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jeudi, 29 septembre 2011

Orangeade, été 2011

Orange, orangeade

Enquête et débat en pays lobotomique

Le site Enquête et Débat propose une passionnante entrevue avec Michel Desmurget, sur les méfaits de la télévision, que tout un chacun tente d'ignorer pour mieux s'avachir dans la médiocrité.

AlmaSoror, avec la permission féline du chat d'Enquête et Débat, contacté pour l'occasion, reproduit cet événement. En effet, nous avons toujours été étonnés par la propension des gens à posséder un poste de télévision et à passer du temps face à lui, par leur extrême manque de courage face à cet objet néfaste. Ils réussissent à arrêter de fumer, à limiter leur murgeades, à faire du développement personnel pour améliorer leur vie et prendre du pouvoir sur eux-mêmes, mais face à la télévision ils demeurent faibles, mous, lâches. Pourquoi ? Je crois que c'est parce que la pression sociale est trop forte ; la solitude de l'homme libre est trop dure. Penser seul est une des pires souffrances morales que peut connaître un être humain. Alors on s'inféode à la pensée qui coule du petit écran. D'ailleurs, c'est lui qui nous apprend que les dictateurs sont méchants, les démocrates gentils, les droits de l'homme un texte sacré, et beaucoup d'autres choses très vraies : comment dès lors lui reprocher des petites vulgarités, de vagues manipulations ? Et les gens qui s'élèvent contre ces belles et bonnes idées que la télévision nous enseigne peuvent-ils être autre choses que des asociaux criminels ? Voilà pourquoi dès l'enfance les cerveaux son baignés par le carré du salon qui happe les yeux, les oreilles, les coeurs et les esprits de plus de 98% des gens.


Michel Desmurget sur son livre TV Lobotomie par enquete-debat

 

Je reproduis ci-dessous l'article qu'on pourra aussi aller lire sur son lieu d'origine.

Michel Desmurget est docteur en neurosciences, directeur de recherche à l’INSERM, et auteur de TV Lobotomie, aux éditions Max Milo, paru en février 2011, un livre majeur, parmi les plus importants que nous ayons lus ces 10 dernières années. Pourquoi ? Parce qu’il rassemble pour la première fois des études scientifiques de tous les continents qui convergent pour démontrer que la télévision est nocive, jusqu’à tuer. Voici la vidéo intégrale de son interview (2h15) et les questions que nous lui avons posées.

 

1. Est-ce que c’est bien la première fois qu’un tel travail de compilation et d’explication est réalisé, et si oui pourquoi cela a-t-il pris autant de temps après que la télévision ait été adoptée dans une majorité des foyers français ?
2. Les études que vous avez compilées démontrent que la télévision :
a. Augmente la consommation de tabac et d’alcool, et la font débuter plus tôt
b. Pousse au sexe de plus en plus jeune et génère des avortements juvéniles
c. Fait baisser le niveau universitaire
d. Accélère le déclin cognitif des séniors et favorise l’Alzheimer
e. Constitue une drogue, chez les enfants et les adultes, notamment en accaparent l’attention par le changement perpétuel
f. Fait apparaître des troubles du langage chez l’enfant
g. Contribue à l’isolement social
h. Pousse à la simplification et au manichéisme
i. Fait baisser le niveau scolaire général
j. Fait baisser le niveau de compétence langagière
k. Fait baisser le temps de lecture
l. Augmente le risque de décès
m. Diminue la pratique sportive
n. Augmente l’obésité par la consommation d’aliments gras et sucrés
o. Nous fait consommer des produits dont nous n’avons pas forcément besoin
p. Pousse à la violence
q. Favorise l’anorexie, la boulimie, la dépression et la mésestime de soi
r. Augmente le sentiment d’insécurité
Ma question est la suivante : plutôt que de s’attaquer à chacune de ces conséquences, pourquoi ne pas s’attaquer à l’une de leurs principales causes : la télévision ?

