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mardi, 29 novembre 2011

Un billet sur Mongo Beti ?

Jean Bouchenoire, que nos lecteurs n'apprécient pas tous, mais qi'ils lisent souvent avec fébrilité, nous livre ses réflexions alors qu'il est plongé dans la lecture de l'écrivain franco-camerounais Mongo Béti.

Pour donner un contrepoint passionnant à son nationalisme identitaire militant, nous mettons après son article quelques extraits d'une entrevue d'Edouard Glissant à la fin de sa vie, empruntée au journal Télérama, ainsi qu'une vidéo de l'INA le montrant en 1957.

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Un billet sur Mongo Beti ?

Pourquoi ? Parce que j'ai lu, ces dernières semaines, la passion au coeur, un violent enthousiasme au ventre, une exaltation profonde du cerveau, L'histoire de l'Afrique de Joseph KI-Zerbo, et ensuite une bonne partie de l'oeuvre protéïforme mais unifiée sous le drapeau de l'intelligence combattante et de la liberté bien-comprise, de Mongo Béti le bien-nommé.

Un extrait de l'hommage de Bernadette Ngono, sur le site d'Aircrige:

"En 1939, alors qu'il a 7 ans, son père est assassiné à Mbalmayo, son corps jeté dans le fleuve. Qui a commis ce meurtre? On ne l'a jamais su. Sûrement un homme décidé à briser l'élan de ce nègre entreprenant. C'est donc en orphelin qui s'attache à respecter les voeux de son père qu'Alexandre entre en 6ème au petit séminaire d'Akono, dans la lointaine banlieue de Yaoundé. Il y est pensionnaire, apprécie l'enseignement général qu'il y reçoit des pères blancs, mais manifeste déjà une insoumission aux obligations religieuses. Car l'adolescent est conscient de ce que son peuple est entrain de perdre bien plus qu'il ne reçoit: les valeurs culturelles sont déniées, les rites ancestraux sont interdits, les foyers à destination des jeunes fiancées, appelés "sixas", sont plutôt des pourvoyeurs en main d'oeuvre gratuite pour les missions. On connaît ce conflit qui a déchiré des générations d'Africains: "ce qu'on apprend vaut-il ce qu'on oublie?", or ici, on est forcé à l'oubli tout en souhaitant apprendre. Les pères blancs géreront ce conflit à sa place en l'excluant de leur établissement dès la fin de la classe de 5ème".

De Mongo Beti on peut lire la Ville cruelle (publié sous le nom d'Eza Boto) et le Pauvre Christ de Bomba.

Sans haine et sans amour : Mongo Béti donne le coup d'envoi à son oeuvre aux titres qui éblouissent, aux personnages qui savent être à la fois charnels et emblématiques.

Ville cruelle est un premier roman, c'est à la naissance d'un écrivain qu'on assiste.

Le pauvre Christ de Bomba c'est la prolongation d'un style qui s'éveille, d'une langue qui s'approfondit, d'une pensée qui se cache derrière les belles histoires pour mieux illuminer de sa clarté tranchante les cerveaux endormis des lecteurs télévissés. Le pauvre Christ de Bomba fait scandale. Et nous, si nous disions ce que nous vivions au quotidien, sans ambages, nos haines recuites, nos humiliations, notre stupéfaction d'être vendus par nos gouvernants, notre ahurissement devant l'arrogance de ceux qui viennent manger dans notre assiette et nous cracher ensuite à la figure, nous ferions bien scandale, nous aussi.

Quant à son livre Main basse sur le Cameroun, il lui a valu de nombreuses persécutions par les élites camerounaises et françaises.

Ce qui m'amuse aujourd'hui, mes amis, c'est que les Français nationalistes, qui veulent défendre leur pays et rester fidèles à leur propre histoire, faite d'errances et de lumières, subissent l'acharnement qu'ont subi les écrivains et militants africains au cours du XX° siècle, un acharnement de la part de leurs propres élites, et un mépris haineux de la part de ceux qui veulent les remplacer, les convertir, les coloniser en prenant leur place sur leur terre.

