vendredi, 18 octobre 2013
mille et une grues
Sur le blog 1000 grues aujourd'hui ou hier, cette photo de Mavra :
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jeudi, 19 septembre 2013
Alcool, liberté, littérature
« Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ».
Étienne de La Boétie
« Dans chaque Français, il y a un Robespierre. Il faut toujours qu'il décapite quelqu'un ou quelque chose, afin de le rendre pur ».
Romain Rolland
« Aujourd'hui, la réalité est absurde, aussi horrible, aussi impénétrable que nos rêves. Et face à elle, nous sommes sans défense, comme dans nos cauchemars... ».
Ingmar Bergman
Ah ! ah ! ah, compagnon des mauvais jours d'avant ! Tu vois un coach pour projeter une image de puissance professionnelle et intellectuelle, de détente, d'amour et de liberté.
Tu es beau, quoi qu'il arrive.
Tu marches, avec la classe des hommes qui défient les hérauts du maL, sur les pages de nos bandes dessinées. Oui.
J'ai voulu définir une ligne éditoriale pour mon profil bas : alcool, liberté, littérature.
Du hard metal dans ta voiture, un frère en marche vers son destin. L'amour est muet, l'âme incapable ; tu ignorais être tant aimé.
Du grégorien dans l'abbaye et la mémoire d'un habit de toi qui traîne encore ici dans la voiture de papa.
Cilices des retrouvailles dans un train il y a presque dix ans, les mots nous trompent et les silences nous laissent absents.
L’autoroute glacial, de métal, s’étend et se déploie. L’asphalte est fraîche comme un grand verre de citron glacé à la vodka. Ne chuchote plus rien, souvenons-nous que la vie est un instant entre deux nuits.
Boulevard de la mer, la route abandonnée, une histoire romantique, heureuse, intéressante, dramatique avec de grands moments de paix et de vastitude.
Mon histoire finit dans un mélange de soleil et de vent, sur une colline. Beauté de la nature sauvage et silencieuse, souvenir de la ville et de la musique.
Crin Blanc et Sir Jerry dansent dans ma mémoire, peuplent les hauts-fonds de mon corps.
Je cours en liberté.
Je dénoue des intrigues.
L'histoire d'un homme et d'un chien qui marchent, heureux, dans le Poème. Ils sont sur la route. Une maison les attend.
(Rêve : une conversation située entre le réel et l'onirique avec des gens mélangés que je connais et que j'invente. A la fin du rêve : je me sens un peu étonnée, contente que ce soit fini. Toi tu dors, tu dors tellement).
La lampe, près du repas qui nous attendra : jolie, grise et élégante, mystérieuse, un tout petit peu trop lumineuse, bien habillée avec son abat-jour, belles anses, long cou de girafe, discrétion surannée.
Edith, un dernier soir d'août ou un premier soir de septembre d'une année quelconque
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mardi, 27 août 2013
Alerte monomanie : une des photographes d'AlmaSoror atteinte de gruélité
AlmaSoror, sans être un asile reconnu par l’ONU, accueille pas mal de fous, comme vous l'aurez remarqué. D'ailleurs, si vous lisez ceci, c'est que vous l'êtes un peu, ou tout au moins vaguement fêlé aux encoignures du ciboulot. Un expert, qui a analysé notre blog récemment, a diagnostiqué que la seule personne entièrement normale gravitant autour de ce blog, c'est votre servante. Hormis moi, tous, lecteurs, collaborateurs, visiteurs occasionnels, dépanneurs sympathiques, auraient une ou deux cybernévrose(s) sur le feu sacré. Quoi que j'en pense, ce n'est pas dans mon genre de contredire un expert.
L'une de nos auteurs - la photographe Mavra Nicolaïevna Novogrochneïev -, a développé récemment une pathologie qui ne laissera pas de soulever des débats entre les spécialistes les plus chevronnés de l'âme humaine. Notre tendre amie s'est prise de passion pour les grues (l'objet, pas l'oiseau), et ne peut en voir une sans sortir immédiatement son appareil-photo numérique, ou à défaut son téléphone. Lorsqu'elle n'aperçoit pas de grue au cours d'une promenade, une sorte de douleur lancinante s'installe au fond de son esprit. Alors elle prononce, en son for intérieur, le mot : "grue", plusieurs fois, comme un mantra. Peu à peu, le calme revient.
