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mardi, 30 juin 2009

L'homme des mégalopoles...

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«On habite avec un cœur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout».
Chateaubriand

 

Mon rêve de liberté commence avec l’espace. J’ouvre les yeux à l’aube et veux me mouvoir : un mur me fait face, mais il comporte une fenêtre. J’ouvre la fenêtre, écarte les volets. Point de ciel : un mur, celui de l’immeuble d’en face. Je descends les escaliers. Je prends une clef, pour remonter. Je prends une carte bleue, pour acheter.
Je marche, et les rangées d’immeubles élèvent un couloir en haut duquel un fin rectangle de ciel brille.
Mon rêve de liberté se fracasse sur l’angoisse de nos jours bétonnés.

 

L’homme des mégalopoles : il marche.
Des panneaux le guident dans les endroits permis, le détournent des sens interdits.
Il marche, pieds emprisonnés dans des chaussures, sur l’asphalte gris où rien de vert ne pousse. Entourés de grillages, un arbre, tous les deux mètres, décore la rue. Avenues, boulevards, rues, impasses, qui a imaginé pareils couloirs ? Sur de grandes rangées filent les voitures. Les humains, sur les trottoirs qui bordent ces rangées, filent moins vite. Savent-ils tous où ils vont ? Cela dépend de leur esprit. Certains ont l’esprit éteint, mais leurs jambes savent, elles, et leurs chaussures et leurs pantalons se déplacent mécaniquement. D’autres ont l’esprit miné par les questions : la porte sera-t-elle ouverte ? Ai-je bien les informations qu’on me demandera ? Vais-je retrouver Derek ?  L’homme à l’esprit rêveur erre. Il n’a ni rendez-vous, ni convocation, ni but, ni ami. Il tourne, suit une avenue, traverse la vaste rangée de voitures qui, au signal d’une lumière rouge, se sont arrêtées. Il avance, recule, tourne, hésite, s’engouffre.
Dans le labyrinthe de la ville, l’homme des mégalopoles se réfugie dans son labyrinthe intérieur.
 

Mon rêve de liberté se poursuit dans la rue quand l’aube fait place au jour et que les boutiques s’ouvrent.
Je déambule dans un grand magasin. Des photographies prises dans le monde entier dominent mon être. Pyramides, Macchu Picchu, et les étalages de merveilles ressemblent aux jardins de Babylone.
A la porte du magasin, un panneau d’affichage porte deux affiches. Un vaisseau spatial, une femme nue qui appelle le passant dérangé. Au pied du panneau dort un clochard. Ni les affiches, ni le clochard n’appellent mon cœur.
Mon rêve de liberté se fracasse sur la béance du regard blasé.

 

L’homme des mégalopoles marche sans cesse. Quand la fatigue le saoule, après des milliers de pas, monte en lui une vision agraire de la ville.
Alors les champs de bars s’étendent à perte de vue… Et, le long des sillons de la ville, défilent des tracteurs de pollution. Le temps des semences est éternel.
Le tournoiement obsessionnel, fulgurant, magnifique, scintillant des phares et des réverbères de la mégalopole entrecoupe les rêves d’angoisse, noie la pensée réaliste, mais fait aussi jaillir la réflexion.
Quand on marche longtemps, la fatigue harasse le cerveau de nouvelles idées : juger de la valeur des êtres en fonction de leur espèce est aussi idiot que de les juger, au sein d’une espèce, en fonction de leur race : ne sommes nous pas tous chair perdue dans le béton froid des constructions ou dans la sauvagerie brûlante de la nature ?
Cet humain lambda, qui déambule dans une mégalopole moderne, longe les boucheries où pendent des cadavres, traverse des rayons où des bouts d’êtres sont à vendre dans des emballages de plastic. Il accélère son pas pour oublier les pensées « ridicules » de fraternité pour les animaux : sa solitude, le balancement entre, d’un côté, la normalité et son confort, et de l’autre, son cœur. Et le voilà qui trébuche contre un frère humain, errant allongé dans sa misère sur le macadam. L’alternance entre les émanations grouillantes de la ville et sa pensée lancinante, devient presque obsession.
 

Pour celui qui veut s’exprimer, pour celui qui veut agir, quelle est la voie la plus fluide ?
L’angoisse de la technique, c’est la difficulté des outils qui fait barrage à mon envie de réalisation.
L’angoisse de l’administratif, c’est la peur de ces droits qu’on me donne et qui se traduisent par des processus administratifs, des passes, des puces, des chiffres et des mots secs.
Je refuse mon nom, je refuse mon sexe, je refuse ma nation, parce que ce ne sont pas les miens : on me les a scellés sur mon passeport.
Mon rêve de liberté se fracasse sur l’identité dans laquelle on m’a enfermée.

