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lundi, 30 août 2010

Le temps de Vigny : Chatterton

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Photo de Sara

Il y a quelques jours nous donnions des portraits de cet auteur mystérieux, réalisés par deux écrivains l'ayant bien connu : Lamartine et Dumas.

De sa biographie par Maurice Allem (1911), nous tirâmes ensuite une brève et cruelle description des "poètes maudits", tant aimés et protégés par Vigny. Ces poètes maudits, il écrivit pour eux une pièce de théâtre qui eut un retentissant succès au XIXème siècle : Chatterton.

La première représentation de Chatterton est remarquablement bien décrite par Maurice Allem. C'est une mine documentée de renseignements sur Vigny, sur ses amis, sur son amoureuse l'actrice Marie Dorval, sur le théâtre parisien de l'époque et sur le succès phénoménal que connut la pièce :

 

"La première représentation de Chatterton fut donnée sur le Théâtre-Français le 12 février 1835.

Jouslin de la Salle a raconté que l'ouvrage avait été refusé par le comité de lecture, et qu'il avait dû prendre sur lui, après avoir fait lire le manuscrit au duc d'Orléans et à la Reine, qui furent très intéressés, de passer outre à la décision du comité.

Cette soirée mémorable du 12 février, qu'Alfred de Vigny appelait avec une grande fierté "ma soirée", est demeuré, avec celles d'Antony et d'Hernani, l'une des dates les plus retentissantes de l'histoire du romantisme au théâtre, la plus retentissante peut-être. Cette fois, le romantisme ne portait pas à la scène une formule dramatique nouvelle. Au contraire, Chatterton formait un contraste sévère avec les compositions d'Alexandre Dumas et de Victor Hugo. Il n'y avait là ni profusion de personnages, ni recherche de décors, ni étalages d'oripeaux : une action simple et les acteurs strictement nécessaires. Mais le héros de l'histoire était le poète romantique lui-même, et la théorie romantique de la mission sacrée du poète y était, pour la première fois, publiquement exposée et défendue.

La période des répétitions fut toute remplie d’incidents que faisait renaître sans cesse l’hostilité des comédiens du Théâtre-Français envers leur nouvelle camarade Marie Dorval. Cette actrice inégale, sublime souvent, médiocre parfois, selon son humeur ou selon son rôle, était regardée comme une intruse dans cette noble maison, où elle venait d’obtenir ce rôle de Kitty Bell qu’on considérait comme dû à Mademoiselle Mars. Marie Dorval laissa dire ; elle supporta tous les sarcasmes ; elle avait, d’ailleurs, pour elle, la volonté d’Alfred de Vigny qui dut entendre de nombreuses récriminations contre le choix qu’il avait fait.

Un jour, on apporta sur la scène un escalier : c’était l’escalier qui devait conduire à la chambre de Chatterton et du haut duquel Dorval devait dégringoler au dénouement. L’idée de cette dégringolade mit ses partenaires en gaieté ; il leur tardait que Kitty Bell dégringolât. Vaine attente ! Elle se refusa à leur donner ce plaisir, et elle attendit le jour de la première représentation pour leur montrer comment une comédienne de la Porte-Saint-Martin dégringole sur la scène du Théâtre-Français.

Ce jour là, elle ne vit personne. Elle se rendit au théâtre de bonne heure, et s’enferma dans sa loge en attendant le moment du lever de rideau.

Cependant la salle s’emplissait ; un public élégant prenait place dans les loges, aux balcons, aux fauteuils d’orchestre ; le faubourg Saint-Germain était là, les hommes en habit de couleur, avec des gilets de fantaisie, des cravates à gros grain, les femmes revêtues de toilettes légères, les unes coiffées de turbans de gaze, les autres portant dans leurs cheveux des touffes de fleurs.

Mais on y voyait aussi des êtres au visage hâve, aux longs cheveux, aux costumes plus ou moins singuliers : c’étaient tous les pauvres rimeurs, descendus pour un soir de leurs taudis, et qui venaient assister au drame de leur propre misère. Ils avaient longtemps attendu, par cette soirée froide de février, l’ouverture du théâtre ; enfin ils étaient là ; certains, pour y venir, avaient dû ajouter à la somme de leurs privations une privation nouvelle, comme ce malheureux Hégésippe Moreau qui, quelques jours auparavant, avait, dit-on, engagé son unique gilet au Mont-de-Piété pour trois francs.

