autorisation de sacrificateur ; c’était un simple marchand de boucherie. Le directeur d’abattoir m’avait alors dit qu’il ne le connaissait pas, alors qu’un employé m’avait averti de sa présence, afin que j’assiste à l’abattage rituel, car selon lui il ne savait pas égorger un animal.

 

Il y avait aussi les Services Vétérinaires qui, ayant eu connaissance de ma présence dans un abattoir, se montraient, me suivaient à la trace, me demandaient ma carte d’enquêteur, et vérifiaient si j’avais bien l’équipement vestimentaire relatif à l’hygiène alimentaire, pour voir si moi-même je ne commettais pas une infraction ! Mais, je dois le dire, il y eut et il y a encore des responsables d’abattoirs et des membres des Services Vétérinaires totalement coopératifs.

 

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