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vendredi, 07 février 2020

La tour de pierre

Je suis enfermée dans une tour de pierre, solide, certes, de la belle pierre brute,

enfermée.

je n'éprouve aucun chagrin ! C'est quelque chose qui n'éclot pas, qui macère quelque part à l'intérieur de ce qui s'apppelle moi et dont je suis responsable. Si je n'étais responsable que de moi je serai nue dans le ciel pieds posés sur la plus haute tour, libre comme le vent,

mais,

je suis liée à des gens qui ont mis sur moi des mots et qui comptent sur la sécurité juridique de leur amour et, donc, je suis esclave de ma responsabilité envers les autres.

Alors je n'éclos ni mon amour, ni ma joie, ni ma liberté totale et impérieuse,

j'avance sur les sentiers mi-sauvages, mi-battus, avec l'envie parfois de devenir quelqu'un que plus aucun de vous ne reconnaîtrait.

L'attachement des visages aimés m'empêche de chevaucher la licorne du devenir.

dimanche, 13 mai 2018

Geminae

Derrière ma politesse, cette sempiternelle gentillesse qu'on ne m'envie pas, tu n'as pas deviné à quel point je suis sans pitié. Je te regarde tomber avec un sourire intérieur. Toi, tu me méprises parce que tu te crois ferme et tu me trouves trop douce, trop faible, trop affectueuse. Tu ne sais pas que chacun de tes coups de canifs a creusé ma puissante indifférence à ton sort. Sûre de ta force, sûre de ton droit, sûre de ta raison, tu agis avec la croyance que tu marches droit sur un chemin rationnel. Je t'observe et, sans rien dire, j'évalue ton approche inconsciente du gouffre. Tu m'envoies des signaux de dédain, soudain tu me tends une main que tu retires aussitôt, tu souris d'une manière fausse, tes reproches sont ineptes, tes solutions bancales, tes idées patraques. Tu penses que je suis à demi-incapable et cela t'agace. Tu as décidé de te détacher de moi, croyant te délester d'un poids. Tu marches à ta perte. Je ne te pousserai jamais dans le vide, je t'ai trop aimée. Mais suis-je encore capable de te crier : attention ! Au moment où tu percutes la falaise ?

 

Sur AlmaSoror :

La quête du courage

Clair-obscur à Alma-Ata

vendredi, 02 mai 2014

L'amour, le guide et la mort

 

Aimer

Aimer, n'est-ce pas vivifier, faire vivre (comme on donne la vie), prendre soin, faire en sorte que l'autre puisse vivre mieux ?

En ce sens, l'amour tel que le voient les romantiques peut mener au contraire de l'amour. Être atteint par l'amour comme par une flèche, ressentir des joies et douleurs violentes qui nous arrachent notre maîtrise de nous-même et enchaînent notre volonté, lorsque nous appelons ces phénomènes « amour », nous ressemblons à un alcoolique invétéré qui nommerait son vice : « oenophilie ». Ainsi, planter sa famille car on « aime » quelqu'un d'autre, autrement dit parce que quelqu'un d'autre a accaparé notre attention, n'est pas faire preuve d'amour envers cet autre qui nous « capte », mais plutôt faire preuve de désamour et de destruction envers les gens que l'on se devait d'aimer. Il est aisé d'aimer ce qui vient séduire notre cœur, puisque le cœur n'a plus qu'à se laisser emporter ; mais la puissance de l'amour consiste à assurer une constance envers notre prochain.

Authentique, l'amour ne provoque pas de destruction personnelle. Le sacrifice est un leurre, car peu de personnes en sont capables, et souvent c'est le manque d'estime de soi qui mène à se vouer aux autres en acceptant sa propre destruction. Le sacrifice alors devient moyen de se faire accepter par d'autres, de traîner une vie qu'on se sent incapable de mener dignement, pour des raisons biographiques.  Aimer autrui est plus facile lorsqu'on s'aime soi-même, c'est pourquoi « aime-ton prochain comme toi-même ». Ton prochain, même s'il est pénible. Qui ne voudrait pas aimer l'humanité entière à l'exception de la personne qui vit à côté de lui ? Pourtant, désirer sa survie autant que la sienne et oeuvrer à faire son bonheur, c'est peut-être cela, l'amour.

 

Guider

Il existe, dans la ville portuaire des Sables d'Olonne, une chapelle Notre-Dame de Bonne-Espérance, dont la statue de la madone est la proue d'un navire scandinave qui s"échoua sur la côte, sans faire de morts, il y a quelques siècles de cela. Sur un pupitre, un cahier somnole en attendant les visiteurs. Et si la chapelle paraît souvent vide, force est de constater la trace de passages : car toujours de nouvelles prières sont inscrites sur les pages de ce cahier. De mystérieux, d'invisibles prieurs se succèdent furtivement.

Moi, un jour, je priais dans une église vide, comme abandonnée au milieu de la ville grouillante. C'était une de ces églises qui se bondent le dimanche matin et que presque personne ne hante le reste de la semaine. Je priais le Christ de m'indiquer comment concilier ma vie avec l'Eglise, et où trouver mon troupeau et notre pasteur, lorsqu'une voix emplit mon crâne : « Toi, tu peuples mes églises vides ». Depuis, j'accomplis mon destin d'arpenteuse des églises délaissées.