Il y avait aussi la plupart des écrivains et des artistes connus : peintres, sculpteurs, musiciens.
Enfin, dans les quatre avant-scènes prirent place la cour et le roi lui-même.
Ainsi le drame social qui va se jouer tout à l’heure se déroulera devant un auditoire où tous ses personnages sont représentés ; toutes les puissances sociales sont, en effet, rassemblés dans cette salle : le monarque, l’aristocratie, la bourgeoisie riche, et cette triste armée de Chattertons qui réclament d’elles, indûment, certes, mais avec bonne foi, le droit à une existence dont ces puissances assumeraient la charge.
Enfin le rideau se leva, et ce public, si divers, fut bientôt tout entier et définitivement conquis. La soirée fut un long triomphe pour l’auteur et pour les interprètes.
Geoffroy, qui jouait le rôle de Chatterton, rendit avec une impressionnante vérité tous les sentiments de son difficile personnage ; il sut exprimer avec une égale maîtrise la colère, l’amertume, le désespoir, l’amour et l’exaltation du jeune et malheureux poète.
Johanny présenta avec gravité et autorité la figure sévère du pasteur.
Mais les plus vives acclamations furent pour Marie Dorval. Tous ceux qui ont parlé de cette soirée sont unanimes pour déclarer qu’elle y fut admirable. Elle donna l’illusion qu’elle vivait son rôle ; elle fut réellement l’aimante et douloureuse Kitty-Bell.
 « Je la vois encore, écrit Henry Monnier dans les Mémoires de Joseph Prudhomme, je vois l’étonnement de la salle entière lorsque, s’avançant sur la scène dans son modeste habit de quakeresse, tenant ses deux enfants par la main, elle parut pour ainsi dire aussi pure, aussi chaste qu’eux ».
Cette simple apparition dut, en effet, produire une impression profonde, car Maxime Du Camp, qui assistait à cette représentation, en avait fidèlement gardé le souvenir.
 « Je la vois encore, dit-il à son tour, avec ses mitaines de dentelle noire, son chapeau de velours, son tablier de taffetas ; elle maniait ses deux enfants avec des gestes qui étaient ceux d’une mère, non d’une actrice… Malgré sa voix trop grasse, elle avait des accents plus doux qu’une caresse ; dans sa façon d’écouter, de regarder Chatterton, il y avait une passion contenue, peut-être ignorée, qui remuait le cœur et l’écrasait. Les spectateurs étaient anxieux, c’était visible ; l’angoisse comprimait jusqu’à l’admiration. A je ne sais plus quel passage on cria : « Assez ! »
Immobile, appuyé sur le rebord de la loge, étreint par une émotion jusqu’alors inconnue, j’étouffais. »
Charles Séchan, dans ses Souvenirs d’un homme de théâtre, dit que Dorval eut « des cris à électriser la salle entière », des cris, selon l’expression d’un autre spectateur, « qui vous faisaient passer le frisson dans les ongles et vous remuaient jusqu’aux dernières fibres du cœur. »
Les décors eux-mêmes étaient impressionnants. Lorsque le rideau, se levant pour le troisième acte, découvrit la chambre de Chatterton « sombre, petite, pauvre, sans feu », « un lit misérable et sans désordre », combien de jeunes cœurs durent tressaillir ! Les poètes misérables qui se trouvaient ce soir-là rassemblés la reconnurent : c’était celle où, trois années auparavant, Escousse et son ami Lebas avaient allumé leur réchaud ; c’était celle où, à cette heure même, à une faible distance de cette salle, le malheureux Emile Roulland, en traduisant en vers les Lusiades, achevait de mourir de faim ; c’était celle où ils allaient rentrer tout à l’heure, enthousiasmés, fiévreux, plus exaltés encore par leur rêve chimérique.
Mais à la troisième scène de cet acte, le décor changea ; le fameux escalier, d’où Kitty-Bell devait à un moment dégringoler, et que l’on avait déjà vu aux deux actes précédents, reparut. Au milieu de l’émotion angoissée de l’auditoire, lorsque Chatterton, résolu à mourir, se fût retiré dans sa chambre, on vit Kitty Bell, qui avait demandé secours au quaker, monter derrière lui le tragique escalier. Ascension douloureuse ! La pauvre femme gravissait les marches lentement, à demi évanouie, s’accrochant à la rampe, et lorsqu’elle atteignit enfin le sommet de ce calvaire, après avoir fait céder la porte qui résistait, elle vit, dans la triste chambre, l’infortuné Chatterton qui mourait. Ce fut la minute la plus poignante. Le cri que jeta Dorval transperça tous les cœurs ; elle s’affaissa, son corps s’abattit sur la rampe de l’escalier, et, presque inanimée, le buste rejeté en arrière, les jambes pendantes, elle glissa le long de cette rampe jusqu’au dernier degré. Elle avait accompli son admirable dégringolade.
Dans toute la salle, des acclamations frénétiques retentirent.
Encore quelques répliques, et c’était fini. Alors le rideau descendit, les acclamations recommencèrent. Dorval, longuement rappelée, chercha dans les coulisses un de ses camarades pour qu’il la présentât au public : tous avaient déjà disparu ; elle prit donc par la main les deux enfants qui avaient représenté les enfants de Kitty Bell, et elle vint, avec eux, recevoir des acclamations nouvelles.
Quand le nom de Vigny fut proclamé, tout l’auditoire était debout, et, pendant dix minutes, trépigna d’enthousiasme ; les hommes battaient des mains, les femmes agitaient leurs mouchoirs. Personne ne se souvenait d’avoir jamais assisté à un pareil triomphe.
Le jeune Maxime Du Camp, comme il sortait de sa loge, les yeux rougis, et que sa mère lui demandait : « Qu’as-tu donc ? » essaya vainement de répondre ; il perdit connaissance, revint à lui dans une crise nerveuse et, toute la nuit, il fut agité par des cauchemars. Il avait treize ans, et, s’il faut en croire ses Souvenirs littéraires, c’est de ce moment-là que la passion des lettres le saisit.
George Sand écrivit le lendemain à Dorval qu’elle sortit de ce spectacle en larmes, sans vouloir dire un mot à personne, parce qu’elle n’avait plus la force de parler.
Le joyeux Labiche lui-même fut très remué. Il écrivit à Leveaux, l’un de ses collaborateurs : « Je viens de voir Chatterton, je suis encore tout palpitant, mon cœur saigne, comme broyé dans un étau. Le drame de Vigny m’emplit : il circule dans mes veines ; c’est mon sang. Bonsoir, je radote. »

Les interprètes de la pièce avaient été, eux aussi empoignés par le talent de Dorval, et par cet inoubliable jeu de scène de l’escalier, auquel aucun d’eux ne s’attendait ; après la représentation, Johanny, qui, dans le temps des répétitions, ne lui avait pas ménagé les quolibets, vint lui apporter ses excuses et lui exprimer son admiration.
Le peintre Charles Séchan, enfin, dans l’atelier duquel avaient été brossés les deux décors, considérait comme un des souvenirs les plus glorieux de sa carrière l’honneur d’avoir collaboré à ce retentissant succès.
 « Si, comme on le dit, écrit Maxime Du Camp, les succès de théâtre sont ceux qui flattent le plus l’amour-propre, Alfred de Vigny a dû, ce soir-là, s’enivrer jusqu’au délire. »
Ce fut, incontestablement, la plus grande date de sa vie littéraire ; il fut toujours rempli de ce souvenir. Des langues malignes prétendirent, au dire d’Emile Montégut, que le succès de Chatterton « avait opéré sur le poète une manière de miracle qu’on avait pas vu dans le monde depuis le Cadran du roi Ezéchias, car il avait arrêté l’horloge de sa vie à cette date triomphante du 12 février 1835. »
Le triomphe de l’œuvre était supérieur à son mérite ; tous les jeunes écrivains l’avaient applaudie comme la Déclaration des droits du poète, selon l’expression de M. Maurice Paléologue, mais Balzac, qui la déclarait absurde, la résumait ainsi :

« Premier acte : Dois-je me tuer ?

