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Rechercher : lumière

A travers Paris

 


Dans ma ville imaginaire des fauteuils de velours sont posés au bord des autoroutes. La fontaine de whisky clapote gentiment derrière nous. Edith Morning est assise à côté de moi et nous parlons anglais. Quelques drag queens fument de longues cigarettes dans des pantalons serrés, leurs rouge à lèvre fait un cercle de rouge sur le papier blanc des cigarettes et partout dans la ville de grandes croix magnifiques dominent le paysage et nous rappellent qu’Il est ressuscité. 
 

Quelques cathédrales antiques ont subsisté et gardent leur dignité au milieu des hautes tours. La voix d’Arthur Rimbaud et sa chanson de la plus haute tour me rappellent mon père et ma jeunesse perdue. Un immense hôpital psychiatrique se dresse loin derrière l’autoroute, et clignote de lumières vertes et bleues et rouges, si artificielles. Les étoiles sont trop haut pour qu’on les voie, mais on les imagine.
 

Au milieu de la mégalopole un grand champ inviolé réinvente le silence : c’est le retour du pu’uhonue
 

Les gens prient. Ils fument, boivent, s’embrassent et prient, l’administration est laissée à l’abandon.
 

Personne ne fait l’amour sans allumer des lumières étranges qui donnent aux corps un velouté, sans boire des ambroisies qui donnent aux voix un velouté… Les voitures glissent sans cesse dans le frénétique agencement des routes et les piétons escaladent de grands escaliers sous la pluie, certains escaliers sont si hauts qu’ils surplombent la ville. 
 

Un homme qui marche récite une prière mélangée : je m’adresse à vous, mon Dieu, car vous donnez ce que l’on ne peut obtenir que de soi. 
 

Aux derniers étages de certaines tours des voyants lisent l’avenir et le mélangent au passé, pour réconcilier leurs patients avec l’instant qui passe et qui trépasse sans cesse mais malgré tout demeure. Feuilles, plantes, cactus géants se mêlent au mobilier urbain. La ville est esthétique. Sois belle et tais-toi, lui disons-nous impétueusement. Elle est belle, et elle hurle. 
 

La ville abrite plusieurs forêts qui s’enchevêtrent et possèdent des étangs. Ces forêts sont aussi dangereuses que celles faites de béton et de macadam. Les forêts naturelles, jungle de terre et de végétaux, luxuriantes dégoulinades de plantes et de bêtes, sont des lieux de cruauté, de brutalité, de survie et de mort. Les forêts urbaines, jungles d’asphalte et de réverbères, longs corridors saccadés de métal et de goudron, sont des lieux de cruauté, de sophistication, de vie et de dépérissement. La ville et ses forêts naturelles s’épousent et un océan vient les noyer à l’Ouest. 
 

Un sacré cœur pend au toit d’une maison, car un homme devenu femme pour prendre les armes féministes y lit les mémoires de Renée Bordereau, sa sœur d’une autre guerre, d’un autre temps. 
 

Nos cœurs sont des ports. Mais ils n’ont pas d’amarres. Les bateaux ne peuvent que les narguer. 
 

Dans ma ville imaginaire des fauteuils en velours sont posés au bord des routes. à une fontaine de whiskey je nous ressers deux verres. Edith Morning est assise à côté de moi et nous nous taisons en anglais. 
 

Esther Mar, mercredi 12 mars 2008, avant le crépuscule.
 

 

 

 

 

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samedi, 25 juillet 2009 | Lien permanent

Sables d'Eau lonesome cowboy

Sables d'Olonne

 

Je te parlerai donc des Sables d'Olonne, une ville banale, dont la lumière est étrange, blanche, poussiéreuse, enivrante, où les serments intérieurs se prononcent au banc secret de Cayola.

Sables d'Olonne

 C'est la ville de la joie et de la douleur pour une fratrie que je connais et qui célébra, en l'église de Notre-Dame de Bon Port, la messe de requiem d'un frère de quatorze ans emporté par une leucémie, celle d'une sœur de dix-neuf ans trouvée pendue à un arbre.

 C'est la ville où j'ai couru sur le remblai qui semblait immense à quatre, cinq, six ans. Vingt ans plus tard, quand j'y suis retournée, tout m'a paru si petit. J'ai compris alors à quel point les regards d'enfants sont généreux.