Si les églises sont vides, c'est sans doute parce que, comme le dit l'évangile, le troupeau se détache des mauvais pasteurs et cherche à se regrouper autour des bons. Bergers, bergers ! Nous voudrions tant être guidés vers la colline verdoyante...

 

Mourir

Je ne vois pas de meilleure préparation à la mort que de s'entraîner tous les jours à mourir, c'est à dire à tirer sa révérence et dire adieu au monde, à accepter que le monde tourne sans soi, à laisser les commandes aux successeurs. S'exercer à mourir, quand on y pense, se confond avec s'exercer à vivre ou à aimer. Il s'agit, trois fois, de renoncer à considérer les fluctuations affectives de notre moi pour accepter d'entrer de plain-pied dans l'inconnu du monde, de l'autre, de la mort.

J'observe que beaucoup critiquent la vie et haïssent la mort, ce qui paraît contradictoire. Telle femme qui se languit de vivre encore après la mort de son époux, et qui, lorsque le cœur menace de lâcher, s'affole à l'idée d'être arrachée à une vie qu'elle abhorre. Tel homme découvrant les résultats d'une analyse médicale et pleurant une condamnation qui le délivrera pourtant d'une vie dont il se plaint sans relâche. Moi-même, je me suis vue veule et ridicule, lorsque, au milieu d'une dépression où je ressassais des idées de suicide, on m'a proposé de prendre l'avion. La peur de ce moyen de transport et l'idée d'un crash m'ont fait évoquer quelques minutes des possibilités alambiquées de bateau et de train, jusqu'à ce que je me souvienne que j'avais la veille encore grinché au téléphone en laissant entendre à ma Consolatrice mon envie d'en finir. Pouvais-je être assez idiote pour proférer une lassitude extrême de la vie et craindre un crash ? Je décidai sur le champ de ne plus évoquer mes états morbides et de prendre l'avion chaque fois que j'en aurais l'occasion.

Aimer, vivre et mourir ne sont qu'une seule et même action, qui puise sa source dans l'élan vital, le désir de transformation et l'horreur salvatrice du don. Chercher à retenir, à conserver, c'est patienter dans les limbes d'un purgatoire où l'on ne vit ni ne meurt, et s'engager dans cette vie, c'est accepter de la perdre. Dès lors qu'on ne cherche plus sa survie personnelle, il devient si facile d'aimer.

mercredi, 17 juillet 2013

Intelligence et conduite de l'amour

Léon Goedseels, E Mersch, S.I.,René Biot, Société Médicale Belge de Saint-Luc, amour, mariage, chasteté, la question sexuelle, immoralité, licence des moeurs, sexualité, groupe lyonnais d'études médicales, desclée de brouwer, 1936, naturisme, avortement, adultère, divorce, anticonception, stérilisation, fécondité

L'arbre de la connaissance du Bien et du Mal


Nous reproduisons ici l'ouverture de cet ouvrage publié en 1936 par le docteur Léon Goedseels, Secrétaire Gébéral de la Société Médicale Belge de Saint-Luc ; par le docteur René Biot, Secrétaire Général du Groupe Lyonnais d'Etudes Médicales, Philosophiques et Biologiques ; et par E Mersch, S.I. .

Le premier traite de la question sexuelle en général ; le second commet une étude sur la personnalité féminine et le mariage ; le troisième aborde le triptyque Amour, Mariage, Chasteté.

Voici donc l'introduction du docteur Léon Goedseels, particulièrement intéressante à relire en cet an 2013, soit soixante-dix années après sa publication, car les craintes et les idées qu'il y déploie sont partagées par beaucoup de nos contemporains.


En abordant une fois de plus l'étude de la question sexuelle, il est naturel de se demander jusqu'à quel point cet examen est utile et opportun. Ce problème, en effet, vieux comme le temps, ne peut recevoir de solution nouvelle : la nature humaine n'a point changé, les lois morales restent immuables et aucune erreur ne se fait jour en ce domaine, qui ne soit connue et réfutée depuis des siècles.

Cependant, si le mal en cette matière n'est point nouveau, si d'autres époques, avant la nôtre, ont connu des vagues d'immoralité, peut-être tout aussi importantes que celle que nous subissons, il faut reconnaître que l'erreur, sous des aspects et par des moyens nouveaux, a atteint une extension qui constitue pour notre civilisation un véritable péril.

Le monde est devenu l'esclave de la sexualité. La licence des moeurs s'est installée dans tous les milieux et jusque dans les familles. Non seulement la prostitution s'est faite plus provocante, mais la société elle-même a multiplié et généralisé les occasions de dérèglements par l'émancipation de la jeunesse, de la jeune fille et de la femme. On revendique publiquement et sans pudeur le droit de tous à un amour physique, sans limite et sans frein, tandis que les unions demeurent volontairement stériles et que les foyers se dépeuplent.

Toutes les forces se liguent pour diffuser le mal. La presse, la littérature, le théâtre, le cinéma, la science matérialiste, le naturisme provoquant, s'accordent pour égarer les esprits et exalter les sens. Les pouvoirs publics, certaines autorités morales même, se font les complices bienveillants de l'erreur en tolérant ou en approuvant l'anticonception, la stérilisation, l'avortement, l'adultère, le divorce.