Deuxième acte : Je dois me tuer.

Troisième acte : Je me tue. »

 

Tiré du livre de Maurice Allem sur Alfred de Vigny. Les photos sont de Sara.

 

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dimanche, 29 août 2010

Les poètes maudits

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Photo Sara

 

Nous avons récemment cité deux portraits de Vigny, écrits par Lamartine et Dumas.

Maurice Allem, dans sa biographie d'Alfred de Vigny publié à Paris aux éditions Louis-Michaud en 1911, dresse un portrait émouvant des "poètes maudits", que Jules Vallès ou Vigny lui-même ont si bien décrit.

"Victor Hugo et Vigny semblent s'être moins vus souvent à partir de 1830 ; mais à cette date le groupe romantique commence à perdre de sa cohésion ; si de nouvelles recrues lui arrivent encore, comme Théophile Gautier, (...) d'autres, comme Alfred de Musset, s'en éloignent déjà ; certains, et c'est le cas de Vigny et de Hugo, ont a présent conquis une sûre renommée, ils sont de plus en plus absorbés par le souci de leur propre carrière. La brèche est faite. Individuellement, chacun va passer. Les poètes qui seront maintenant attirés par l'éclat romantique seront souvent de pauvres jeunes gens, dont le talent poétique égalera rarement le saint enthousiaste, et qui, loin des salons où leurs aînés se réunissaient et s'organisaient pour la guerre, mourront lentement, à la lumière d'une faible lampe, dans leur chambre sans feu. Ceux-là seront vraiment, non pas les maudits, sans doute, comme l'écrira bientôt Alfred de Vigny, comme plus tard doit le redire Baudelaire, mais les hallucinés et les faibles, ceux qui n'auront pas su voir la réalité telle qu'elle est, qui ne se seront pas vus eux-mêmes tels qu'ils sont, et dont quelques uns, - un trop grand nombre -, las d'attendre sans lutte une fin qu'ils désirent, ne trouveront que le courage de hâter l'heure de leur mort".

samedi, 28 août 2010

Deux portraits de Vigny

 

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Photo de Sara

 

Alexandre Dumas et Alphonse de Lamartine dressèrent tous deux un portrait du cher Vigny.

Je (Edith) les recopie ici.

Au tome V de ses Mémoires, voici ce qu'écrit Alexandre Dumas (Hugo, c'est bien évidemment Victor Hugo) :


"Vigny est un singulier homme : poli, affable, doux dans ses relations, mais affectant l'immatérialité la plus complète ; cette immatérialité allait, du reste, parfaitement à son charmant visage aux traits fins et spirituels, encadrés de cheveux blonds bouclés, comme un de ces chérubins dont il semblait le frère. De Vigny ne touchait jamais à la terre que par nécessité : quand il reployait ses ailes et qu'il se posait, par hasard, sur la cime d'une montagne, c'était une concession qu'il faisait à l'humanité, et parce que, au bout du compte, cela lui était plus commode pour les courts entretiens qu'il avait avec nous. Ce qui nous émerveillait surtout, Hugo et moi, c'est que Vigny ne paraissait pas soumis le moins du monde à ces grossiers besoins de notre nature, que quelques-uns de nous - et Hugo et moi étions de cela - satisfaisaient, non seulement sans honte, mais encore avec une certaine sensualité. Personne de nous n'avait jamais surpris Vigny à table."

 

C'est au troisième tome de ses Souvenirs et Portraits que Lamartine peint Vigny :

"Le front d'Alfred de Vigny, dégagé de ses cheveux rejetés en arrière, était moulé, comme celui d'un philosophe essénien de la Judée, pour une pensée sensible mais toujours sereine. Poli et légèrement teinté de blanc et de carmin, il était modelé pour réfléchir au dehors la pensée qui luisait au dedans ; une gracieuse dépression des tempes l'infléchissait en se rapprochant des yeux. On voyait qu'il y avait, non pas effort, mais attention continue dans les nerfs et dans les muscles qui formaient l'encadrement des regards ; bien que cette attention intérieure et tournée en dedans produisit involontairement une certaine tension des paupières qui rétrécissait le globe de l'oeil, la couleur bleu de mer, de ce liquide qu'aucune ombre ne tachait, et la franchise amicale de son coup d'oeil qui ne cherchait jamais à pénétrer dans le regard d'autrui, mais qui s'étalait jusqu'au fond de l'âme chez lui, inspirait à l'instant confiance absolue dans cet homme. C'était limpide comme un firmament. Qu'aurait-il eu à cacher ? Il n'avait jamais conçu la moindre pensée de tromper personne ; feindre lui aurait paru une demi-duplicité. Il n'y avait, grâce à ce regard en complète sécurité, ni soir, ni nuit sur cette physionomie ; tout y était plein soleil de l'âme. Il laissait regarder et il regardait lui-même sans épier quoi que ce fût dans le regard de son inerlocuteur ; ce qu'il éprouvait, il ne le soupçonnait pas. La lumière ébouit d'elle-même et ne voit pas l'ombre".

mercredi, 25 août 2010

Soliloques de l’errance

I le van,
II la route

III la ligne

 

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I Le van

 

Nous écoutons la radio dans le van
Le vent s’engouffre par les vitres baissées
Et j’ai pris le volant, je conduis vite
A droite comme à gauche le paysage est mystérieux
Magnifique
Etrangement coloré
Nous voyageons avec une femme enceinte
Elle dort dans le van
Je vais passer le volant à quelqu’un
A l’homme qui se tait
Qui rit de temps en temps
L’autre femme est âgée
C’est la plus belle
Elle a quelque chose de différent
Son pull-over tombe, on voit toujours un peu ses seins
Ses cheveux longs et doux flottent dans la lumière

