samedi, 31 décembre 2011
La naissance des ours
Veille - Nuit - Premier matin
Veille
Les pères, les mères et les amis attendent tout le jour la naissance des oursons.
Dès l'aube, ceux-ci ont fait savoir que ce serait pour aujourd'hui. Mais le jour se lève et s'écoule sans que rien d'autre n'ait lieu que l'attente. L’attente de tous et la douleur de celle qui enfante.
Alors Spiegel im Spiegel, la berceuse d'Arvo Part qui multiplie les images dans les miroirs, joue tout le jour dans la fraîcheur froide tandis que des cierges se consument dans les maisons du Sud et les églises d'Île de France.
Même dans les pages des livres d'enfants, tout se tait ; tout s’immobilise ; les personnages attendent. Animaux et humains, ils savent que quelque chose va avoir lieu.
Et dans les cuisines on ne sait pas quoi faire en attendant. Les heures s’écoulent dans l’étonnement du silence.
Nuit
Kiko, par Sara
La nuit tombe et l’ourson frappe à la porte. Tout prend un air de crèche. C’est la fête émerveillée.
L'ourson, à peine éclos, prend place dans la fratrie totémique : un frère-Dieu, deux sœurs-fleuves et un frère-fleuve, qui l'entraîneront sur les routes puissantes du rêve éveillé.
Loin du Sud, à Paris, au fond d’une cour de Montparnasse, quelqu’un songe : quel est cet enfant assez étrange pour naître lors de la trêve des confiseurs ?
Premier matin
Le soleil d’hiver s’est levé sur le premier matin d’Orso sur la terre. Il a entrevu le ciel à travers le rideau. Il a tété sa mère, sucé son pouce. Il a voulu que son premier soir d’homme soit un réveillon de nouvel an, parce que la vie qu’il commence est une révolution.
Bienvenue dans ce monde ! Et pour t'accompagner, une phrase de philosophe :
"Quel vin est aussi pétillant, savoureux, enivrant, que l'infini des possibles!"
Søren Kierkegaard
Edith de Cornulier-Lucinière, pour Orso B, né le 30 décembre 2011 au bout d'une longue journée.
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vendredi, 30 décembre 2011
Carvos Loup : Nuits
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Oh, la nuit sur le remblai, où l'esprit contraint s'envole enfin en fumée d'enfance et en piraterie. Voitures, vos phares sont nos phares, vos roues sont nos espoirs, vos phares sont nos yeux. Qui peut conduire sur des routes inconnues du monde ?
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jeudi, 29 décembre 2011
Poules des usines, poules des chansons : un documentaire, une comptine
Voici une enquête intéressante de l'association L214 sur les poules en batterie :
Et voilà la comptine, qu'on peut entendre chantée ici et là sur Internet :
L’était une p’tite poule grise
Qui allait pondre dans l’Eglise
Pondait un p’tit coco
Pour l’enfant s’il dort bientôt
L’était une p’tite poule noire
Qui allait pondre dans l’armoire
Pondait un p’tit coco
Pour l’enfant s’il dort bientôt
L’était une p’tite poule blanche
Qui allait pondre dans la grange
Pondait un p’tit coco
Pour l’enfant s’il dort bientôt
L’était une p’tite poule rousse
Qui allait pondre dans la mousse
Pondait un p’tit coco
Pour l’enfant s’il dort bientôt
J'ai glané les vidéos sur le site d'L214 et sur YouTube.
L'auteur de ce billet (Edith) avait déjà écrit, en 2007, Une marche humaine, sur le sujet de la condition animale. Car de nos jours où tout est bétonné, enserré, mécanisé, qu’il soit homme ou bête, désert est le jour de l’animal concret.
AlmaSoror avait évoqué, en 2009, le désastre animal au moment de Noël.
