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samedi, 04 juin 2011

2011, rue de la Propagande (Par D.N. Steene le viking)

votation citoyenne, droit de vote des étrangers

 

Tous les jours, Miles-Thierry s'arrêtait rue de la Propagande, au 2011, pour voir ce qu'on proposait à son cerveau.

Il savait qu'il lui fallait se rééduquer chaque matin, pour effacer la trace des rêves.

Il savait qu'il lui fallait chaque matin nettoyer ses idées, expurger son vocabulaire des mots venus dans la nuit, mots venus des livres lus dans la chambre solitaire, mots venus d'une enfance que le temps n'avait pas vaincu.

Il savait qu'il lui fallait chaque matin oublier sa volonté de puissance et ses désirs de liberté pour enfiler l'habit du monde, l'habit qui donne l'air qu'il faut sans en avoir l'air et qui ne laisse transparaître aucune sueur divine, aucune sueur animale, aucune sueur qui ne remplisse pas la condition d'humanité citoyenne.

Il sentait que vivre ainsi à contretemps, la peau dans ses rêves nocturnes, les phrases du jour passées au crible de l'air du temps, minait ses fondations pirates. Car son esprit s'était déployé aux lectures de romans maritimes et le quadrillage urbain ne ressemblait pas aux mers chaudes des aventures romanesques.

publicité, cancer
Est-ce que le réel morne avait gagné ? Est-ce que le rêve était à jamais confiné aux espaces nocturnes ? Est-ce que la liberté mentale n'existerait jamais qu'à Insomniapolis ?

Licra, antiracisme

 

C'était la question que l'enfant pirate, devenu l'homme sans qualité, se posait l'esprit à cheval entre deux morves d'azur perdues au ciel du jour sans fin de la vie sociétale. C'était la question que l'homme sans qualité se posait, un enfant pirate assis au creux des souvenirs.

Dans la ville les pancartes appelaient les soldats citoyens à marcher en zigzag et à penser au pas.

inviter Cancer

On aurait pu croire qu'un jour, une femme viendrait nous sauver.

On aurait pu croire qu'elle s'appelerait "Elle" et qu'elle aurait un coeur, un esprit, un corps pour marcher à côté de soi.

On aurait pu croire qu'au carrefour des folies une sihouette inconnue se pourrait transformer en autrui consentant, en libre-arbitre amoureux, en main tendue.

On aurait pu croire qu'au milieu du grand nulle-part de la ville placardée, pas loin du 2011, rue de la Propagande, une idylle sans fard et sans mièvreries naîtrait du hasard et d'une rencontre.

On aurait pu croire toutes ces choses là.

lipomodelage

 

Mais les affiches narguaient le pirate mort-vivant.

"Lipomodelage, lipomodelage, lipomodelage", disaient-elles de leurs voix publicitaires.

Il n'y avait plus de femmes libres. Il n'y avait plus que des femmes épilées, rouge-à-lèvrées, talonnées, lipomodelées, qui se rendaient en souriant gravement aux votations citoyennes.

Et les pirates étaient loin, très loin dans la nuit du monde.

Et les livres mentaient, qui parlaient des mers chaudes et des amitiés de croisière.

Et l'homme sans qualité enterrait l'enfant pirate avant d'aller boire un tout petit peu de bière. Car l'abus d'alcool nuit à la santé ! Il faut consommer avec modération.

 

 

 

 

David Nathanaël Steene

dimanche, 20 mars 2011

Magie de Crin Blanc

Et une petite explication sur ce magnifique film-livre

vendredi, 18 février 2011

Monologue d'un film français

mardi, 15 février 2011

La nuit climatique

samedi, 12 février 2011

Sur les traces de l'amer

mardi, 18 janvier 2011

Apernox

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Urville, par Sara

 

(un billet d'Edith)

Ouvrir la nuit à la fenêtre de la cuisine : c'est ce que je viens de faire.