 

Il marche. Il observe. Il entoure. Tout le suffoque. Il marche. Dans le labyrinthe de la mégalopole, l’homme marche.
Il s’enfonce à chaque pas plus profondément dans le labyrinthe, et cherche à entendre les choses qui parlent. Mais la nature n’est plus, et les objets sont raides et vides, muets. Odeurs, sirènes, klaxons, scintillements, font bourdonner sa tête mais n’effacent pas le questionnement qui monte comme une chanson obsédante.
Loin du ciel et loin de la terre, au milieu des voitures, des lumières, du béton et des ondes, l’homme des mégalopoles ferme les yeux. Il rêve.
L’homme des mégalopoles n’a pas couru depuis longtemps sur une étendue vide.
L’homme des mégalopoles n’a pas contemplé depuis longtemps un horizon total.
Dans le labyrinthe de la ville, l’homme des mégalopoles se réfugie, se noie, se perd dans son labyrinthe intérieur.
L’homme des mégalopoles est un aventurier ?
Qu’est l’aventure ?
C’est un chemin intérieur de découverte. Découverte de la beauté et de la douleur du monde.
Que l’on voyage à travers le monde ou que l’on reste chez soi, enfermé, ne change rien.
Comme le rêve de la rencontre idéale, le rêve de liberté mène à la réalité du rêve fracassé.
 

L’espace est mental ; l’espace est psychique ; l’espace est visuel ; l’espace est physique ; l’espace est intérieur et extérieur : l’espace est vital.
Après la nuit qui m’a lavée de la connaissance du jour, j’ouvre les yeux à l’aube et je veux me mouvoir. Mon rêve de liberté commence avec l’espace.

 

Edith de Cornulier-Lucinière

Décembre 2006

 

vendredi, 12 juin 2009

atone : psalmodie atone souffle


podcast

Psalmodie-soliloque d’un soir de la neuvième année de mariage

 

NormaleSup2.72dpi.jpg

 

 

Chantonné par Venexiana après quatre bières (adelscott ambrée)

 

Ma voix coule dans le soir

Mais mon cœur demeure aphone

Je respire dans ce bar

Des vapeurs d’alcool atone

 

Nous traversons les saisons

Main dans la main bien trop sages

Je n’observe à l’horizon

Aucun feu, aucun mirage

 

La vie et ses expériences,

Je les traverse en apnée

Puisque aucune délivrance

Ne nous est jamais donnée

 

Mais ce soir, dans la lumière

Du bar où flotte un suspense,

Ce soir je veux le salaire

Des années d’obéissance.

 

 

Que les lois et la morale

S’effacent de mon karma ;

De se courber sous leur pâle

Mensonge, mon crâne est las.

 

Dans ce corps où tout s’éteint

Pour jamais n’être fécond,

Que la passion prenne enfin,

S’il reste des braises au fond.

 

Que le désir se rallume,

Qu’il fasse briller mes yeux,

Pour qu’ils se désaccoutument

De leur rideau vertueux.

 

J’en appelle aux dieux païens

Ceux qui boivent et ceux qui chantent,

Qu’ils déchargent mon destin

De la ration, de l’attente.

 

J’en appelle même au stupre,

Si lui seul peut délivrer

Du convenable sans sucre

Un cadavre articulé.

 

 

 

Et toi, frère et faux-amour,

Co-victime et co-coupable,

Vas-tu taire pour toujours

L’hypocrisie impalpable ?

 

 

Nous traversons les saisons

Main dans la main bien trop sages

Et rien dans notre prison

Ne présage un grand orage.

 

Mais ma voix coule ce soir,

Et mon cœur te téléphone,

Je respire dans le bar

Des instances qui frissonnent.

 

Et si tu ne réponds pas,

Si rien en toi ne s’éveille,

Parce que mon cœur est las

Des jours aux autres pareils,

 

Tu prendras tout seul le train,

Et dans la nuit qui appelle,

Coupable de ton chagrin,

Je chercherai l’étincelle.

 

17-18 décembre.

 

 

vendredi, 29 mai 2009

La meute revient


Il faut cliquer sur le triangle qui signifie play. Le loup d'AlmaSoror s'est laissé allé à geindre et au milieu de la bande des chants diphoniques se sont laissés aller à sortir. Alleluia

dimanche, 17 mai 2009

Smohalla

Hommage


Cet hommage à nos étoiles des temps proches et lointains veut saluer des êtres
dont le souffle, la vision, la parole nous aident à vivre et à penser.

 

Smohalla
(1815-1895)

B000878-R1-09-10A.jpgphot Sara



"My young men shall never work. Men who work can not dream, and wisdom comes to us in dreams"
Mes jeunes gens ne travailleront jamais. Les hommes qui travaillent ne peuvent pas rêver ; et la sagesse nous vient par les rêves.

Smohalla est issu de la tribu Nord-américaine Wanapum, encore nommée Sokulks. Il inventa une religion nouvelle, inspirée par la religion traditionnelle de sa culture. De cette religion nouvelle, qui connut un succès fulgurent de son vivant et dans les décennies qui suivirent, et qui trouve aujourd'hui quelques adeptes, il est le prophète.
Cette religion nouvelle est la religion des rêveurs. Les historiens américains parlent du mouvement des rêveurs.



FOI

La foi des Rêveurs est en partie une reviviscence de certains concepts de la religion traditionnelle des Indiens Wanapum et Nez-Percé. Mais Smohalla a adpaté son discours à l'état de la société indienne parquée dans les réserves et au mode de rhétorique occidental. Souvent ses principes rappellent les idées de Lafargue ou de certains anarchistes spiritualistes contre le travail et contre le progrès.