Le résultat de cet étrange mal ? Un blog, qui s'intitule joliment 1000 grues, et se sous-titule Belles grues des rues.
Si vous sentez au fond de vous-même que, vous aussi, vous êtes atteint par la gruélité, foncez à cette adresse, et rendez-vous y souvent. Jour après jour, grue après grue, vous irez de mieux en mieux.
La page de Mavra sur AlmaSoror
Le blog 1000 grues, belles grues des rues
(L'illustration sonore de ce billet, Still water, de Yellow 6 alias Jon Attwood, a été choisie pour appuyer l'impression monomaniaque).
Légende : Mavra en compagnie de Sara, à l'époque où la gruélité n'était pas formellement diagnostiquée.
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lundi, 15 juillet 2013
instant banal à Ouaga : le taxi, la radio, la rue
Merci à Mavra d'avoir filmé un peu de Ouagadougou entre deux conférences.
A propos du Pays des hommes intègres, ou Burkina Faso, AlmaSoror vous avait déjà proposé quelques textes de (ou sur) l'historien Joseph Ki-Zerbo :
Ouverture de l'Histoire de l'Afrique noire
Où vont les âmes des esclaves ?
Voilà maintenant un extrait du libérateur du pays, le grand Thomas Sankara. Celui qui voulait susciter l'homme de la liberté contre l'homme du destin :
La mobilisation pour la défense populaire verra les femmes. Et nos femmes coquettement drapées de leurs beaux uniformes, et redoutablement équipées de leurs armements n’expriment rien de moins non plus que cette synthèse heureuse dont la RDP et sa politique de bon voisinage ont le secret. Il s’agit de la rencontre de Venus et de Mars, oui cette tendresse d’amour, de pacifique et conciliante mère, fille ou amante conseillera toujours la paix et la concorde entre les peuples. Mais si quelque oligarchie décadente ou acculée par les masses populaires en révolte, nous provoquait, nous, eh bien, notre vigilance ne sera pas prise en défaut. Car nos femmes d’abord, les autres ensuite ce serait une levée en masse de tout un peuple ; deux années de Révolution ayant rendu possible au Burkina Faso l’heureuse et permanente alliance des professionnels des armes du peuple des profondeurs conduites par les amazones des temps modernes qui tout à l’heure descendront le boulevard de l’indépendance, guerrières au doux sourire, et grâces séduisantes de furieuses résolutions.
Thomas Sankara, 4 août 1985
(En France, le nationalisme est aujourd'hui diabolisé. Se dire nationaliste, c'est s'exposer à être comparé aux plus grands criminels de guerre. Est-ce le signe qu'il est prêt à redevenir à la mode ?)
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samedi, 27 avril 2013
Nimbée de rhum
T'ai-je jamais aimé ? Tu m'intriguais. Tu passais, de loin, sur l'espace vide des lieux communs. Ton visage s'affinait sous mon regard nimbé de rhum et tu chantais. Je n'entendais ni l'air, ni les mots ; je fredonnais pour t'imiter, pour que tu tendes ton sourire vers moi. Mes mains te cherchaient dans le vide.
Et le temps a passé. Des immeubles furent érigés au lieu de nos promenades. La fontaine a été emportée par les employés municipaux. L'image que j'ai gardée de toi flotte comme un rêve autour de moi, dans les après-midi de printemps, quand les rues de la ville, peuplée d'une foule bigarrée et joyeuse, me voient marcher seule. À travers les chagrins du passé et les traces du présent, je déambule en me remémorant ta démarche, mon admiration, nos rencontres insatisfaites.
M'as-tu jamais remarquée ? Tu m'intriguais. Je restais, au loin, sous la ligne bleue des Vosges imaginaires. J'apprenais à aimer la chimère qu'on n'étreint pas ; j'édifiais mon amour avec des lettres de transparence. Peut-être qu'au fond je saisissais que dans cette inconscience du temps perdu, je vivais mes meilleurs moments.
Et le temps a recouvert cette histoire qui n'a pas été vécue. Je me demande quelquefois si j'ai vécu. Alors j'évoque ton visage et mon cœur bat encore.
Edith de C-Lucinière, 21 avril 2013, vers 19h50
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mardi, 19 février 2013
Pavillon sans quartier
A six heures du soir, les bateaux rentrent au port de Ker Bleizh. Les matelots déchargent des caisses de poissons, de fruits de mer, de coquillages. La sueur coule de leurs bras musclés ; les jurons coulent de leurs bouches séchées par la mer. Les gamins de Ker Bleizh flânent le long des quais pour écouter les histoires de marins.