Les identitaires français d'aujourd'hui n'ont plus qu'à lire avidement les grandes oeuvres des écrivains d'Afrique noire qui, avec des idées différentes, des théories contradictoires, des visions opposées les unes aux autres, ont posé leur pierre littéraire, souvent accompagnée d'un paiement en nature, via de minutieuses et incessantes persécutions, à la libération de leur peuple.

Etrange ironie de l'histoire, que ceux pour qui ils écrivaient, pour les libérer de l'Europe, s'agglutinent en Europe quand leur pays est libéré politiquement. Etrange ironie de l'histoire que les identitaires français d'aujourd'hui s'insurgent contre les impérialistes et immigrationnistes de tous les temps pour mieux affirmer le droit à se sentir en France en pleine Île de France.

Car ce que l'élite française a fait dans ses colonies, elle le fait aujourd'hui sur le sol hexagonal. Détruire les maisons pour fourguer tout le monde dans des barres d'immeubles d'une laideur auparavant inégalée, dresser les uns contre les autres, favoriser l'explosion des familles, détruire les liens qui tiennent les gens entre eux, casser toute tradition, toute idée susceptible de constituer un barrage contre la grande soupe qu'ils veulent faire de la France, interdire via le Centre National du Cinéma, qui autorise et sanctionne toute la production cinématographique du pays, toute expression populaire digne, et surtout, culpabiliser à outrance ceux qui s'opposent à la nouvelle France multiculturelle, en les présentant comme l'incarnation du Mal Absolu : le fascisme. (En quoi donc, mes dieux ! la lutte pour rester soi-même face aux bulldozers financiers et aux mammouths politiques se rapprocherait du "fascisme"?)

Et je sais que vous ne serez pas d'accord avec moi, million d'amis, milliard de frères, nuage déployé d'humains. Mais je chante sur le blog d'AlmaSoror tant que sa tenancière m'y autorise, et je vous ai dit ce que je pense en profondeur des invasions barbares, qu'il s'agisse de celle des légions romaines en Gaule, de celle des administrations européennes en Afrique et de celle des hordes d'immigrés en France.

Jean Bouchenoire, qui vous salue.

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Photos de Jean Bouchenoire par Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva


En guise de réponse à Jean Bouchenoire, des extraits d'une entrevue donnée par Edouard Glissant avant sa mort (2011), et une vidéo de lui datant de 1957

 

Extrait de l'interview téléramesque qu'on peut lire ICI

Dans ces moments-là, on devient un homme révolté ?


Quand on est militant, on n’est pas révolté. Le révolté est impuissant. Le militant, lui, sait quoi faire, ou du moins il le croit. En tout cas, il a de quoi faire.

 

(...)

 

Votre engagement militant, vécu très librement, hors des partis, n’a jamais éteint votre création. Vous avez toujours lié poétique et politique, certain que la première précédait en général la seconde. Mais avez-vous craint, un moment, que le combattant anticolonialiste prenne le pas sur le poète ?


Le militant peut devenir féroce, cruel. Il peut devenir aveugle et se briser intérieurement. J’ai fait attention à cela. De telles déformations proviennent de l’obligation pour un militant d’adopter sans réserves son dogme, de bâtir son idéologie. Les nécessités de sa lutte ne lui laissent pas le temps d’envisager des problématiques. J’ai connu des militants qui souffraient de cet état.

(...)


Poétique et politique ont parfois du mal à s’accorder. Votre ami Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992 pour Texaco, a dit combien il pouvait être dur d' « écrire en pays dominé » : « Comment écrire alors que ton imaginaire s’abreuve, du matin jusqu’aux rêves, à des images, des pensées, des valeurs qui ne sont pas les tiennes ? » (Ecrire en pays dominé, éd. Gallimard, 1997.) Avez-vous eu le sentiment – l’avez-vous encore ? – d’« écrire en pays dominé » ?