Tout s’épouse : la nuit suspendue aux étoiles, mes lèvres suspendues à une bière et ton nom qui flotte dans la mémoire de notre jeunesse. C’est l’heure de songer à la vie que j’aurais menée, si j’avais fait d’autres choix, aux carrefours que j’ai traversés.

 

J’ai suivi des sentiers du milieu, ne sachant opter entre la route des autres et l’effrayant chemin des douaniers. J’avais des idées idéales, des besoins vitaux : j’ai eu peur de l’absolu et j’ai eu ma part de chances et de guignes.

 

Comme Zénon, ne pas chercher à éclairer la foule qui ne veut pas savoir, à déstabiliser des manipulateurs qui n’auront aucun scrupule à écraser des Saint Jean Bouche d’Or.

Mais penser avec tranquillité, penser seule, et, quelquefois, rencontrer d’autres fantassins détachés du bataillon de la pensée unique, d’autres vagabonds sans autre guides que les étoiles trop hautes pour être bâillonnées.

Boire des bières sans chercher à convaincre, renoncer au monde sans abandonner le courage de penser.

 

Se demander : quelles sont les idées interdites ? Y a-t-il des choses que je n’aurais pas droit d’écrire ou de prononcer en public ?

En faire une liste, et s’habituer à les considérer dans le calme, ces choses indicibles. Certaines nous plairont. D’autres nous dégoûteront. D’autres nous laisseront perplexes. Si l’on ne peut les considérer en paix, ces idées, les suivre mentalement jusqu’au bout sans les haïr, c’est qu’on est toujours retenu par les brides des maîtres-penseurs, qui sont parfois avoués tels, parfois hypocritement déguisés en libertaires ou en amis.

 

Se demander encore toutes les choses laissées libres, tous les possibles qui nous sont offerts, toutes les voies incontrôlées par la société, ou même inconnues d’elle, inexplorées. S’ouvrira la porte sur de vastes déserts à traverser, des routes à suivre, des océans à naviguer.

 

Le pouvoir ne veut pas être « agacé ». Nicolas Fouquet n’était pas trop riche (il était très endetté) ; ce n’est pas l’argent que le Roi lui reprocha, mais son apparence de richesses. C’est l’insolence, pas le fond réel des situations, qui vexe les tenants du pouvoir et les pousse à sévir sans pitié. Or, c’est l’insolence qui nous donne envie de vivre. Dilemme.

 

La bière tiédit dans le soir. L’hiver est doux ici, frais ; jamais froid. Les jeunes gens là bas fument du cannabis en attendant de décider ce qu’ils feront ce soir. Ils ne feront sans doute rien.

dimanche, 09 janvier 2011

Culpabilité et béatitude

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Le soleil d'hiver baigne la ville froide. Les papiers administratifs sont faits. Une certaine somme s'est abattue sur le compte en banque, suite au rachat d'un livre par une maison d'édition étrangère.

Depuis une semaine, alors que la ville grouille et que ses habitants turbinent, s'activent, travaillent..., elle, elle se lève vers 9 heures du matin, prend une douche et un grand petit déjeuner, puis se recouche.

Au lit, elle lit, durant deux ou trois heures, quelquefois des encyclopédies, ou des auteurs grecs ou latins, quelquefois la bibliothèque  de son enfance : les bandes dessinées (Black & Mortimer, Victor Sackville, Tintin), les romans de la bibliothèque de l'amitié, des livres d'aventure du début du siècle.

Puis l'appel du ventre la mène à la cuisine, où, avec plaisir, sans hâte, elle cuisine un déjeuner original et soigné, qu'elle déjeune au coin d'un feu. Elle attend ensuite dans la douce chaleur que le feu s'éteigne en buvant un café et en réfléchissant à des événements passés.

Quand la cheminée a fini de crépiter, elle retourne à sa chambre et se remet au lit. Enfin elle écrit. Vers six heures, quand l'inspiration sera tarie, elle fera une longue promenade dans la ville. Il fera nuit quand elle rentrera. Ainsi passe l'hiver.