Après l'école, Trémeur se promène dans l’agitation du port. Il aperçoit un bateau si vieux qu’il donne l’impression d’être très fatigué. C’est une brigantine en bois. Comment des gens osent-ils traverser les mers sur un si vieux bateau ? Se demande-t-il en contemplant cette bicoque.
Un vieillard apparaît sur le pont de la brigantine. Il hume l’air du port et descend la passerelle en bois pourri.
A peine a-t-il posé ses pieds sur le sol, qu'il chancelle.
- Sacrebleu, scrogneugneu ! Crie-t-il.
Il penche d’un côté, balance une jambe, s’accroche aux poteaux et aux poubelles, comme s’il y avait un tremblement de terre. Il pousse la porte du bar du Korrigan et disparaît à l’intérieur. La porte se referme en grinçant.
Le bar du « Korrigan » ? C’est le bar des filous des mers, des hors-la-loi, des assassins. A Ker-Bleizh, chacun répète : « Si vous voulez mourir, poussez la porte du Korrigan ! On vous bâillonnera, on vous dépouillera, on vous jouera au poker. On vous emportera en mer pour vous manger le jour d’anniversaire du capitaine des pirates ».
Marins et badauds ont déserté le port. La vieille brigantine se balance doucement sur l’eau, comme pour s’endormir. Dans le froid du soir, Trémeur rêve à toutes les mers qu'elle a dû connaître. Un ciel noir se couche lentement sur Ker-Bleizh. La grand-rue s’est parée de lumières pour la nuit. À la maison, le ki-ha-farz doit refroidir ! Après un dernier regard sur le vieux bateau et le maudit bar, Trémeur s’engouffre dans la grand-rue éclairée, emprunte le passage du Loup Sauvage, ruelle sombre qui mène à sa chaumière.
Au moment de pousser la porte, il reçoit un choc et se retrouve par terre, recouvert d’une énorme couverture de laine.
- Au secours ! Crie-t-il.
Deux énormes mains l’empoignent à travers la couverture.
- Tais-toi, le mioche, menace une voix grave et caverneuse. Plus un geste, plus une plainte ou je t’assomme.
Enfermé dans la couverture, Trémeur est ballotté dans les bras de l'inconnu. Il entend le bruit du port, il comprend que l’homme ouvre une porte, entre dans un lieu bruyant, fait quelques pas au milieu de cris et d'éclats de rire. Il est déposé comme un vulgaire sac sur le plancher. Le chaos se dissipe, un silence emplit le lieu. Une main arrache la couverture qui le recouvre.
Autour de lui, attablés devant des bouteilles et des cartes de poker, trente hommes le regardent. La plupart ont un œil de verre ou une jambe de bois. Leurs visages sont tatoués. Des anneaux pendent de leur nez, de leurs oreilles, de leurs sourcils. Beaucoup portent des barbes si longues qu’elles descendent aussi bas que leurs chaussures.
Trémeur est dans l’antre du Korrigan !
Dans ses oreilles, résonnent les paroles des gens de Ker Bleizh : « Si vous voulez mourir, poussez la porte du Korrigan ! On vous bâillonnera, on vous dépouillera, on vous jouera au poker. On vous emportera en mer pour vous manger le jour d’anniversaire du capitaine des pirates. »
Debout, au fond de la salle, le vieillard de la brigantine le contemple fixement. Comme lorsqu’il marchait sur le quai, il chancelle. Le silence se fait dans la taverne. Trémeur et le vieillard demeurent les yeux dans les yeux pendant quelques secondes.
Le vieillard fait quelques pas. Aussitôt, les chaises grincent, les hommes, armés de sabres, s'écartent pour laisser passer le Capitaine des pirates.
Il vient se poster devant Trémeur, en tanguant toujours comme s'il était un drapeau qui flotte au vent.
- Hhhhhhhhaaaaaaah ! Sale petit voyou ! Tu braves mon regard ! Pour qui te prends-tu, moussaillon ? Morveux des morveux ! Oiseau riquiqui ! Gazelle de Ker Bleizh ! Moi qui ai tant navigué que je ne peux plus marcher droit sur le plancher des vaches, tellement j’ai le mal de terre ! Ah ! Ah ! Ah ! Mes amis, je veux trinquer avec ce marin de flaque d’eau ! Apportez donc une bouteille de breuvage de l'Olonnois, pavillon sans quartier. Quiconque peut me regarder dans les yeux plus d’une seconde peut s’enfiler une bouteille sans mourir, non ? ! Ah ! Ah ! Qu’en penses-tu, souriceau sans moustache ?
