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dimanche, 20 juillet 2014

Index nominum : C

C

Cagliostro (Joseph Balsamo)

Il est cité dans Comme l'éclatante lumière du midi

Les Calcinés

Ils sont auteurs de Je n'abats jamais

Calélira

Elle est l'auteur de Equihen plage : un petit bout de liberté

Truman Capote

Il est mentionné dans La ville de perdition

Il est mentionné dans Un dimanche à Avila

Il est mentionné dans Mystique littéraire

Il est mentionné dans Moineville : la ville des écrivains

Il est mentionné dans La tourelle du hibou

Celeblog (blogueur)

Il est cité dans Auto(?)censure

Chiquita

Elle est mentionnée dans Mascara

Ceppi

Il est mentionné dans Des thèmes, quelques œuvres (sans être expressément nommé)

Jules César

Il est mentionné dans Intemporalité

François René de Chateaubriand

Il est mentionné dans Dialogue entre deux hommes qui ne se sont jamais rencontrés

Il est mentionné dans la Soirée Rouge Célibat de Maître Ravenswood

Il est cité dans Mélange de paternités

Il est cité dans Éloge de la Mémoire

Il est mentionné dans Auto(?)censure

Il est cité en exergue de L'homme des mégalopoles

Malcolm de Chazal

Il est cité dans Délirium très mince

Olivia Chevalier-Chandeigne

Elle est citée dans Horreo

Frédéric Chopin

Il est mentionné dans la Maternité

Joan Clark

Elle est mentionnée dans Dans l'avenue Desbordes-Valmore

Estelle Claris

Elle est l'héroïne d'Estelle au mois d'avril

Robert S. Close

Il est mentionné dans Aime-moi (baise-moi ?) matelot : le seul roman de gare entièrement lu devant une Cour suprême très sérieuse

Jean Cocteau

Il est mentionné dans Une enfance littéraire française I

André Collinet

Il est cité dans L'après-midi aux Sables d'Olonne

Il est cité dans Il n'arrive point de barrique de sucre en Europe qui ne soit teintée de sang humain

Il est mentionné dans La confrérie de Baude Fastoul

Ry Cooder

Il est mentionné dans La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

Julien Coupat

Il est cité dans Militants radicaux des deux extrémités du centre

Crin Blanc

Il est mentionné dans L'enfance, la civilisation et le monde sauvage

Il est mentionné dans L'âme-soeur et la sœur nourricière

Il est mentionné dans Une chansons, trois films

Il est mentionné dans Alcool, liberté, littérature

Astolphe de Custine

Il est cité dans Le despotisme des bons

 

L'index des noms propres d'AlmaSoror se constitue au fil des heures perdues, des insomnies et des paresses.

Il permet à la barmaid de ce zinc blogal, sur lequel vous venez d'échouer pour la première ou la millième fois, de se ressouvenir des huit années d'existence d'AlmaSoror, d'abord en tant que revue mensuelle en ligne, entre septembre 2006 et septembre 2008, et puis ici même, en blog à chronoposologie libre et variable.

Le temps passe, je vieillis, AlmaSoror vogue et ne sombre pas. Si nous ne servons plus d'alcool de salamandre sur ces terres virtuelles (pour des raisons antispécistes), nous ne manquons jamais d'inventer de nouvelles recettes de cocktails inédits et épicés, frais et alcoolisés, pour nos visiteurs de l'aube à la nuit.

Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Des êtres de passage, assurément. Il n'y aura aucun survivant dans les décombres de notre époque, un jour nous serons poussière et des enfants du futur, peut-être, viendront deviner comment et pourquoi nous avons existé.

Blancheur ! Blancheur ! Blancheur ! La grande blancheur éclate autour de moi. J'ai nagé hier soir dans l'océan brumeux à l'heure où les lampadaires de la ville océane s'allumaient. L'eau était froide.

J'ai rêvé dans la rue qui monte, des corbeaux sur la neige, des arbres à perte de vue, des enfants roux enveloppés dans des manteaux de plume. Une fille d'environ quarante ans me tenait par la main, silencieusement nous contemplions ce paysage.