Sables d'Olonne

 C'est la ville où j'ai décidé de m'exiler, quand partout où je me tournais le paradoxe me faisait face, tirant sa langue cruelle.

J'y suis partie en quête de moi-même, et je ne m'y suis pas trouvée. Je dois être (si j'existe vraiment) bien cachée. J'y ai rencontré en revanche le silence et la solitude, et je les ai apprivoisés. Désormais, ils ne me font plus peur. Ils peuvent venir s'asseoir à côté de moi, m'entourer de leurs bras, étendre leurs ailes sur mon périmètre et même pénétrer comme le vent à l'intérieur de mon corps, de mon cœur, de mon âme : ils ne me dérangent plus.

Sables d'Olonne

 Comme toute la côte vendéenne, qui était si belle antan, la ville des Sables d'Olonne achève de troquer ses murets de pierre contre des parapets de béton, ses dunes et ses landes contre des immeubles qui rivalisent de laideur, ses jolis casinos qui ressemblaient à des chalets contre des CENTRE DE CONGRES sans accent grave, dans la lumière nocturne desquels, parfois, depuis la piscine d'en face, on croit apercevoir un congre exilé qui nage, désolé, à travers les colonnes plastifiées de son palais triste.

Mais la piscine fume esthétiquement sa chaleur artificielle, figée au pied d'un bar entre la plage et la promenade, appréciant les nageurs courageux qui la parcourent et les buveurs langoureux qui la contemplent. Elle a de la chance, car aucun toit ne la sépare de la lune.

Sables d'Olonne

 Les jours d'été, tous ces bateaux blancs et ces jolis noms de rue ont émerveillé des générations de « congés payés », comme les Sablais les appelaient.

Mais les soirs d'hiver, la ville s'éteint tôt. Le vent souffle. Les bateaux n'osent plus rentrer par le chenal traitre. Au fond du studio, allongée sur son lit dans le noir, une rêveuse en apnée envoie des textos mystérieux en écoutant les hurlements des mouettes.

Sables d'Olonne

 

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mardi, 30 avril 2013 | Lien permanent

L'air nécessaire pour commencer à vivre

Notre société est organisée savamment en vue de te faire sentir que tu as raté (sur le plus grand nombre de domaines possibles : familial, diplôme, catégorie socio-professionnelle ; finances).

Tu as raté pour deux raisons paradoxales.

D'un côté, tu as « raté » parce que tu ne te distingues pas : rien ne te distingue de la masse obscure et informe.

De l'autre côté, tu as « raté » parce que tu ne te conformes pas : tu n'as rien coché des cases familiale, professionnelle, financière et académique de base, nécessaires à obtenir non pas la considération mais le simple droit au respect.

La première des résistances est de ne pas souscrire à cette conclusion, ni pour toi-même, ni pour les autres. De te rendre compte que si tu en viens, à ton propos ou à celui d'un autre, à de telles considérations, c'est que tu es au sommet d'un échafaudage intellectuel ni fait ni à faire, à partir duquel tu ne pourras bâtir qu'un Sam Suffit de béton qui ne passera pas le temps et ne remplira même pas son office d'abri.

Ce paradoxe de conformisme et de distinction, c'est le lieu même de l'imposture. Face à l'imposteur, tu as raté, car il feint d'avoir matérialisé son bonheur conforme et sa brillance particulière : ton décalage et ton insignifiance éclatent au grand jour et tu as honte.

Face à l'imposture parfaite, tu as honte de ton authenticité imparfaite.

Ce n'est pas quand les critères de conformité et de distinction de la société sont enfin atteints, que la liberté intérieure et la puissance personnelle se déploient ; mais au contraire, elles commencent à pouvoir naître là où ces critères n'ont pas cours et n'existent pas.

Là où ne soufflent pas les vents miasmatiques de la conformité et de la distinction, liberté et puissance peuvent sortir leurs premières tiges.

Dans ce lieu pur, il n'y a pas de rivalité, car la petitesse et la grandeur sont comme la marguerite qui éclot et le soleil qui brille : deux miracles qui se reconnaissent et qui s'aiment.

 

Unité, poème de Victor Hugo :

Par-dessus l'horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l'heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d'un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l'avoine folle,
Blanche épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l'éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
«Et, moi, j'ai des rayons aussi !» lui disait-elle.