On pourrait dire, sans grand paradoxe, que le vice d'hier est considéré comme vertu aujourd'hui. Et ce serait, en réalité, rendre assez bien l'esprit de la conception actuelle en matière sexuelle. Ne prétend-on pas que l'instinct génésique est une fonction qui réclame impérieusement la satisfaction, comme le boire et le manger ; que les lois morales sont des contraintes arbitraires qu'il est impossible ou déraisonnable de respecter puisqu'elles s'opposent aux aspirations naturelles, physiologiques de l'être humain ; que cet instinct ne peut être emprisonné dans le cadre étroit du mariage, ou tout au moins du mariage indissoluble ; que l'acte sexuel enfin doit pouvoir être posé en toute indépendance, sans devoir être subordonné à la procréation. Et n'en est-on pas arrivé, non seulement à condamner les lois morales, mais à les accuser d'avoir, par leur opposition aux principes naturels, arrêté l'épanouissement psychique et physique de l'homme et même d'avoir, très artificiellement, fait naître le mal en lui.

Et ces théories rencontrent un succès d'autant plus grand, qu'elles viennent à l'heure où l'observation des lois morales s'avère plus difficile, et que, par des arguments de fausse logique et de fausse science, elles se prêtent particulièrement bien à endormir les consciences.

Cependant, devant l'excès même du mal, une réaction se dessine vers le bien. De nombreux esprits sont inquiets et cherchent la lumière. C'est pourquoi, il convient de les éclairer entièrement, loyalement, avec un souci de vérité, d'objectivité scientifique, que les circonstances actuelles rendent plus nécessaires que jamais.

 

Léon Goedseels, début de La question sexuelle, in Intelligence et conduite de l'amour, Desclée de BRouwer, 1936

 

On peut relire, sur AlmaSoror et à propos de la licence sexuelle, cet extrait de Jean-Christophe, roman fleuve de Romain Rolland publié avant la première guerre mondiale ;

Un billet sur Sainte Cunégonde et la chasteté

mardi, 26 février 2013

Un nouveau message de Siobhan

AlmaSoror reçoit un nouveau message de sa correspondante dilettante Siobhan Hollow.

Le voici, accompagné d'une chanson de Natalie Merchant.

Intense année de créativité.

Merci aux bars et aux piliers de comptoirs pour leur chaleur et leur soutien.

Merci aussi aux journaux qui m’ont fait rire et aux bourgeois qui ont nourrit ma révolte. L’été s’en va bientôt.

Intense année de productivité.

Merci aux bibliothèques et aux églises qui m'ont fait prier, merci aux rebelles qui ont nourri ma bourgeoisie. L'hiver nous rassemble.

Je vous aime...

 

Siobhan Hollow

 

samedi, 24 mars 2012

L'amour et l'occident

 

Sara, L'amour et l'Occident, Denis de Rougemont

Sara nous propose trois photos et un fragment de L'amour et l'Occident, de Rougement.

Sara, L'amour et l'Occident, Denis de Rougemont
"Nul besoin d'avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d'avoir entendu l'opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l'empire nostalgique d'un tel mythe. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leur succès auprès des masses, dans les complaisances qu'ils réveillent au cœur des bourgeois, des poètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d'amours miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fièvre maligne ; partout où sa fatalité est appelée, invoquée, imaginée comme une belle désirable catastrophe, et non point comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l'amour est une destinée (c'était le philtre du Roman) ; qu'il fond sur l'homme impuissant et ravi pour le consumer d'un feu pur ; et qu'il est plus fort  et plus vrai que le bonheur, la société, la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se firent les prêtres et les inspirés."

L'amour et l'occident, Denis de Rougemont

 

Sara, L'amour et l'Occident, Denis de Rougemont

 

Voir l'exposition en ligne de la Bibliothèque Nationale de France sur les légendes arthuriennes, dont l'histoire de Tristan et Iseult est issue.

 

jeudi, 29 avril 2010

Hétérosapiens ? Amour, sexe, filiation et liberté

J’ai eu une discussion très vive hier avec plusieurs excellents amis qui sont venus me voir à l’hôpital. Nous parlâmes de ce nouveau mot étrange : homoparentalité.

 

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Amour, Sexe, Filiation & Liberté

 

J’ai eu une discussion très vive hier avec plusieurs excellents amis qui sont venus me voir à l’hôpital. Nous parlâmes de ce nouveau mot étrange : homoparentalité.

Mes amis Sauveur et Tatiana défendent quant à eux les « droits des gays », bien qu’ils ne sont pas concernés par cette « communauté ».

Mon amie Esther est intersexuée (je ne sais pas à quel point) ; elle a cependant un point de vue très traditionaliste, catholique et conservateur – je rappelle qu’intersexué est le mot moderne pour hermaphrodite.

Mon amie Hélène est lesbienne mais déteste toute forme de communautarisme et souhaite une société libérale, sociale, universaliste.

Ils ont poursuivi la dispute jusque tard dans la nuit à l’hôtel Saint-Sylvestre où ils étaient descendus. N’ayant pu participer, j’ai poursuivi ma réflexion seul et je voudrais partager mes interrogations ici.