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dimanche, 25 décembre 2011
Insomnie bretonne à Paris
C'était lors d'une insomnie, à Paris. J'ouvris la fenêtre et les mains qui vivaient alors à côté de moi mirent le disque sur le vieux tourne-disque. Il n'y a plus de disques ni de tourne-disques aujourd'hui, il y a des blogueuses à Insomniapolis, qui tuent le temps en sauvant quelque chose de l'espace mental. Le vent de la ville tournait dans ma tête et c'était un vent chargé d'un peu de mer de l'Ouest, je vous le jure. Il y avait le souvenir des émeutes et des vengeances personnelles qui se maquillaient en politique. Il y avait la mémoire des mots de grand-mère, de la silhouette d'un très vieil oncle. Et loin de l'Erdre où j'avais tant cru, à quelques pas de la Seine où j'avais tant bu, c'était la voix de Gilles Servat qui tanguait un air de nostalgie. Et je me demandais : est-on encore bretonne quand on a tout perdu ? Mais on n'a rien perdu quand on dort dans une antre, que la ville n'est pas froide, car clochards et chiens n'ont ni toits, ni murs. La seule question tangible était : est-on encore bretonne quand on a perdu quelque chose ? La réponse se chante en chansons. On dort en Bretagne dans toutes les villes du monde quand on pleure en souriant dans la bise nocturne.
(Merci à l'internaute à qui j'emprunte la vidéo)
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samedi, 24 décembre 2011
épuration
Jacques Benoist-Méchin, dans ses mémoires, raconte sa condamnation à mort.
"... Par ces motifs,
Condamne Benoist-Méchin à la peine de mort, le condamne à la dégradation nationale à vie, le condamne à tous les dépens,
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général,
Fait et prononcé au palais de Versailles, salle des Congrès, le 6 juin 1947, à 18h30.
Selon les dires d'un témoin (J-B Derosne, dans le journal l'Epoque, du 7 juin 1947), je n'ai pas bronché durant la lecture de l'arrêt. Comment pourrait-il en être autrement puisque d'être condamné à mort me laisse indifférent ? Mais je sens monter en moi une grande vague de commisération.
Au terme des débats, le président m'a demandé "si j'avais quelque chose à ajouter pour ma défense". J'ai répondu par la négative, sachant que ma cause était jugée d'avance et qu'aucune de mes paroles ne parviendrait à combler l'abîme qui me sépare de mes accusateurs. Ceux-ci ont voulu me retrancher du monde ; mais moi, de par ma propre volonté, je me suis déjà retranché d'eux.
Pourtant, je n'en ai pas encore fini avec le public qui a suivi pendant bientôt huit jours les audiences de mon procès. Je ne peux lui laisser croire que j'accepte les termes de l'arrêt. Je me tourne vers la salle et m'écrie en guise de protestation :
- Tout cela n'est qu'un tissu de mensonges ! C'est comme s'il n'y avait pas eu de procès...
Je n'ai pas eu besoin de réfléchir pour trouver ces mots. Ils ont jailli spontanément de ma poitrine. En les proférant, j'ai tendu les bras vers l'assistance en geste d'adieu. Et voilà que l'assistance me répond en me tendant les siens. Dans les tribunes, des femmes pleurent ; des hommes me saluent d'un geste de la main ; d'autres applaudissent. Des cris fusent de toutes parts. Dans la loge réservée au président de l'Assemblée nationale, une jeune femme très belle, que je ne connais pas, se dresse et prononce avec indignation des mots dont le sens m'échappe car ils sont recouverts par le brouhaha général (c'est seulement beaucoup plus tard que j'apprendrai qu'elle s'appelle Anne de La Houssaye). Le tumulte augmente. Les jurés qui se dirigeaient vers la sortie se retournent et pâlissent. Le président Noguères s'écrie d'une voix dramatique : "Gardes ! Faites évacuer la salle !" Je ne vois pas la fin de la scène, car un lieutenant de la gendarmerie me reconduit, encadré de deux gendarmes, au petit salon qui m'est réservé.
