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jeudi, 30 mai 2013

Passages de Baude Fastoul (extraits des 29 et 30 mai)

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Je tiens à nouveau le journal de Baude Fastoul, arrêté de nombreuses semaines suite à quelques déceptions et difficultés de vivre, puis, au contraire, à de trop grandes exaltations. Je reprends le clavier fastoulien et c'est étonnant d'avoir laissé tant de temps blanc, sans phrases, sans mémoire. J'avais pris l'habitude de laisser trace de chaque jour, et j'ai l'impression que ces lambeaux de vie non écrite sont perdus pour toujours, contrairement aux jours enfastoulés.

Le principe du journal de Baude Fastoul est que les Fastouliens s'engagent à rendre disponible leur journal après leur mort, afin que celui-ci soit publié, en même temps que tous les autres journaux, au lendemain de la mort du dernier d'entre nous. Cette solution permet à chacun d'entre nous d'écrire en toute franchise des choses qu'il accepte de laisser à la postérité, mais non à ses compagnons d'époque. Toutefois, rien n'interdit au Fastoulien de rendre public un passage de son journal ou celui-ci dans son entier. Il n'a juste pas le droit de céder les droits du journal à quiconque pourrait nous empêcher de le publier au lendemain de la mort du dernier de la confrérie.

L'ayant tenu secret (et pour cause : de nombreux passages concernent des gens que je connais et dont je dis ce que je pense, ou encore des épisodes de ma vie que j'accepte de confier à ceux qui ne me connaîtront pas, mais aucunement à mes contemporains), j'ai éprouvé d'abord une liberté, une excitation qui accompagnaient ce secret. Peu à peu, une certaine lassitude s'installe, due à l'aspect intangible, voire clandestine, que donne l'intimité du secret. Je m'essaie donc à la publicité de certains passages. AlmaSoror reçoit environ 500 visites par jour, et je suis incapable de savoir qui vient, et à quelle fin. Je suis heureuse de savoir que des yeux parcourent nos billets – mais ne peux rien supputer ni supposer sur vous, mes amis. Peut-être parmi vous, certains Fastouliens viennent un peu, souvent, lisent quelques billets, ou tous. Quoi qu'il arrive je n'écrirai rien ici de fastoulien qui livre des informations sur certaines parts de mon intimité, rien non plus qui trahisse autrui.

J'ai beau apprécier de lire, quasi-quotidiennement, l'étrange journal Le jour ni l'heure, du (mal-)pensant Renaud Camus, je n'ai pas ce cran – ni cette impudeur ? - de minutieusement rendre public ce qu'il est d'usage de cacher.

Mercredi 29 mai, jour de la Saint Aymard (prénom d'un de mes oncles éloignés, rencontré à peine trois fois...)

Je ne relate que le soir : j'ai passé la soirée au Godjo, en compagnie Emmanuel, qui découvrait la cuisine éthiopienne avec plaisir. Ils n'avaient pas de tedj, nous avons donc bu du Côtes de Provence. Emmanuel a eu un peu de mal à se laisser inviter, quelques semaines après son anniversaire de quarante ans . Nous avons marché ensemble en sortant du restaurant, jusqu'au Luxembourg. C'est toujours un plaisir de contempler le visage énergique et profond de cet ami si fraternel.

Le soir, couchée tard (après minuit), pour continuer ma lecture d'Un monde invisible, de Laurence Bordenave, suivi de quelques phrases de La brièveté de la vie. J'hésite à laisser tomber Sénèque pour Lucrèce, afin que les thèmes de mes deux lectures s'épousent.

Jeudi 30 mai, jour de la Saint Ferdinand. Levée tôt, puis recouchée avec un café. Activités diverses, jusqu'à ce déjeuner de la rue des Orteaux, court, mais je l'ai rallongé en rentrant à pied. Place de la Nation, deux anciens camarades des Langues Ô me hèlent, nous nous attablons quelque temps et échangeons des nouvelles que chacun essaie de rendre le plus vague possible. Je rentre ensuite par le boulevard Diderot, le boulevard de l'Hôpital, le boulevard de Port-Royal, jusqu'à Duroc. Chacune de ces voies se charge de me renvoyer les souvenirs qui lui sont liés.