 

Un mot de fortune sans grande fortune

 

Selon l’Association des Parents et Futurs Parents Gays et Lesbiens, l’homoparentalité englobe tous les types de situations dans lesquelles un des parents se dit homosexuel. C’est donc un mot qui ne concerne pas le type de filiation, mais la vie amoureuse des parents.

Si deux parents homosexuels ont eu un enfant ensemble, c’est de l’homoparentalité, bien que la filiation soit hétérosexuelle. Ce type d’homoparentalité est loin d’être nouveau : ce n’est que depuis quelques siècles qu’on tente de marier la vie amoureuse et le mariage. Ce qui est nouveau en revanche, c’est d’imaginer une filiation sans hétérosexualité.

 

Deux choses m’étonnent. La première, c’est de considérer la parentalité du point de vue de la sexualité et de la vie amoureuse des parents.

La seconde, c’est de penser que le fait d’être un parent qui mène une vie privée homosexuelle tranche plus avec la tradition que, par exemple, les familles recomposées, ou encore la famille nucléaire.

 

L’hétéroparentalité n’a rien à voir avec l’homosexualité

 

L’homoparentalité, selon ses promoteurs, c’est le fait d’être homosexuel et parent, quel que soit le type de filiation. Selon cette définition, la vie amoureuse des parents prime pour définir la parentalité plutôt que sur le type de filiation.  Or, en quoi la vie amoureuse des parents doit concerner la filiation ?

Et pourquoi ne s’en occuper que dans le cas de l’homoparentalité ? Si un parent couche avec deux partenaires à la fois, il est donc triosexuel. Doit on parler de trioparentalité ?

D’ailleurs, on parle depuis longtemps de monoparentalité : s’agit-il de la solitude du parent ou son asexualité ?

Que fait la sexualité dans la parentalité, quand elle ne fait plus les enfants ?

Je trouverais plus cohérent de parler d’homoparentalité quand la filiation est homoparentale (on escamote un parent biologique pour le remplacer par un parent du même sexe que le premier parent), et d’hétéroparentalité quand les parents sont un homme et une femme, même si ces deux parents vivent chacun en couple homosexuel. En effet, l’enfant a un père, une mère, l’arbre généalogique se fait de la même façon que pour ses ancêtres, dans la continuité. Qu’importent que les parents soient amoureux ou coparents ?

 

 

La famille recomposée et l’homofiliation : deux vraies ruptures.

 

Ce qu’on appelle la « famille recomposée » hétérosexuelle (le fait d’avoir des enfants avec plusieurs partenaires non simultanément) et l’escamotage paternel ou maternel (recours à une banque de sperme ou une mère porteuse) ont en commun de détruire la famille traditionnelle occidentale (un père, une mère et autant que possible des enfants tous de la mère fratrie, un arbre généalogique-type), tandis que l’homosexualité d’un ou des deux parents n’a aucune incidence sur la famille traditionnelle.

La famille recomposée brise beaucoup plus la filiation traditionnelle (fratrie unie, de même origine sociale, au même héritage) que le couple parental formel sans aucune vie amoureuse, où l’enfant est le centre, l’héritier (matériellement et moralement).

 

Consommation parentale et structure familiale

Si l’on définit la parentalité en fonction de la vie amoureuse parentale, on se base d’un point de vue du parent consommateur. Si l’on définit la parentalité du point de vue de la filiation, on se place du point de vue de la structure familiale, tournée vers l’enfant.

La structure familiale peut laisser libres les choix individuels. L’erreur n’est pas de privilégier une sexualité sur une autre, mais de mettre la vie amoureuse au centre du débat – au lieu de la structure familiale qui entoure l’enfant. Si l’on pouvait revenir à un mode de vie où le couple ne serait pas la structure fondamentale de la société, tant sur le plan économique que psychologique et social, l’homosexualité et tous les autres types de sexualité seraient possibles sans qu’ils interfèrent avec la construction d’une famille. En quoi un homosexuel peut se permettre d’escamoter une mère pour son enfant ? En quoi deux personnes sont obligées d’être amoureuses pour fonder une fratrie ?

 

Le couple tentaculaire

 

Ce n’est pas la vie amoureuse qui établissait traditionnellement la filiation, mais la reproduction hétérosexuelle monogame (deux humains de deux sexes différents avaient des enfants ensemble et si possible seulement ensemble).

On a heureusement détruit le modèle unique couple hétérosexuel. Mais pourquoi garder l’idée de couple ? Il semble que le couple s’est incrusté dans tous les cerveaux pour devenir la norme, qu’il soit hétérophile ou homophile. Le couple serait indispensable à une vie adulte heureuse, à l’éducation des enfants, au bon fonctionnement des entreprises. N’est-ce pas aberrant ? Qu’est-ce qu’un couple ? En quoi l’agglutinement financier, amoureux, sexuel et matériel de deux personnes en un foyer serait le fondement de notre société ?

 

Entériner tout ce qui se vit ?

 

L’Etat officialise. Que doit-il entériner ? La Vérité révélée ou la structure extérieure de la vie des gens ?

La deuxième solution, pour hypocrite et arbitraire qu’elle soit, est moins totalitaire…

Je reconnais que l’Etat commet une violence quand il refuse d’entériner une situation vécue (refus d’héritage entre homosexuels, par exemple). Mais selon moi il commet une violence aussi grosse quand il entérine toutes les situations vécues puisqu’il est alors omniprésent dans les moindres détails de la vie des gens.