Tandis que je m'éloigne de la salle des congrès, un vers que j'avais oublié remonte à ma mémoire :
Ô vous dont la barque est petite, retournez
à vos rivages...
C'est celui par lequel Dante a voulu signifier leur congé aux détracteurs de la Divine Comédie. Je n'en connais point qui reflète un dédain plus hautain. C'est à peu près ce que je ressens, en cet instant où, tournant le dos à mes juges que je ne reverrai jamais et laissant derrière moi un monde qui ne m'est plus rien, je m'engage dans un voyage sans retour sur une mer sans rivages. Comme si un fardeau pesant était tombé de mes épaules, tout me paraît soudain plus léger et plus lumineux.
Cependant mon attente se prolonge dans le salon où je suis enfermé avec le lieutenant de gendarmerie et un de ses hommes. A travers la porte j'entends des clameurs, des ordres brefs, un bruit de pas précipités. Soudain un de ses battants s'ouvre pour laisser pénétrer mon avocat, le bâtonnier Marcel Héraud. Bien que son visage reste impassible, je sens qu'il est plus ému qu'il ne veut le laisser paraître. Jamais je n'oserai lui avouer que je n'ai pas entendu sa plaidoirie, ni celle de Maître Aujol. Pas plus, d'ailleurs, que le réquisitoire de monsieur Frette-Damicourt, car ayant achevé de répondre aux questions des magistrats, je me suis senti enveloppé par une nuée si profonde qu'elle m'a rendu quasi insensible à ce qui se passait autour de moi.
- Je viens d'effectuer une démarche auprès du président Noguères, me dit le bâtonnier. Je lui ai demandé d'autoriser votre mère à vous embrasser une dernière fois. Il s'y est refusé.
- Ah ? Bien...
(...)
- La foule, poursuit le bâtonnier, a voulu se masser dans la galerie pour vous saluer lorsque vous l'emprunterez pour aller à la sortie. Votre mère était au premier rang. Quelqu'un lui a apporté une chaise, de crainte que l'émotion... Vous comprenez... Son grand âge... Elle a refusé en disant : "Si mon fils passe devant moi en ce moment, je veux qu'il me voit debout !"
Chère maman ! C'est bien elle...
- Mais le président Noguères a fait évacuer la galerie. La manifestation de tout à l'heure l'a mis très en colère. Vous ne la verrez donc pas... (...)
Marcel Héraud se retire. J'entends de nouveau un bruit de voix. Et soudain éclate un tumulte indescrptible. Cette fois-ci, c'est à l'extérieur. Je marche vers la fenêtre et me penche sur l'appui pour voir ce qui se passe. Mon salon donne sur la rue des Réservoirs qui borde l'aile gauche du palais et rejoint la place d'Armes. Une foule d'au moins trois mille personnes s'est massée devant la grille d'entrée. Elle crie, elle hurle et secoue les barreaux de la grille comme si elle voulait les arracher. J'entends clamer en cadence : "Jurés, assassins ! Jurés, assassins !""
Jacques Benoist-Méchin, in A l'épeuve du temps (1983)
La photo est tirée d'un site dédié à Benoist-Méchin par son fils adoptif Ifrène Benoist-Méchin
Il est intéressant de lire le dossier "L'Épuration, un dossier controversé", sur le site du Centre National de Documentation pédagogique (ce dossier concerne la Marne).
Et dans AlmaSoror, nous parlons de Jacques Benost-Méchin par ici :
Trois esthètes du XX° siècle : Romain Rolland, Jacques Benoist-Méchin, Raoul Vaneigem
Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin
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vendredi, 23 décembre 2011
Carvos Loup : N'oublie ni l'une,
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
N'oublie ni l'une, ni l'autre. Ne trahis ni l'enfance (et ses jouets) ni l'adolescence (et ses jeux). Marche à travers nuits sans compter les étoiles. Qu'elles soient blanches ou noires, les nuits t'emporteront où tu dois aller.