LUTTES

Non Violence
Smohalla prôna et appliqua la non violence.

Réserves
Mais il refusa d'être, ainsi que sa tribu, mis dans une réserve. Il mena une résistance intransigeante à l'Etat Fédéral sur ce plan.

Au-delà du sysème des réserves (zoos cogérés par les humains qu'ils contenaient), il s'opposait contre la propriété privée et la parcellisation de la terre, qui lui paraissait inaliénable.

MORTS,RESURRECTIONS, SUCCESSIONS

Smohalla mourut trois fois (ou cours de duels et d'accidents) et trois fois il réscussita après un coma sans espoir.

Deux successions
Il déclara que sa fille aînée serait son héritière. Elle mourut. Il en conçut un fort chagrin qui redoubla son ardeur de prêcheur politique et spiritualiste. Il vécut encore longtemps et avant sa mort nomma son fils, qui prit la suite avec moins de fougue. Les idées de Smohalla continuèrent d'inspirer des gens, principalement parmi les Nez-Percés (tribu proche) mais le mouvement était passé.

EXTRAIT (suivis d'une traduction)

«You ask me to plough the ground? Shall i take a knife and tear my mother's bosom? Then when I die she will not take me to her bosom to rest. You ask me to dig for stone! Shall I dig under her skin for her bones? Then when I die I cannot enter her body to be born again. You ask me to cut the grass and make hay and sell it, and be rich like white men, but how dare I cut off my mother's hair? It is a bad law and my people shall not obey it. I want my people to stay with me here. All the dead men will come to life again; their spirits will come to thier bodies again. We must wait here, in the homes of our fathers, and be ready to meet them in the bosom of our mother ».

Vous me demandez de labourer la terre.
Dois-je prendre un couteau et déchirer le sein de ma mère ?
Alors quand je mourrai, elle ne voudra pas me prendre dans son sein pour que j'y repose.

Vous me demandez de creuser pour trouver de la pierre.
Dois-je creuser sous sa peau pour m'emparer de ses os ?
Alors, quand je mourrai, je ne pourrai plus entrer dans son corps pour renaître.

Vous me demandez de couper l'herbe, d'en faire du foin, de la vendre pour être aussi riche que les hommes blancs.
Mais comment oserais-je couper les cheveux de ma mère ?

C'est une mauvaise loi et mon peuple ne devra pas la suivre. Je veux que mon peuple reste ici auprès de moi. Les hommes morts reviendront à la vie ; leurs esprits réinégreront leurs corps. Nous devons attendre ici, dans les maisons de nos pères, et demeurer prêtes à les retrouver dans le sein de notre mère.

mardi, 05 mai 2009

TIEMPO

Tiempo

Por Antonio Zamora

Un fresco murmullo efervescente cubrió la arena hasta besar su mano. El roce líquido en la soleada piel desnuda provocó un leve estremecimiento del arrodillado cuerpo infantil, cuyo brazo extendido ofrecía a la luz azul un puño cerrado que destilaba gotitas de arena y agua para acumularlas en lo más alto de una montaña fantástica alzada hacia el cielo como una torre gótica. Al fondo, más allá del cuerpo estremecido y de la torre y del puño alzado, un limpio horizonte de mar y cielo brillaba poderoso y profundo como una promesa, un misterio, una aventura.

Mira ahora esa imagen en papel del niño que fue. Le resulta ajeno. La repetición, imperceptible al principio, ha sido devastadora. Puede sentir cómo actúa ahora mismo, cómo ahoga luces y apaga contrastes, cómo crispa su puño y empequeñece montañas, cómo acelera los días y encierra horizontes. Tantos ayeres que son como hoy, tantos amores que no son ninguno, tantos esfuerzos que ahora son vanos. Atrapado en un tiovivo que gira y gira y gira, no encuentra la salida, no busca la salida, no piensa si hay salida. Y sólo el vértigo anticipa un final.

Al final... un sordo murmullo de sombras  se arrastrará por la arena y morirá deshecho a sus pies. Sus ojos cansados se elevarán muy despacio y creerán vislumbrar, más allá de su propio desgaste, del oleaje gris y de la bruma invernal, el horizonte perdido. Tratarán entonces de encontrarlo, de ser al fin capaces de reconocer, atravesando el vacío vertiginoso de la repetición, al niño eterno del luminoso puño en alto para nunca más dejar de sonreírle. Pero es probable que no encuentren más que bruma y oleaje.

Antonio Zamora

mercredi, 25 mars 2009

La canción del zorro y el cuervo

La canción del zorro y el cuervo

 

Antonio Zamora

 

J¨-Edith.JPGphot KPM pour VillaBar

 

 

Zorro viejo huele rosa

delicada, dulce, tierna.

Zorro viejo huele rosa

y la busca y la desea.

 

Cuervo joven tiene rosa

en su rama solitaria.

Cuervo joven tiene rosa

en su pico y en su alma.