D’immenses champs de blé mûr
De très grands oiseaux bleus
Telles sont les images qui nous entourent
J’ai arrêté le van
Nous sommes seuls sur la route
La route abandonnée
La belle femme différente ôte ses boucles d’oreilles
Elle s’approche de moi
Son pull-over tombe, on voit ses seins comme d’habitude
Ses cheveux longs et doux volent dans la lumière
Son souffle est effrayant
Elle veut souvent montrer qu’elle peut choquer,
Qu’à son âge elle aime encore rigoler
Elle nous emmène si loin
Elle va nous entraîner au-delà des champs de blé
Le ciel bleu-rose s’étend sans fin
Où serons-nous demain ?
Le vent détruit les pensées
La femme enceinte s’est éveillée
Lorsque je voulais être quelqu’un
Avant de quitter mon pays
Je ne savais pas que je mentais
Après ma fuite j’ai rencontré des vrais amis
Et j’ai pu contemplé des visages authentiques

Les paysages splendides
Dans lesquels nous évoluons
Ont brisé les idées, brûlé la raison
Et la vie est devenue dense
Et la vie devient une danse

Un grand soleil multicolore caresse les blés ondulants
Quelqu’un a éteint la radio
Je sors les bières du van
J’en propose à l’homme silencieux
A la belle différente
Au garçon aux yeux verts
J’aime la belle différente
La bière coule dans ma gorge
Et cela pique un peu
Et cela désaltère
On remonte dans le van
Le van va partir
Le van va repartir
Ce voyage finira-t-il un jour ?
J’attends une réponse…

 

II La route

 

La route est étroite, la saab roule lentement. La chienne est inquiète, elle ne dort plus.

Le soir se pose, arriverons-nous quelque part avant que le soleil ne disparaisse totalement ?

Peut-être avons-nous fait une erreur en partant si loin. C’est toi qui as voulu, tu te sentais bien.
Mais voilà que ton ventre te fait mal, il ne faudrait pas que le bébé arrive avant deux ou trois jours.
Les hautes montagnes s’étendent à l’horizon. La route devient vraiment dangereuse. Les derniers rayons de soleil se dissipent. Tu me demandes si nous allons mourir.

Donne à manger à la petite chienne, s’il te plait, elle semble avoir faim. Il reste de l’eau et de la bière. Je ne vois aucun village à l’horizon.

Les cimes des montagnes couvertes de soleil rose s’assombrissent et la route est presque impraticable. Nous allons dormir ici, près du gros rocher. Pourvu que ton bébé n’arrive pas cette nuit… J’arrête la voiture.
Allume ton briquet. Il y a des couvertures dans le coffre. S’il y a des dangers, ma chienne aboiera. Donne-lui à boire, et toi aussi, sers toi.
Je n’aurais pas dû te suivre depuis le début. J’aurais dû m’éloigner quand je t’ai rencontrée. Tu suis ton destin, c’est ce que tu dis. Tu devrais plutôt suivre les conseils de tes docteurs. Un voile sombre enveloppe le paysage aride ; on distingue un lac au creux des montagnes. Ne vois-tu pas des poissons sauter hors de l’eau ?
Tu dis que je dois t’aider à sortir ton bébé. Que sommes-nous venues chercher, loin de toute habitation ? Tu devras me dire un jour la vérité. Nous devons survivre pour ton bébé, et pour ma petite chienne qui respire ton ventre.


Il fait complètement noir, maintenant. Les étoiles scintillent comme s’il neigeait dans le ciel. Tu frissonnes et tu souris, tu sembles heureuse.
Sans la chienne, je n’y serais pas arrivée. La chienne est près de toi, elle souffle sur le bébé, et le bébé s’endort, je crois qu’il n’a pas froid. Entre mes mains, je l’ai tenu quelques instants. Entre mes mains, j’ai senti sa vie.
Sans la chienne, je n’y serais pas arrivée. Elle m’ordonnait avec ses yeux. Elle savait exactement les gestes qu’il fallait. Elle a tiré avec sa gueule. Elle a soufflé sur le petit corps. Elle a mordu pour faire crier. Elle a coupé l’amarre. Elle a léché pour nettoyer. Et je t’ai donné ton bébé. Tu l’as installé dans tes bras.
Le briquet ne s’allume plus. Il nous faut attendre le matin. Le vent souffle dans les montagnes et je retiens les couvertures.
Je ne crois pas à ton destin. Je ne sais pas pourquoi je t’accompagne.

 

Nous roulons vite sous le soleil. La route s’est élargie. La route s’est aplanie. Tu souris, tu nourris ta petite fille. La chienne vous contemple d’un œil sage. Je n’ai pas dormi cette nuit.
Que veux-tu donc trouver en haut de la montagne ? Vas-tu m’abandonner en haut de la montagne ? Je comprends vaguement que tu voulais quelqu’un pour t’emmener…

Nous serons ce soir au sommet de la montagne. Les rayons de soleil chargés de vent, le vent chargé de rayons de soleil, le lac tout en bas qui s’éloigne, tout est calme.
Je sais que ce soir, tu nous diras adieu, à ma chienne et à moi, et nous redescendrons. J’ai peur que tu me laisses ton bébé.
Que vas-tu chercher en haut de la montagne ? Tu nous diras adieu, à la chienne et à moi. J’ai peur que tu nous laisses ton bébé…

 

III La ligne

 

Il fut un temps où je vivais dans une ville.

Je travaillais et j’avais planifié ma vie.

Comme c’est drôle d’y penser aujourd’hui :

J’avais planifié ma vie.

 

Un certain temps que je demeure sans bouger

Sur ce transat, sur cette place ensoleillée.

C’est l’été, il a la mer au bout de la rue.

Ce pays est vraiment beau.

 

Je bois des verres de jus de fruits frais étranges,

Des gens traversent la place, jamais pressés.

Ici, j’ai une chambre dans le seul hôtel.

Que j’aime être de passage.

 

Je songe à l’enfance lointaine quelquefois,

Enfance contrainte, enfance triste, enfance malade,

J’ai abandonné tout ce qu’on voulait m’apprendre.

J’ai cessé d’être quelqu’un.

 

Ma vie est une étrange suite de sensations,

Des sensations douces, subtiles, corporelles.

J’aime les gens que je croise et qui m’accompagnent.

Parfois, je fais des rencontres.

 

Dans des motels ou sur des routes ou sur des plages,

Des rencontres, parfois de vagues amitiés,

On fait un peu de route ensemble, on fait l’amour,

On m’invite dans des familles.