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Carvos Loup : Verdure
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Les brouillards enveloppent le monde ; la vérité s'immisce dans nos relations, entre nos bras, au fond de nos yeux. Les chiens se dressent, étonnés.
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mercredi, 21 décembre 2011
L'amour ignoré
Tu m’aimais et tu ne partais jamais. Tu étais pour moi une entité si présente, et cette présence était si évidente que je ne pensais pas un jour manquer de toi. Tu étais comme l’arbre sur le chemin de tous les jours, qui salue et abrite et dont on ne sait pas qu’il attend notre passage. Tu étais l’évidence et ton absence seule m’a révélé l’importance de ton être, la grandeur de ton aide, l’immensité de ton amour. Combien sommes-nous à ignorer ceux qui nous portent ? Combien de nous croient qu’ils marchent seuls, qu’ils tiennent par leurs propres muscles debout quand c’est l’attention constante d’un protecteur qui nous fait tenir ?
Hélas, les plus aimants ne savent pas se vanter de leur amour, et les plus aimés méprisent cette nourriture qui leur parait fade parce qu’ils n’en ont jamais manqué. Aussi, quand la solitude nous trouve désespérés à l’aube nouvelle, quand le soutien n’est plus, alors seulement la connaissance de cet amour jamais rendu frappe les cordes de notre cœur comme un remord. Au remord destructeur s’allie le regret assassin de n’avoir pas aimé la personne qui nous aimait, de n’avoir pas compris que l’amour n’est pas la grande lumière pailletée qui attire les mouches mais le regard discret qui prie et aide sans rien dire.
Cœurs aimants, vous souffrez et vous portez le monde.
Cœurs aimés, à l’ingratitude insouciante de votre jeunesse suit la douleur amère des solitudes imprévues.
Et pourtant tout est dit dans la chanson de Solweig, dans le mépris de Peer et dans la musique éternelle des villes et du monde.
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dimanche, 18 décembre 2011
Moi, si j'avais commis...
Moi si j’avais commis tous les crimes possibles,
Je garderais toujours la même confiance,
Car je sais bien que cette multitude d’offenses
N’est qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent.
Qui reste mon appui, et sans aucun retour,
Nous ajoutons dans le corps de ce billet le commentaire de Sara, qui s'interroge sur la distnction entre "crime commis" et "crime subi".
"Moi si j’avais commis tous les crimes possibles" :
Le problème dans le crime c'est sa victime, il me semble. Si le criminel se sent mal de son crime, c'est qu'il a une "Conscience" ; il a le sentiment du mal qu'il a fait. De mon point de vue, ce sentiment lui est dicté par les règles de la société dans laquelle il vit. C'est la condamnation de la société, de son opinion, de ses lois qui le fait souffrir. Tout dépend alors à quel degré il a intégré ces lois. Se tourner vers Dieu pour se faire pardonner et pouvoir supporter son crime, c'est une démarche particulière qui soulage le coupable mais pas la victime.
La plupart des grands crimes sont commis par des gens qui ne font aucune prise de conscience du mal qu'ils ont fait, soit parce que leur psychisme n'en est pas capable (ils n'éprouvent pas de compassion), soit parce qu'ils agissent au nom d'une idée et dans le cadre d'une organisation qui justifie leurs actes. Le "bien", le "bon" est de leur côté.
La pauvre petite Thérèse de l'Enfant Jésus n'a jamais commis aucun crime. Elle en aurait bien été incapable. Outre que son poème n'est pas terrible, il exprime un sentiment de culpabilité incurable. Du coup, elle s'intéresse, se penche sur le sentiment de culpabilité auquel elle essaie de trouver des solutions.
Elle ne voie pas la victime.
Écrit par : Sara | dimanche, 18 décembre 2011
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vendredi, 16 décembre 2011
Carvos Loup : Solitaire
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Personne ne connaît mon pas. Mon nom est écrit quelque part. J'ai réfléchi dans une chambre, sans armes.