Observatoire de la culpabilité

Fond des lectures

Lors d'une lecture de Zozime, la culpabilité est basse. Lors d'une lecture de Tintin ou de la Comtesse de Ségur, la culpabilité est très élevée. Trouve-t-elle que les auteurs classiques sont plus brillants, plus intelligents, plus culturels que Hergé ou la Comtesse de Ségur ? Non ! La culpabilité n'est donc pas due à un jugement interne sur les lectures acceptables, mais sur l'échelle de valeur qu'elle croit objective.

Positions

L'indice de culpabilité monte avec la position couchée et chute avec la position assise ou debout. Lire ou écrire assise sur un fauteuil donne moins de culpabilité que lire ou écrire assise dans son lit. Or, lit-elle mieux dans un fauteuil que dans un lit ? Non. La culpabilité ne monte pas en fonction de la réalité de sa concentration, mais en fonction de l'échelle de valeur qu'elle croit objective.

 

Sommes-nous faits pour la béatitude ou pour la culpabilité ? La souffrance est-elle mesure de la vertu ? A-t-on le droit moral de vivre dans la douceur et la béatitude ?

 

Edith

jeudi, 06 janvier 2011

Dictionnaire de la délivrance psychique : autoproclamé

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penseuses autoproclamées en train de bronzer, par Sara

 

Autoproclamé : lorsqu'une personne n'a pas de diplôme, d'agrément étatique ou d'appartenance médiatique et qu'elle s'exprime sur un sujet qui ne concerne pas sa vie quotidienne, on dit qu'elle est autoproclamée. Ainsi, un homme tenant un blog d'informations sera "journaliste autoproclamé" ; une personne partageant un travail personnel sociologique sera appelé "sociologue autoproclamé".

Lire le Dictionnaire de la délivrance psychique, de Conan Kernoël

lundi, 03 janvier 2011

Dictionnaire de la délivrance psychique : nauséabond

 

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Les nauséabondes, par Sara

 

Nauséabond :


Une personne est nauséabonde lorsqu'elle a des idées non validées par la Pensée Bienfaisante pour l'Humanité. Les gens nauséabonds sont dangereux : leurs idées se répandent comme une maladie et infectent les esprits de toute la population, qui devient "facho". L'Etat doit en permanence lutter contre les nauséabonderies intellectuelles par la diffusion d'idées saines, via l'école, mais aussi via les panneaux d'affichage publics, les programmes télévisuels, et tous les supports de communication possibles.

 

Lire le Dictionnaire de la délivrance psychique, de Conan Kernoël

 

vendredi, 10 décembre 2010

être transportée

(un billet de Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva)

 

Le train à l'arrivée à la gare Saint-Lazare. Le bateau entre Quiberon et Houat. La vie d'une femme transportée. Où sont les chemins que ne connaissent pas les gestionnaires des flux ?

Carlingue, eau écumeuse, rails, béton, la vie quotidienne est belle quand même.




mercredi, 03 novembre 2010

France chérie

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Photo Marie-Christine Frager

(billet patriotique de Jean Bouchenoire)

 

Ma belle France chérie, je t’aime. Douce et tendre tu es avec nous. Pourtant, quelle honte aujourd’hui de te dire qu’on t’aime. C’est une honte de croire en toi. Pour l’Etat, pour tes fils, pour tes hôtes, c’est une honte de pleurer et rire d’amour pour toi.

Mon pays bien-aimé, ma vie est une prière que je t’offre, dans le silence de mon cœur et dans la beauté de mes gestes, tous les jours. Je le tais trop souvent, car qui en ce monde peut comprendre de telles paroles ? Prier pour toi, t’aimer, danser avec toi, voilà qui n’est pas à la mode. Mais je danse avec toi et toutes mes œuvres te sont dédiées.

A ta source, il y a la Grèce lointaine, la Terre Sainte du désert et des lacs de Judée et de Tibériade, à ta source il y a aussi et surtout les longs cheveux celtes et les rochers millénaires. Tes mers te baignent et t’aiment, tes montagnes te veillent, tes arbres te réchauffent et ton ciel s’étend dans le monde entier pour ta gloire.