Trémeur se recroqueville, terrifié. On apporte une bouteille au Capitaine. Sur l'étiquette rouge, c'est écrit : Breuvage de l'Olonnois, pavillon sans quartier. Le vieux en emplit un verre, manquant de renverser le contenu tellement il tangue.
- Bois ça, insecte minuscule. C'est une mort moins cruelle qu'un coup de poignard d'un de mes hommes.
Et lui-même, porte la bouteille à sa bouche et la vide d'un trait. Ses hommes lui donnent immédiatement une autre bouteille, qu’il sabre avec ses dents. Pendant qu’il engloutit cette seconde bouteille, Trémeur porte le verre à ses lèvres, le plus lentement possible.
Toute la racaille le scrute sans relâche. Trémeur devine que derrière leurs fronts noirs de crasse et leurs œils de verre, les hommes font des paris silencieux. Il boit une gorgée.
Aussitôt, il est projeté contre le mur. La salle entière éclate de rire. Les hommes se tiennent les côtes et se renversent en arrière tellement ils rient.
Trémeur s’enfile une seconde gorgée de cette boisson catapultante. Il sautille sur place sans faire exprès. A la troisième gorgée, sa gorge croit exploser. A la quatrième gorgée, sa tête brûle... Quand il a tout bu, Trémeur lâche le verre et s’effondre sur un banc.
Le verre se brise, les débris roulent sur le plancher rongé par les mites. Plus personne ne sourit. L'atmosphère a changé. Trémeur a accompli un terrible exploit. Désormais, il lit la crainte dans les yeux des trente hommes médusés.
Le Capitaine tangue. Sa longue barbe tremble.
- Mon garçon… Articule-t-il d’une voix. À part moi… Tu es le seul à avoir bu de ce Breuvage de l'Olonnois, pavillon sans quartier, sans en mourir sur le champ dans d’immenses douleurs… Mais, ne t’inquiète pas, Trésor des mers… Je ne t’aurais pas laissé souffrir, je t’aurais achevé de mon poignard. Dans la profession, on ne laisse souffrir ni les gosses ni les bêtes… Tu t'appelle Trémeur, n’est-ce pas ?
Trémeur acquiesce.
- Dis-moi, dis-moi donc tout… Ta mère Glavenn… La belle Glavenn… Elle va bien ?
-O… Oui, Monsieur, répondit Trémeur.
- Je voudrais que tu saches… Murmure le chef des pirates, si bas que Trémeur l'entend à peine. Au fond de moi… Je ne t’ai jamais abandonné !
Trémeur perd la tête. Qui est ce vieillard terrifiant qui, sans le connaître, l’appelle par son nom… Ce cruel filou des mers, ce capitaine des pirates à la barbe géante… Cet homme au visage ravagé par les batailles et par le breuvage maléfique ?
Tout à coup, le vieux se tourne vers ses hommes :
- Sortez tous ! Rugit-il d’une voix plus effrayante que jamais. Tous au bateau ! Qu’on me laisse seul avec mon fils !
Frémissant de terreur, les hommes s’empressent d’obéir. En moins d’une minute, le Korrigan est déserté.
Trémeur et le vieillard restent l’un en face de l’autre.
- Trémeur, tu comprendras plus tard ce qui s’est passé entre la belle Glavenn et moi, lorsque blessé, j’ai dû passer quelques mois ici, à Ker Bleizh, il y a huit ans. Mais écoute-moi bien, moussaillon. J’ai cent huit ans. Je deviens fatigué. Dans quelques années, je mourrai. Voilà pourquoi je suis venu te trouver.
Les larmes jaillissent des yeux de Trémeur.
Le vieux s’éclaircit la voix et reprend :
- Quand je serai mort, mes hommes reviendront à Ker Bleizh dans la même brigantine de bois. Tu seras adolescent. Mon second te montreras un coffre, dans lequel tu trouveras mon trésor. Il te demandera ce que tu comptes faire. Si tu veux parcourir les mers, tu prendras le commandement du bateau et de mes trente hommes, qui te considèrent déjà comme leur chef. Mais si tu respectes les lois des pays et que tu méprises la piraterie, tu rentreras chez toi sans ton héritage. Je te fais confiance pour faire le bon choix. Moi-même, je ne saurais que te conseiller.