3. Vous mettez en cause aussi bien le contenu que le contenant, c’est-à-dire qu’indépendamment des programmes vous dites que la télévision est nocive, pourquoi ?
4. Pourquoi personne de connu ou d’important, même parmi les scientifiques, ou des philosophes, ne remet-il en cause la télévision ?
5. Je vais me faire l’avocat du diable : n’y a-t-il pas malgré tout des cas où la télévision est positive ? Par exemple certains programmes de qualité ? Ou pour les personnes très âgées, qui ont beaucoup de temps libre et pas forcément d’énergie pour lire, sortir ou voir du monde ? Autre exemple, la télévision libère du temps pour les parents dont les enfants sont scotchés devant la télévision et baisse leur niveau général de stress ? On pourrait penser également aux grands événements sportifs qui peuvent fédérer une nation, on pense à la coupe du monde de football de 98.
6. Votre livre a été plutôt bien médiatisé, sauf à la télévision. Une preuve supplémentaire de la propagande liée à ce médium ?
7. EurodataTV Worldwide-Mediamétrie vient de sortir une étude le 21 septembre sur la consommation de la télévision dans le monde. Contrairement aux idées reçues, l’audience de la télévision n’est pas en baisse. En France, un téléspectateur la regarde 3h47 contre 3h35 en 2010 et 3h28 en 2009. On peut constater la même tendance dans la plupart des pays même si aux USA, on a constaté une très légère baisse de 2009 à 2010 (une minute en moins), baisse compensée par une reprise en 2011 (+11 minutes pour passer à une moyenne de 4h44).
8. Vous prônez une baisse de la consommation de télé, et une interdiction pour les moins de 6 ans. Est-ce que cela changerait vraiment quelque chose, comment mettre ce genre d’interdiction en place sans empiéter sur les libertés individuelles, et ne vaut-il pas mieux supprimer carrément la télévision, si elle est si nocive ?
9. La société peut-elle selon vous revenir en arrière, donc à moins de télévision, maintenant qu’elle est massivement droguée ? Et si oui, comment faire reculer réellement la consommation de télévision ?
10. Seriez-vous prêt à créer une association ou à participer à une association qui étudierait les moyens pour faire baisser la consommation de télévision, et pour faire prendre conscience aux autorités sanitaires, politiques et médiatiques des dangers de la télévision ?"

Jean Robin

Par ailleurs, dans un article intitulé Contre la dictature de la médiatisation, Jean Robin exprime parfaitement l'état d'esprit qui l'a poussé à fonder Enquête et Débat.

dimanche, 25 septembre 2011

La Brière, terre de misère dans une langue de toute beauté

 

A mi chemin entre la langue paysanne de Jean Giono et la verve populaire de Louis Ferdinand Céline il y a le style d'Alphonse de Chateaubriant. Auteur maudit s'il en est, il n'est plus beaucoup lu, encore qu'il paraît que ses livres sont recherchés par d'improbables amateurs... Voici un extrait du premier chapitre du roman La Brière, publié en 1923 :

Androïd Import I 439.jpg

Les sacs, la vergue, la voile, tout se qui se détachait du corps de la barque, il l'emporta sur son épaule, en plusieurs tours, jusqu'à l'annexe de l'auberge qui se trouvait à l'entrée du pont. Cela fait, il entra dans la salle, selon son habitude, à chacun de ses retours annuels, de s'arrêter dans ce cabaret boire le coup de l'atterrissage, avant de faire les lieues qui le séparaient de son île.
La salle était vide. Il s'attabla. C'était toujours à la même place – la quarantième fois depuis quarante ans – près de la fenêtre, d'où l'on avait vue sur les prairies comme d'une passerelle de navire.
Le dos tourné à l'arrière-cuisine, lorsqu'il eut devant lui son petit verre de muscadet, d'où se dégageait une colonne d'air comme les perles du nez de la carpe, il attira sa bourse de cuir, et étala sa monnaie, les sous avec les sous, les francs avec les francs, car c'était son habitude encore de trier et de recompter là son argent.

Quant aux billets, il les examinait séparément, chacun lui revenant avec son origine, grâce à sa luronne de mémoire : celui-ci, d'une blanchisseuse de la Madeleine ; cet autre, d'un marchand de cirés de la butte Sainte-Anne ; et tous les suivants aussi bien, revoyant même le jour, l'heure et le lieu de la vente. Et de ces papiers, il faisait une souple liasse qui chantait comme la soie dans sa grande main noire.