 

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mardi, 05 janvier 2016 | Lien permanent | Commentaires (2)

Les silhouettes des fermes isolées

Écrire sans inspiration, sans envie, pour la simple raison qu’il y a des décennies l’enfant qu’on n’est plus a décidé d’écrire. Raconter n’importe quoi, comme cette mâchoire bloquée depuis quelques semaines. Une mâchoire qui se bloque le soir, demeure crispée toute la nuit, puis ne se desserre plus pendant les premières heures du jour. Je n’ai pas souvenir du premier jour de cette crispation qui empire.

 

Mâchoire serrée sur la route nocturne en Bourgogne. Le bitume dans la lumière des phares, les arbres le long de la route, les silhouettes des fermes isolées. Mon esprit liquide se coule dans la route, seules les mâchoires ne se coulent pas. Je me souviens d’autres routes, dans d’autres coins de France.

 

Mâchoire bloquée dans l’aube bleue des confins du Berry et de la Sologne, alors que tous les autres dorment. L’association vivra son assemblée générale tout à l’heure, pour l’heure, yeux clos, portes closes, rideaux tirés, persiennes fermées. La grande salle du petit-déjeuner n’est pas encore ouverte, j’ai faim, je contemple les armées de nuages qui passent au loin. Au-dessus des fils électriques, les passereaux dansent un ballet alors que les paquets de brume sombre ne se sont pas encore dissipés dans la lumière naissante.

Mâchoire contrainte dans cette petite gare perdue qui voit passer ses derniers trains. Bientôt, elle deviendra désaffectée, repère d’un maillage effacé par la rentabilité, repaire de fêtards lobotomisés par le tempo binaire des musiques abrutissantes, sur les bords des rails traîneront les restes de poudre de rails sniffés par les bienheureux temporaires. Le train s’arrête, trois passagers épars enjambent le marchepied, bientôt ce voyage là se fera en voiture, ou ne se fera plus.

 

Mâchoire fermée dans l’espace de méditation au fond de la banlieue mi-chic, mi-pauvre, sous la voix calme et monocorde du maître récemment converti mon corps se détend, sauf mes mâchoires qui ne se détachent pas l’une de l’autre. Que m’arrive-t-il ? Ce n’est pas grave. Personne ne le voit. Je fais illusion à tous, sauf à moi. L’éclat de mes yeux détourne l’attention, personne ne remarque l’étendue du blocage des joues. J’inspire, j’expire, doigts de yogi sur mes genoux, je repense à ma chienne qui savait courir comme une folle à la moindre occasion.

Où suis-je, à cet instant ? J’ouvre à peine les yeux. À la campagne, ou en pleine ville, je ne le sais pas encore. Des lectures anciennes, des odeurs nouvelles, un matin particulier au milieu d’une vie.

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samedi, 26 novembre 2016 | Lien permanent | Commentaires (3)

Sagesse des vélos de nuit

Il est dix heures et le bleu nuit vire au noir ; l'air est frais ce soir des premiers jours de mai. La sortie du métro Robespierre (ce doux agneau) m'offre un vent si doux que je voudrais le caresser. Mais c'est lui qui me caresse et me pousse à prolonger mes pas au-delà de l'immeuble qui m'appelle ; là où, depuis une loggia de béton, des adolescents fument et rient et partagent des rêves qui leur paraîtront brume demain. Mais demain n'est pas là ; c'est ce soir qui s'étire et qui chante un air presque tendre. Mon cœur sourit. Tout à l'heure, le sourire du frère appuyé contre la fenêtre a effacé la zizanie des compères hirsutes. Je marche alors que la ville de Montreuil-sous-bois (quel bois ?) s'enfonce dans la nuit. Les réverbères diffusent cette lumière orange que nos enfants peut-être ne connaîtront plus : la nuit des années 1980, la nuit des années 2000, cette nuit orange qui accompagne nos peurs urbaines et nos joies festives. Je tourne et opère un détour pour entrer par l'autre chemin, celui que je n'ai jamais pris. Je croise des grilles étranges qui nous séparent des parias, apartheid des villes françaises modernes, et je me glisse sous des colonnades de porches carrés comme des maisons dessinées par des enfants. Et c'est amusant comme il ressemble à l'enfant sage, ce vélo posé là qui attend je ne sais quoi dans une solitude à moitié réelle. Je m'immisce soudain au fond de son âme et j'expérimente la sagesse des vélos de nuit.