Et j'écoute l'Agnus Dei de la messe pour double coeur de Frank Martin, plusieurs fois, et enfin toute la messe. La fameuse messe de Frank Martin, encore si peu connue. Serait-ce, avec le requiem de Duruflé et les litanies de la vierge noire, la musique du XX°siècle que je préfère ?

mercredi, 07 mars 2012

Reconstitution

Ceci est une exclusivité !

Jürgen Chêne, Edith de CL, Cornulier-Lucinière, AlmaSoror, Stella Mar, mystique, art, reconstitution

phot. Carvos Loup. Edith de CL apprenant la mort de Jürgen Chêne

 

AlmaSoror vous livre l'extrait de Reconstitution, le second film, demeuré inachevé, du cinéaste prodige Jürgen Chêne, dont l'unique oeuvre, Dying Cinema, a radicalement bouleversé notre vie esthétique.

Les exégètes de l'oeuvre et de la personnalité de Chêne savaient qu'il existait un deuxième film que, par déception, le jeune cinéaste écorché avait détruit. Cet extrait de Reconstitution donne une idée de l'évolution qu'aurait suivie l'oeuvre de Jürgen Chêne, s'il avait pu la poursuivre jusqu'au bout.

Nous livrons la notice biographique de Chêne qu'on trouve dans Sens et Mystique des sens, l'encyclopédie de l'art euro-américain des années 2030-2070 :

 "Jürgen Chêne
Cinéaste maudit, Jûrgen Chêne réalisa à l’âge de 19 ans le film chef d’oeuvresque, Dying Cinema. Il ne parvint plus jamais à réaliser un film entier et de désespoir se retira de la vie artistique. On ne sait pas ce qu’il est devenu."

Cette encyclopédie avait d'abord été publiée sous la forme d'un feuilleton estival dans le Newropeans Magazine.
Elle est aujourd'hui consultable dans son intégralité à cette adresse d'AlmaSoror.

 

Enfin, pour ceux qui veulent aller plus loin dans la réflexion et la connaissance sur les mouvances artistiques de ces années sublimes, nous proposons de revoir cette conférence privée d'Edith de CL, organisée et produite par Stella Mar, petite fille de notre bien-aimée correspondante Esther Mar.

samedi, 31 décembre 2011

La naissance des ours

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Veille - Nuit - Premier matin

Veille

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Les pères, les mères et les amis attendent tout le jour la naissance des oursons.
Dès l'aube, ceux-ci ont fait savoir que ce serait pour aujourd'hui. Mais le jour se lève et s'écoule sans que rien d'autre n'ait lieu que l'attente. L’attente de tous et la douleur de celle qui enfante.

Alors Spiegel im Spiegel, la berceuse d'Arvo Part qui multiplie les images dans les miroirs, joue tout le jour dans la fraîcheur froide tandis que des cierges se consument dans les maisons du Sud et les églises d'Île de France.

Même dans les pages des livres d'enfants, tout se tait ; tout s’immobilise ; les personnages attendent. Animaux et humains, ils savent que quelque chose va avoir lieu.
Et dans les cuisines on ne sait pas quoi faire en attendant.  Les heures s’écoulent dans l’étonnement du silence.

 

Nuit

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Kiko, par Sara

La nuit tombe et l’ourson frappe à la porte. Tout prend un air de crèche. C’est la fête émerveillée.

L'ourson, à peine éclos, prend place dans la fratrie totémique : un frère-Dieu, deux sœurs-fleuves et un frère-fleuve, qui l'entraîneront sur les routes puissantes du rêve éveillé.
Loin du Sud, à Paris, au fond d’une cour de Montparnasse, quelqu’un songe : quel est cet enfant assez étrange pour naître lors de la trêve des confiseurs ?

 

Premier matin

Révolution, Sara

Le soleil d’hiver s’est levé sur le premier matin d’Orso sur la terre. Il a entrevu le ciel à travers le rideau. Il a tété sa mère, sucé son pouce. Il a voulu que son premier soir d’homme soit un réveillon de nouvel an, parce que la vie qu’il commence est une révolution.