Immobile et silencieuse, je me suis endormie au bout du tunnel de l'insomnie. AlmaSoror, tu ressembles à mon destin.

vendredi, 30 mai 2014

La tourelle du hibou

 Ondine Frager

Le temps passe, madame. Et bientôt ce que nous sommes ne sera plus qu'un souvenir qui s'efface. Comment conjurer l'impression vertigineuse que la vie nous traverse sans que nous ayons prise sur elle, ni sur nous-même ?

Enfant, j'avais songé à transformer la face du monde ; la tâche m'ayant effrayée, j'ai préféré une autre mer à boire – la mer des livres.

Lire, l'antidote au temps.

Ce soir, alors que les feuilles de tilleul rabougrissent au fond de ma tasse, je suis le fil de mes souvenirs de lecture. Dans la pénombre d'une petite pièce aux tentures rouges, au son de la musique malienne lancinante et paisible, je rencontre des livres compagnons, sans lesquels je ne parlerais pas à la même personne, lorsque je parle seule.

Du plus loin qu'il me revienne l'ombre de mes amours anciennes... Je revois les maisons de Dame-Souris. Ce charmant album destiné aux enfants et prisé des architectes en quête d'inspiration, expose les créations architecturales - des maisons individuelles adaptées au client - d'Héloïse la souris. On y admire le château du cochon, l'antre du renard, la maisonnette de l'ours, la villa souterraine de la truite, et tant d'autres.
Ma maison préférée, c'était celle du hibou. Installé dans une tourelle en plein ciel, il a vu sur la forêt, peut-être la mer scintille-t-elle au loin sous le tapis d'étoiles. Hibou peut scruter les mystères du ciel au moyen de la lunette d'astronome posée devant la fenêtre.
Les maisons de Dame souris, c'est un livre empreint d'une profonde paix, qui invite à la rêverie structurée, en quelque sorte, et créée, pour l'avenir (si on le lit à l'âge de l'enfance) des nostalgies infiniment langoureuses.

(Sur les maisons de Dame souris, quelques webécrivains se sont exprimés :

Comme avant dans mes rêves d'enfant

Lili l'archi)

Je poursuis ma route mentale à travers mes souvenirs, et je rencontre Le cheval blanc de Suho. Celui qui contient les illustrations d'Akaba - car les nouvelles éditions sont beaucoup moins belles ! Quel artiste, que cet Akaba - Suekichi Akaba ! Sur ce conte mongol de toute beauté, il livre des planches à couper le souffle et l'enfant que j'étais pleura toutes les larmes de son corps. C'était la découverte de l'amour et de la mort, du lien sacré entre l'homme et l'animal, de la musique liturgique universelle des défunts et des êtres qui s'aiment. 

Après quelques lectures déchirantes, je fermai le livre et ne l'ouvrit plus durant de longues années, car je savais que toutes les larmes de mon corps sortiraient à nouveau. Mais j'en regardais la couverture parfois, je savais, je sentais sa présence ; cette présence était taboue.

(Des traces du cheval blanc de Suho sur la Toile :

Vers Gif sur Yvette.

Ou en Romandie.)

Je pourrais encore parler de L'auberge de l'ange gardien et de l'affreux destin de Torchonnet, qui m'initia aux sordides rapports humains et à l'étrangeté sauvage des adultes. La suite de l'Auberge, la comtesse de Ségur, cette démiurge savante et sulfureuse, la raconte dans Le général Dourakine. On y découvre l'invraisemblable beauté, pâle et tragique, du Prince Romane, le polonais traqué.

Ces livres de la comtesse de Ségur, née Sofia Rostopchine, fille du terrible et majestueux aristocrate tsariste qui ne voulut pas livrer Moscou à Bonaparte, on me les lisait avant que je sache lire, je les ai entendus avant de les lire seule.

Mais le premier roman que je lus seule, et qui transforma ma vie, ce fut celui que m'offrit ma marraine Ségolène, l'année de mes six ans.

Les premiers paragraphes de Sans famille, d'Hector Malot, ne m'ont jamais quittée depuis. Maître Malot ! Je ne me suis jamais résolue à lire tes autres livres, car jamais je ne voudrais que tu tombes du piédestal où cette enfant t'avait élevé.