 

Ma vie est-elle un long détour ou un destin ?

Ces longues promenades sur des plages vides.

Ces voyages dans des trains ou dans des bateaux.

Y a-t-il une ligne ésotérique ?

 

Ce jus de fruits frais et moelleux m’emplit de paix.

Parfois, j’envoie des lettres aux gens du temps passé.

C’est l’été, la mer m’appelle au bout de la rue.

Ici, j’ai une chambre d’hôtel.

 

Après mon bain, dans la mer tiède, ce matin,

Je suis allée dans une grande bibliothèque

Me renseigner sur le passé de cette ville.

Les maisons sont belles ici.

 

Je suis arrivée hier par le dernier train.

Je remonte le pays, je suis toujours la cote.

Je compose dans les motels pendant la nuit

Pour gagner de l’argent.

 

Je compose des musiques pour des films incertains.

Une très vieille femme hier soir dans le train

A tiré les cartes et lu les lignes de ma main,

Mais je n’ai pas très bien compris.

 

J’avais des habitudes et quelques certitudes,

Et puis un jour d’hiver, j’ai compris tout à coup.

La viande était moins cuite, l’assiette pleine de sang,

J’étais une criminelle.

 

J’ai hurlé, tout le monde a ri, je suis partie.

J’ai voulu oublier la pensée, les idées,

J’ai voyagé et je n’ai plus voulu rentrer.

Et puis, j’ai vendu ma musique.

 

Sur la plage de sable fin, au petit matin,

Au cours de la balade j’ai rencontré quelqu’un.

Nous avons bu des boissons fraîches sous le soleil,

Nous nous sommes caressées.

 

Elle est descendue elle aussi dans le motel.

On va rester un mois pour boire de cette ville.

Cette femme avait des secrets et des mystères.

Ai-je des secrets ?

Ai-je des secrets,

Ai-je des secrets…

 

Edith de CL, 1999-2003

 

 

lundi, 23 août 2010

après-midi augustienne

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(Villemonteix, dans la Creuse)

(un billet d'Edith)

 

J'ai beau être, comme tant d'autres, un petit être rabougri, replié sur mes peurs, mes doutes et mes inconfiances, de temps en temps cette existence m'appelle à grands cris ! Je voudrais y faire quelque chose, de belles choses, avec mes mains, mes yeux, mon coeur. Je voudrais savoir donner de la force et de la confiance aux gens que je rencontre. Je voudrais allumer les vies qui m'entourent et me croisent. Je voudrais faire rire les autres au plus profond d'eux mêmes, les vivifier ; par des mots ou par des gestes, ou simplement par mon regard, leur rendre leur héritage, leurs symboles, leur parole, leur puissance. Qu'ils aient la foi que leur vie est libre, belle, intelligente.

Et vis à vis de moi ? Devenir l'hôte attentive de ma vie, non plus sa passive invitée. Tenir la chandelle au portail de mon coeur, veiller sans cesse, accueillir, protéger, vaincre.

 

 

samedi, 21 août 2010

esclaves français à Alger

 

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Alger la blanche
Voici un extrait d'une lettre de l'abbé Héraut à la reine de France. L'abbé Héraut était membre de l'Ordre de la Trinité et Rédemption des captifs, dont la mission était de racheter les esclaves européens aux arabes.


Les larmes et clameurs des Chrestiens françois de nation, captifs en la ville d’Alger en Barbarie, adressées à la reine régente, par le Père Lucien Heraut, de l’Ordre de la Trinité et Rédemption des Captifs. An 1643


"Ce n’est pas, Madame, une simple exaggeration, mais une verité trop conneue, non seulement de ceux qui ont traversé les mers, et mouillé l’ancre avec quelque bonheur dans cette terre barbare de nos cruels ennemis, mais encore beaucoup mieux de ceux, qui par malheur sont tombés dans les griffes de ces Monstres Affricains, et qui ont ressenty, comme nous, leur infernalle cruauté, pendant le long sejour d’une dure captivité, les rigueurs de laquelle nous experimentons de jour en jour par des nouveaux tourments: la faim, le soif, le froid, le fer, et les gibets, ont esté autrefois les instruments des plus cruels et dénaturés bourreaux du monde contre les premiers Chretiens, mais il est certain que les Turcs et Barbares encherissent aujourd’hui par-dessus tout cela, inventans journellement de nouveaux tourments, contre ceux qui persistent courageusement en la confession de nostre saincte Religion, ou qu’ils veulent miserablement prostituer, notamment à l’endroit de la jeunesse, captive de l’un et l’autre sexe, afin de la corrompre à porter à des pechés si horribles et infames, qu’ils n’ont point de nom, et qui ne se commettent que parmys ces monstres et furies infernales et ceux qui resistent à leurs brutales passions, sont écorchez et dechirez à coup de bastons, les pendants tous nuds à un plancher par les pieds, leur arrachant les ongles des doigts, brullant la plante des pieds avec des flambeaux ardents, en sorte que bien souvent ils meurent en ce tourment. Aux autres plus agés ils font porter des chaisne de plus de cent livres de poids, lesquelles ils traisnent miserablement partout où ils sont contrains d’aller, et ce pesant fardeau est d’ordinaire pour les riches de qui ils esperent une bonne rançon, et apres tout cela si l’on vient à manquer au moindre coup de siflet ou au moindre signal qu’ils font, pour executer leurs commandements, nous sommes pour l’ordinaire bastonnez sur la plante des pieds, qui est une peine intollerable, et si grande, qu’il y en a bien souvent qui en meurent, et lors qu’ils ont condamné une personne à six cent coups de bastons, s’il vient à mourir auparavant que ce nombre soit achevé, ils ne laissent pas de continuer ce qui reste sur le corps mort.

Les empalements son ordinaires, et le crucifiment se pratique encore parmy ces maudits barbares, en cette sorte ils attachent le pauvre patient sur une manière d’echelle, et lui clouent les deux pieds, et les deux mains à icelle, puis après ils dressent ladite Eschelle contre une muraille en quelque place publique, où aux portes et entrées des villes pour la plus grande confusion du nom Chretien, et demeurent aussi quelque fois trois ou quatre jours à languir sans qu’il soit permis à aucun de leur donner soulagement.