Tu es mon amour et mon pays. Tes villes sont mes sœurs, accueillantes et quelquefois dures, et leurs bistrots accueillent les douleurs des enfants devenus grands.

Sache vieille France, sans cesse renouvelée comme la mer, sache qu’au fond de nos cœurs, malgré nos bouches bâillonnées, malgré nos cerveaux purgés, malgré nos corps dressés, un amour immense t’enveloppe. Cet amour est puissance, lumière et vie et tant qu’il brûle, tu es la France éternelle.

 

Jean Bouchenoire

dimanche, 10 octobre 2010

Aléas toi R

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Photo Sara

 

(un billet de David-Nathanaël Steene)

à K.

Fais de beaux rêves et ne reviens jamais.  Tes jambes sur le tapis et ta chemise de nuit de soie ne sont presque plus là. Tu pars. Tu entends des voix venues d'ailleurs, elles font une bulle de son dans laquelle tu entres et t'envoles. Tu vas survoler les immeubles de l'aube et les champs qui les suivent. Tu oublieras ma voix trop faible et mon corps trop malingre dans tes voyages sonores. Tactiles seront tes sensations, quand derrière les montagnes apparaîtra le paysage de l'enfance, de neige et de feu glacé, pur. Au confluent de toutes nos enfances, il y a le garçon enchanté, qui souffle pour voir la fumée sortir de sa bouche. Mais ne t'y trompe pas : dans ce rêve où tu pars, nul ne t'attend. C'est à toi de te frayer une voie irréelle à travers les voix des herbes et des gouttes de rosée, et toutes les choses infimes de la nature, qui fascinent et qu'on oublie vite dès que la ville est là, enfermante. 

Fais de beaux rêves puisque tes yeux sont déjà ailleurs, que tes oreilles tendent vers l'inconnu, que ma présence ne te dérange même plus. 

DN Steene

vendredi, 08 octobre 2010

Les oiseaux de passage

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Sables d'Olonne, par Sara

Un poème de Jean Richepin, sur la domesticité et la liberté.
On peut l'écouter chanté par Georges Brassens. 
On peut aussi lire
Le chien et le loup, de Jean de La Fontaine, qui évoque le même thème. 

Les oiseaux de passage

C'est une cour carrée et qui n'a rien d'étrange :
Sur les flancs, l'écurie et l'étable au toit bas ;
Ici près, la maison ; là-bas, au fond, la grange
Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras.

Le bac, où les chevaux au retour viendront boire,
Dans sa berge de bois est immobile et dort.
Tout plaqué de soleil, le purin à l'eau noire
Luit le long du fumier gras et pailleté d'or.

Loin de l'endroit humide où gît la couche grasse,
Au milieu de la cour, où le crottin plus sec
Riche de grains d'avoine en poussière s'entasse,
La poule l'éparpille à coups d'ongle et de bec.

Plus haut, entre les deux brancards d'une charrette,
Un gros coq satisfait, gavé d'aise, assoupi,
Hérissé, l'œil mi-clos recouvert par la crête,
Ainsi qu'une couveuse en boule est accroupi.

Des canards hébétés voguent, l'oeil en extase.
On dirait des rêveurs, quand, soudain s'arrêtant,
Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase
Ils crèvent d'un plongeon les moires de l'étang.

Sur le faîte du toit, dont les grises ardoises
Montrent dans le soleil leurs écailles d'argent,
Des pigeons violets aux reflets de turquoises
De roucoulements sourds gonflent leur col changeant.

Leur ventre bien lustré, dont la plume est plus sombre,
Fait tantôt de l'ébène et tantôt de l'émail,
Et leurs pattes, qui sont rouges parmi cette ombre,
Semblent sur du velours des branches de corail.

Au bout du clos, bien loin, on voit paître les oies,
Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers.
Oh ! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies,
Rentiers, faiseurs de lards, philistins, épiciers ?