Les mentions Féminin/Masculin, Célibataire/vie maritale/divorcé qu’on nous demande de cocher sur les papiers administratifs publics et privés sont des mentions totalitaires. La plupart du temps, elle ne servent à rien d’autre qu’à cerner le profil de l’individu pour mieux le surveiller.

 

Souffrance et quête d’acceptation sociale

Les couples homosexuels demandent une reconnaissance sociale, voire une approbation.

Mais si tout le monde la demandait ? Les célibataires ? Les traditionalistes catholiques, souvent tout autant malmenés que les homosexuels ? 
Les SadoMasochistes ? Les monosexuels ? Les colocataires élevant ensemble un enfant d'un copain mort ? Les végétariens ? Les mangeurs de viande crue ?

Ne vaudrait-il pas mieux lutter ensemble pour la libéralisation psychologique, affective et sexuelle plutôt que pour un entérinement par l’Etat de toutes les situations vécues ? Ne vaut-il pas mieux diminuer le contrôle social plutôt que de le resserrer ?

Quant au rejet dont certaines communautés sont victimes, il faut le condamner en tant que rejet d’êtres humains libres, non en tant que rejet d’un groupe qui pourrait être représenté en tant que tel dans des instances politiques. Car alors l’individu seul perd de sa valeur et doit se fondre dans un groupe donné pour la retrouver.

La vie sera toujours un combat individuel contre la dictature collective. Si la violence est contrôlable dans une certaine mesure, elle est inéluctable. Vouloir éliminer le problème de la violence sociale, c’est vouloir l’étatiser. On sait ce que ça donne… Les hôpitaux psychiatriques et les prisons deviennent obèses.

 

Axel Randers, 2006

dimanche, 17 janvier 2010

notes et bulles bleues

 

 

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Extrait du mail de Siobhan d’hier matin (reproduit avec son autorisation) :

(Siobhan H est notre deltaplaniste et tient la rubrique aérienne "vol libre)

“Je t’aime”

C’est l’expression qui est revenue ce matin échouer sur les bords de ma conscience le long de ce long vol sans but autre que celui de n’être pas sur terre. Le vent rebelle me donnait l'impression de piétiner dans le ciel. Ma cage m'oppressait et je voulais la lâcher. "Je t'aime". Ce mot me retenait.

Mais à qui parlais-je ? C’est la question qui me hante, maintenant que je suis redescendue et que je marche dans cette ville trop nordique pour être jamais joyeuse.

J’ai appelé Mickaël et Michel, mes deux archanges d’Amiens. Ils étaient justement ensemble au fond d’une brasserie, attablés devant une spécialité picarde et des bières belges.

Ils ont ri, blagué, toujours aussi bêtes, toujours aussi bons.
Mickaël m’a dit : tu parlais de Katharina.

J’ai raccroché rapidement. Je me suis demandée si c’était vrai le plus objectivement possible. En clair, où que je scrute ma conscience, je hais Katharina. Je la respecte, je l’admire, je la trouve belle - mais je la hais.

(...)

Et quand j’y repense je pleure presque, je hante la ville si triste (comme toutes les villes du Nord) où je ne sais même pas pourquoi j’habite, et je t’en veux de nous avoir rassemblées un jour au 13 boulevard du Montparnasse, pour une soirée qu’il fallait faire semblant de trouver sympathique et qui était à vomir. D’ailleurs, j’avais vomi dans la rue en rentrant chez moi”.

 

Siobhan

 

 

Je rappelle que la relation entre Siobh et Katharina a déjà ébranlé AlmaSoror... ICI.

Un ami lecteur avait alors posté ce commentaire éclairant : "Lontemps après le temps des déchirures, restent les morsures de l'incendie intégral. Comme une biographie à rebours et marquée dans la chair". Merci, toi qui signas Habitant d'Insomniapolis et qui fit partie de notre éphémère Club d'alors...

 

lundi, 04 janvier 2010

Le courage et l'amour

 

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« Il m’ont tout ôté, hors mon cœur, qui me restera toujours pour vous aimer ».



Marie-Antoinette

 

mardi, 24 novembre 2009

Rémy de Gourmont à propos du célibat II

 

 

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phot Sara

 

 