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mardi, 13 décembre 2011
Rien d'autre ne compte
« Les gens veulent bien se soumettre, s'écraser, être valets dans le plus profond de leur âme ; ils veulent bien hurler avec les loups, lyncher des tas de gens, renverser les pouvoirs en place et cracher sur l'autorité devant laquelle ils minaudaient la veille. Mais ce qu'ils ne supportent pas, c'est de rester trop longtemps sans maîtres devant lesquels se prosterner et sans dogme religieux ».
David Nathanaël Steene
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samedi, 10 décembre 2011
Mood Organ Playlist : Rêve
AlmaSoror participe à un jeu proposé il y a trois ans par le blog Music Lodge, blog sur lequel nous passons du temps de temps en temps...
Pour comprendre le jeu, voici un extrait de l'article du blog Music Lodge :
"Dans l'excellent Do Androids Dream of Electric Sheep (devenu Blade Runner au cinéma), Philip K. Dick a une idée futuriste à la foi géniale et terrifiante : les "orgues d'humeur" ("Mood organ"). Une idée qui m'a profondément marqué ; plus de 10 ans après l'avoir lu, j'y repense souvent. Ce Mood Organ permet de programmer des émotions que l'on souhaite ressentir à tel ou tel moment. Mélancolie, joie, peine, colère... on sélectionne le programme, et on se fait un petit "shoot" de telle ou telle émotion, selon la situation et nos envies. Idée qui m'a marqué, car je trouvais qu'au fond, elle pourrait être une excellente définition de ce qu'est la musique. Surtout dans nos sociétés modernes, où l'on a tous à disposition une impressionnante quantité de musiques diverses et variées, comprenant tous les types d'émotions auxquelles on souhaite se "shooter".
Cette idée me trottait dans la tête depuis un moment, je viens de la finaliser et vous la propose : tous ceux qui désirent participer choisiront un type d'humeur et tenteront de la suggérer au mieux via une playlist."
Music Lodge
Et pour aller écouter toutes les Mood Playlists, c'est par là...
La nôtre, Rêve, tente d'être planante sans être syrupeuse, ce qui est difficile. Disons qu'il faut être en un état état déjà flottant, en suspension dans un après-midi qui ne veut pas finir, pour en profiter au mieux.
Ce type d'expérience peut être l'occasion de relire Aldous Huxley et ses écrits sur le psychédélisme. Il avait longtemps cherché comment "ouvrir les portes de la perception"... Ces fameuses portes dont s'inspirera Jim (James Douglas) Morrison pour baptiser son rock groupe The Doors.
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Carvos Loup : Tunnel
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Tunnels en labyrinthes jonchés d'habits et de chaussures abandonnés. Carcasses de bagnoles brûlées : l'odeur de la modernité recouverte, peu à peu, par les herbes et champignons que connaissent toutes les zones laissées en friche. Mon coeur, lui aussi, connaît les affres des zones laissées en friche. Néon du monde des hommes modernes, qu'espères-tu éclairer ?
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jeudi, 08 décembre 2011
Être heureux en ayant tout raté
Par Esther Mar, docteur es neurasthénie
Que nous reste-t-il quand nous avons renoncé, par lassitude, à la réussite que nous souhaitions obtenir dans la vie ? Quand nous savons que nous ne réalisions pas ce que nous aurions voulu créer ; que nous n'avons pas atteint le niveau que nous visions ; que nous n'aurons plus l'enfant dont nous rêvions ; que nous n'aurions plus l'amour que nous cherchions. Reste-t-il dans l'espace et le temps qui nous sont impartis des moyens d'être heureux ? En dehors de la simple survie, que pouvons-nous faire de nos heures libres ?
Nous pouvons nous convertir à la vie.
Nous pouvons partir à la rencontre des chefs d'oeuvre de l'humanité, ceux que les siècles passés nous ont légué.
