Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 05 janvier 2009

La liberté d'échouer

 

 



 

 

BtedansJungle-medium.jpgLa bête dans la jungle

Henry James

Traduit par Fabrice Hugot

(Première publication : 1903)

Criterion

 

 

 

MonteCristo-full.jpgLe Comte de Monte-Cristo

Par Alexandre Dumas

(Première publication :1846)

Gallimard (La Pléiade)

 

Ces deux livres décrivent l'amer regret d'avoir échoué la rencontre avec l'être aimé. La lâcheté, l'égoïsme, le manque de foi dans la vie, la complaisance à soi-même ont été les raisons d'un tel désastre. Le personnage du roman, qui est en cause, recule, effrayé, atterré, au moment où - après des années d'aveuglement - il a soudain la vision lucide de son échec. Il résiste furieusement devant l'évidence : il aurait pu se déterminer autrement. Il aurait pu être libre.

 

"Malheureux ! s'écria Mercédès, si je croyais que Dieu m'eût donné le libre arbitre, que me resterait-il donc pour me sauver du désespoir !" (chapitre CXII. Le Départ). Oui, toute la question est là. La fiancée d'Edmond Dantès aurait-elle du lui rester fidèle au lieu d'épouser son cousin ? Elle a beaucoup de circonstances atténuantes : elle était pauvre, seule. Elle n'avait aucun moyen de sauver son fiancé. Elle ne savait même pas où la police l'avait emmené, dans quel cachot la justice l'avait jeté. Elle n'était même pas sûre qu'il était encore en vie. Quand un demi-siècle plus tard, elle revoit Edmond Dantès devenu le richissime Comte de Monte-Cristo dans toute sa gloire, c'est au moment exact où elle-même chute dans l'opprobre et le malheur. Comment pourrait-elle alors entrevoir qu'elle a librement fait le mauvais choix? Il est plus facile de croire que c'était son destin d'être ainsi broyée. Sauf à sombrer dans le désespoir et la rage impuissante des regrets et des remords.

 

John Marcher, le héros de La bête dans la jungle, savait qu'un jour, inéluctablement, la "bête"-  qu'il sentait rôder autour de lui depuis tant d'années - allait bondir. Mais il ne l'avait pas prévue aussi effrayante, diabolique. "C'était là l'horrible secret, la réponse à tout ce qui s'était passé, la vision dont l'effroyable limpidité le glaça d'un froid aussi grand que celui de la tombe qui était à ses pieds". Cette fulgurante vision c'est qu'il est passé, par sa faute, à côté de la femme de sa vie. Il sait que c'est son arrogance et son égoïsme qui l'ont aveuglé toutes ces années. Il est plus impardonnable que Mercédès. Mais plus qu'elle, il a le courage de la lucidité. "Il avait rempli sa mesure, celle d'un homme à qui rien ne devait jamais arriver. Il aurait pu échapper à son destin en l'aimant, alors, oui, alors, il aurait vécu. C'est ce que la compagne de son attente avait à un moment compris et elle lui avait alors offert d'échapper à son destin." Il avait refusé de le comprendre. La vision "immense et effroyable" de la liberté qu'il avait eu de choisir son malheur le foudroie sur le tombeau même de l'être aimé.

Sara www.universdesara.org

 

 

Les commentaires sont fermés.