« Cent cinquante francs de moins que l'année dernière ; deux cent vingt francs de moins que l'année précédente ; quatre cents francs de moins que la troisième d'avant ! »

« Brière, terre de misère..., c'est donc ainsi qu'il faudra te parler ! »

 

Alphonse de Chateaubriant

 

La Brière, sur Une bibliothèque au 13

mardi, 20 septembre 2011

Automnal andantino : oublier, ressentir, pleurer sans s’en rendre compte

 

Sara, piano, pianiste, schubert, andantino, D959

 Photo Sara

 

 

Je me suis offert un dimanche après-midi voluptueux, automnal, chargé de douce mélancolie et d’extase douloureux.

J’ai téléchargé (via Grooveshark) douze versions de l’andantino fascinant de Schubert, de la sonate 959, un andantino qui sauve les âmes perdues en leur rappelant que se perdre c’est un peu comprendre la poésie.

Et je les ai écouté, plusieurs fois, l’une à la suite de l’autre, ces versions de l’andantino qui ressuscite l’enfance et sied si bien aux automnes lents, roux et hésitants.

En boucle, on finit par les reconnaître, les attendre, ces diverses interprétations d’un même thème, par accéder à une certaine intimité envers les deux mains qui dispensent avec précision leurs dix doigts sur les touches. Et au bout du chemin onze ou douze fois accompli, les tenants de la lenteur –une lenteur vibrante, pas mécanique- ont conquis mon cœur. Ils savent faire croire qu’ils vont mourir avant la note qui veut venir, qu’ils ne parviennent à attraper... Les plus agiles ne sont pas les plus romantiques, ni les plus travailleurs les plus artistes.

Ce dimanche suspendu à leurs doigts, je crois l’avoir passé au paradis, dans un paradis où la beauté prédomine et où la paix s’installe au milieu des dépouillements.

Pianistes du monde entier, des Asies, des Europes et des Amériques surtout, pianistes à cheval entre la perfection et la souffrance, entre la retenue et le déploiement, chacun tentant de faire vivre le balancement d’un homme qui souffrit et créa dans la passion.

Il s’appelait Franz, Franz Schubert et ses copains l’aimaient beaucoup, l’admiraient vraiment et le plaignaient un peu. Il était bon avec les chiens et avec les hommes. Il a écrit des merveilles avant de mourir, à trente-et-un ans, à côté de Vienne.

Un après-midi pour effacer les idées, les pensées et tout ce qui vient du mental ; une après-midi consacrée à l’attente de la note qui vient, au regret de celle qui passe, à la contemplation auditive des silences qui les séparent. Oh, gratuité et gratitude viennent du même père-mot et à la gratuité des heures passées à seulement écouter succéda la gratitude d’avoir oublié que dehors, dans la vie réelle sociétale, tout se mesure.

 

Édith

SaraPhot Sara

 

 

vendredi, 16 septembre 2011

Redécouvrir Paul Rougnon

Paul Rougnon, musique, musicien

 

Paul Rougnon fait-il partie de ces musiciens français qui attendent une renaissance ? Je crois que oui. Un bon nombre de partitions sont aisément trouvables, surtout sur des sites américains ; comme souvent, les re-connaisseurs et les admirateurs émergent d'ailleurs.
Ces partitions donnent l'idée d'une œuvre subtile, cristallisant en finesse et discrétion les diverses directions de l'époque où il composait : le classicisme sert de toile de fond aux inventions et aux expériences consonantes et dissonantes, tandis que les musiques populaires s'y frayent un sentier qui mâtine les œuvres de douceur et de gaieté, une gaieté des rues des villes et des fêtes de campagne.

 

Une Polonaise trompettante et pianistique

 

Entre air de chasse et romantique ballade gitane, la polonaise pour deux trompettes et un piano constitue un mélange des genres très réussi, à cheval entre la pièce pour élégant salon de musique et la musique du kiosque du Luxembourg.

Les élèves du conservatoire de l'Iowa en ont réalisé un enregistrement en 2011, charmant et imparfait, qui permet de donner une idée de l'effet que ferait l’œuvre parfaitement exécutée.