Ayant prononcé ces paroles, le vieux attire l’enfant à lui. Trémeur passe ses bras autour du Capitaine des pirates. Ils s’étreignent un long moment. Puis le vieux se retire. Il titube jusqu’à la porte du bar, disparaît sans se retourner.
Trémeur demeure seul dans l’antre du Korrigan. Les poings crispés, le visage baigné de larmes, il halète sans bouger. Dans son cœur, une mystérieuse blessure se referme au son lointain des cris de mouettes.
Quand Trémeur sort du bar, la nuit avale les dernières lueurs du soir. Les lumières de la brigantine s’éloignent sur la mer. Debout sur le pont, une silhouette bien droite pointe vers lui quelque chose qui doit être une longue-vue. En mer, son père ne tangue plus. Trémeur lève les bras et fait de grands signes d’adieu. Le vieillard lui répond. Ils se font des signes jusqu’à ce que la distance et la nuit les rendent invisibles l’un à l’autre.
Alors, dans la fraîcheur de cette nuit sans étoile, Trémeur prononce :
- Adieu papa.
Puis il rentre chez lui.
EdithdeCL il y a longtemps (2004 ?) - Photos de Mavra VN
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lundi, 18 février 2013
Lumières dans la ville morte
Phot. Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
Lac de nuit, sur ta rive herbeuse je dansais,
Loin des villes lumière où tout s'éberluait.
C'était l'été naissant, mon père était parti,
Et la voix des amants m'ensorcelait l'esprit.
Entre deux crépuscules, il fallait que j'ordonne
Aux bateaux condamnés dans les Sables d'Olonne,
De naviguer encore et toujours sur le flot
De l'enfance oubliée où gisent les héros.
Lac de nuit, sur ta peau boueuse je dansais,
Loin des villes mystère où tout se mélangeait.
C'était l'hiver naissant, ma mère rentrait tard
Et les cris des voisins jaillissaient dans le noir.
Au milieu de la nuit il fallait que j'annone
La prière des fées, l'hymne de Perséphone,
Quand la faucheuse hantait les immeubles d'en face,
son ombre dessinant des gestes qui terrassent.
Lac de nuit, sur ton onde immense je dansais,
Loin des villes colère où tout s’ébouriffait.
C'était la saison sèche où les larmes tarissent
Et la peur des échecs alourdissait mon vice.
Entre deux solitudes, il fallait que j'invente
Un avenir radieux, un rêve qui m'enfante.
Pourtant le temps passé a déposé des rides
Sans jamais modifier le visage du vide.
EdeCL quelque part en 2012
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mardi, 22 janvier 2013
Le balcon de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva : l'Oiseau de neige
L'oiseau de neige
Addendus : SORTILEGES
"J'ai vu deux oiseaux dans la neige
L'un était noir, l'autre tout blanc.
J'ai vu deux oiseaux dans la neige
La belle rêve au bois dormant...
J'ai vu deux chevaux dans la neige
L'un était noir, l'autre tout blanc.
J'ai vu deux chevaux en cortège,
Ne m'ont pas dit pour quel amant...
J'ai vu deux tombeaux sous la neige.
L'un est-il noir, l'autre tout blanc ?
J'ai vu deux tombeaux - mais que sais-je
Des froides noces des gisants ?
Venez, revenez, sortilèges...
L'hiver est noir et long le temps.
Venez, revenez, sortilèges :
Derrière chez moi, y a un étang".
Didier Rimaud.
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samedi, 17 novembre 2012
Balade québécoise, par Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
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vendredi, 09 novembre 2012
La confrérie de Baude Fastoul
«Quid dulcius quam habere quicum omnia audeas sic loqui ut tecum?»
Cicero
La Confrérie de Baude Fastoul a été créée à la fin du mois de septembre, de l'an 2012.
De quoi s'agit-il ?
Un petit groupe de gens prend la décision de tenir un journal, quotidien si possible. Ils y consignent les faits du jour. Certains restent dans le domaine de leur profession, d'autres notent tout ce qui a lieu dans leur vie. Certains parlent de façon intime, d'autres écrivent quelques notations amusantes à propos de la journée. Certains couchent deux phrases, d'autres détaillent leurs achats, leurs émotions, le déroulement de leurs actions...