 

Bienvenue dans ce monde ! Et pour t'accompagner, une phrase de philosophe :

"Quel vin est aussi pétillant, savoureux, enivrant, que l'infini des possibles!"
Søren Kierkegaard

AlmaSoror, Edith de Cornulier-Lucinière, Sara, blason

Edith de Cornulier-Lucinière, pour Orso B, né le 30 décembre 2011 au bout d'une longue journée.

 

 

 

lundi, 05 décembre 2011

Comment s’effectue la traversée d’une époque troublée ?

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Phot.Olympe Davidson

 

Nous avons reçu il y a quelques jours un étrange billet de Katharina (F-B).

Lecture, relecture, et bonheur de la voir revenir sur la webasphalte almasororienne. Voilà donc, "Comment s’effectue la traversée, dans la dignité et la liberté, d’une époque troublée ?", par Katharina Fluch-Barrows.

 

Comment s’effectue la traversée, dans la dignité et la liberté, d’une époque troublée ?

Des contradictions nous étreignent.

 

Contradiction, entre l’admiration du sacrifice et l’envie de sécurité.
Comment rejoindre nos héros sans finir comme eux, brûlés sur un bûcher, enfermé dans un camp, crevé au bord d’un champ de bataille, lobotomisé dans un asile ? Et nos héros célèbres sont célébrés, mais quid de leurs égaux en courage qui n’ont pas atteint la notoriété ?
Une des solutions pour étancher notre soif de sacrifice peut être de se sacrifier, non pour une idée ou une cause, mais l’art, ou pour l’aide des autres. Quant à l’envie de sécurité, on peut essayer de la satisfaire en trouvant la sécurité dans les relations humaines avec ceux que nous rencontrons et qui nous entourent.

 

Contradiction, entre engagement politique et quête d’intemporel.
L’engagement politique souvent entre en conflit avec la quête d’éternité, d’intemporalité. Il oblige à se concentrer sur des contingences actuelles, des débats qui n’auront plus lieu demain, quand la noblesse et la beauté des choses tiennent, comme l’a dit Leonard de Vinci, à leur éternité.
On peut chercher quelles valeurs, quelles formulations pourraient rassembler (presque) tous les clans en présence : s’élever au-dessus de la mêlée pour tenter de voir si les combattants des deux côtés ne cherchent pas, au fond, la même chose. Quelle est cette chose ? Il faut axer son engagement sur elle.

 

Contradiction entre besoin d’expression et peur de la répression.
Face à des évènements et des situations déplaisantes, face à un silence qui oppresse ou à un mensonge, l’envie première qui monte est de prendre la parole pour établir la vérité. Or, si la situation est déplaisante et qu’elle le demeure, c’est qu’un certain nombre de personnes et d’institutions ne veulent pas que cette vérité soit dite.
Une façon de s’exprimer sans s’exposer outrageusement consiste à transmuter la vérité que l’on veut dire. Il faut transmuer l’expression brute du message en expression pure. Dans tous les domaines littéraires, et même dans la conversation, tâcher de dire le fond des choses sans parler des choses elles-mêmes. Exprimer la vérité nue, sans l’envelopper de son contexte. Elle n’en aura pas moins de poids, et pourra même servir à d’autres gens, en d’autres temps, pour d’autres contextes, libérée qu’elle sera des détails du temps présent.

 

Contradiction entre nos amis, ennemis les uns des autres.
Certains évoluent dans un monde social, idéologique, intellectuel uni : leur monde est assez uniforme pour qu’ils puissent organiser une soirée, un mariage, ou bien s’exprimer publiquement sans choquer atrocement tel ou tel groupe. Mais, pour ceux qui vivent entre deux ou plusieurs mondes, comprenant des opinions diverses ou opposées, bâties sur des analyses de la réalité qui ne se rencontrent jamais, analyses fondées d’après des expériences profondément différentes, comment concilier tout son monde ? Comment être d’accord avec l’un sans se créer un ennemi de l’autre ?
Une règle de comportement pourrait être de ne jamais se créer d’ennemi personnel : éviter tout mépris, toute colère, toute vantardise. On peut exposer ses contradictions, ses hésitations internes, ses déchirements, si on le fait d’un ton calme, sans but de choquer ou de se démarquer. Un peu comme quelqu’un décrirait son handicap physique, qui peut être une richesse, décrire ses conflits et reconnaître ce qu’ils nous apportent.