 

“Joven cuervo, ¡eres tan bello,

tan perfecto, tan sensible...!

¿No podrías cantarme aquello

que tus dulces ojos dicen?”

 

Cuervo joven se emociona,

va a iniciar ya su graznido.

Cae la rosa de su boca,

cae la rosa en un suspiro.

 

Una espina en el hocico

del zorro viene a clavarse.

Un aullido dolorido,

¡una carrera salvaje!

 

Cuervo joven, apenado.

Zorro viejo, escaldado.

La rosa yace en el barro...

y este canto se ha acabado.

 

mardi, 10 mars 2009

Les litanies de la bonne mort

Les litanies de la bonne mort, prière traditionnelle

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phot Sara

 

Seigneur Jésus, Dieu de bonté, Père de miséricorde, je me présente devant vous avec un cœur humilié, contrit et repentant. Je vous recommande ma dernière heure et ce qui doit la suivre.

Quand mes pieds immobiles m'avertiront que ma course en ce monde est près de finir,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi,

quand mes mains engourdies et tremblantes ne pourront plus presser le crucifix contre mon cœur et que, malgré moi, elles le laisseront tomber sur mon lit de souffrances,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes yeux, voilés et troublés par l'effroi d'une mort imminente, porteront vers vous leurs regards vagues et expirants,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes lèvres tremblantes et froides prononceront pour la dernière fois votre adorable nom,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes joues pâles et livides inspireront aux assistants la compassion et la terreur ; que mes cheveux, baignés des sueurs de l'agonie, se dresseront sur ma tête, annonçant ma fin prochaine,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes oreilles, près de se fermer à jamais aux discours des hommes, s'ouvriront pour entendre de votre bouche la sentence irrévocable qui fixera mon sort pour l'éternité,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mon imagination, agitée par des fantômes effrayants et terribles, sera plongée dans les tristesses mortelles et que mon esprit, troublé par le souvenir de mes iniquités et par la crainte de votre justice, luttera contre l'Ange des ténèbres qui voudra me dérober la vue consolante de vos miséricordes et me jeter dans le désespoir,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand je verserai mes dernières larmes, symptômes de ma dissolution prochaine, recevez-les, ô mon Jésus, en sacrifice d'expiation, afin que je meure comme une victime de pénitence ; et, dans ce terrible moment,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand j'aurai perdu l'usage de tous les sens, que le monde entier aura disparu pour moi, et que je gémirai dans les angoisses de la dernière agonie et les affres de la mort,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand les derniers soupirs de mon cœur presseront mon âme de sortir de mon corps, acceptez-les comme venant d'une sainte impatience d'aller à vous; et alors,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand au dernier instant mon âme se détachant de mon corps, sortira pour toujours de ce monde, et laissera mon corps pâle, glacé et sans vie, acceptez la destruction de tout mon être comme un hommage que je veux offrir dès aujourd'hui à votre Majesté divine ; et, à cette heure suprême,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

enfin, quand mon âme paraîtra devant vous, et qu'elle verra, pour la première fois, la splendeur immortelle de votre divine Majesté, ne la rejetez pas de votre présence, mais daignez me recevoir dans le sein de vos miséricordes, afin que je chante éternellement vos louanges ; et, en ce moment solennel,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi.

 

dimanche, 08 février 2009

Dangereuse beauté

 

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Par S.Barynsflook

(phot Isabelle Ferrier pour VillaBar)

 

Dangereuse beauté

Tu vois que le soleil a cessé de briller

Et que je ne suis pas prêt de l’oublier

Dangereuse beauté

De ton étoile j’entends le râle des humains apeurés

Et alors que tous s’effondrent dans leurs pensées

Alors que tous s’efforcent d’oublier leur passé

Toi tu les regardes et recrées cette image lacérée

Dont tous tentent de se débarrasser

De leur âme a jamais offusquée par ta magie d’obscurité.

Que cherches-tu, pourquoi me prendre a tes cotés

Que puis je faire devant ta majesté

L’horreur est ta beauté

Tu me dégoûte je t’aime j’aime les entendre crier

Toutes les senteurs du monde sont à jamais exorcisées

 

Regarde-les s’entretuer, ils n’arrivent  plus à pleurer

Par ton toucher ils sont glacés.

 

Ce spectacle terrible, long et majestueux

Que nous regardons tous deux du haut des cieux

Merci, merci ignoble amour

D’avoir plongé ces peuples dans la damnation

Au point qu’instinctivement libres comme des pions

Ils mènent doucement leur lente éradication.

 

Merci profondément toi qui n’as pas de nom

Garde-moi près de toi quelle belle illustration

Nous les regarderons jusqu'à la fin des temps

Lutter et s’affirmer, crétinisme patent.

 

Leur naïveté palpable sera distraction

Et leur aveuglement sera notre passion

Et puis nous attendrons dans la délectation

La fin de l’age des hommes, d’une ère la scission.

 

 

S.Barynsflook

 

vendredi, 06 février 2009

Désir du soir

 

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Quand la ville entre dans le noir, tes yeux s’allument différemment.

 

Alors a lieu une fable nocturne.