Après les premiers regards, les aveux plus ou moins déguisés, les légers contacts, les amants cherchent invinciblement à satisfaire le désir de mutuel plaisir qui crie en eux. Et le " terme de l'amour " est atteint. La nature n'en demande pas plus, et Don Juan non plus, qui lui obéit avec scrupule. Mais Don Juan est un peu borné. Cet homme, qui a mordu à tant de femmes, n'en a peut-être savouré aucune. Au fond, c'est un sot. Il a connu beaucoup de femmes, il n'a pas connu la femme, qui ne se donne jamais toute du premier coup. Figurez-vous un amateur de livres qui passerait en se promenant dans une bibliothèque, allongerait la main çà et là, ouvrirait, remettrait en place, continuerait son chemin en répétant toujours le même geste et qui aurait la prétention d'avoir lu, d'avoir rêvé, d'avoir médité ! C'est le Don Juan, amateur de femmes. Le Don Juanisme n'est qu'une suite de viols plus ou moins consentis. Ce n'est pas ainsi que se conduit l'amant. L'être qui lui donne du plaisir est aussi celui qui lui donne du bonheur et il sait que le bonheur ne s'épuise pas comme on vide un verre de vin. La femme qu'il a conquise, il veut en dépecer longuement l'âme et le corps, apprendre à lire dans ces yeux changeants, que le rêve clôt à demi et que la volupté agrandissait. On dirait parfois qu'elles marchent au supplice. La montée est douloureuse. Elles voient le sommet et l'atteignent rarement du premier vol. Il faut un peu d'habitude et que l'amant devine les caprices physiologiques de la chair et quels mots et quelles caresses l'âme et les nerfs attendent pour s'épanouir. Car le véritable amour n'est pas égoïste ou l'est tellement qu'il ne desserre l'étau que sur une proie broyée et ruisselante. Alors l'âme des femmes s'épanche comme une fontaine. Malheureusement le moment parfois leur semble propice pour s'égarer en confidences sur leur prochain chapeau. Ce sont les charmes de l'intimité. Niais on devine parfois aussi que ce système de bavardages n'est qu'une manière d'alibi. La femme a la pudeur de sa joie, puis elle ne trouve pas, comme l'homme, des mots pour chanter sa volupté, ou elle ne trouve pas les mêmes. " Mon chapeau sera très très joli " veut souvent dire : " Mon amour, je t'adore. " Il faut savoir cela.
 

Il arrive nécessairement, quand on est entré dans la forêt charnelle, qu'on repasse si souvent par les mêmes sentiers que les feuilles, les fleurs et les odeurs s'effacent, pâlissent, s'atténuent. On s'habitue aux épanchements, aux gestes, aux discours. Le cri que l'on prévoyait arrive toujours dans la même modulation, et un jour vient où d'un commun accord on espace les rendez-vous en attendant le jour où on les oublie. Puis, on se sourit sans étonnement et sans embarras, quand on se rencontre. C'est qu'on a déjà recommencé une autre partie au grand jeu de l'illusion. Et la vie passe. Mais je n'ai pas parlé des cas où l'un des amants s'est lassé plus tôt que l'autre. Ce sont probablement les plus fréquents. On n'est pas arrivé à obtenir le synchronisme de deux pendules. Comment pourrait-on l'exiger de deux cœurs ? Il y a là pour l'un des amants de petites ou grandes heures difficiles à passer. C'est une des rançons de l'amour. Aussi bien, on s'y attendait un peu. Les vrais amants n'aiment pas les tragédies. " Je ne sais compter que les heures aimables ", me disait une femme de beaucoup d'esprit et qui a le sens véritable de la vie.

 

Rémy de Gourmont

 

lundi, 23 novembre 2009

Terra libra

 

 

Sortie de bain.jpg
"Sortie de bain" - Peinture de Sara 

 

 

Je cherche une terra libra, je cherche ma terra libra 
 

Où vivre grande et forte et belle, plantée sous les étoiles du soir, plantée sur la terre au zénith, les bras tendus vers le ciel et les cheveux bardés de vent. 
 

Terra libra, tes rivages dorment au fond d’une mer inexplorée,
 

Et tes enfants croquent aux fruits des arbres, leurs jambes ruissellent de l’eau des sources et leurs yeux songent avec sérieux 
 

Terra libra, je te rejoins quelquefois. 

 

 

Ta musique fait peur et fait du bien, elle réveille toutes les images qui dormaient dans mon cœur, je laisse partir les maux de ma vie d’adulte, je laisse partir les mots de l’administration, les mots de la soumission, et je rejoins ta latitude splendide, d’où pleuvent des montagnes encore vierges.

 

 

Ta musique fait trembler et tes rythmes nous entraînent, nous sommes fascinés, emmenés dans ton monde ex mundo. 
 

Des joues amies se tendent pour être embrassées ; des mains s’approchent de mon visage et prennent mes mains ; des meutes de loups hurlent et courent à perdre haleine dans tes collines peuplées de forêts. Et nous plongeons dans tes lagons aux deux crépuscules du jour. Ta longitude s’allonge infiniment, tes cotes se déploient indéfiniment, tu es la terre des êtres libres, tu es la terre des rêves morts nés, ils ont trouvé refuge dans tes cheveux d’herbe folle, dans les bras de terre glaise, dans tes chemins de cendre et de galets. 

 

 

Et quelque fois il neige, quelque fois la neige te recouvre entièrement, Terra libra. Alors tu deviens blanche comme aux premiers temps du monde et tu purifies tes entrailles. Tu ressembles à une terre sainte, à un poisson géant étendu sur une mer de sel, le ventre au ciel crevé. Des guitares dans le ciel tintent, des flocons tombent, terra libra, je siffle sur tes routes et mes pas ne laissent aucune trace. 
 

 

Et quelques fois tes flûtes s’en mêlent et papillonnent un air de danse qui fait tomber des éclats de rire !