Je ne suis pas d’accord avec Chamoiseau. Comme l’a remarqué Frantz Fanon, on peut être dominé de plusieurs manières. Si on est dominé par une détérioration intérieure, c’est-à-dire si l’être lui-même est déconstruit en profondeur, et s’il accepte ou subit passivement cette déconstruction, alors, effectivement, on ne peut pas écrire. Ecrire, c’est souffrir sa liberté. Un être dominé, assimilé, ne produira qu'une longue plainte aliénée.
Si on est dominé dans la vie sociale et quotidienne, mais en gardant toute sa puissance d’imaginaire, c’est autre chose. Quand le Martiniquais ne peut s’imaginer autrement que comme français, c’est son imagination qui est détruite ou déroutée. Mais même dans cet état d’aliénation, son imaginaire persiste, s’embusque, et peut à tout moment lui faire voir le monde à nouveau. Et moi, je lui dis: « Agis dans ton lieu, pense avec le monde. »

 

Ce que vous reprochez à la France, c’est sa propension à faire la morale à la terre entière ?
Je ne reproche rien à la France. Mais voyez l’expression « la-France-patrie-des-droits-de-l’homme ». Cela n’enlève rien à la grandeur de ce pays, mais cette expression, à mes yeux, n’a pas de sens. Les droits de l’homme, de la femme, de l’enfant, ont des variantes tellement relatives sur la surface de la Terre. Dans certaines tribus précolombiennes, on organisait le suicide rituel des vieilles personnes qui ne pouvaient plus suivre le groupe dans son nomadisme. Le vieux qui ne pouvait plus ni bouger ni travailler et qui menaçait l’équilibre et la vie de la communauté finissait sa vie dans un suicide rituel, au cours d’une grande cérémonie festive. C’était le dernier service qu’il rendait et c’était la dernière joie qu’il partageait. Au nom des droits de l’homme, un Occidental dira que cette pratique était profondément inhumaine, et de son point de vue, il aura raison, sans voir cependant que, chez lui, dans les rues des grandes villes, des centaines de gens meurent sur les trottoirs dans des conditions infiniment plus inhumaines et dégradantes, parce qu’ils ne peuvent plus ni bouger ni travailler.
Comment définir les droits de l’homme de manière réellement « universelle » ? Mettre en apposition les diverses conceptions des humanités – ce que j’appelle une « poétique de la relation » – serait beaucoup plus profitable à tous. En France, la colonisation a été justifiée, au départ, au nom de telles idées « universelles ». Au nom d’une mission civilisatrice à laquelle Jules Ferry et beaucoup d’hommes de gauche ont sincèrement cru. Il s’agissait de répandre sur le monde les idées des philosophes des Lumières du XVIIIe siècle, mais l’exploitation des matières premières et des produits manufacturés restait la seule nécessité.

Edouard Glissant

 

samedi, 26 novembre 2011

Ultra-conservateurs et Ultra-libérés, vos enfants ne connaissent-ils pas la misère intérieure ?

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Un billet d'Hélène Lammermoor

 

Faut-il lire Sida mental, de Lionel Tran, en écoutant Miserere Nobis d'Henryk Gorecki ?

Imploration

 

Il est temps de s'intéresser aux enfants sacrifiés par la libération sexuelle. Nous connaissons les souffrances des écoles catholiques, les tortures mentales des curés, les sévérités extrêmes des parents rigides, les perversions hypocrites des éducations religieuses, nationalistes, rigoristes.

 

Mais dans le film Mai 68, mes parents et moi de Virginie Linhart comme dans le texte de Lionel Tran, c'est du saccage effectué par les libérés sexuels qu'il est question.

Dans le film, un fils de féministe raconte qu'il entendait les copines de la mère relater un viol et exulter à l'idée d'arracher les couilles à tous les mecs pour se venger. La nuit, ensuite, il ne dormait pas, les cheveux dressés sur la tête. Une fille se souvient de passer des journées et des soirées seule, à regarder la famille normale d'en face, les déjeuners et dîners des parents et enfants autour de la table, et rêvant de tels rassemblements. Jugement parental tranchant : tu ne veux tout de même pas être une ridicule petite bourgeoise ?

Parents imbus d'eux mêmes qui piétinent les émotions de leurs enfants au nom de leur idéologie ! Non, la libération sexuelle n'a pas libéré l'enfance de la toute-puissance parentale. Elle en a modifié les codes.