 

Contradiction entre solidarité avec les autres et désir de survie personnelle.
Il est vrai que certaines situations nous demandent de choisir entre notre survie personnelle et la solidarité avec les autres. Ces situations tragiques et rares sur le plan pur de la survie physique, se multiplient dès lors qu’il s’agit de survie sociale.
Plutôt que d’hésiter longtemps entre se sauver et sacrifier l’autre, ou bien se compromettre sans être sûr de sauver l’autre, une possibilité qui nous est offerte est de multiplier ses savoir-faire, ses modes de survie et de les transmettre aux autres. Par exemple, en cas de pénurie de nourriture, la solidarité consiste à priver ses enfants pour partager avec les voisins. La survie personnelle consiste à privilégier d’abord ses enfants. La transmission des savoirs consiste à limiter nos dépendances extérieures en augmentant nos compétences (exemple, culture de navets dans un appartement), et, plutôt que de partager les navets, donner la recette de leur culture et de leur conservation. Augmenter et diffuser nos savoir-faire permet de se libérer de la dépendance des autres et d’amplifier l’autonomie de chacun.

 

Contradiction entre désir de compter et peur d’être mis au ban.
Les époques troublées sont peu sûres, c’est une lapalissade. Qui peut dire quel choix faire et de quoi seront faits les manuels d’histoire de demain ? Faut-il prendre le risque de faire sa carrière et de finir devant une cour de justice ou bien doit-on renoncer à la vie publique – quelle qu’elle soit – pour ne pas risquer d’être mis au ban ?
L’ambition doit être affinée. Mieux vaut renoncer aux honneurs, aux premières places, à la compétition : on s’attachera ainsi à ne se faire remarquer que pour des paroles, des actes non motivés par l’avidité, mais par autre chose, de plus profond, et de plus justifiable en cas de pépin.

 

Contradiction entre détachement et engagement.
Face à la désagrégation du monde, faut-il intégrer une milice privée qui rétablira l’ordre ou se retirer dans son jardin pour contempler l’éternel végétal ?
L’engagement ne devrait jamais être source de trahison ; le détachement ne devrait jamais être source de lâcheté. On peut toujours se retenir de faire la fête quand d’autres souffrent, on peut toujours se retenir d’un acte de courage s’il doit détruire des vies. Le détachement en lui-même peut être vécu comme un engagement à servir des choses plus hautes que la haine et la mort ; l’engagement quant à lui peut mener à un détachement (vis-à-vis de son confort, mais aussi vis-à-vis de ses valeurs et idéaux initiaux). Il est bon de se rappeler que héros et traitres sont dans les deux camps. Quelle guerre civile a jamais opposé un groupe de héros à un groupe de traitres ? Cela n’existe pas. Les frontières du cœur et de l’abnégation ne sont pas celles des armes et des drapeaux.

 

Contradiction entre vouloir participer au combat collectif et peur de se tromper de camp.
Cette contradiction rappelle plusieurs contradictions précédentes, la joie fraternelle du partage et de l’amour, de la libération de quelque chose, est ce qui relie les combattants d’une armée. De deux armées. De deux armées qui se laminent l’une l’autre. Quand on a le choix de l’armée, comment choisir ?
Se souvenir que les camps dépassent les clans. Il y a le camp extérieur (l’armée, le clan), bien déterminé ; et il y a le camp intérieur (la substance de notre choix, sa raison morale). Je pense qu’il ne faut jamais sacrifier le camp intérieur au camp extérieur. Combien de gens, à cause d’une émotion initiale, d’un choc, d’une prise de conscience à un moment donné, ont embrassé une cause qui les a menés trop loin, bien au-delà de ce qu’ils ont voulu défendre, et même qui les a poussés à des actions contraires à l’émotion de révolte et de justice initiale ?