C'est par toi que j'ai compris la puissance de l'invention romanesque.

Je suis un enfant trouvé.

Mais jusqu’à huit ans j’ai cru que, comme tous les autres enfants, j’avais une mère, car lorsque je pleurais, il y avait une femme qui me serrait si doucement dans ses bras, en me berçant, que mes larmes s’arrêtaient de couler.

Jamais je ne me couchais dans mon lit, sans qu’une femme vînt m’embrasser, et, quand le vent de décembre collait la neige contre les vitres blanchies, elle me prenait les pieds entre ses deux mains et elle restait à me les réchauffer en me chantant une chanson, dont je retrouve encore dans ma mémoire l’air, et quelques paroles.

Quand je gardais notre vache le long des chemins herbus ou dans les brandes, et que j’étais surpris par une pluie d’orage, elle accourait au-devant de moi et me forçait à m’abriter sous son jupon de laine relevé qu’elle me ramenait sur la tête et sur les épaules.

Enfin quand j’avais une querelle avec un de mes camarades, elle me faisait conter mes chagrins, et presque toujours elle trouvait de bonnes paroles pour me consoler ou me donner raison.

Par tout cela et par bien d’autres choses encore, par la façon dont elle me parlait, par la façon dont elle me regardait, par ses caresses, par la douceur qu’elle mettait dans ses gronderies, je croyais qu’elle était ma mère.

Je trempe mes lèvres dans la tisane. La musique s'est tue, je ne m'en étais pas rendue compte - mais les timbres intenses des instruments africains résonnent encore au fond de mon corps.

Avec Jud Allan, roi des lads, de Paul d'Ivoi, j'ai appris à aimer l'existence des méchants, tel le Crâne, qui portent le crime avec panache et savent mourir en reconnaissant la valeur supérieure de leurs ennemis.

Les secrets de la lande, d'LN Lavolle, m'initièrent à l'amour des vieilles maisons. Je compris comment on fait le miel et pourquoi il faut se taire beaucoup pour savoir deviner les secrets.

Et puis, lorsque j'avais treize ans, mon grand-père Jacques me surprit alors que j'errais, pleine d'ennui, dans les rayons d'une bibliothèque que je connaissais par cœur. Je traînais entre l'escalier qui mène au pavillon et le lapinodrome, soulevant un livre par ici, le reposant.

Sa silhouette rare s'approcha de moi et je me tins coite.

- Tu n'as jamais lu cela, murmura-t-il, en passant son doigt tremblant sur un ouvrage dans l'ombre d'un rayon.

Il me tendit ce livre et me livra cette confidence : c'était le livre préféré de Dieudonné. Il le lisait l'année de sa mort et l'adorait.

Oh mon Dieu !

Je repartis dans ma chambre en le tenant entre mes mains. Le livre de Dieudonné. Ses mains l'avaient tenu. Et mon grand-père sévère me le confiait en chuchotant.

L'apôtre des lépreux, de Wilhelm Hunnerman, traduit par l'abbé Grandclaudon.

Sans cette lecture, je serais dénuée de doute et certaine d'être athée.

Mais j'ai lu L'apôtre des lépreux, dans cette édition tenue par un adolescent malade, et je l'ai relu, tout un été.

Et puis j'ai perdu de vue ce livre et ne l'ai plus jamais ouvert de ma vie. Je me souviens, c'est tout.

Des années plus tard, en cours de langues polynésiennes, j'eus un choc en entendant des mots d'Hawai'i, presqu'un malaise doublé d'une fascination, et je ne compris pas pourquoi. Ce n'est qu'encore longtemps après que je compris que j'avais reconnu les mots de l'Apôtre des Lépreux : Moloka'i. Kalaupapa.

Je pourrais encore parler de Bandini, de John Fante. Raconter ce trait incongru de ma mère, qui voulait que je dorme, et je ne voulais pas. Eh bien, alors, lis ce livre, dit-elle. Ce livre, qu'elle avait ramassé dans son étagère, c'était Bandini. J'avais onze ans je crois et ce fut le début d'une lecture répétée tous les deux ou trois ans, jusqu'à compréhension du texte.