 

De même que l'ex-Mao Claire Brière-Blanchet (dans Voyage au bout de la révolution) regrette la mort de sa fille qu'elle attribue à son engagement de libérée (je suis une sale bourgeoise et je dois me faire baiser par des ouvriers aux réunions politiques, je ne dois pas m'occuper petit-bourgeoisement de mes enfants, mais au contraire les abandonner à la maison pour aller faire la révolution), de même, Rudyard Kipling dessoûlé d'un coup de ses propres nectars mystico-guerriers, regretta la mort d'un fils qu'il avait poussé à s'engager sur le front avant même l'âge requis tandis que lui restait à écrire chez lui.

 

Sacrifier son enfant à Dieu ou au sexe, à la patrie ou à la révolution, à la droite ou à la gauche, à la norme ou à la transgression, c'est tout comme.

 

Les enfants, dans les deux scénarios, ne sont pas des êtres de chair et d'os mais des témoins d'un engagement.

 

Faire dix gosses, affubler les fillettes de longues jupes et raser les garçons, les embrigader dans des camps où soumission et confession détruisent la liberté, ou bien changer de partenaire tous les deux ans, pondre des gamins de temps en temps avec diverses personnes, et leur laisser entendre qu'on baise avec un pote dans la pièce à côté, c'est tout comme.

 

Même déconnexion totale entre les idées éducatives et la réalité du cœur et du corps des petits êtres qui poussent. Même oubli qu'un homme est un mammifère et un poète, avec des besoins collectifs et des désirs individuels qui n'appartiennent pas au monde des idées, religieuses ou politiques, mais au cœur de l'expérience quotidienne.

 

Être l'enfant d'un parent qui trouve consternant l'image d'une famille tranquillement assise autour de la table pour déjeuner ; être l'enfant d'une mère contente de faire enfin subir à son fils ce que des filles ont longtemps subi par leurs pères (l'humiliation, le mépris sexuel, la haine sournoise, la pitié assassine) ; être l'enfant de parents qui trouvent merveilleux de baiser devant leurs gosses, d'embrasser des inconnus dans la rue pendant qu'il attend à côté, seul dans l'immensité de son désespoir.

Et surtout, être l'enfant de parents fiers de leur révoltes, qui considèrent que leurs rejetons sont de petits bourgeois à tendance conservatrice. Comment, enfant de sperme inconnu, tu souhaites savoir qui es ton père ? Bourgeois ! Minable ! Ben quoi ? Ça te déplaît que j'ai payé 250 000 euros une mère porteuse pour te confectionner ? Nullard ! Bigot ! Crachouillis d'un autre siècle !

 

Il y a tant de points communs entre les familles chrétiennes et musulmanes traditionalistes et entre les enfants des libérés sexuels ! C'est presque la même éducation sauf que c'est l'inverse. Écraser son enfant sous le poids de son propre plaisir, le punir de ses propres frustrations, c'est ce que font les parents ultrareligieux et les parents ultralibérés.

 

Agenouille-toi ! Dans un cas ; Baise ! Dans l'autre. Avec la même certitude d'être génial, et que si le gosse rechigne, c'est qu'il n'a pas sa place au paradis/dans la société.

 

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 (post scriptum épuisé :

Mais le plus douloureux, c'est de voir que, vieillissants, nos parents trahissent eux-mêmes les idées pour lesquelles ils nous ont tant fait souffrir.

La fille de Mai 68 qui passait ses soirées seule à six ans... voit ses parents emmener leurs petits-enfants au Square et trouver cela délicieux.

Le fils fracassé, rendu impuissant par la peur de la damnation... découvre que son père qui tenait la cravache morale couchait avec sa belle-soeur.

Et cette fille qui a assisté l'année dernière au remariage de son père. Il y avait des petits coeurs sur les assiettes. Ne l'avait-elle pas entendu, à des âges très tendres, ricaner sur l'ordre bourgeois et lui raconter, avec force détails, mots crus, délectation vulgaire, dans quelles positions humiliantes il b... ses collègues féminines, dans ses locaux professionnels ?)

Hélène Lammermoor

vendredi, 25 novembre 2011

Carvos Loup : échecs et jeux

Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.

