mercredi, 20 janvier 2016
Axiomes égarés
1
Or, pour résister aux enfumages, il faut que le cerveau du récepteur soit inaliénable. Nos productions d'écriture et de paroles ont pour vocation de le rendre digne et libre : c'est-à-dire de lui donner le sens de sa grandeur, de structurer son intelligence pour qu'elle discerne entre le vrai et le faux. Ce que nous opposons à Coca-Cola, c'est une vision du monde prophylactique.
(Ce propos est l'inversion phrase par phrase de celui qu'avait tenu le patron de la chaîne de télévision TF1 Patrick Le Lay en 2004 dans l'ouvrage "Les dirigeants face au changement" : « Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émission ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible »).
2
Que nous resterait-il en désir de vivre et de créer si Google et le téléphone portable n'existaient plus soudainement pour nous - si tous les autres y avaient encore accès, tous sauf nous, sauf moi ! Sans ces dispositifs de concurrence, d'identité, de partage d'informations, d'où naîtrait mon énergie et vers quoi tendrait-elle ?
3
Le visage de Maria Chwalibog au cinéma est un antidote au visage néo-américain vers lequel nos traits tendent à force de téter les mamelles culturelles officielles et contestataires des États-Unis.
4
Dans cette ville de province où la majorité des habitants est à la retraite, j'ai eu l'impression de perdre ma vie dans une expérience austère, loin des fêtes et de la gloire parisiennes. Et pourtant je songeais aux lendemains de fêtes, si violents, destructeurs, et à la possibilité inestimable d'une fête intérieure en tout lieu.
5
En art, les idées surgissent en même temps dans plusieurs cerveaux, et le traitement des idées obéit à des lois artistiques formelles extérieures ; la seule chose inimitable est un regard personnel sur le monde. En effet, celui qui imite le contenu du regard n'a pas la force de l'intériorité de celui qu'il pompe, et celui qui imite en donnant comme son modèle un regard personnel aboutit par nature à quelque chose de différent.
Sur nos terres virtuelles d'AlmaSoror :
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mardi, 05 janvier 2016
L'air nécessaire pour commencer à vivre
Notre société est organisée savamment en vue de te faire sentir que tu as raté (sur le plus grand nombre de domaines possibles : familial, diplôme, catégorie socio-professionnelle ; finances).
Tu as raté pour deux raisons paradoxales.
D'un côté, tu as « raté » parce que tu ne te distingues pas : rien ne te distingue de la masse obscure et informe.
De l'autre côté, tu as « raté » parce que tu ne te conformes pas : tu n'as rien coché des cases familiale, professionnelle, financière et académique de base, nécessaires à obtenir non pas la considération mais le simple droit au respect.
La première des résistances est de ne pas souscrire à cette conclusion, ni pour toi-même, ni pour les autres. De te rendre compte que si tu en viens, à ton propos ou à celui d'un autre, à de telles considérations, c'est que tu es au sommet d'un échafaudage intellectuel ni fait ni à faire, à partir duquel tu ne pourras bâtir qu'un Sam Suffit de béton qui ne passera pas le temps et ne remplira même pas son office d'abri.
Ce paradoxe de conformisme et de distinction, c'est le lieu même de l'imposture. Face à l'imposteur, tu as raté, car il feint d'avoir matérialisé son bonheur conforme et sa brillance particulière : ton décalage et ton insignifiance éclatent au grand jour et tu as honte.
Face à l'imposture parfaite, tu as honte de ton authenticité imparfaite.
Ce n'est pas quand les critères de conformité et de distinction de la société sont enfin atteints, que la liberté intérieure et la puissance personnelle se déploient ; mais au contraire, elles commencent à pouvoir naître là où ces critères n'ont pas cours et n'existent pas.
Là où ne soufflent pas les vents miasmatiques de la conformité et de la distinction, liberté et puissance peuvent sortir leurs premières tiges.
Dans ce lieu pur, il n'y a pas de rivalité, car la petitesse et la grandeur sont comme la marguerite qui éclot et le soleil qui brille : deux miracles qui se reconnaissent et qui s'aiment.
Unité, poème de Victor Hugo :
Par-dessus l'horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l'heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d'un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l'avoine folle,
Blanche épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l'éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
«Et, moi, j'ai des rayons aussi !» lui disait-elle.
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lundi, 04 janvier 2016
Bon an mal an, le bel an nous attend
L'enfant de l'hôpital Necker ou le militant sous surveillance, l'amant délaissé ou le frère plongé dans le silence, l'ami de la beauté qui pleure au milieu des lotissements, l'animal attaché qu'on ne regarde pas, le rêveur qui n'ouvre pas la lettre de la banque, l'ami qu'on ne rappelle pas ;
Au fond du miroir, les yeux qui se teintent de gris, dans l’hémicycle les droits qui se bradent à grands cris, sur la terre toutes ces vies qui naissent et se forment doucement ;
je t'aime, je vous aime, et je corrigerai les écarts de mon cœur en observant mieux les étoiles et les sourires.
MMXVI
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