Et que dire de La dentellière ? Un roman que j'adorais à quinze ans. Je vénérais l'auteur d'avoir écrit une œuvre si sensible, et quand vers vingt et quelques années je compris qu'il l'avait écrit pour rire, pour se moquer de la sensibilité de ses contemporains, j'en étais dégoutée. Il trouve que le reste de son œuvre vaut mieux que la Dentellière ; moi j'ai voulu ouvrir d'autres livres mais je n'aime qu'elle.

Adolescente ou adulte, j'eus d'autres lectures initiatiques. Breakfast at tiffany et les short stories de Truman Capote, dont la plus belle : One Christmas, le Noël triste d'un petit garçon à la Nouvelle-Orléans, à l'époque de la fameuse Prohibition...

La bande dessinée Lova, de Jean-Claude Servais,  Les sept piliers de la sagesse, de TE Lawrence d'Arabie, L'introduction à la langue et à la littérature aztèque, de Michel Launey, et enfin  Guerre et paix du vieux Tolstoï.

La caroline calligraphique des moines médiévaux s'est effacée devant l'imprimerie. Les ouvriers sidérurgistes ont vu leur monde s'éteindre. Nous marchons vers la numérisation de l'écriture et de la lecture, et l'apparence de l'édition traditionnelle se dissoudra bientôt dans la grande évidence du Code.

J'attends ; j'attends de voir si je deviens vieille. Si je reste encore quelques décennies dans ce monde, il me sera peut-être donné un jour de lire les nostalgies littéraires d'un enfant né en l'an 2014. A quoi ressembleront-elles ? Auront-elles des poussières et des odeurs, comme les miennes ? Ou bien d'autres sensations que mon esprit est incapable d'imaginer ?

Je les lirai, ces nouveaux-nés, quand je serai très vieille et j'écouterai leurs mémoires déjà profondes.

 

Le même thème, sur AlmaSoror :

Moineville, la ville des écrivains

Mémoires de nos lectures

dimanche, 05 mai 2013

Un dimanche à Avila

sainte thérèse d'avila

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Je pense, pour répondre à ta question d'hier, que si j'avais un fils je l'appellerais Judicaël ou Dieudonné, et une fille, Anne.
Je n'ai plus d'inquiétude sur la question d'avoir ou non un enfant... âgée de trente ans, je suis allée dans l'église Saint-Thomas d'Aquin, et j'ai "demandé" d'avoir un enfant à 32 ans. J'ai renouvelé solennellement cette demande intérieure auprès du cercueil de mon grand-père.
Le jour de mes 33 ans, alors que rien ne s'était passé, j'ai éprouvé un cuisant dépit. Je m'en suis voulue d'avoir été si crédule, si ridicule. Dans cette déréliction, soudain, m'est apparue comme gravée sur une pierre imaginaire la phrase de Sainte Thérèse d'Avila : 

« Il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas ». 

(C'est cette phrase qui a inspiré le titre du roman de Truman Capote Answered Prayers).


Je suis donc retournée à Saint Thomas d'Aquin pour exprimer ma gratitude et ma confiance que ma prière était exaucée au mieux quoi qu'il arrive. Depuis, j'ai un poids en moins, une confiance absolue que le mieux m'arrive, m'est arrivé, m'arrivera sur le plan de la maternité.
Il faudrait que je parvienne à atteindre une telle sérénité sur d'autres sujets, tel la vie financière... Mais on ne décide peut-être pas consciemment des prières profondes que l'on lance, des réponses non moins profondes qui nous arrivent.

Du rêve ou du réel, va dire lequel féconde l'autre... Sans leurs noces mystiques rien n'a de valeur en ce monde.

samedi, 18 août 2012

Mystique littéraire

Le petit garçon à la vie de bohème a joué un jeu sur son blog, et j'ai eu envie de jouer aussi.
Il s'agit de répondre à une série de questions en utilisant des titres de livres. J'ai ajouté cinq questions à celles qui existaient.