 

 Katharina Flunch-Barrows

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(Photos d'Olympe Davidson)

 

 

dimanche, 14 mars 2010

malgré l'hiver des sentiments

"Alma soror est un blues d'aventures jusqu'aux villes où on survit malgré l'hiver des sentiments".

 

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C'est Tieri qui a écrit cela sous un billet d'AlmaSoror, il y a quelques jours.

Et cela me rappelle la phrase que Dominique de Roux écrivit à Jean-Edern Hallier :

"je suis chargé de te protéger, toi l'homme des marches forcées vers les villes à prendre".

Ce sont des phrases qui donnent envie d'écrire un livre. Ecrire un livre ! Mais les livres existent-ils toujours ?

 

 

 

 

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dimanche, 06 décembre 2009

Le blog d’AlmaSoror est-il un roman en chantier ?

 

 

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photo de Sara

 

 

J’ai oublié mon rêve : il ne restait que le mot “romanblog” au réveil.
La nuit était noire et la chambre, grande et vide. Mon lit n’était habité que par moi. Le mot romanblog trônait dans le silence de l’immeuble et les images qui l’avaient sans doute fait naître avaient disparu. Que fallait-il que je fasse ?

Alors c’est un roman écrit à plusieurs mains, à plusieurs coeurs. Loin de nos corps qui oublient de vivre, recroquevillés devant l’écran d’ordinateur, les doigts crochus sur le clavier en plastic.

Le blog d’AlmaSoror est un roman écrit par ceux qui contribuent, qui envoient des textes selon notre charte, cette charte qui n’a pas bougé depuis l’entrouverture de la porte en septembre 2006 : intemporel. L’air du temps change avec les époques, mais toujours il est irrespirable.

Nos chapitres sont dans le désordre. Il faut quelque fois aller relire le début. Nuls en technique, ou bien trop absents, nous nous soumettons aux lois du blog, à ses structures incompréhensibles. Nos personnages sont vagues, et souvent ils nous invitent à entrer dans leur chorégraphie. C'est pourquoi les auteurs du romanblog en deviennent, à certaines heures, les héros. Et puis nous subissons des effractions. Par voie des commentaires, des étrangers s'imposent et s'incorporent dans le romanblog, ils l'influent d'une manière irréversible.
Quelle est la structure qui nous guide ? C'est encore difficile à dire. Ce qui est sûr, c'est qu'après avoir existé comme un journal tenu par une Maîtresse des cérémonies, entre septembre 2006 et septembre 2008, AlmaSoror est devenu une forme mouvante et s'est mis à vivre une vie difforme et sans filet. Tout s'est embrouillé et Edith a cessé de croire qu'elle y était pour quelque chose. Elle se contente d'accueillir avec angoisse les contributions, les silences, les cris et s'engouffre à la suite de ses inspirateurs dans des sentiers battus seulement par les flots et le vent.
C'est aussi elle qui reçoit les plaintes, les réclamations et les remerciements.
Frères, soeurs, héros et méchants, nous sommes tous entrain d'assister à la construction d'une oeuvre dont nous sommes les briques. Que faut-il en penser ?
Le café moka d'Ethiopie, en tout cas, délasse et scande ces faits vitalolittéraires.

Signé : quelques uns.

 

vendredi, 20 novembre 2009

L’eau de vie de pomme (et les archives d’AlmaSoror)

 

 

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Photo de Sara


 

Sais-tu que je bois de l’eau de vie, le soir, en dégustant mes bons fruits cuits, en écoutant le piano tendre de Ludovico Einaudi, mp3 volés à ma soeur un jour où je squattais son ordinateur, et sais-tu que je repense aux amitiés blessées, brisées, et aux rêves que je faisais lorsque j’avais quinze ans ? Et le piano accompagne ces moments lents et beaux et le feu crépite dans la vieille cheminée du vieil appartement du 13. Et la voix de mon frère dans ma mémoire, et le rire de ma soeur dans ma mémoire, et la présence-tension de mon père dans ma mémoire flottent autour de moi alors que leurs corps et leurs coeurs vivent leurs vies dans leurs villes. 