 

 

Tes enfances sont douces et elles sont éternelles. Elles font pleurer souvent, quand la chair des pommes est pourries ou qu’on rencontre une souris morte. Elles font rire quand les jeux se prolongent bien au-delà du jour, bien au-delà du temps, là où il n’y a plus de bornes à l’espace.
Et qu’ils sautillent, ces doux enfants, dans leurs habits de pourpre et de fumée ! Ils enjambent, ils tournent, ils dansent sans chercher à danser. Ils savent comment on prie sans prier. Ils ne connaissent pas les rivages pourris des quérulences et des sexualités. Ils n’ont que leurs jolis manteaux d’étonnement, leurs doux sourires d’hiver, leurs mains petites et malhabiles qui apprennent à créer. 
 

Tes enfances poussent et elles sont éternelles. 

 

 

Mais j’entends une voix. C’est sur terra libra qu’elle chante. Elle habille le paysage d’un chant qui conte le temps des temps qui n’en finit pas, le conte des contes, le matin des matins, l’ultime monde, celui qu’on cherche tous au fond de notre prison de larmes et de sueurs, ce monde du jour perdu, le jour parfait qui nous habite et nous traverse sans jamais nous dévorer, le jour où nous sommes enfin guéris de la douleur d’amour. 
 

Violons, accompagnez parfois la voix libre de Terra libra. C’est une voix de femme et les mains qui tiennent vos archers sont masculines. Mais seuls les enfants frôlent de leurs pieds parfaits le sol immaculé de Terra Libra. 

 

édith de CL 

 

 

mardi, 17 novembre 2009

L'amour en trois volets

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photo Sara

 

 

"le bonheur ne saurait se trouver qu'aux deux pôles des
relations humaines, - là où les mots n'existent pas encore et là où
ils n'existent plus - dans le regard et dans l'étreinte. Là seulement
se situent l'inconditionnel, la liberté, le mystère, l'élan
irrépressible"

Thomas Mann

 

 

 

Lutte contre le soliloque mental perpetuel

 

la vie intellectuelle polémique est comme une tentation du démon. Elle veut nous détourner de la bonne bouffe, des relations agréables avec les humains, les chats et les chiens qui nous entourent, des étoiles qui scintillent à l’écart des villes et de la construction d’une belle oeuvre suivie au long cours. Elle brandit de séduisants hameçons auxquels il est difficile de ne pas prendre et la plupart de ces hameçons sont pourvus de vers pêchés dans l’actualité. 
 

Ne plus penser, étouffer la profusion de mots afin que surgisse le silence. Les mots qui coulent dans la tête toute la journée, pollution mentale, nous tuent. Le mental est pollution, il devrait se taire la plupart du temps. 

 

II

noyade et délivrance

(écoutez  La voix vibrante de Loreena Mc Kennit)

 

L’homme écoutait sans cesse la voix de l’Irlandaise chanter “tango to Evora”. Il sombrait dans la folie de se noyer dans une voix inconnue et cela rappelait la bande dessinée pour les enfants, en deux volumes : Marion Duval et La voix d'Elisa Beauchant ; Athaque à Ithaque (un autre homme y sombre pour une autre voix).
 

La voix faisait taire tout ce qui parle et pense et laissait monter les sensations. la voix était sensation, et se fondre en elle, c’était retrouver le chemin de la petite enfance, l’époque de l’observation des fourmis loin des autres enfants, et surtout, loin des grands. Quand le temps et l’argent n’avaient pas encore mangé le rêve de la vie. 

 

III

L'amour, la fumée

 

...et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour. Nous voulons nous noyer dans un être plus beau et plus grand que les autres. Nous voulons oublier les détails qui tuent. Nous cherchons à broyer nos biles pour entrer dans la lumière, la belle lumière du monde incréé. 

... et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour : la fumée des premiers jours.

 

XY, alias José Vengeance Dos Guerreros

 

mardi, 10 novembre 2009

Rémy de Gourmont à propos du célibat

 

 

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phot Sara

 

On s'est efforcé, depuis une centaine d'années, d'identifier deux états qui n'ont pourtant que peu de rapports ensemble, l'état d'amour et l'état de mariage. C'est tout à fait nouveau dans l'histoire des mœurs. Les anciens n'y avaient jamais songé ; les modernes, non plus. Il a fallu, pour permettre une telle association d'idées, la renaissance chrétienne qui a caractérisé ce siècle fameux par ses incohérences. Cela permet de parodier quelque peu le dire de Pascal sur la justice et sur la force. Les moralistes, ne pouvant vaincre l'amour ni faire qu'il devînt chrétien, l'ont mis dans le mariage où ils étaient sûrs de le déshonorer et même de l'assassiner. Certes, il serait plus commode et peut-être plus agréable même de trouver l'amour dans le mariage plutôt que d'aller le chercher au hasard des chemins de la vie, mais s'il s'y rencontre quelquefois il n'y fait que de brèves stations pour laisser ensuite fort désemparés ceux qui se sont laissé prendre à un tel piège.

L'amour est passager et le mariage est permanent. Ce sentiment et cette institution sont à peu près contradictoires. D'ailleurs l'amour n'est délicieux que dans ses commencements, ou bien il faut avoir le génie d'aimer pour en renouveler constamment la ferveur. Des amants parfois prennent en eux cette volonté, ils reçoivent cette grâce, à force de la désirer, mais les époux, confiants dans leur sécurité, croient d'abord qu'elle est une des conséquences du mariage et sont fort étonnés de voir qu'elle leur échappe. Ils s'ennuient, l'un en face de l'autre, à regarder des yeux qui ne parlent plus, des bouches sans baisers. L'amour ne dure pas, il se renouvelle. Or, le mariage s'oppose à ce renouvellement. Donc l'amour et le mariage sont incompatibles.