Jack Kerouak,Eugène Savitskaya,Léon Tolstoï,Victor Hugo,Janet Frame,Maurice Druon,John Fante,Robert Musil,Truman Capote,Saint Jean de la Croix,Dante Alighieri,André Dhôtel,Paul Féval,Thomas Mann,Marcel Brion,Marcel Proust,Alfred de Vigny,Hubert Mingarelli,Saint François de Sales,Jean Marie Gustave Le Clezio,,Louis Ferdinand Céline,Terence Edward Lawrence d'Arabie, la beauté des loutres, demande à la poussière,le pays où l'on n'arrive jamais ,
Photo prise à l'orgue de ND d'Auteuil
, par Sara

 

Comment te sens-tu ? Sur la route
(Jack Kerouak)

La condition actuelle de ton âme ? Marin mon cœur
(Eugène Savitskaya)

Qu'est-ce que la vie pour toi ? La guerre et la paix
(Léon Tolstoï)

Ta peur ? Les châtiments
(Victor Hugo)

Ton histoire d'amour ? Un ange à ma table
(Janet Frame)

Tes meilleurs amis sont ? Les rois maudits
(Maurice Druon)

Quel est le meilleur conseil que tu aies à donner ? Demande à la poussière...
(John Fante)

Le défaut qui t'horripile le plus ? L'homme sans qualité
(Robert Musil)

Comment est le temps ? Un été indien
(Truman Capote)

 Ton moment préféré de la journée ? La nuit obscure
(Saint Jean de la Croix)

 Décris où tu vis actuellement: Le Purgatoire
(Dante Alighieri)


Ton moyen de transport préféré ? Vol de nuit
(Antoine de Saint-Exupéry)

Si tu pouvais aller n'importe où, où irais-tu ? Le pays où l'on n'arrive jamais
(André Dhôtel)

Ton animal préféré ? Le loup blanc
(Paul Féval)

Comment aimerais-tu mourir ? La mort à Venise
(Thomas Mann)

Ton rêve le plus cher ? La résurrection des villes mortes
(Marcel Brion)

Le métier qui te fait rêver ? Grandeur et servitude militaire
(Alfred de Vigny)

Ta passion ? La recherche du temps perdu
(Marcel Proust)
 
Une faiblesse : la beauté des loutres
Hubert Mingarelli
 
Un aveu : L'amour de Dieu
(Saint François de Sales)
 
Un souvenir cuisant : Le procès verbal
(Jean Marie Gustave Le Clezio)

Ton plus beau souvenir : Voyage au bout de la nuit 
(Louis Ferdinand Céline)
 
Que cherches-tu ? : Les sept piliers de la sagesse
(Terence Edward Lawrence d'Arabie)

vendredi, 28 août 2009

La ville de perdition

 edith aux sables d'olonne.jpg

« La ville est morte, faite de choses mortes et pour des morts. Elle ne peut pas produire ni entretenir quoi que ce soit. Tout ce qui est vivant doit lui venir de l’extérieur. Ce qui est une évidence pour la nourriture, mais également pour les hommes. On ne peut assez répéter que la ville est une vaste mangeuse d'hommes. Elle ne se renouvelle pas de l'intérieur, mais par un import constant de matière fraîche extérieure. »
Sans feu ni lieu, Jacques Ellul

 