Oh ! vie heureuse des bourgeois ! Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents.
Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne ;
Ca lui suffit, il sait que l'amour n'a qu'un temps.

Ce dindon a toujours béni sa destinée.
Et quand vient le moment de mourir il faut voir
Cette jeune oie en pleurs : " C'est là que je suis née ;
Je meurs près de ma mère et j'ai fait mon devoir. "

Elle a fait son devoir ! C'est à dire que oncque 
Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu.

Elle ne sentit pas lui courir sous la plume
De ces grands souffles fous qu'on a dans le sommeil,
pour aller voir la nuit comment le ciel s'allume
Et mourir au matin sur le coeur du soleil.

Et tous sont ainsi faits ! Vivre la même vie
Toujours pour ces gens-là cela n'est point hideux
Ce canard n'a qu'un bec, et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir ou bien d'en avoir deux.

Aussi, comme leur vie est douce, bonne et grasse !
Qu'ils sont patriarcaux, béats, vermillonnés,
Cinq pour cent ! Quel bonheur de dormir dans sa crasse,
De ne pas voir plus loin que le bout de son nez !

N'avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres,
Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants,
Posséder pour tout cœur un viscère sans fièvres,
Un coucou régulier et garanti dix ans !

Oh ! les gens bienheureux !... Tout à coup, dans l'espace,
Si haut qu'il semble aller lentement, un grand vol
En forme de triangle arrive, plane et passe.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !

Les pigeons, le bec droit, poussent un cri de flûte
Qui brise les soupirs de leur col redressé,
Et sautent dans le vide avec une culbute.
Les dindons d'une voix tremblotante ont gloussé.

Les poules picorant ont relevé la tête.
Le coq, droit sur l'ergot, les deux ailes pendant,
Clignant de l'œil en l'air et secouant la crête,
Vers les hauts pèlerins pousse un appel strident.

Qu'est-ce que vous avez, bourgeois ? soyez donc calmes.
Pourquoi les appeler, sot ? Ils n'entendront pas.
Et d'ailleurs, eux qui vont vers le pays des palmes,
Crois-tu que ton fumier ait pour eux des appas ?

Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent feraient éclater vos poumons.

Regardez-les ! Avant d'atteindre sa chimère,
Plus d'un, l'aile rompue et du sang plein les yeux,
Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère,
Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux.

Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
Ils pouvaient devenir volaille comme vous.
Mais ils sont avant tout les fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.

Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu'importe !
Là-haut chante pour eux un mystère profond.
A l'haleine du vent inconnu qui les porte
Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont.

La bise contre leur poitrail siffle avec rage.
L'averse les inonde et pèse sur leur dos.
Eux, dévorent l'abîme et chevauchent l'orage.
Ils vont, loin de la terre, au dessus des badauds.

Ils vont, par l'étendue ample, rois de l'espace.
Là-bas, ils trouveront de l'amour, du nouveau.
Là-bas, un bon soleil chauffera leur carcasse
Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau.

Là-bas, c'est le pays de l'étrange et du rêve,
C'est l'horizon perdu par delà les sommets,
C'est le bleu paradis, c'est la lointaine grève
Où votre espoir banal n'abordera jamais.

Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux.
Et le peu qui viendra d'eux à vous, c'est leur fiente.
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.

 

Jean Richepin

jeudi, 07 octobre 2010

Geek by the sea

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Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

(Un billet d'Olympe Davidson)