Nous pouvons apprendre à fabriquer de nombreuses choses par nous-mêmes, et atteindre à une certaine autonomie : faire nos habits, notre cuisine et si nous avons un balcon ou un jardin, nos fruits et nos légumes. Nous pouvons apprendre patiemment à réparer chaque endroit de la maison, à comprendre chaque tuyau, pour être en mesure d'entretenir notre maison parfaitement.
Nous pouvons vivre de grandes aventures intellectuelles, culturelles et spirituelles. Intellectuelles, en plongeant dans des questions irrésolues, ou encore en nous intéressant aux luttes idéologiques de ce monde, à leurs sources, à leurs tenants et aboutissants ; nous pouvons nous renseigner sur les philosophies et les idées que l’État interdit ou condamne, à celles que l’État interdisait et condamnait à d'autres époques. Nous pouvons découvrir l'histoire et la littérature de chaque pays du monde, peu à peu. Il y a tant de pays, de régions culturelles, que nous n'aurons jamais fini.
Nous pouvons étudier les religions et aller à la rencontre des enseignants, en nous rendant dans les églises qui nous entourent, en suivant les cursus initiatiques des religions pratiquées sur le territoire où nous vivons. Sans le dire, bien sûr : sans dire qu'on fait un tourisme des initiations.
Nous pouvons profiter des milliers de lieux, de beautés qui sont gratuitement à notre disposition : ponts, bâtiments, musées, bibliothèques, églises, places... de même pour les lieux et merveilles naturelles.
Nous pouvons apprendre le nom de chaque plante que nous rencontrons.
Nous pouvons développer notre capacité à rire, à partager des moments de fraternité avec qui croise notre route, nous pouvons aimer de plus en plus les oiseaux et contempler le paysage changeant des jours, la grisailles et les éclats de lumière.
Nous pouvons baigner notre vie quotidienne de beauté, de tendresse et de douceur, en embellissant notre lieu de vie, nos lectures, notre façon de parler aux autres personnes.
Nous pouvons passer beaucoup de temps à chanter, jouer, rire, rêver, goûter ce qui a lieu.
Nous pouvons aider d'autres êtres – un voisin, un pigeon, un ami – à mieux vivre, à mieux respirer.
Nous pouvons approfondir notre dignité, notre liberté, notre conscience.
Nous pouvons déployer notre bien-être physique et mental grâce à la méditation et à la relaxation, et ainsi vivre dans notre corps et nos sensations des exaltations vivifiantes.
Nous pouvons cultiver des relations de soutien mutuel et de compréhension, avec d'autres personnes, dans la durée.
Et ainsi nous avons tous les moyens d'approfondir notre connaissance, d'asseoir notre liberté intérieure, de déployer notre force vitale et d'améliorer notre vie en y favorisant le bonheur, le calme et la joie, quand bien même nous avons raté notre projet, celui qui donnait sens à la vie.
Esther Mar
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mercredi, 07 décembre 2011
Fleuve littéraire, tu nous emportes
Le mardi soir est consacré au roman-fleuve de Romain Rolland, Jean-Christophe.
A quelques centaines de mètres de l'immeuble où Jean-Christophe a été écrit, nous lisons dans une petite pièce au fond d'une cour, entre 20h30 et 22h30.
La prêtresse fournit la boisson et le fromage. Ceux qui veulent peuvent amener autre chose.
Correction du 7 décembre MMI : la prêtresse s'étant rendue compte qu'elle est la seule à manger autant de fromage, elle décide de constituer également une belle corbeille de fruits.
Résumés
des offices littéraires jean-christophiens
L'an MMXI
V°office (6 décembre)
Officiants
Vincent Pt, Laure, Agnès, Émilie, Anthony, Vincent St, Emmanuel, Édith
Bière de brie et brie de Meaux
L'adolescence continue et avec elle son cortège d'amères amours.
L'amitié qui liait Otto et Christophe a crevé comme un ballon, disparu aussi vite qu'elle est née. D'ailleurs, Otto est parti étudier loin, à l'université.