Et le caméscope filme : car je succombe aux règles de l’art individualiste qui ne chante plus son Dieu, mais son image dans le miroir. J’installe la caméra et je dîne aux chandelles, seule avec le film que je suis en train de faire et qui dévoilera ce que fut une vie anodine, esthétisée par goût et par nécessité. 


Et la musique se balance, nostalgique, tandis que mon regard intérieur remonte le temps, traverse ces années écoulées, retourne au Pérou, à la Casa Elena. Souvenir de visages et de voix si éloignées de ceux qu’on trouve par ici. 

Quelquefois j’ai l’impression que la vraie solitude, la plus belle, la plus pure, la plus déroutante, la plus dangeureuse, est une invention européenne. Une des grandes découvertes qui ont détruit et construit le monde.


C’est au creux de cette drôle de solitude, frustration créatrice en mouvement insaisissable, que sont nées certaines photos et certains textes qu’AlmaSoror a publiés, depuis sa naissance en septembre de l’an 2006.


Et je voudrais me ressouvenirs des jours où je reçus, dans mon électro-boite aux lettres, ces textes qui firent le miel d’AlmaSoror et qui demeurent ses fondations. 

Il y eut l'épiphanie d'Esther Mar : sa quête d'intemporel. 
Il y eut ce mail, pas si vieux, de Katharina FB, que nous traduisimes, Kyra et édith, pour le rendre lisible ici. Ce mail qui parlait d'Anne-Pierre Lallande, l'ami parti.
Il y eut l'énervement de Nadège Steene, après un apéro chez ses voisins...
Le mélange de littératures sur les Italiennes, de Sara, court encore.
Le tout premier numéro d'AlmaSoror, celui qui sortit le 20 septembre 2006, contenait un hommage à Alan Turing, l'assassiné.
Laurent Moonens s'essayait aux "articles vidéo" pour la première fois en nous expliquant pourquoi on ne peut pas réaliser une carte géographique parfaite.
AlmaSoror a publié la première interview au monde de Fredy Ortiz, le chanteur du groupe péruvien Uchpa, en langue quechua. La traduction en espagnol est disponible pour d'éventuels non quechuaphones parmi les visiteurs d'AlmaSoror. 
Un SOS virtuel qui n'avait jamais trouvé de réponse a trouvé, au moins, une oreille ici.
Les manuels scolaires français n'éprouvent pas le besoin de la commémorer, cette journée. Pourquoi ? Cette photo pose la question.
Et merci aux deux Black Agnes de hanter le monde et les cerveaux des enfants noyés dans les corps des grands.
Terminons ce voyage avec une porte sur le grand voyage que pourrait être, pour toi, la lecture de Guerre et Paix.

 

samedi, 31 octobre 2009

La nuit, la guerre

 

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AlmaSoror se désespère quelque fois. Comme lorsque deux personnes qu’elle aime et qui la nourrissent commencent à se haïr. Siobhan et Katharina vous vous déchirez mais nous vous aimons toutes les deux. L’une d’entre vous est belle d’une étrange façon ; l’autre est belle d’une manière bizarre. Etrange Siobhan qui s’envole et ne redescend jamais vraiment des hauteurs où elle flotte sans pesanteur et sans apesanteur, juste entre les lignes invisibles du ciel. Katharina bizarre qui défend des trucs indéfendables et réessaie toujours de devenir autre chose alors qu’on s’était habitué à ce qu’elle venait de devenir. 