 

Les rideaux du soir s’ouvrent sur le théâtre de la nuit. Les personnages entrent en scène.

Le soulographe, la prostituée, l’enfant fugueur. Quelques soldats en uniforme, désoeuvrés. Les masques sont fabuleux ; le rouge à lèvres déchire la nuit.

 

Un cri : un chien veut témoigner mais les mots ne lui viennent pas. On sait qu’il sait. Il sait qu’il sait, il sait qu’on sait qu’il sait. Entre la souffrance et la communication, naît le monde de la poésie. Nous rêvons tous d’un ange, nous sentons une présence, nous attendons. Le temps s’installe, assis dans la nuit, patient. Le sommeil me fait peur : je veux retourner à Insomniapolis.

 

L’aube est à l’autre bout du monde.

 

 

!

Hélène Lammermoor

jeudi, 01 janvier 2009

IN MEMORIAM GANGE

In Memoriam Gange

(lettre à une chienne)

in universo almae sorores.jpgblason réalisé par Sara



Gange
Mais je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans l'océan
Tu es je ne sais où, je suis toujours ici
Mais au fond nous sommes un poisson

Ton départ a tout effacé, sauf ta présence.
Tes cendres frémissent dans leur boite,
Sur le piano.
Et je ris lors des grands dîners,
Je ris derrière mon masque.
Car je sais que nous sommes un poisson.

Tu as quitté ton corps,
Dans la mort.
Et j'ai quitté le mien, (l'air de rien)
Pour te suivre.
Voilà comment nous sommes devenues poisson.

Comme toujours, silencieuses,
Et comme toujours, amoureuses
De cet océan seul et immense,
Salé et sans souci
Qui nous noie inlassablement.

Seules certaines musiques
Endiablées mais lentes
Seules quelques musiques
Lancinantes
Laissent le poisson
Coloré
Nager dans l'air chaud du salon

Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans les vagues de fumée

Et sans drogue
Soeur de coeur
Sans alcool ni opium
Rien que le souvenir
De ton regard sans fond
Coeur de soeur
Pour rejoindre les fonds
Bas fonds
Tréfonds
De l'océan universel
Dans lequel
Toi et moi,
Le poisson,
Nous nageons.

Oui je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans le néant
Tu es je ne sais où, je suis je ne sais qui
Et c'est fou, nous sommes un poisson...

Au fond de mes yeux astrologues
Mon amour soeur
De mon ventre océanographe
Mon amour chienne
De mon coeur astrophysicien
Mon amour Gange
Au creux de mes mains géographes

La planète, petite comme une bulle
Ronde comme une pastille dans un tube
Danse
Et l'univers immense et nébuleux
Mène la transe
C'est ainsi que je sais
Que je sens
Que toi que moi que nous
Sommes Une
Nageant
Dans l'océan
Qu'importe que je parle à d'autres gens ?
Que je sois quelque part, à quelque moment ?
Puisque le temps n'est qu'un mirage
Et l'espace invisible...
Si le réel n'est que la vérité,
Nous ne faisons qu'une
Et nous faisons phe phe phe

Ton départ a tout effacé
Sauf mon absence
Et les cendres de mes cigarettes
Près du piano.
Et je ris lors des grands dîners
Je ris derrière mon casque.
Car je crois que nous sommes un poisson.

Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans l'écume-fumée.


Edith de Cornulier-Lucinière

lundi, 22 décembre 2008

DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME

DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME QUANT A L'EVOLUTION DE LA HIERARCHIE DES ESPRITS DU MONDE

 

par Barynsflook

 

Pas de questions sur l'évolution de tout un chacun, l'histoire des peuples, l'histoire des communautés, l'histoire des individus... Toutes les erreurs notables sont déjà notées quelque part. Et pourtant ils s'obstinent, ça les excite de revivre ces passes palpitantes de l'histoire, de la vie, de l'histoire de la vie. Incalculables vertus causant d'incalculables torts, indénombrables vices pour le plaisir de tous. L'arbre se courbe devant celui qui voudra bien chercher à lui faire courber l'échine, et bien peu malins mais nombreux ceux qui en sont capables.

 

Accalmie des bons jours, dangereuses bourrasques de ceux pendant lesquels tu règnes... Du sentir au toucher, le dictat de toujours, tu t'es toujours trompé, rien jamais ne te perdra et pourtant tu as déjà perdu.

 

J'ai créé l'armée du désespoir afin de te détrôner immonde parasite du monde des gentils. Seuls les grands ont pu observer la vérité, car cette dernière ne se sait jamais, elle s'observe... Tu aurais du comprendre, tu aurais du m'entendre. Tu verras la lumière quand tes fautes expiées tu auras renoncé à rejoindre ce gué. Le gué de l'astre mort le gué du mirador noir à cent lieues des humains, moi je t y attendrai, et tu pourras crier, forcer ou attaquer mais le soleil jamais ne te laissera passer. Ainsi, tu vois, sans même lever d'armée, sans trop de vies renier, sans les faire soupirer, j'ai ressaisi ma chance d'être de ces grands esprits, qui, dans l'histoire des Mondes ont su harmoniser les émotions, les vies, celles la même que tu t'évertuais à annihiler, aigri par la longueur des ères.