Carvos Loup, échecs, jeux

Ils parlaient devant moi et je n'écoutais qu'eux. La dame et le jeune homme jouaient aux échecs en échangeant des mensonges sur leurs vies respectives. Je me demandais quel lien de parenté ou d'amitié les unissait. Je me demandais s'ils savaient qu'ils mentaient.

mardi, 22 novembre 2011

La solitude des champs de blogs II

A Hélène Lammermoor, amicales remontrances et bises amères, par une brise novembrale, en écoutant la pluie qui ne vient pas, le vent qui bruisse à peine, le froid qui claque et l'électrorock des Shudder to Think.

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Si quand j'avais quinze ans on m'avait dit que le 18 novembre 2011, je découvrirais l'oeuvre d'Edgar Varèse sur Internet, avec un sentiment mitigé, qu'avec un téléphone attaché à rien je prendrais une photo d'une grue derrière une affiche au premier plan dans la rue, puis d'affiches, affiches, affiches, boulimie de photos des affiches assassines de la rue ! que de ce téléphone, immédiatement, j'enverrais quelques unes de ces photos dans un lieu qui n'existe pas, peuplé de millions d'hommes, que chacun pourrait voir la photo et lire les mots que j'écris à côté, que je pourrais ainsi raconter une scène de ma vie en appuyant sur les petits boutons d'un téléphone, j'aurais cru à une émigration dans sur autre planète. Mais je n'ai pas changé de planète : la planète a beaucoup changé. Je suis toujours là, vers Montparnasse, je n'ai pas encore de rides à mon visage et moins de crises d'angoisse. Des mots que j'emploie tous les jours certains n'existaient pas. Comment pouvais-je deviner que je deviendrais blogueuse quand le mot blog n'existait pas et que j'ignorais l'existence naissante d'Internet ? J'avais quinze ans et j'hésitais à vivre. Aujourd'hui, j'en ai trente-trois et j'ai renoncé. Je blogue.

 

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Phototexte d'Edith de CL

 

Lire La solitude des champs de blogs I

vendredi, 18 novembre 2011

Vigny aux temps électros

"Toi que tes compatriotes appellent aujourd'hui merveilleux enfant ! que tu aies été juste ou non, tu as été malheureux ; j'en suis certain, et cela me suffit. - Âme désolée, pauvre âme de dix-huit ans ! pardonne-moi de prendre pour symbole le nom que tu portais sur la terre, et de tenter le bien en ton nom".

Alfred de Vigny, in Dernière nuit de travail, écrit du 29 au 30 juin 1834

 

"Vigny, attristé par la faillite de "l'esprit pur", ému par tant de suicides d'artistes, voulut porter sur la scène cette grande pitié du poète et de l'homme de lettres. En février 1833, deux jeunes poètes, Escousse et Le Bras, s'étaient asphyxiés, et déjà on avait vu succomber sous la misère un Hégésippe Moreau, un Charles Lasailly, un Aloysius Bertrand. Au moment même des représentations de Chatterton, Emile Boullaud, qui venait de commencer une traduction en vers des Lusiades de Camoëns, se laissa mourir plutôt que de tendre la main. Les journaux étaient pleins de récits désespérés. L'opinion commençait à s'émouvoir et des protestations contre cet état de choses commençaient à se faire entendre cà et là. Balzac défendait alors la même cause que Vigny dans sa Lettre aux écrivains français (1er novembre 1834).

Beaucoup plus que la lecture de Goethe où il avait rencontré la figutre de Torquato Tasso, personnage susceptible et inquiet, ces faits expliquent que Vigny ait repris la thèse qui lui était chère de l'homme supérieur victime de son propre génie. N'était-ce pas déjà le sujet de Moïse ? On retrouvera dans le désespoir du poète les accents désabusés du prophète."


Henri Maugis

 Henri Maugis, Alfred de Vigny, Chatterton, Edgar Varèse, poème électronique

Phot. Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva


A propos d'asphyxie dans une chambre solitaire au XIXème siècle, il nous faut mentionner Alexina (Herculine Abel) Barbin, hermaphrodite né(e) dans une famille paysanne de Charente. Son intelligence, sa culture, son catholicisme et son désespoir se lisent dans ses Mémoires, que l'on retrouva auprès de son lit, rue de l'Ecole de Médecine, à Paris.

