lundi, 28 décembre 2015
Trêve de lectures
Puisque c'est la trêve des confiseurs, je partage mes dernières lectures : le premier tome de L'identité de la France, de Fernand Braudel, paru dans les années 1980. J'en retiens cette idée que le massif central est le point d'équilibre d'une France complètement diverse, et participe ainsi à son unité, d'autant qu'il en est sorti une très grande immigration vers les quatre coins de l'Hexagone. J'en retiens encore qu'à divers degré (organisation de la famille, modes de culture, langues) la France contient sur son territoire plusieurs civilisations, qui se sont unies par le joug de l’État, dans la douleur, et irriguent encore nos joies et nos rancœurs internes.
J'ai terminé les Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, et malgré mon admiration pour la hauteur de vue et le maniement de notre langue de cette femme, je lui trouve un ton faux dans ce triptyque qu'elle a consacré à sa famille (Archives du Nord ; Souvenirs pieux ; je n'ai pas encore lu Quoi ? L'éternité). Ici, cette hauteur que j'admire ailleurs est forcée, et sa manière de nous démontrer à chaque page qu'elle méprise le mode de vie des grandes familles wallonne et flamande ressemble à un aveu de fierté mal dissimulé. Elle redevient la grande Yourcenar quand elle nous donne une belle phrase sur Saint-Hubert, originaire de la région de Liège : « Nous sommes au pays de Saint Hubert, mais le tueur qui se convertit pour avoir vu s'avancer vers lui le cerf en larmes, portant entre ses bois Jésus crucifié, est devenu, par un renversement dont nul ne sent l'ironie, le patron des chasseurs et de leurs équipages, un peu comme le crucifix prit place au prétoire du côté des juges ».
J'ai dévoré le deuxième tome du Journal de Hélène Hoppenot, la femme du diplomate Henri Hoppenot. Le journal de cette épouse de diplomate nous emporte à Pékin, dans le quartier des légations si prestigieux, sorte de paradis terrestre des ambassadeurs à une époque bien révolue. Nous rentrons en France avec elle, et nous voyons avec horreur et impuissance monter la seconde guerre mondiale (1939-45), en pleine incurie des élites européennes. Les résonances à nos temps d'aujourd'hui éclatent à chaque page malheureusement. Sara entendant ce nom se souvint d'un mouvement de femmes catholiques de la bourgeoisie de « madame Hoppenot ». Cela ne peut être Hélène Hoppenot, athée et peu cléricophile, mais en me renseignant je constate qu'il s'agit de sa belle-soeur Marguerite, mentionnée dans le Journal, et que cette Marguerite est la mère de Dominique Hoppenot, l'auteur du Violon intérieur, bel ouvrage consacré à la défense d'un apprentissage du violon délivré de sadisme, où l'exigence n'est plus synonyme de contrainte.
Je lis lentement, très lentement, La peur exponentielle de Benoît Rittaud, un livre intéressant sur l'entremêlement de la mathématique et de la société, qui me met face aux limites de mon esprit. J'ai du mal à comprendre ce qu'il dit, je sens bien que les phrases glissent sur ma caboche, et que ce n'est pas de son fait, mais du mien. Je me rappelle mon désespoir lors des cours de comptabilité du Centre de Formation Agricole de Beaune. Pourtant adulte, je retenais mes larmes dans la salle de classe en me rendant compte que malgré les efforts de l'enseignante et les miens, je ne parvenais pas à réussir les exercices. Épouvante que vivent bien des « mauvais élèves » et qui peut mener à des souffrances psychiques graves. Quand un grand nombre de matières scolaires sont concernées, et que l'individu ne trouve pas de parade (le sport, un clan amical, une passion vivifiante...), le désespoir est forcément au rendez-vous.
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dimanche, 27 décembre 2015
Le prieur du désert
« Quiconque aspire à la prière véritable et se met en colère ou garde de la rancune fait preuve de démence. II est semblable à un homme qui voudrait avoir la vue perçante et qui s'arracherait les yeux ».
...
« Avec les séculiers les démons luttent en utilisant surtout les choses extérieures. Mais avec les moines, c'est le plus souvent en utilisant les pensées, car il n'y a pas beaucoup de choses extérieures dans la solitude.
Il est plus facile de pécher en pensée qu'en action. Aussi le combat intérieur est plus difficile que celui qui se fait par les choses extérieures. Car l'intelligence est quelque chose qu'il est difficile de retenir sur la pente des imaginations interdites ».
(345-379)
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samedi, 26 décembre 2015
La diète
Je m'en vais dans la musique qui m'emporte ce soir, je m'en vais dans l'Armagnac et dans une autre histoire. Tycho ton hurlement quand nous avions vu les loups derrière le bosquet d'arbres à l'orée de Rämen, c'est tout ce qui me reste de ta voix. Tu dors aujourd'hui sous la neige, sous une croix rigoriste. Autour de moi plus personne qui t'ait connu. Silence et solitude, solitude et absence, le bruit du frigo, du vent dans la cour, pas d'oiseaux, dans le four un gâteau, et la nuit qui descend, et Schubert et Low Rear. L'ours et le loup reviennent dans nos contrées, disent les médias, mais je vis trop loin des forêts pour être dévorée. Ainsi s'effacent année après année les années passées. Demain, mon premier cheveu blanc. Après-demain, l'attente d'une porte, d'un passage. Manger, pourquoi ? Le corps a ses besoins dont la raison se lasse. Boire, parce que cela réchauffe, à chaque gorgée, la trachée. La musique est mon linceul, enveloppée en elle je respire encore. Tycho, à quoi aurait ressemblé notre enfant ? (Son visage imaginaire me hante.)
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lundi, 14 décembre 2015
Adieu skieurs revoilà les siffleurs d'Aas
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vendredi, 11 décembre 2015
L'ombre fantôme
Une ombre s'envole à l'apparition des phares d'une voiture, puis d'une deuxième voiture, tandis que sa silhouette mère demeure plantée dans le mur.
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mardi, 01 décembre 2015
L'individu immobile rattrapé par les temps qui courent
C'est un fait que ce soir là, aux Sables d'Olonne, tu dînais d'une mousse de mogettes à la menthe, accompagnée d'un verre de muscadet, rompant avec ta tradition plus hivernale de la soupe aux mogettes, oignons et raisins secs servie avec un Armagnac. C'est un fait que tu te rendis compte soudainement que depuis deux jours tu ne recevais plus de textos de personne. Soudain tu te demandas pourquoi ce silence. C'est un fait que tu voulus te connecter aux sites internet habituels, mais qu'ils fonctionnaient mal, ou qu'une partie de leur contenu avait disparu. Ainsi commença ta solitude, d'abord lente et floue, puis totale et palpable. Dehors, dans la rue, et cela t'apparut subitement, les voitures ne passaient plus sans cesse devant tes fenêtres. Les rares passants entraient et sortaient furtivement des magasins. C'était comme si, tout d'un coup l'homme réel que tu étais se trouvait projeté dans un monde de fantasmes et d'absences. Ou bien, comme si l'homme irréel que tu avais toujours été rencontrait brutalement la réalité.
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