Inside, j'écoute la musique de Glass Buck Flower en bloguant. Outside, tu plonges à quelques mères sous la surface de l'eau et tes amis dauphins t'ont rejoint. Entre nous la plage et le lagon où de petits enfants et des petits poissons rigolent ensemble. Il n'y a rien de mieux que le son voluptueux de Glass Buck Flower pour accompagner ce moment magique, qui revient presque tous les jours depuis que je suis venu vivre ici. La maison où j' loge (à l'étage) est tenue par Tamaroa et Feti'a. Mais demain nous aurons une maison à nous, une grande maison en bois dans le sous bois qui longe la plage et de laquelle nous pourrons rêver au coucher du soleil tous les soirs. La musique de Glass Buck Flower noiera les journées et l'ordinateur aura toutes les prises qu'il lui faut pour me donner toutes ses facultés. Tu plongeras toujours et tu seras de plus en plus proche de l'Elément, de l'Eau, et de son peuple végétal et invertébré. Des flûtes s'ajoutent aux volutes électroniques du morceau "Electric Waves under the Night" et j'écris n'importe quoi sur mon blog. La vie n'a de valeur que lorsqu'on a renoncé à tout ce qui nous met des chaînes matérielles et administratives. Quand on a tout mis en veille pour n'assurer que le minimum vital, et qu'on vibre enfin aux ondes de la contemplation de la nature et du rythme intérieur du corps et de l'environnement, des couleurs, des formes, des voix, alors commence la magie. La perfection est de ce monde. Il suffisait d'ouvrir les yeux et de suivre la route qui nous attirait.

Electric Waves Under the Night s'est fini sous un rythme accéléré accompagné de deux riffs de guitare répétitif. Un court de temps de silence, puis Eating the Sky a commencé avec ses quelques notes de piano que rejoignirent la caisse douce et le vibraphone. Tu refais surface là bas dans la mer et tu joues dans les vagues avec les dauphins. Le lagon est très calme : les enfants sont rentrés chez eux ; les poissons sont au fond des algues. Le soir est parfait. Il ne manque rien à la beauté de l'instant, ni même l'instance incertaine, ni même la nostalgie d'une certaine journée d'enfance qui revient dans ma mémoire, après trop longtemps d'oubli.

Olympe Davidson

 

vendredi, 01 octobre 2010

La musique de Nadège

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Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

(un billet de Nadège Steene)

 

Tant qu’on est pris dans la tourmente du métro, du boulot et du dodo sous somnifère, on souffre beaucoup et on rêve de liberté. Quand la liberté commence, elle ne ressemble pas à ce que l’on imaginait puisqu’elle n’est pas structurée. C’est un grand vide rempli de néant, d’absence et d’angoisses. La solitude et l’exclusion pointent leur nez. Notre propre être ne sait qui il est, ni où il va. Il devient tentant de se recréer, vite, des pics de pression, des obligations extérieures, pour fuir l’effrayant néant que nous avions appelé : la liberté.

 

J’ai lu avec plaisir les tentatives de Guilain Omont pour organiser son temps libre lors de l’année sabbatique qu’il s’est offert. Il a inventé le concept de chronoleftéologie, la science du temps libre. Ses réflexions sont intéressantes, parce qu’elles sont personnelles et vraies : l’on se reconnaît plus dans ses tentatives pour se lever tôt ou pour ne pas se noyer dans son ordinateur, que dans des conseils d’ordre généraux qu’on peut trouver ça et là en ligne sur la gestion du temps.

 

J’ai décidé de passer la vie la plus agréable possible. Bien sûr, la question de l’argent fut la première à se poser. Elle n’est pas entièrement réglée, mais en ce moment je fais partie des gens qui passent la majorité de leur temps chez eux, par choix.

Or, à être chez soi, avec pour horizon un grand océan de temps libre sans balises, on se dit que la vie rêvée n’est pas la vie de rêve, que nos forces créatrices ne se déploient pas comme prévu, et que si rien, décidément rien ne sort de nos bras, de nos doigts recroquevillés sur le clavier, de notre petite tête effrayée enfin, on comprend soudain pourquoi le monde est si bien organisé, en journées de travail et en vacances qui finissent trop vite, en moyens de transports réglés comme du papier à musique et en humanité sectionnée en cadres supérieurs, cadres, employés, ouvriers, marginaux et exclus, on comprend pourquoi les petits cerveaux se donnent rendez-vous le soir devant le petit écran de télévision pour téter à la mamelle de la pensée unique.