D’autres sont écorchez tous vifs, et quantitez de bruslez à petit feu, specialement ceux qui blasphement ou mesprisent leur faux Prophete Mahomet, et à la moindre accusation et sans autre forme de procez, sont trainez à ce rigoureux supplice, et là attachez tout nuds avec une chaine à un poteau, et un feu lent tout autour rangé en rond, de vingt cinq pieds ou environ de diametre, afin de faire rostir à loisir, et cependant leur servir de passe temps, d’autres sont accrochez aux tours ou portes des villes, à des pointes de fer, où bien souvent ils languissent fort long temps.

Nous voions souvent de nos compatriots mourir de faim entre quatre murailles, et dans des trous qu’ils font en terre, où ils les mettent tout vif, et perissent ainsi miserablement. Depuis peu s’est pratiqué un genre de tourment nouveau à l’endroit d’un jeune homme de l’Archevesché de Rouen pour le contraindre a quitter Dieu et nostre saincte Religion, pour laquelle il fut enchaisné avec un cheval dans la campagne, l’espace de vingt-cinq jours, à la merci du froid et du chaud et quantitez d’autres incommoditez, lesquelles ne pouvant plus supporter fit banqueroute à notre saincte loy".

 

Pour approfondir, c'est ICI.

jeudi, 19 août 2010

Chefs de guerre et de religion

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Dans la Pochothèque, on peut acheter la Saga de Charlemagne, traduction de la Karlamagnus Saga telle qu'elle fut complilée en norrois (ancienne langue scandinave) au XIIIème siècle.

Traduite et présentée par Daniel W. Lacroix, cette saga de Charlemagne est donc la version scandinave de nos chansons de geste françaises.

En voici un extrait qui ne nous paraît pas hors de propos :

 

"Agolant dit alors : "Il est tout à fait injustifiable que nos terres soient placées sus la tutelle de votre peuple, du fait que nous avons une loi bien plus estimable que la vôtre. Nous célébrons également le puissant Mahomet, envoyé de Dieu, et nous respectons ses commandements ; en outre, nous avons des dieux tout-puissants qui nous révèlent l'avenir par l'entremise de Mahomet. Nous les célébrons et les honorons, et nous tenons d'eux vie et puissance. Si vous les regardiez, ils vous plairaient beaucoup."

Charlemagne répond alors : "Tu te fourvoies assurément, Agolant, dans cette foi qui est la tienne, car nous respectons les commandements de Dieu, alors que vous respectez une croyance mensongère. Nous croyons en un seul Dieu, père, fils et saint esprit, et vous croyez en un démon qui habite vos idoles. Nos âmes, après la mort corporelle, vont trouver une joie éternelle, si nous respectons la vraie foi en réalisant des actions vertueuses, mais vos âmes à vous, qui croyez dans les idoles, vont supporter des tourments éternels, brûlant sans fin dans le séjour même de l'enfer ; l'on peut saisir par là que notre loi est meilleure que la vôtre. Dans ces conditions, choisis entre deux solutions : fais-toi baptiser avec toute ton armée et sauve ainsi ta vie, ou bien viens te battre avec moi, et tu trouveras alors une vilaine mort".

Agolant répond : "On ne me verra jamais me faire baptiser et renier ainsi la toute-puissance de Mahomet ; mon peuple et moi, nous allons plutôt vous affronter, tes hommes et toi, à condition que la foi de ceux qui trouveront la victoire soit jugée la meilleure, et que la victoire apporte un honneur éternel à celui qui l'emportera et une éternelle honte à celui qui perdra. Et si je suis vaincu vivant, toute mon armée et moi nous recevrons le baptême.

Charlemagne répond alors : "Je suis ravi qu'il en soit ainsi, mais afin que tu n'attribues pas votre victoire à la puissance des hommes plutôt qu'à la vertu de la vraie foi; ce combat prendra la forme d'un duel de sorte que nous nous battrons un contre un, vingt contre vingt, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'épreuve semble concluante." Agolant est d'accord pour que les choses se déroulent ainsi".

samedi, 14 août 2010

VERANDA

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2001, l'odyssée de l'espace (Kubrick)

(un billet d'Edith)


Hier soir un ciel orange se vautrait sur la plage,

Et de la véranda tu parlais à l’océan

Les requins dansaient à l’horizon

Tu parlais en tahitien et je comprenais quelques mots

Les mouettes contemplaient la vie

Paresseusement

La chambre était rayée de lignes de soleil et d’ombre,

Et de la chambre,

La main au dessus des yeux,

Par les fentes de la natte qui striait la lumière,

Je te voyais à contrejour.


Comme d’habitude,

J’essayais d’écrire

Et cette fois j’ai compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


E mea nehenehe teie i’a

E mea i’a teie vahine


Et de la véranda tu lançais dans le ciel

Des nuages de fumée légère

Tu fumais d’une main

Et de l’autre main tu caressais le feuillage épais des plantes

Le refrain tahitien partait dans le vent chaud

Vers l’horizon

Et dans la chaleur lascive de la chambre

La bouteille de mauna loa sur la table

Et la guitare sur les genoux,


Comme d’habitude

J’essayais de composer

Et cette fois j’ai compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


Ua here ia vau i teie i’a

Teie i’a i roto i te moana nui


Hier soir est fini pour toujours

La mélodie en fa mineur

Et les accords vite égrenés

Sont oubliés.

Dans cette île de pêcheurs

Qui pêchent peu

Le temps passe et je ne bouge pas.

Le temps change et les saisons défilent

Il y a une horloge dans la cuisine

Que je ne regarde jamais.

Des choses se sont passées dans ma vie

Mais je n’en pense rien.

Les souvenirs se mélangent et se noient

Dans le rhum et le mauna loa.

Ici des sorcières tirent des cartes

Et me disent leurs avis

En fronçant les sourcils.


Hier soir après leur visite,

J’essayais de peindre,

Et cette fois j’ai senti

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


E mea vahine i teie i’a

I roto i te moana-po


Hier soir un ciel orange se vautrait sur la plage

Et de la véranda tu parlais à l’océan

Tu parlais tahitien et je comprenais quelques mots.