Paix aux poètes, paix aux hermaphrodites. Honneur à vos âmes belles et tourmentées.

H.L.

Carvos Loup : Visage

Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.

Carvos Loup, visage


Je vivais à l'ombre de ses songes sombres. Elle, elle ne me regardait jamais. 

vendredi, 11 novembre 2011

Carvos Loup : Vignes

Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.

Carvos Loup, vignes, viticulture

Savoir ce qui coule dans nos veines ;tailler les vignes, sentir la sève, comprendre le monde.

mercredi, 09 novembre 2011

Jean-Christophe - 8 novembre 2011

 

"La cruauté envers les animaux et même déjà l’indifférence envers leur souffrance est à mon avis l’un des péchés les plus lourds de l’humanité. Il est la base de la perversité humaine. Si l’homme crée tant de souffrance, quel droit a-t-il de se plaindre de ses propres souffrances ?"

Romain Rolland

 

Romain Rolland, Madeleine Rolland

Frère et Soeur Rolland

 

 

Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.

Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est plus lu et étudié à l'étranger qu'en France.

Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.

C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier roman-fleuve, l'histoire de Jean-Christophe Krafft.

 

SaraPhot Sara

 

La première « lecture du mardi » a eu lieu hier. Elle était accompagnée d'un Monbazillac blanc moelleux et d'une fourme du Puy de Dôme.

A mardi prochain, frères lecteurs, pour un autre chapitre, un autre fromage, un autre vin. A mardi prochain, pour la messe de Jean-Christophe.


Les officiants d'hier : Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Edith


Conseils de lecture :

Ce passage sur la musique, de Jean-Christophe

La nouvelle "Le prophète", de Thomas Mann

ciel de Mavra, Biarritz

Ciel Mental, par Mavra

 

lundi, 07 novembre 2011

Cinq règles de comportement relationnel

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Un billet de notre sororale Nadège Steene, qui partage ses recettes de cuisine relationnelle.

 

1

Ne jamais laisser deviner un préjugé, un calcul, une intention basse.

2

Ne jamais chercher à m'élever aux yeux d'autrui

3

Me mettre au diapason des gens et de la situation, tout en restant moi-même

4

La politesse l'emporte sur l'égoïsme ; la fermeté l'emporte sur la faiblesse (que cette faiblesse se traduise par de la soumission ou de la pitié)

5

Je donne quelque chose, de façon anonyme et gratuite, dans chaque lieu où je passe

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La belle Elisabeth Jacquet de La Guerre, grande musicienne du Grand  Siècle français.

vendredi, 04 novembre 2011

Carvos Loup : Lire

Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.

Carvos Loup, lecture, photographie, photolecture


Les livres tuent le temps. Le temps conserve certains livres. J'ai lu tant et trop ! Aujourd'hui qu'Internet maintient mes nuits, je repense au temps des pages qu'on tournait. Vivre au fond d'un lit : le rêve de tant de gens en excellente santé !

mercredi, 02 novembre 2011

Les contre-légions du Christ signalétique

 

Nous reçûmes il y a peu, une photographie prise à Rome par Stefania Rognonino. Quelques heures plus tard, la boite d'AlmaSoror accueillait un mail de Jean Bouchenoire contenant un poème alexandrin. Nous décidâmes de marier ces deux électroprésents en un billet AlmaSoror, que voici :

Christ signalétique.jpg


Il faut souffrir. Le monde, aujourd'hui comme hier,

Même sans nous armer nous traite en légionnaires.

Pacifistes sans nom, avez-vous remarqué 

Comme est faible en amour le lot des salariés ?

 

Avez-vous contemplé, vous les républicains,

La triste liberté du morne citoyen ?

Nous créons des idées pour délivrer les hommes,

Nos malades esprits en font des chaînes au pied.

Parmi le long troupeau des bêtes qu'on assomme,

Hommes et bœufs s'entraident au fond de la tranchée.

 

Jean Bouchenoire