 

La vie la plus agréable possible… A quoi ressemble-t-elle ? Dans mon rêve, elle ressemblait à une vie d’aventure : aviation, planche à voile, treks, raids, raftings, safariphotos sauvages dans les forêts et les montagnes de France… En fait, il semble que ma nature ne s’emballe pas pour les détails de ces aventures. En images et en rêve, ces activités sont la rencontre magique de l’individu et du ciel, de la mer, des arbres, sans aucune contrainte extérieure. En réalité, elles sont la succession de détails et d’activités techniques qui m’ennuient au plus haut point. Je n’aime pas porter des trucs lourds, je n’aime pas brancher des choses pour recharger des machins, je n’aime pas visser un mât à une planche, je n’aime pas regarder une carte pendant trois heures, encore moins prévoir quelles chaussures il me faudra, etc. De même, mes idées sur les aventures artistiques se sont heurtées à mes tendances profondes. La musicienne que je voulais être ? J’ai tenté vaguement de l’approcher. Rien de ce que vivent les gens qu’il aurait fallu rencontrer, avec qui il aurait fallu travailler, rien de ce qu’ils disent, ne correspond à ma vision intérieure. Alors, là encore, l’écart entre le désir sans connaissance et la déception de l’expérience était trop grand pour moi.

Il a fallu renoncer à ces aventures dont l’image me plaisait – pas leur réalité. En faisant connaissance avec ses goûts profonds, on renonce à nos idées sur nous-mêmes et on approche non la vie rêvée, mais la vie de rêve. C’est apprendre à abandonner l’image du bonheur pour trouver le bonheur lui-même.

 

La vie la plus agréable possible ? C’est me lever, prendre une douche, petit-déjeuner et enfin me recoucher dans mon lit, éventuellement avec un café ou un thé, pour lire ou écrire.

C’est passer beaucoup de temps à faire la cuisine. Ce point culinaire, c’est une des choses que j’ai eu le plus de mal à m’avouer.

Du temps, donc, pour cuisiner le déjeuner et le dîner. Du temps, aussi, pour écouter de la musique sans rien faire d’autre ; du temps, enfin, pour marcher en rêvant.

La vie a lieu entre deux lieux (pour le moment), Paris et la baie de Somme. Entre la capitale et la mer ! Il manque un peu de nature, un havre de paix-solitude noyé dans la nature, cela viendra…

 

Chic, chic, chic, un quartier très chic dans la capitale, dans les rues duquel personne ne crache, ni ne jure très fort, ni ne regarde les femmes de travers. Elégant, cultivé, dynamique, et dans ce quartier un appartement intéressant et beau, aux multiples facettes, dans lequel on puisse rêver qu’on est écrivain, ou bien aristocrate, ou encore bohème. Des bars aux couleurs chaudes et aux musiques planantes, qui servent une bouffe délicieuse et des vins capitonnés.

Un piano en bois profond qui sonne et résonne bien ; des amis et des voisins qui ressemblent à de beaux personnages des bandes dessinées de Beja et Nathaël ou de Bruno Le Floc’h.

 

De vastes wagons de train qui m’emmènent à la mer où j’ai mon appartement et sa terrasse et à la future campagne dont je rêve. Preisner qui hante l’appartement, de longs soirs d’été. Le souvenir des années mortes : la liberté des jours à venir. Quelques nostalgies d’enfance et d’amitié, toujours remédiables par l’art, au moins par l’art. Mais vous dites que vous êtes jaloux. Que je ne mérite pas cela. Que tant de gens souffrent. Oui, ils souffrent. Ils plient sous le fardeau du travail forcé ; ils élèvent leurs enfants dans le manque et la douleur. Ils ont des rêves qu’ils ne réalisent pas. Vous me pointez du doigt : « tu as de la chance ! tu as de la chance ! » Oui… Oui, j’ai de la chance. Et pourtant, dans la marge qui nous est laissée, nous pouvons toujours tendre vers un peu plus de bonheur ou un peu plus de malheur.
Depuis que j’ai pris la barre du bateau de ma vie, le bonheur se déploie, se dilate et me baigne, de plus en plus.