Après quelques cocktails et un cigare cubain

Je suis descendue et j’ai pris

La longue barque.

Ce parfum de la vie que je ne peux décrire

Guidait mes rames sur les vagues.


J’ai toujours observé les poissons

Avec fascination

J’ai toujours observé les poissons

Avec fascination.


L’océan s’ouvre

Et je lui crie des choses

Qu’il emporte.

Quand le soir tombe j’essaie d’exister.

L’océan s’ouvre

Et j’entrevois l’apprentissage

Du silence.

Je pense que je devrais me taire ;

C’est clair, je devrais oublier

Les mots.

Avant que le rouge du ciel ne soit enfui,

Je suis rentrée, ayant compris

Que je n’ai définitivement rien

A dire.


Définitivement rien à dire,

Et j’observe les poissons avec fascination.

Définitivement rien à dire,

Et j’observe les glaçons avec fascination.

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vendredi, 13 août 2010

La mer

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« Qu’elle est belle et puissante, la mer, quand la tempête élève ses flots ; plus belle encore, quand seul un léger souffle vient agiter la surface des eaux et que les vagues se brisent sur le rivage avec ce son doux, régulier et harmonieux qui ne trouble pas le silence, mais se contente de le rythmer et de le rendre audible. »

 

Saint Ambroise

(Méditations sur l’œuvre des six jours de la création)

jeudi, 12 août 2010

Le bel ange du mal

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L'actrice Marisa Paredes

(un billet d'Esther Mar)

 

Le bel ange du mal

Est venu dans la nuit.

Le bel ange animal

Pour endormir l’ennui.

 

La ténèbre soudain

S’éclaira et je vis

Tout orné de dédain

De bijoux et d’envies

 

Le bel ange du mal

Tout près de la fenêtre,

D’un encens de santal

Faire fuir le salpêtre

 

Et avec un sourire

De ceux qui font pleurer

Les pires et leurs sbires,

Et tous les mal-aimés,

 

Venir à pas profonds

Vers tous mes oreillers,

M’enseigner les bas-fonds

De l’amour sans collier,

 

Celui qu’on n’ose pas

Avant d’avoir goûté

Aux mille et un appâts

Du sexe frelaté.

 

 

Le bel ange du mal

Est venu dans ma vie

Par un soir septembral

Sans que je le convie,

 

La nuit en un instant

S’alluma et je sus

Que du désir latent,

Cette immonde sangsue,

 

Venait la délivrance,

Et aujourd’hui déchue,

En mon corps et conscience,

Je ne suis pas déçue.

 

Car dans ces roulements

De draps, et ces tornades

Chaudes, dans ces relents

De pluies et de saccades,

 

Dans ces cris sépulcraux,

Si loin de la vertu

Sous les doigts et les crocs

De l’ange dévêtu,

 

A la lumière orange

Des bougies et des flammes

Un peu comme on se venge,

J’ai liquidé mon âme.

 

Esther Mar

 

 

lundi, 09 août 2010

Tropique triste

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(un billet d'Esther Mar)

 

Nous irons nous baigner dans la moiteur des Tropiques.

Oh mon amour,

Laisse Montaigne, laisse Foucault, laisse les prolégomènes à toute métaphysique future,

Et laisse tes héros,

Nous irons nous dissoudre dans le clair-obscur d'une plage,

D'une île oubliée.

Oh mon amour, je ne voulais pas te tuer.

 

Esther Mar

dimanche, 08 août 2010

Le cirque des idées

 

 

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Au Louvre, par Sara

 

 

«Il n'y a pas moins raciste que les gens du cirque. Tout le monde est admis au cirque, à la condition toutefois d'être né dans le cirque”.

Annie Fratellini

 

Lire l'article source de l'Humanité

 

samedi, 07 août 2010

Amour d'un homme pour son petit garçon

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Georges de La Tour (Saint Joseph et son fils, Jésus)

 

(un billet d'Hanno Buddenbrook)

 

Howells a écrit un requiem pour son fils Michael, mort d'une méningite ou de quelque chose de ce genre à l'âge de 9 ans. Dans plusieurs autres oeuvres pour choeurs, surgit le mot "Michael". Et d'ailleurs, à partir de ce triste événement son inspiration auparavant plutôt orchestrale, peu religieuse devient très axée sur la musique vocale et sacrée (anglicane).

Si simple, mais d'une si rare originalité, ces chants envoûtent et nous portent loin de la vie quotidienne, vers des sphères où l'âme libérée des mesquineries de tous les jours s'élève et danse dans le cosmos, dans le mystérieux ether qui nous entoure, que nous peuplons et dont nous ne savons rien.

Howells n'a accepté de le laisser jouer qu'après une période de 45 ans.

J'écoute la version du choeur français Stella Maris, et j'entre littéralement dans un vaisseau de son. Les voix volètent alentour dans la pièce (j'oublie la chaîne hi fi), quelques fois sortent du fleuve lourd du choeur comme des poissons volants torpillent hors de la rivière quelques instants pour s'entremêler dans les airs avant de s'immerger à nouveau. Oui, cette musique vocale d'outre-intimité donne une impression surréelle.

Le requiem est court ; l'effet qu'il laisse, long. L'écouter, c'est faire une méditation émouvante sur la vie, l'amour et la mort. La douleur d'un père nous a laissé une très belle oeuvre ; mais, comme Victor Hugo l'écrivit après la mort de sa fille, il aurait sans doute préféré renoncé à tout son art et à toute gloire pour "n'être qu'un homme qui passe/ Tenant son enfant par la main".

H.B.

vendredi, 06 août 2010

Dialogues du septième sceau

 

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Le septième sceau, un film d'Ingmar Bergman

 

-  Je suis pris de dégoût et d'épouvante. Mon mépris des hommes m'a rejeté de leur communauté. Je vis dans un monde fantôme prisonnier de mes rêves

- Mais tu ne veux pas mourir ?

- Si je le veux.

- Alors qu'attends-tu ? La connaissance... ou des garanties?