Le mariage a d'autres buts et d'autres mérites.

 

Rémy de Gourmont

 

mercredi, 14 octobre 2009

Toutes mes histoires d'amour ratées

 

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podcast
musique : édith de CL
piano : Luke Gohst
photo : Sara

 

 

lundi, 10 août 2009

L’amitié

 

 

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Phot Sara


Pourquoi l’amitié est toujours reléguée derrière l’amour ?


Quelqu’un qui se met en couple, dans notre société, a tendance à faire imperceptiblement (ou parfois très perceptiblement) passer le partenaire de couple avant les autres personnes qui l’accompagnent. Cette hiérarchie des relations, mise en avant par le modèle social qui émerge du fouillis des médias, de la culture populaire, des publicités, ne me parait pas justifiée.
Le sentiment d’évidence encore une fois n’est souvent que le résultat d’une campagne idéologique.

En quoi une relation amoureuse impliquerait l’union quasipermanente, économique, sociale, amicale, des deux amants ?
En quoi fonder une famille ensemble impliquerait la désagrégation de deux vies personnelles au profit d’une fusion qui ne laisse pas la place aux projets personnels, aux grandes amitiés individuelles ?

Cette primauté du couple, qui n’a rien à voir avec la vie amoureuse, est une norme sociale étouffante qu’on met en avant. Elle n'a rien à voir avec la liberté ou l’amour. Et ne pas être en couple, au regard de beaucoup, est un manque à combler, la marque d’un échec. A l’instar de la publicité, l’opinion courante créée une pression en associant le couple avec la liberté et l’amour, l’individu célibataire avec la solitude et la frustration. Lorsqu’une personne est seule, il semble que tout l’entourage s’accorde à penser que c’est parce qu’elle n’a pas trouvé quelqu’un. Pourquoi un tel idéal de couple ?

Le couple économique et amoureux (un foyer, un lit double), censé mélanger, comme mon amie Mathilde Felix-Paganon me l’exprimait un jour, le sel de l’amour fou hollywoodien et le beurre de la PME fleurissante, trouve à mon avis sa source dans l’accomplissement du capitalisme.

Virginia Woolf décrit bien dans Orlando cette petite-bourgeoïsation de la société européenne, qui apparaît au XIXème siècle, avec le tourisme, les classes moyennes, la société industrielle et qui regroupe les gens par deux. Un foyer, deux adultes qui partagent le lit.
Ce n’est plus vraiment une alliance économique, car le rêve de l’amour fou est là. Ce n’est pas non plus une histoire d’amour libre, car des considérations économiques et sociales pèsent largement.
C’est donc une norme morale et sociale économicoaffective. Une norme qui atténue la libération de l’individu en lui accolant un partenaire sous peine de passer pour un échec. Une norme qui atténue la vie collective parce qu’elle relègue les enfants et surtout les vieux sur un plan second (les premiers doivent quitter le nid familial dès que possible pour fonder leur couple si possible, se démerder tous seuls sinon, les seconds ne sont pas invités à vieillir chez leurs enfants mais doivent partir en maison de retraite).


Les publicités des banques, des assurances, des marques mettent en scène des couples amoureux.
Les publicités gays le font aussi. La militance homosexuelle s’attarde beaucoup à mettre en valeur le couple et contribue à imposer cette domination de l’assemblage binaire (économique, affectif, social) des gens.
Il semble que l’imagerie générale s’est mise au pas du ménage type Insee. Et si l’on remet beaucoup en cause l’hétérosexualité du couple, on évoque rarement la possibilité de créer d’autres formes d’alliance, de familles et de modes de vie que celles fondée sur le couple.

Pourtant… Sur les rives de l’amitié il y aurait tant d’aventures à vivre.

L’amitié est plus libre car elle n’est pas prise d’assaut par la publicité. Elle ne figure pas en première place du kit que toute personne ayant réussi socialement doit être en mesure de brandir.

L’amitié est belle aussi parce qu’elle peut s’insérer dans les relations familiales et amoureuses. Il y a de belles amitiés entre mère et fils, entre frère et frère, entre amants.
Un ami, c’est une histoire d’amour et de fraternité
Pourquoi ne pourrait-on pas adopter un enfant avec un ami ?
Se pacser avec un ami pour le faire hériter ?

Je ne vais pas commencer à demander de légiférer l’amitié (prônant, par exemple, l’amicoparentalité, le mariage amical…), parce que justement toute la beauté de l’amitié réside dans le fait que l’administration et les médias de masse ne l’ont pas encore découpée, mesurée, asservie.
Je voulais juste mettre en scène le fait que nous sommes beaucoup moins libres que nous pourrions l’être, quand nous correspondons à l’image du bonheur tel que l’imagerie de la société nous la renvoie. Un bonheur deux par deux, clos. Un bonheur par paire, qui nous cache toutes les magnifiques histoires d’amitié, les partages, les inventions que nous pourrions créer si nous étions libres, des histoires qui mélangeraient nos familles, nos amants, nos amis.