Tous sont Compagnons de Baude Fastoul. Tous participent à une grande fresque.
Une fresque ?
Une fresque littéraire ! Cette fresque, constituée de tous les journaux, sera le témoignage d'une époque donnée, par divers lorgnettes. Le lecteur du futur y trouvera des informations sur les professions des Compagnons, l'état des villes à notre époque, et tout ce qu'on trouve dans les textes d'époque.
Nous sommes issus d'univers politiques, sociaux, professionnels, différents, quelque fois antagonistes... La fresque sera bigarrée !
Afin que chacun reste libre d'écrire ce qu'il pense, nul n'est obligé de dévoiler son journal avant sa mort.
Post-Mortem...
Lorsque le dernier d'entre nous sera mort, un site Internet dévoilera tous les journaux. Trois sortes d'accès seront possibles. Un accès chrolologique : on clique sur une date - 3 novembre 2017, par exemple - et toutes les pages de journal écrites ce jour là apparaissent. Un accès lexical : on tape "mosquée" et toutes les pages de journal contenant ce mot apparaissent. La troisième entrée, est tout simplement l'entrée par personne : On clique sur "Sonia Branci" et son journal défile.
Moi, par exemple...
Je tiens mon journal depuis le 23 septembre.
Alors ?
L'impression de laisser quelque chose du jour en consignant quelques faits, quelques émotions dans ce journal, me soulage. Comme si j'avais trouvé une arme, une feinte, contre le temps.
La déception que ce que j'y consigne ne vaut pas tripette et ne ressemble pas à l'oeuvre que j'aimerais faire me dépite.
La structure que constitue cette confrérie de Baude Fastoul, l'espoir qu'un jour une grande fresque faite de dizaines de journaux se déroulera devant l'esprit de lecteurs qui n'auront pas connu les temps où nous écrivons, me donne du courage, en ôtant de l'importance à la qualité de mon journal, qui prend sa valeur conjointement aux autres journaux.
Les compagnons de Baude Fastoul à l'heure d'aujourd'hui :
Vincent Stanislas
Samuel de Cornulier
Sonia Branci
Jérémie Gallois
Anne de La Roche Saint-André
Jean-Pierre Bret
Dominique Le Brun
Axel Randers
Édith de Cornulier
Aleixandre Loisnac
Katharina Barrows
Javiera Coussieu
Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
Maud Martin
Pascal Guimard
Mais qui est Baude Fastoul ?
Un trouvère picard du XIII°siècle.
Atteint de la lèpre, il savait qu'il lui fallait entrer dans une léproserie dont il ne sortirai jamais.
Alors il composa son congé : un chant en vers, pour dire adieu au monde et faire chanter son coeur avant de s'enfoncer dans le noir.
Merci à lui.
Merci à vous, mes Compagnons.
Edith de CL
Parmi les journaux passionnants qu'on peut lire, citons celui d'un bourgeois de Paris, datant du XV°siècle, celui de Dangeau (tenu à la Cour de Louis XIV), celui de l'armateur sablais André Collinet, celui de Cosima Wagner, qui nous révèle l'homme dont sortit Tannhauser...
Mentionnons enfin les correspondances (de Madame de Sévigné pour ne citer qu'elle), les mémoires (du Chancelier von Bülow, de Saint-Simon, etc mille autres mémoires).
Le témoignage direct de la vie d'une époque est ce qui nous intéresse. Et notre fresque fastoulienne permettra aux lecteurs de faire face à la multiplicité des façons de vivre, des idées, des interprétations... En plus de permettre une vision plus complète de la vie quotidienne de notre époque, puisque nous ne mentionnerons pas les mêmes types de détail.
POST-SCRIPTUM
Si d'aventure vous lisez ce message entre le 9 novembre et le 29, que vous êtes né avant 1990 et qu'en profondeur l'envie de participer vous prend, n'hésitez pas à nous le dire en commentant ce billet.
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lundi, 01 octobre 2012
La fabuleuse plume de Jacques Benoist-Méchin
N'est-ce pas l'un des plus grands écrivains du XX°siècle - n'est-ce pas le plus grand styliste ?
Un extrait de son Printemps arabe, publié par Albin Michel en 1959 :
"Nous passerons donc cette dernière nuit à l' « Oriental Palace ».