Et que dire de vos coeurs ? L’une d’entre vous est celle à qui l’on n’ose rien dire parce qu’on ne sait pas ce qu’elle pense. L’autre est celle qu’on appelle à n’importe quelle heure du jour où de la nuit, sans songer au décalage horaire, parce que Paris et Buenos Aires bruissent la nuit et s’aiment depuis longtemps, parce que Insomniapolis est le seul lieu où l’on vit vraiment, parce que les voix n’ont pas besoin d’avion. Siobha, sache que tu es glaciale et attachante. Katharina, insupportable et hilarante, sache que tu sauves quand tu ne raccroches pas pendant trois heures.
Et que dire de vos corps ? L’une d’entre vous est celle qui est noyée sous les pullovers d’un grand frère imaginaire, achetés dans un magasin pour les sportifs adolescents. L’autre est celle qui marche tout en haut, loin de nous, portée par les hauts talons aiguille qui font clac clac et qui respire le rouge à lèvres et le parfum des temps perdus. Siobhan, on devine sous les longs morceaux de toile et de laine que tu as des jambes et des bras et qu’ils sont très blancs. Des tâches de rousseur doivent faire écho aux reflets qu’on voit dans tes cheveux quand tu te penches au bord de la cheminée. J’ai peur que tu aies des cicatrices à cause des chutes lors de tes décollages et atterrissages et à cause de ton bricolage chez toi. Katharina, quel fragrance ce soir ? Tu marches et deux, quatre, sept, dix hommes emboitent le pas pour obtenir un sourire et une prolongation chez toi. Mais tu es habituée et tu marches (clac-clac) et tes bas résille reluisent dans la nuit tandis que ton buste se fait parfois statue parfois roseau et que tu parles avec ta voix de fumeuse à mi temps. 

Et que dire de vos vies ? L’une d’entre vous disparait souvent dans sa ville malade où personne ne veut aller et là on devine des magasins où elle achète la base et des grandes promenades solitaires, des copains dont elle ne parle jamais et la même vue, le matin, sur les toits et les champs au loin, en buvant un café trop chaud dans la tasse d’hier. L’autre vit là bas et fait rêver à force d’être si belle, si classe, si loin et si chaleureuse, toujours entourée de monde, d’un monde qui papillonne et qui change et qui importe peu, c’est le décor, or seul le décoeur compte. Le décor des corps tourbillonne et le décoeur du coeur s’alimente de petites excursions dans les rares régions de la vraie amitié. Siobhan, un jour je prendrai le train pour venir voir cette ville “sans rien” que tu décris et qui te fais rire, je boirai dans ta tasse et tu m’apprendras à voler comme les oiseaux, enfin. Katharina, je sais que j’ai promis mais je déteste tant prendre l’avion. Et l’argent ne coule pas à flots, contrairement au vin rouge que tu aimais. Et l’Amérique du Sud m’a laissé des morsures que le sel creuse trop. Mais j’ai promis et un jour je viendrai hanter la calle San Juan d’où tu m’écris des choses parfois gentilles, parfois cruelles, et j’irai prier pour ta conversion à la figure du Christ dans l’église qui t’a vu passer tant de fois en hauts talons et avec des hommes toujours différents, toujours avec le même genre de barbe, toujours tellement inexistents à tes côtés. 

AlmaSoror se désespère quelque fois, quand elle se rend compte que ses soeurs nourricières se sont déclarées la guerre. Mais son amour est incorruptible. Ce n’est pas la neutralité suisse, c’est l’incendie intégral pour chacune.

 

jeudi, 29 octobre 2009

Chez elles (et les archives d’AlmaSoror)

 

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Photo Sara

 

 

j’y passe des après-midi face à un ordinateur qui vieillit et travaille tout seul à graver des DVD pendant que je lis le livre de la bibliothèque de leur salon, The Story of Film, de Mark Cousins, et que je n’écoute pas Cult, d’Apocalyptica parce que le disque a fini de tourner depuis longtemps et que je n’ai pas le courage d’aller le remettre. Mais surtout je vois par la fenêtre, et cela, c’est si rare dans ma vie. Voir de haut un boulevard sur lequel des voitures et des gens passent, sans cesse, sans arrêt. 

D’habitude, du fond d’une cour, je dois réinventer l’extérieur qui me fait cruellement défaut et j’imagine des paysages. Là, j’ai un paysage urbain sous les yeux, dès que je les lève du livre. 