 

 

Barynsflook

 

mardi, 16 décembre 2008

Indult Agatha Christie

Voici la requête que Yehudi Menuhin, Agatha Christie, Graham Greene, et d'autres artistes et intellectuels souvent non catholiques signèrent... pour sauver la messe traditionnelle de l'Eglise catholique, qui "appartient ainsi à la culture universelle aussi bien qu’aux hommes d’Église et aux chrétiens pratiquants".

Sous l'appel, vous trouverez la liste des signataires.

 

 

Introïbo ad altàre dei...

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... Ad Deum qui lætíficat juventútem meam.

 

Dans les années 1960, le Concile de Vatican II transforma radicalement la liturgie catholique.

Au delà de la messe et des prières fondamentales (le Notre-Père), l'esthétique et le déroulement de la vie des villes et villages à majorité catholique en ont été entièrement transformés.

Quelques artistes et intellectuels anglais réagirent par une lettre au Pape.

Pour Agatha Christie, Yehudi Menuhin (non catholiques), Graham Green et d’autres, la « modernisation » de la messe traditionnelle, célébrée depuis l’antiquité et codifié par Pie V en 1570, était une catastrophe pour l’histoire de l’esprit humain.

En effet, le chant grégorien et une immense partie de la musique classique, une grande part de l’inspiration littéraire européenne, sont issus de la sancta missa. Mais le déroulement de la messe lui-même constitue un patrimoine littéraire et liturgique immense.

A la suite de cette pétition, le pape autorise, par un indult, à prononcer la messe traditionnelle exceptionnellement. Ce texte est appelé l’« indult Agatha Christie », signataire la plus marquante de la requête pour sauver la messe traditionnelle en Angleterre.



Appel pour demander le maintien de la Messe traditionnelle.

 

« L’un des axiomes de la publicité contemporaine, aussi bien religieuse que profane, est que l’homme moderne en général, et les intellectuels en particulier, sont désormais pleins d’intolérance pour toutes les formes de la tradition et n’aspirent qu’à les supprimer pour les remplacer par quelque chose d’autre.

Mais comme bien d’autres affirmations de nos machines à publicité, un tel axiome est faux. Aujourd’hui, tout comme dans le passé, les hommes cultivés sont à l’avant-garde chaque fois qu’il s’agit de reconnaître la valeur de la tradition, et ils sont les premiers à sonner l’alarme lorsqu’elle est menacée.

Si quelque décret déraisonnable devait ordonner la destruction complète ou partielle des basiliques ou des cathédrales, ce seraient évidemment les hommes cultivés quelles que soient leurs croyances personnelles qui se dresseraient, pleins d’horreur, pour s’opposer à une telle possibilité.

Or, c’est un fait que ces basiliques et ces cathédrales ont été bâties pour la célébration d’un rite qui, il y a quelques mois encore, représentait une tradition vivante. Nous voulons parler de la messe catholique romaine. Pourtant, si l’on en croit les dernières informations en provenance de Rome, il existe un plan destiné à supprimer cette messe dès la fin de cette année.

En ce moment, nous n’envisageons pas l’expérience religieuse et spirituelle de millions de personnes. Le rite en question, dans son magnifique texte latin, a également inspiré quantité d’œuvres d’art inestimables, non seulement des œuvres mystiques, mais aussi des œuvres de poètes, philosophes, musiciens, architectes, peintres et sculpteurs, dans tous les pays et à toute les époques. Il appartient ainsi à la culture universelle aussi bien qu’aux hommes d’Église et aux chrétiens pratiquants.

Dans la civilisation matérialiste et technocratique qui menace de plus en plus la vie de l’âme et de l’esprit dans son expression créatrice originale — la parole, — il semble particulièrement inhumain de priver l’homme de formes verbales dans l’une de ses plus grandioses manifestations.

Les signataires de cet appel, qui est entièrement œcuménique et apolitique, proviennent de toutes les branches de la culture moderne en Europe ou ailleurs. Ils désirent attirer l’attention du Saint-Siège sur l’effrayante responsabilité qu’il encourrait dans l’histoire de l’esprit humain s’il refusait de permettre la survie de la messe traditionnelle, même si ce n’était que côte à côte avec d’autres formes liturgiques ».

 

Liste des signataires :

 

Harold Acton,

Vladimir Ashkenazy,

John Bayler,

Lennox Berkeley,

Maurice Bowra,

Agatha Christie,

Kenneth Clark,

Nevill Coghill,

Cyril Connolly,

Colin Davis,

Hugh Delargy,

Robert Exeter,

Miles Fitzalen-Howard,

Constantine Fitzgibbon,

William Glock,

Magdalen Gofflin,

Robert Graves,

Graham Greene,

Ian Greenless,

Joseph Grimond,

Harman Grisewood,

Colin Hardie,

Rupert Hart-Davis,

Barbara Hepworth,

Auberon Herbert,

John Jolliffe,

David Jones,

Osbert Lancaster,

F.R. Leavis,

Cecil Day Lewis,

Compton Mackenzie,

George Malcolm,

Max Mallowan,

Alfred Marnau,

Yehudi Menuhin,

Nancy Mitford,

Raymond Mortimer,

Malcolm Muggeridge,

Iris Murdoch,

John Murray,

Sean O’Faolain,

E.J. Oliver,

Oxford and Asquith,

William Plomer,

Kathleen Raine,

William Rees-Mogg,

Ralph Richardson,

John Ripon,

Charles Russell,

Rivers Scott,

Joan Sutherland,

Philip Toynbee,

Martin Turnell,

Bernard Wall,

Patrick Wall,

E.I. Watkin,

R.C. Zaehner

 