Mais avant de me rendre à l'hôtel, où j'ai fait déposer mes valises, je veux profiter de cette soirée pour faire un tour en voiture et flâner un peu au bord de la mer, au-delà de Shuwaik.
Depuis mon arrivée à Damman, où je l'ai aperçu pour la première fois, le golfe Persique m'est apparu comme une des régions les plus prenantes du monde. Je l'ai revu à Dahran, à Ras-Tanura, à Mina-el-Achmadi, et chaque fois mon bonheur n'a cessé de grandir. Cette étendue de sables et d'eaux entremêlés possède un pouvoir d'envoûtement auquel il est impossible de se soustraire. Je me représentais le golfe comme un bloc d'outremer, enchâssé dans des récifs cuivrés où les vagues viendraient battre sous un soleil implacable. Il n'en est rien. La terre est si lisse qu'on n'en voit pas la fin. Elle glisse sous l'eau par une pente insensible pour renaître quelques centaines de mètres plus loin sous formes d'écharpes de moire, comme si elle ne se résignait pas à mourir.
Le paysage est d'une douceur vraiment édénique. La mer est immobile. La côte a la pâleur du verre dépoli et le ciel répand sur elle un rayonnement diffus. Ce n'est pas par hasard si l'on trouvait ici, jadis, les plus belles perles du monde. Toute la nacre du ciel, de la terre et des eaux venait se condenser au fond des coquilles. Aujourd'hui, les pêcheries ont disparu. Mais le décor n'a pas changé. Il semble toujours prêt à engendrer ces petites sphères irisées, grandies au fond d'une mer caressante et laiteuse.
Le crépuscule descend. L'auto glisse sans bruit le long de la route qui épouse la courbe de la grève. Une plage à peine inclinée, d'une couleur indéfinissable, sépare la chaussée de la mer. Au loin, les palais des princes disséminés dans la plaine allument leurs girandoles roses. On dirait des cuirassés parés pour une fête. Le chauffeur abaisse une touche de son poste de radio. Une voix s'élève comme un sanglot au milieu de toute cette douceur. C'est une chanson française retransmise par Damas.
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui...
L'auto poursuit sa course. Des formes indistinctes sont accroupies devant leurs maisons pour jouir du calme du soir. De loin en loin, des filets de pêche que l'on a mit à sécher tendent leur écran transparent, comme une offrande à la nuit.
Tu vois, je n'ai pas oublié
La chanson que tu me chantais
Oh non ! Je ne l'ai pas oubliée ! Que de fois ne l'ai-je pas entendue quand j'étais en prison ! De l'autre côté d'un mur d'enceinte qui le rendait invisible, un prisonnier la chantait à la tombée du jour et je l'écoutais, le cœur battant, à travers les barreaux de ma cellule. Ses accents nostalgiques éveillaient en moi les regrets de ma jeunesse écoulée, de visages aimés que je ne reverrais plus... Et voici que ce refrain vient me relancer jusque sur les bords du golfe Persique, au fond de ce crépuscule grandissant, pour me rappeler mes illusions enfuies et me faire monter les larmes aux yeux. Que la vie est étrange ! Qui m'eût dit qu'un jour j'entendrais s'élever au plus profond de l'Orient cet écho lointain de ma captivité !
C'est une chanson
Qui me ressemble
Toi qui m'aimais
Et je t'aimais
Et nous allions
Tous deux ensemble
Toi qui m'aimais
Moi qui t'aimais
L'un après l'autre, une couronne de feux rouges s'allume au sommet des châteaux d'eau qui dominent la ville. Leur partie haute est opaque. Mais leur base à claire-voie laisse filtrer les derniers rayons du soleil, de sorte qu'ils semblent flotter à la surface du jour.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement, sans faire de bruit...
Tout cesse et pourtant tout continue, comme ce paysage suspendu au bord de l'évanouissement. Malgré la tristesse qui m'envahit, je veux savourer pleinement l'enchantement de cette heure. Une vieille carène de felouque dresse vers le ciel ses côtes dénudées. Nous approchons du cimetière de bateaux. Sur la plage, qui semble à présent plus lumineuse que la mer, des jeunes gens dansent en se tenant par la main. Leur ronde tourne sur elle-même, lentement, comme les étoiles. Sentent-ils la mélancolie poignante de cet instant ? Ou n'est-il triste que pour moi ? Pourquoi faut-il toujours s'en aller, s'arracher à ce qu'on aime ?