Rassasiée par cette journée je rentre chez moi (la cour à traverser !) et je me souviens de quand AlmaSoror, ancien journal mensuel, est devenu blog. Il y eut les premiers posts. Les anciens contributeurs ont voulu continuer, d’autres sont arrivés. Il y eu tous les anciens articles de l’ancien AlmaSoror à republier sur ce blog. Les mélanges de littératures de Sara, les mathématiques de Laurent Moonens, les espagnoleries d’Antonio Zamora, tous les fragments et les hommages que nous avions rédigés, et tant d’autres articles encore. Il fallait des photographies pour illustrer ce blog, que nous avions voulu plus visuel que l’ancien AlmaSoror, et Sara nous a laissé péché dans son stock. 

Mais parmi les fleurs, il faut savoir que l’amour est le plus triste ICI avec Carson McCullers. Que l’échec est d’autant plus poignant que le libre-arbitre nous interpelle (malheureux !). Que l’animal nous supplie beaucoup. Que les hommes idéalisent les femmes ( à cause sexe irrévélé des anges). que la Révolution compte ou ne compte pas ses morts chéris et ses morts haïs. Que la féodalité noire et blanche tente d’exprimer ses visions. Que la ville nous perd ; que le rêve nous sauve ; que la folie nous hante ; que le désir nous torture ; que les pères nous impressionnent ; que les questions des amis font divaguer un bon coup ; que les lettres écrites au stylo existent presque encore. 

 

Merci à elles dont j'ai hanté l'appartement. L'une "fait médecine" et l'autre fait l'Europe. Leur lieu sent leur présence. J'ai tenté de ne pas laisser de traces. 

mardi, 14 octobre 2008

AlmaSoror s'embloguise

 
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Chers lecteurs d'AlmaSoror,

Vous qui suivez et portez AlmaSoror depuis déjà deux ans, vous avez dû remarquer que nous avons parfois du mal à offrir une prestation technique de qualité. Vous avez raison. Depuis déjà quelque temps, notre site se déglingue, et nous ne parvenons pas à enrayer ce déglingage.

 

Nous sommes brouillons, dans notre tête comme dans nos ordinateurs, et nous sommes incapables de la moindre programmation informatique, ni d’une quelconque maintenance correcte. Alors sentez-vous chez vous, aimez-nous si cela vous est possible, abreuvez-vous à AlmaSoror, la sœur nourricière, mais renoncez à comprendre. Nous faisons au dessus de nos moyens psychologiques, intellectuels et techniques. C’est tout…

C'est pourquoi nous créons ce blog : il va nous aider à demeurer vivants, le temps que, calmement, nous remettions notre site à flot et à jour.
Nous voulons un site beau, clair, et surtout, nous voulons que toutes nos archives - les articles et les images publiés depuis la naissance d'AlmaSoror - soient en vue et lisibles. Ce sera prêt dans quelques mois.

En attendant, un avantage immense nous rend heureux : celui de pouvoir lire vos commentaires. Jusqu'ici, les lecteurs d'AlmaSoror ne pouvaient que rester muets : ils n'avaient pas d'espace pour parler. Sur ce blog, ils peuvent poster des commentaires. Nous espérons de tout notre coeur d'âme soeur qu'ils le feront.

Merci d'avoir été et d'être là.

Le blog d'AlmaSoror a commencé.

 

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Le 27 février 2012 - Addendum pendant qu'un bain coule et qu'Anouar Brahem s'écoule des baffles (Lumière du silence). C'est l'anniversaire d'un frère aimé.

Le temps a passé, le site n'est toujours pas là. Les visiteurs d'AlmaSoror, eux, sont toujours là. Il en est venu de nouveaux, arrivés ici en nage après des courses échevelés sur les voies lactées du web, de la grande toile d'araignée électronique. 

Je ne sais où ira AlmaSoror, je voudrais qu'elle, qu'il continue à vivre et à penser, à vibrer et à faire vibrer les cordes des coeurs.

AlmaSoror est une maison en chantier perpétuel. J'écarte les bras pour l'embrasser. Je n'y parviens jamais. Qui trop embrasse mal étreint. Si le contraire est aussi vrai, oh, comme j'étreins bien ! Je t'étreins merveilleusement, AlmaSoror, car tu es mon véritable amour.

 

Edith de CL, pilote d'AlmaSoror