(Traduction la Documentation Catholique)

 

samedi, 13 décembre 2008

Que faire de nos forces vitales ?

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Par David Nathanaël Steene

Pour des raisons d’hygiène, de sécurité, de bienséance sociale, on est obligé, à moins d’habiter dans une belle campagne loin des voitures, d’empêcher, la plupart du temps, les enfants de faire tout cela :

 

Marcher où ils veulent, dans un périmètre de plus de 100 mètres carrés

Courir

S’amuser

Chanter à tue tête

S’asseoir ou s’allonger

Rêver de longues heures

Toucher, explorer tactilement l’environnement

 

La plupart des enfants dans notre société n’ont accès que très rarement à ces activités naturelles, à cette liberté d’être.

 

 

Nous-mêmes, adultes, aurions-nous la possibilité d’esquisser un pas de danse dans la journée, au boulot, dans la rue ? D’entonner une chanson ? De rire d’une belle voix forte ? De s’allonger tranquillement sur une voiture ou une table ?

Non. Accomplir ces activités est réservé à des temps de vacances. Le long du jour de labeur, ou dans les lieux publics, nous passerions pour des fous.

 

La liberté dans notre société est cérébrale. Elle est certes importante. Mais que deviennent nos forces vitales ?

 

David Nathanaël Steene

mardi, 25 novembre 2008

Lettre d'amour apolitique

« Lorsque l'on t’aime assez pour faire partie de toi tu fais de nous des vils »

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Par S.Barynsflook

AlmaSoror a demandé à plusieurs auteurs de lui écrire une lettre d’amour.
Lorsque Axel Randers a répondu que la plus belle lettre d’amour qu’il pourrait écrire serait une lettre d’amour de gauche, nous avons axé nos requêtes ainsi : vous qui avez aimé et milité, écrivez-nous la plus belle lettre d’amour possible que vous pourriez écrire,
et parlez-y de politique.

La lettre d'amour apolitique de S.Barynsflook clôt cette série amoureuse almasororienne.

Lire la lettre d'amour de droite et la lettre d'amour de gauche

 

Il est temps de nous dire au revoir belle amie de toujours, quelle belle composition, tout cet harmonieux agencement. Tu as cette beauté irrésistible devant laquelle tout un chacun s'agenouille. La vie est décidément trop dure dès lors que l’on te rencontre. Je ne sais s'il vaut mieux vivre sous ton aile, oublier que je t'ai connue ou tenter de te changer.
Tu te présentes pour m'aider, me montrer le chemin mais jusqu'ici je n'ai senti que trahisons, déception ou ennui....Est-ce ta nature d'être ainsi ou est-ce le système que tu fais marcher .....

Prête à m'abandonner, à me faire tomber, à me condamner si ton désir te le dicte. Reine du monde entier tu sers de la même façon le monde entier et comme chacun je te suis, et même quand je ne veux pas te suivre, mes actions qui en découlent te servent, je te suis et je n'y peux rien.
Tu puises ton pouvoir dans chacun, et lorsque tu trébuches sur Chacun, c'est pour mieux reprendre pied. 
Tu m'as souris et m'as tendu ta main, je l'ai saisie avec plaisir et admiration. Je croyais alors que nous pouvions construire quelque chose ensemble.
Triste illusion, je pensais avoir un rôle dans ta vie, mais je n'ai eu qu'un rôle d'appartenance à une multitude que tu illusionnes et à qui tu tends la main avec ce même sourire plein d'énergie, d'intelligence bienveillante.
Je ne regrette rien car tu restes une solution, les hommes ont besoin de cette bienveillance que tu leur offres. Peut être qu'un jour tu changeras mais je ne pense pas, tu es prise dans ton jeu et lui ne changera pas.
Adieu donc.

S.Barynsflook

Lettre d'amour de droite

Chère Grand-Mère,

 

Si le remords avait du poids, cette lettre pèserait lourd. Depuis des années que je ne suis pas revenue vous voir, vous devez vous sentir seule, abandonnée.

Cela fait quatre ans que vous n’avez reçu de mes nouvelles. Suis-je une petite fille indigne ? Oui.

Pourtant, je n’ai cessé de penser à vous et de vous aimer.

L’impossibilité de vivre parmi les nôtres m’a poussée loin de notre monde, Grand-Mère. J’ai bien trahi vos enseignements, j’ai trahi nos idées. Ai-je eu le choix ?