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lundi, 05 mai 2014 | Lien permanent

Écoute la mer, écoute la terre

Quel est cet être qui m'obombre, dans la clarté voilée de ce jour en apparence banal ? La subtilité d'une présence inconnue m'enjoint de poser la question du début du monde, celle que je porte en moi sans la comprendre.

Comme l'explique un homme, né au ciel en l'an 1995, ce sont les institutions, le pouvoir politique et le pouvoir religieux, ces éternels complices, qui ont condamné le Christ à une mort infamante, au nom du peuple comme le veut la formule consacrée.

C'est pourquoi lorsque surgit l'irréelle lumière de la vérité, l'évangile qui s'impose est celui des hérétiques :

 

Extrait de l'évangile Cathare du Pseudo-Jean V, 4, conservé au monastère de Las Huelgas :

Audi pontus, audi tellus,
audi maris, magni limbus,
audi homo, audi omne
quod vivit sub sole:
prope est, veniet.
Ecce iam dies est,
dies illa,
dies amara
que celum fugiet,
sol erubescet,
luna fugabitur,
sidera super terram cadent.

Heu miser!,
heu miser!,
heu! cur, homo, ineptam
sequeris leticiam?

 

Écoute la mer, écoute la terre,
écoute la surface du grand océan,
écoute l'homme qui écoute tout
ce qui vit sous le soleil :
Il est proche, il viendra.
Et voilà que vient le jour,
ce jour-là,
jour détestable,
jour amer
où le ciel s'enfuira,
le soleil deviendra rouge,
la lune choisira la fuite,
les astres tomberont sur terre.

Ah ! Malheureux,
ah ! malheureux homme,
ah, Homme
pourquoi recherches-tu la joie inepte ?

APOCALYPSE, VI, 12 - AUDI PONTUS (XIIe s.)

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vendredi, 20 juin 2014 | Lien permanent

Stamboul

tovaritch

(Istanbul, musique de Cantemir par Jordi Savall ; photo de Tovaritch par Sara, années 1970)

Je t'imagine heureuse dans cette ville ottomane, buvant les sensations, les images, les textures, les visages qui s'offrent à toi. Avec, peut-être, cette sensation de liberté que les villes étrangères savent donner quand elles ne font pas trop peur. Ton visage a un grand pouvoir sur moi, il me suffit de l'imaginer pour que mon souffle devienne plus charnel, plus concret, plus présent. Tu ne ressembles à personne et c'est pour cela que j'ai déjà l'impression de t'avoir croisée quelque part. Ou peut-être que tu rassembles plusieurs visages d'une vie oubliée et que c'est ce qui me donne l'idée que tu ne ressembles à aucun être déjà connu. Dans les pans de ville étranges où j'ai marché près de toi, dans les morceaux d'appartement où j'ai cotoyé ton coeur, j'ai su que nous étions étrangères. C'est là qu'intervient la rencontre, ce pont que l'on franchit pour toucher l'inconnue. Deux matières, deux textures, deux lumières ; une aquarelle et une peinture à l'huile ; la pierre blanche et la pierre grise ; le froid bleu et le froid blanc ; le chaud orange et le chaud rouge. La voix qui verse, la voix qui tonne. Le sourire qui invite, le sourire qui dévoile. Le rire qui retient, le rire qui répand. L'aveu trop court, l'aveu trop long. Comment faire rimer ces deux chansons ? Ne rien faire, elles vont rimer sans qu'on les guide, elles se cherchent et se trouvent au milieu du refrain, elles s'interrogent et se répondent, elles se sondent et se palpent entre deux instants perdus, elles s'invitent, se nouent et se dénouent, sans souci, dans la fraîcheur d'un été qui se veut inédit.

Qui es-tu ? Chut... Le temps dira quel est ton nom dans mon coeur.

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jeudi, 13 juin 2013 | Lien permanent

L'amour ignoré

 