Je me suis souvenu cette nuit, alors que la ville illuminée de Zurich révélait ses visages nocturnes, ceux qu'elle cache le jour parce qu'ils sont trop bizarres, je me suis souvenu des livres qui parlent de la ville, de la ville de perdition.
J'ai eu un ami, dans le temps, qui s'appelait Frédéric et qui venait d'une campagne lointaine, là-haut dans la montagne, pas de là où les monts deviennent bleus et dominent les nuages, mais à la frontière des moyennes et des hautes montagnes.
Frédéric était venu à la ville pour travailler et il avait connu cette empire urbain qui prend certains coeurs, les entraîne dans une valse effrénée qu'ils ne peuvent plus jamais abandonner.
Au bout de quelques années, Frédéric était devenu un citadin dépravé, et aux yeux de sa famille des hautes collines, un étranger.
Il en souffrait. Parfois, à la fin des dîners, quand les autres étaient partis et qu'il ne restait que ceux qui n'avaient pas de masque social, il en pleurait.
Alors on buvait ensemble jusqu'au comas éthylique.
Cette nuit, j'ai repensé à Frédéric ; j'ai repensé à tous les livres que j'ai lu et qui parlent de cette perdition. La ville qui mange les gens, avale les âmes et les vies.
Des livres d'auteurs tchouktches. Peuple de Sibérie presque entièrement détruit, mais dont des voix émergent encore, en langue tchouktche ou en langue russe, pour conter les contes cruels des individus échappés d'un monde rassurant et mort, broyés dans la grande ville. Avez-vous lu Unna, de Youri Rythkéou ?
Des livres d'auteurs quechuaphones, conseillés par Katharina F-B, notamment les nouvelles de Porfirio Meneses (Achikyay willaykuna), mais d'autres aussi, qui racontent l'Indien venu à la ville et mangé par elle.
Le livre d'Alan Paton, Cry, the beloved country. Un pasteur noir quitte son pays pour venir à la ville magique, Johannesburg. La ville qui a dévoré son fil unique. Car Absalom, fils de pasteur, est venu à la ville, a vu des prostituées, a essayé de travailler, à subi le racisme, a tué un Blanc.
Noirs & Blancs se donnent la main pour conjurer l'horreur de la grande ville raciste, violente, luxurieuse.

C'est si simple de se perdre dans la ville. Il suffit d'un moment de faiblesse et alors on tombe de l'autre côté, du côté sauvage. Celui que chante Lou Reed. Le côté dont on ne revient jamais, parce qu'il entraine les sens au delà des sens interdits dans une danse qui mélange les sens.
J'ai essayé de me remémorer la chanson de Simon & Garfunkel, The Boxer. J'ai demandé à mes frères de m'apporter un disque pour la réécouter. 

J'ai repensé à Rocky 1, le grand film de Sylvester Stallone, et à Fat City, l'immense film de John Huston.
Un moment de faiblesse, c'est la rupture. La sagesse est morte. La société vous quitte. Vous marcherez désormais dans son ombre.
J'ai repensé à Breakfast at Tiffany's. Truman Capote se projette dans son narrateur, jeune gars du Sud qui débarque à New York pour être écrivain et découvre, par l'intermédiaire de sa voisine, un monde de luxe, de paillettes, de tromperies, d'illusions, où, de temps en temps, au bord d'un instant fragile, en instance, une vérité bleu ciel éclate.

Depuis les Romains, le thème de la ville de perdition est inépuisable. Pourquoi le trouvé-je magnifique ? Parce qu'il ressemble au thème de l'enfance perdue dans la noyade adulte.
De Quincey et ses Confessions d'un mangeur d'opium : les jeunes filles (Ann... ma soeur Ann...) qui s'y engloutissent encore plus que lui, parce qu'elles sont encore plus pauvres, et du mauvais côté du genre humain – du côté violé.
Elise ou la vraie vie, belle histoire d'amour de Claire Etcherelli. Elise quitte sa ville de province pour venir être ouvrière à Paris. Elle y découvre la lutte des classes et la lutte des races. Elle tombe amoureuse d'Arezki, algérien menacé, qui l'aime aussi.
L'attrait des plaisirs, de la gangerosité, de la luxure. Nuits sauvages et incendies de corps. Aubes blanches et gueules de bois. Alcool, sexe, breuvages, étreintes... Poudre dans le nez et poudre aux yeux.
Tout cela m'a bien détruit. Tout cela a bien détruit mon cher Frédéric. Où est-il aujourd'hui ? Il erre sans doute quelques part, dans notre ville, ou dans une autre, encore plus grande. 

Nous nous retrouverons au paradis des anges déchus, auquel nous ne croyons même pas. 

La ville corruptrice qui transforme les jeunes innocents en maîtres de crime ne mourra jamais. Nul doute qu'elle s'exportera sur Mars, et bien plus loin, dans des temps à venir.

On voudrait dire à ceux qui jugent : la ville de perdition, vile, servile malgré elle, est pourtant mille fois plus artistique que vos sentiers battus. 

 

Axel RANDERS

(2007)