Mais une autre histoire, non moins passionnelle, débute entre Christophe et sa nouvelle voisine Minna de Kérich. Quand la charmante madame de Kérich réalise la flamme naissante entre sa fille et le jeune professeur de piano de celle-ci, sa sympathique bienveillance envers le garçon fond comme neige au soleil. Elle emmène Minna en vacances dans la belle et grande ville de Francfort et s'applique à lui faire oublier le jeune garçon, certes doué et amoureux, mais incapable de tenir une fourchette correctement ou de mâcher bouche fermée.
Christophe se rend brutalement compte qu'il est devenu persona non grata chez les Kérich, une humiliation de plus dans sa vie qui n'en a pas manqué, entre un père alcoolique et flambeur, une mère d'un milieu social inférieur aux célèbres musiciens Krafft, ses désirs d'être un artiste libre et sa posture de valet-musicien.
IV°office (29 novembre)
Officiants
Vincent St, Dominique, Anthony, Jérémie, Alexandre, Caroline, Agnès, Laure, Edith
Anjou-Village et Saint-Nectaire
L'enfance est derrière nous, Jean-Christophe, après la mort de son cher grand-père Jean-Michel Krafft, est entré dans l'adolescence.
Devenu soutien de famille, il travaille sans cesse.
Un jour, dans un bateau, il rencontre un garçon, Otto. Ils font connaissance et c'est la première fois que Jean-Christophe, d'ordinaire si solitaire, si loin des enfants de son âge, a un ami.
Cette amitié entre Christophe et Otto est passionnelle, mais après quelques mois de passion suprême on sent poindre le dépit mutuel.
III°office (22 novembre)
Officiants :
Francis, Dominique, Vincent, Agnès, Anne, Emmanuel, Caroline, Édith
Camembert et Cidre de Normandie
Petit musicien prodige, il ressent l'humiliation d'être utilisé, d'être montré comme un singe savant à la cour ducale : que fait-on de sa dignité ? Comment les membres de sa famille peuvent-ils se comporter volontiers en valets ?
Les exemples autour de lui sont contradictoires : les Krafft, musiciens de talent, ambitieux, volontiers valets envers les ducs mais aussi volontiers méprisants envers le peuple, s'opposent à sa famille maternelle, plus simple, sans haute culture, mais aussi plus libre. Où se situer, que choisir entre ces deux modèles ?
Jean Christophe en tout cas est décidé à devenir compositeur de musique. La vie est ambivalente : grands moments de douleur et de maltraitance, visions extatiques musicales et mystiques, magnifiques promenades nocturnes au son des grenouilles et des grillons, sous les étoiles.
Le style de Romain Rolland est toujours aussi somptueux, ample, à la fois structuré et poétique : comment se fait-il qu'on l'ait tant oublié ?
II°office (15 novembre)
Officiants
Dominique, Jean-Pierre, Vincent, Agnès, Emmanuel, Francis, Laure, Edith
Gewurztraminer et Munster
Nous avons lu les premières révoltes du petit Jean-Christophe, qui découvrait les différences sociales : sa mère Louisa est cuisinière chez des bourgeois, à qui elle parle avec déférence. Son beau costume est en fait un vieux costume du fils des bourgeois, ce que celui-ci fait remarquer en ricanant.
Jean-Christophe se révolte aussi contre l'école.
Il refuse d'être un enfant prodige du piano dont on exploite les dons.
Il découvre enfin que son père Melchior est alcoolique et en subit les effets.
Mais son grand-père Jean-Michel est une ressource vivifiante ; le monde imaginaire, la capacité d'invention, de contemplation, la vie mentale, sont également des ressources et des grandes forces de l'enfant. Le style de Romain Rolland est toujours aussi ample et beau.
I°office (8 novembre)
Officiants
Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Édith
Fourme du puy de Dôme et Monbazillac
Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.
Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est plus lu et étudié à l'étranger qu'en France.
Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.
C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier roman-fleuve, l'histoire de Jean-Christophe Krafft. Nous avons appris des choses sur la naissance et l'enfance de notre héros.
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