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Tu m’aimais et tu ne partais jamais. Tu étais pour moi une entité si présente, et cette présence était si évidente que je ne pensais pas un jour manquer de toi. Tu étais comme l’arbre sur le chemin de tous les jours, qui salue et abrite et dont on ne sait pas qu’il attend notre passage. Tu étais l’évidence et ton absence seule m’a révélé l’importance de ton être, la grandeur de ton aide, l’immensité de ton amour. Combien sommes-nous à ignorer ceux qui nous portent ? Combien de nous croient qu’ils marchent seuls, qu’ils tiennent par leurs propres muscles debout quand c’est l’attention constante d’un protecteur qui nous fait tenir ?
Hélas, les plus aimants ne savent pas se vanter de leur amour, et les plus aimés méprisent cette nourriture qui leur parait fade parce qu’ils n’en ont jamais manqué. Aussi, quand la solitude nous trouve désespérés à l’aube nouvelle, quand le soutien n’est plus, alors seulement la connaissance de cet amour jamais rendu frappe les cordes de notre cœur comme un remord. Au remord destructeur s’allie le regret assassin de n’avoir pas aimé la personne qui nous aimait, de n’avoir pas compris que l’amour n’est pas la grande lumière pailletée qui attire les mouches mais le regard discret qui prie et aide sans rien dire.

Cœurs aimants, vous souffrez et vous portez le monde.

Cœurs aimés, à l’ingratitude insouciante de votre jeunesse suit la douleur amère des solitudes imprévues.

Et pourtant tout est dit dans la chanson de Solweig, dans le mépris de Peer et dans la musique éternelle des villes et du monde.

 

Edith de CL

 

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mercredi, 21 décembre 2011 | Lien permanent | Commentaires (2)

Le bel ange du mal

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L'actrice Marisa Paredes

(un billet d'Esther Mar)

 

Le bel ange du mal

Est venu dans la nuit.

Le bel ange animal

Pour endormir l’ennui.

 

La ténèbre soudain

S’éclaira et je vis

Tout orné de dédain

De bijoux et d’envies

 

Le bel ange du mal

Tout près de la fenêtre,

D’un encens de santal

Faire fuir le salpêtre

 

Et avec un sourire

De ceux qui font pleurer

Les pires et leurs sbires,

Et tous les mal-aimés,

 

Venir à pas profonds

Vers tous mes oreillers,

M’enseigner les bas-fonds

De l’amour sans collier,

 

Celui qu’on n’ose pas

Avant d’avoir goûté

Aux mille et un appâts

Du sexe frelaté.

 

 

Le bel ange du mal

Est venu dans ma vie

Par un soir septembral

Sans que je le convie,

 

La nuit en un instant

S’alluma et je sus

Que du désir latent,

Cette immonde sangsue,

 

Venait la délivrance,

Et aujourd’hui déchue,

En mon corps et conscience,

Je ne suis pas déçue.

 

Car dans ces roulements

De draps, et ces tornades

Chaudes, dans ces relents

De pluies et de saccades,

 

Dans ces cris sépulcraux,

Si loin de la vertu

Sous les doigts et les crocs

De l’ange dévêtu,

 

A la lumière orange

Des bougies et des flammes

Un peu comme on se venge,

J’ai liquidé mon âme.

 

Esther Mar

 

 

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jeudi, 12 août 2010 | Lien permanent

Mourir au bout du chemin

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N’est-il pas étonnant de lire que Théophane Vénard, Charles de Foucauld, Christian de Chergé avaient choisi leur mort ? Ils l’avaient prévue, ils l’avaient envisagée.

Théophane Vénard jouait au martyre avec sa sœur. Il souhaitait mourir en martyre en Asie. Il fut décapité au Tonkin.

Charles de Foucauld voulait être assassiné. Il le fut. Christian de Chergé, de par son amitié tragique avec Mohamed, avait aussi eu l’intuition d’une mort violente, offerte à l’Algérie.

Et moi, quelle mort je voudrais ? Une mort silencieuse sous un soleil d’or, dans une nature oubliée.

Sur un mont d’oliviers, peut-être. En tout cas sur un monts où les arbres fruitiers vivent librement, espacés les uns des autres. Au soleil, dans la lumière du soir, vers sept heures, comme je suis née. Dans un nature isolée, comme une bête éloignée du troupeau. Marcher et savoir que j’ai tout accompli, que l’œuvre se continuera sur la terre. Sentir que je défaille, m’agenouiller en prière et mourir ainsi, en paix avec ce qui fut. Il fait très chaud. Là bas, les cloches de la petite église sonnent l’angélus. On me retrouvera à l’aube, la croix de mes trente ans autour du cou, le passage d’évangile pour ma messe d’enterrement dans ma poche, morte en prière et en paix.

Et ceux que je laisserai derrière moi verseront de douces larmes et sentiront que monte en eux la Joie. Et ils accepteront de rire dans leur cœur. Et ils diront adieu comme on dit au revoir.

 

E CL

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lundi, 07 juin 2010 | Lien permanent

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