Dans une bande dessinée de Hugo Pratt, quelques minutes avant de passer devant le peloton d’exécution,
le marin allemand Slutter dit: « Les Anglais me fusillent parce que j’ai obéi aux ordres de mon commandant, et les Allemands m’auraient fusillé si je ne leur avait pas obéi ».

Ces soldats allemands ou français de la deuxième guerre mondiale étaient cernés. Quoi qu’ils fassent, malgré leur abnégation et tout leur courage, ils étaient des traîtres. C’étaient des hommes traqués.

Ceux qui sont comme moi sont traqués par une marque qui se trouve à l’intérieur d’eux-mêmes. Où qu’ils aillent, ils seront toujours rejetés parce qu’aucune place ne leur est réservée : ils font peur.

Voilà pourquoi je suis partie.

Je suis descendue à Paris.

J’ai vécu à Paris puis à Berlin, puis à Zurich, et à nouveau à Paris. J’ai connu des gens très différents : des gens de gauche.

J’ai aimé certains d’entre eux, j’ai appris des choses. Mais souvent, j’ai été terrassée par leur nullité. Ces gens croient qu’ils inventent la liberté lorsqu’ils foulent à leurs pieds deux mille ans de culture chrétienne et européenne. Ils pensent inventer le monde lorsqu’ils crachent des mauvaises phrases dans des livres, des films ou des disques qui ne voient le jour que parce qu’ils baignent dans cet argent qu’ils disent détester.
Ils confondent tout ce qu’ils n’aiment pas dans un sac pratique et idiot, qu’ils appellent « bourgeoisie ». Riches, ils se veulent pauvres. Méprisants, ils se veulent populistes. Snobs, ils se croient populaires. Antipatriotiques et antireligieux, ils croient sauver le corps et l’esprit des gens. Ils haïssent le catholicisme, la tradition, qu’ils ne connaissent pas. Ils en parlent avec autant de bêtise qu’un catholique de droite parle des luttes communistes ou féministes : l’ignorance nous tuera tous.

La solitude que j’ai éprouvée parmi eux, je l’avais éprouvée aussi parmi mes cousins et aux scouts. Je l’avais éprouvée toute ma prime jeunesse, dans notre monde à nous, Grand-Mère. Comment pourriez-vous l’ignorer ?

Vous saviez mon secret. Vous ne m’en avez jamais parlé. Vous saviez que j’étais morte pour la seule vie que notre milieu me réservait. Mais vous ne disiez rien, et parfois vous me regardiez pleurer en tremblant. Votre chagrin était réel ; votre amour était réel. Mais vous n’aviez rien à me proposer, rien d’autre qu’un renoncement à tout bonheur, à tout espoir.

J’ai vécu ainsi parmi ces amis de gauche, sans Dieu, sans foi, qui ne savaient rien de ce que je pensais vraiment, à qui je ne pouvais parler de vous parce qu’ils vous auraient méconnue. Ils sont universitaires, professeurs, journalistes, artistes, avocats, et ils sont misérables. Vides de culture et vides de religion, ils ne connaissent que la gloire d’être de leur temps et passent leurs journées à oublier qu’ils vont mourir un jour. Mais au fond, dans n'importe quel univers, le même petit nombre de gens recèle cette grandeur d’âme –même s’ils n’y croient pas, à cette âme-, qui relève le malheureux et embellit le gris des jours. Quelles que soient leurs idées, leurs croyances, ce sont des anges. Il ne faut pas leur dire qu’ils sont des anges parce qu’ils ne comprendraient pas. Il faut juste les laisser être des anges et tenter de leur rendre un peu de la fraternité qu’ils vous offrent. Parmi ceux-là, j’ai trouvé des oreilles et j’ai dit mon secret. J’ai été tolérée, ce qui ne me serait pas arrivé chez nous, Grand-Mère. Vous savez bien. Parmi mes frères et sœurs hermaphrodites, il y a beaucoup de gens que je n’aime pas ; il y en a quelques uns qui auraient voulu comme moi vivre selon les valeurs qu’ils ont reçues dans leur berceau. Mais leur particularité les a privés d’une telle vie où la famille, la religion et le travail de la terre rythme le temps.

Je suis revenue vivre à la maison de Rébusseyt, au bord de la Marne, où vous veniez chaque été. Je vis seule dans cette grande maison et je pense à vous chaque jour.

Vous avez été ma seule amie. Vous êtes la personne humaine qui m’a aimée et nourrie. Ma vie aura passé mieux grâce à vous.

Adieu Grand-Mère. Si vous me répondez, nous nous reverrons peut-être. Je sais que vous serez heureuse si
je finis ma lettre avec les plus beaux mots du monde : Ave Maria, gratia plena, dominus tecum…
Je vous salue Marie pleine de grâce, le seigneur est avec vous.

Benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui Iesus. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sancta Maria, mater Dei, ora pro nobis peccatoribus nunc et in hora mortis nostrae… Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pêcheurs, maintenant et à l’heure de notre mort… Vos lèvres auront prié en lisant ma prière. Nous sommes ensemble, Grand-Mère chérie. Dans les bras de Dieu.

 

Esther Mar