Déjà les ombres gagnent. Elles dissolvent les formes immobiles accroupies sur le seuil de leurs portes, le profil des maisons, les étraves des navires. Tout cela aussi ne sera bientôt qu'un souvenir... je dis au chauffeur de faire demi-tour.
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis
Au loin, indifférente à l'heure qui passe, Koweit scintille de tous ses feux".
Jacques Benoist-Méchin, Un printemps arabe, fin de la troisième partie
Sur AlmaSoror nous avions déjà mentionné cet écrivain :
Epuration : l'auteur raconte sa condamnation à mort à la Libération
Trois esthètes du XX°siècle : Romain Rolland, Jacques Benoist-Méchin, Raoul Vaneigem
Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin
L'invasion de l'Europe dans les années 700
Les photographies qui accompagnent ce billet sont de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
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mercredi, 26 septembre 2012
les Sables de septembre
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dimanche, 26 août 2012
Équanime au creux du jour : les toits de Paris
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vendredi, 27 avril 2012
Memento mori
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vendredi, 09 mars 2012
Méditation contrebaroque
2 photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
On sait qu'Hélène Lammermoor écrivait toujours assise, couchée vers la Croix du Sud. Elle se souvenait de la lumière poussiéreuse de l'Atlantique d'Olonne, une voix intérieure lui dictait des textes dont elle avouait ne pas saisir le sens d'ensemble.
J'ai entrepris la traduction de cette méditation contrebaroque à une époque de ma vie où les réminiscences de rêve dont ce texte est chargé faisaient écho à des émois en moi profonds. Je l'offre ici tel que je l'ai traduit à cette époque, nu, sans correction, sans addendum, sans explication. L'oeuvre d'Hélène Lammermoor se goûte quand on n'a plus goût à rien. Alors la magie vitale de la littérature allume à nouveau le creux du ventre, et le lecteur se redresse et marche ressuscité sur la route du monde.
Édith de CL, 2010
Méditation contrebaroque
I
J'ai retrouvé des traces.
La poussière du temps, des pierres, des volets. Les ruines vivantes. Les pins, la lande, leurs odeurs ; au fond du sentier, l'ouverture sur la mer salée. La bague transmise, les poèmes naissants, la longue après-midi qui s'écoule sans souci.
Au loin, dans une bâtisse qui résonne, des frères disent la messe. La grosse cloche lancine.
II
Ferme les yeux. Écoute la voix d'un rêve qui vient de loin.
Dans la ville où tu marches, les pierres pensent. Les femmes sont silencieuses et les hommes te sourient. De grandes bêtes sauvages se baladent parmi les hommes. Et tous, tous respectent le pouvoir immense des salamandres. Elles sont cachées dans les feuillages, vivant une vie de mystère, à côté de ton cœur.
Tu vois des vignes pousser sur les places et sur les murs des maisons, tu vois les enfants jouer, leurs cris nettoient ton sang. Et soudain tu comprends que tu es un être merveilleux, toi aussi tu hantes la ville et tu fascines ceux qui écoutent les sens du dimanche après-midi.
III
Dans la nuit de ton corps, d'un coup tout devient bleu. Les cris des dauphins surgissent de nulle part. Ils jouent dans les vagues, ils nagent, sautent, plongent, leurs éclats de rire résonnent dans ta peau.
Au-dessus de la mer, les mouettes fascinées hurlent, glissent entre les vagues – les dauphins leur disent Venez ! Venez ! Venez voler au sein de nos éclats de rire ! Et les mouettes s'en vont danser dans l'horizon, s'en vont montrer qu'elles sont belles. Les dauphins les contemplent, les oublient, reprennent leurs jeux.
IV
Un homme, il ressemble à un ange, s'approche de toi. Il te veut donner la main, cela te fait rire, tu lui prends la main. Vous marchez vers la haute porte de la ville, pour rejoindre la forêt. Vous parlez une nouvelle langue, que tu comprends très bien. C'est la langue hawaienne, peut-être, d'où naîtra la dernière vague du monde. Des bulles flottent autour de vous et dans le ciel. Des enfants venus d'Islande voyagent en montgolfières. Les bruits des insectes prennent toute la place et tes jambes sont contentes de marcher sur des touffes d'herbe. Tu te retournes ; derrière toi, la ville s'efface.
Hélène Lammermoor
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