- Appelles ça comme tu veux. Est-ce si impossible de comprendre Dieu avec ses sens ? Pourquoi se cache-t-il derrière des promesses à demi articulées et des miracles invisibles ? Qu'advient-il de nous si nous voulons croire mais nous ne le pouvons pas ? Pourquoi ne puis-je pas tuer Dieu en moi ? Pourquoi continue-t-il de vivre de façon douloureuse et avilissante ? Je veux le chasser de mon cœur. Je veux savoir, pas croire. Pas supposer mais savoir. Je veux que dieu me tende la main, qu'Il me dévoile son visage et qu'Il me parle.

- Mais il se tait.

-  Des ténèbres, je crie vers lui mais il n'y a personne

-  C'est peut-être cela.

- Alors la vie est une crainte insensée. On ne peut vivre face à la mort et au néant de tout.

-  La plupart ne pensent ni au néant ni à la mort.

-  Et quand la fin approche, ils voient des ténèbres !

- Oui… ce jour là.

-  Je comprends : à notre crainte, il nous faut une image et cette image nous l'appelons Dieu.

- Tu t'alarmes ?

- La mort m'a visité ce matin, nous jouons aux échecs. Ce délai me permet de vaquer à une affaire importante…

jeudi, 05 août 2010

Les Basaltiques

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La pochette du vinyl, réalisée par Sara


Nous publions en exclusivité une critique du disque les Basaltiques, composé et réalisé en 2048 par John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica.

 

Les Basaltiques
Opus en trois chants
Production AlmaSoror
Label Vol libre musica

Composé et réalisé en 2048, par deux musiciens-chanteurs qu’on croyait finis, les Basaltiques est une œuvre musicale d’une durée d’une heure et sept secondes. Les voix erratiques de John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica, escaladant leurs instruments sulfureux, nous hissent aux sommets de la musique Beith.

L’année précédente, l’alliance entre John Peshran-Boor et Bob Mushran donna un alliage musical dissonant, avec le disque Lactose sidérale.
Les deux dieux de la musique Beith se sont fâchés. C’est donc vers la diva Venexiana Atlantica, native de Saint Jean en Ville -la ville blanche, encore nommée ville aux salamandres - que John Peshran-Boor s’est tourné pour continuer sa démarche de cocréation.
L’opus qui résulte de cette collaboration déçoit par son conformisme, et souffre de la comparaison avec Lactose sidérale. Il étonne, cependant, par son son épuré. Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :

Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore

Nous donnerons au-dessous de cet article l’architecture complète des Basaltiques, œuvre à cheval entre le roman musical et la symphonie pour instruments et voix.

Parmi les grands moments des Basaltiques, il faut citer le long duo - qu’on pourrait appeler duel - entre la batterie et la flûte à bec, qui précède le chant citadelle, dans la partie III Fort Bastiani.
L’ouverture du chant II Latitudes constitue également un moment d’anthologie, dans la version enregistrée par Venexiana Atlantica elle-même. Elle émaille en effet son chant de notes harmoniques, qui ressemblent à des chants d’oiseaux. Ceci nous rappelle qu’au-delà des scandales que cette chanteuse a pu soulever, par exemple en exigeant que l’administration et la communauté humaines reconnaissent son adoption par le chien husky Stacyo, faisant d’elle l’enfant légitime d’un chien, ou encore en payant des tueurs à gages pour assassiner son ex-amante Sofia Sombreur-Noir, afin de se venger d’une infidélité, au-delà donc des scandales dont elle a gratifié les masses humaines ahuries par ses frasques il ne faut jamais oublier l’artiste, c’est-à-dire la compositrice de Beith et la chanteuse à la voix éblouissante qui n’a cessé de repousser les limites de la voix et du souffle, nous offrant le vibrato le plus long et tremblant du monde.
Dans le chant I Marées, le morceau Autel apparaît irréel, miracle de simplicité où piano acoustique et voix se cherchent et se trouvent en une comptine si naïve qu’on oublie le temps d’une chanson que John Peshran-Boor et la diva Venexiana sont les auteurs de l’œuvre. Les interludes sont tous très intéressants compositalement - et c’est le Finale de l’aurore qui atteint les sommets avec ses contrastes entre les envolées de flûtes à bec, flûtes traversières, chants harmoniques et violons tandis qu’en bas planent au-dessus des enfers les lourdeurs sauvages des contre-harpes, du basson et des basses électriques agrémentés de batterie et de volutes de fumée électro-pianistiques.

Venexiana Atlantica s’est retirée de la scène au mois de Ventôse, après le premier concert des Basaltiques, qui eut lieu à Buenos Aires. Personne ne peut expliquer la raison exacte de cet adieu à la gloire. On sait que, la nuit qui suivit le concert, elle ne dormit pas. Sur la terrasse de sa chambre de grand luxe, elle parcourut le quatuor de Los Angeles, c’est-à-dire ces quatre romans de James Ellroy : Le Dalhia noir, le Grand Nulle Part, L.A. Confidential et White Jazz.
Elle annonça au petit-déjeuner son intention de se cloîtrer au couvent de Santa Catalina, dans la ville d’Arequipa, au Pérou. Depuis l’édification des murailles hautes de Saint Jean en Ville, elle ne vivait qu’avec des billets d’avion toujours prêts pour se rendre en urgence à Arequipa ou à Alger-Centre, deux villes blanches qui lui rappelaient sa ville natale, et, seules, calmaient ses angoisses d’étouffement.

John Peshran-Boor s’est donc trouvé, en la personne de Lilas L.S. Snuk, une interprète pour les Basaltiques. Lilas Snuk donne un ton nouveau aux Basaltiques, avec sa voix mitigée, marmoréenne, un peu rauque. Du duo original il nous reste un enregistrement. C’est vers lui qu’il faudra se tourner pour puiser à la source inspiratrice initiale de l’œuvre, même si Lilas L.S. Snuk a su l’enrichir en l’interprétant.

Edith de Cornulier-Lucinière

Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :

Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore

Chacun de ces chants contient trois chants, ainsi :

Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel

Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent

Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi

L’opus compte également une intro, un final et deux interludes. Voici donc le plan complet de l’œuvre :

Intro minérale

Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel

Interlude 23 KFL-8000 Cimetière marin

Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent

Interlude 20 KFL-9000 (évangile)

Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi

Finale de l’aurore