 

Titres-portes ouvertes sur une pensée vaste

 

Paul Rougnon est l'auteur de plusieurs livres, dont un, difficilement trouvable a priori mais qu'il me tarde de lire, Mon piano. Hygiène du piano. Petit dictionnaire explicatif et historique des éléments constitutifs du piano.

 

Outre des livres d'enseignements (en solfège et en piano), il a écrit La musique et son histoire et un Dictionnaire général de l'art musical.

Il y donne des témoignages sur le monde musical de son temps, ainsi sur Victor Massé et César Franck.

Aussi est-il dommage que Paul Rougnon n'ait pas encore de site internet dédié. On y rassemblerait ses écrits, ses partitions, ainsi que des enregistrements. Il faudrait qu'on puisse y écouter, par exemple, Les voix de la foule, pour ténors, barytons et basses. En attendant qu'un tel site voit le jour, il ne nous reste qu'à poursuivre ce voyage dans l’œuvre de ce compositeur, et, un jour, à aller déchiffrer ce Concerto romantique pour alto (ou violon) accompagné par un piano, au bord de la piscine, dans son impasse de la poitevine ville de Bonnes.

 

Partitions :

Opéras

Partitions pour trompette et piano

samedi, 10 septembre 2011

Familles, fières de vos mensonges

 

Aux oncles et tantes, aux grands-parents, à leurs curés, à ceux qui nous ont saboté notre jeunesse.

chez tante Marthe.jpg

Vous avez renoncé à vos rêves, à vos corps, à vos promesses ;

l'adolescence au tombeau, vous marchez à côté de vos chaussures cirées

Vous donnez des jugements, des petites phrases qui tuent et que vous croyez bonnes ;

vous n'avez pas eu le courage de la révolte que vous sentiez poindre, alors vous avez revêtu l'aube qu'on vous tendait, vous avez enfilé la cravate, la jupe longue, vous avez fermé la porte des départs.

Ceux qui vivent et ceux qui se détruisent vous font également peur. Vous chassez leurs images et méprisez leurs rires comme leurs larmes

vous jugez selon le monde fermé de votre esprit et vous appelez cela vivre selon Dieu ou bien vivre selon le Bien, et ceux qui ne vous ressemblent pas, vous les haïssez et leur imputez tous les crimes du monde.

Votre morale est un écran de fumée. C'est la lâcheté qui l'édifie en vous. D'autres vivent leurs choix selon la morale des dieux, dans leur faiblesse ils invoquent le courage et sautent le pas spirituel, mais vous ne pouvez pas le voir, vous ne reconnaissez pas leur vertu à cheval entre la fragilité et la liberté ; vous ne voyez que vos agissements conformes aux ordres de vos chefs, et vous ignorez toute qualité chez ceux qui agissent en vérité. Les bêtes vous paraissent inférieures à vous mêmes, les enfants vous paraissent coupables et seuls ceux qui courbent la tête trouvent grâce à vos yeux.

 

Les mères fières de leurs fils scouts marins
et de leur implication paroissiale,
à 15 ans leurs fils les haïssent et se vengent sur des filles qui ne leur ressembleront jamais,
immondes fils qui deviendront raides comme le chêne et lâche comme le roseau,
dignes héritiers d'un monde mort où les gestes sont conformes, les idées, confinées dans la mesure, et les cœurs, absents.

 

Les pères avancent, sérieux dans leurs habits d'hommes responsables. Ils suivent les règles et lorsque les chaînes disparaissent, le temps d'un instant, de deux heures ou de deux mois, ils se débondent. Puis le joug réapparaît ; la tête s'incline à nouveau ; ils adhèrent à un monde mort, aux idées d'hier, et se croient novateurs. Leur responsabilité tient par la colonne vertébrale extérieure : leur échine, aussi souple que leur uniforme est raide, se courbe sous les ordres d'en haut et leurs ordres vengeurs vers le bas témoignent de l'horreur hiérarchique du pouvoir. La structure de leur monde leur convient ; ils ont opté pour un bonheur prévu et quand l'image d'un ancien rêve trouble leur vue, ils détournent le regard.

 

Edith de CL, 29 septembre 2011, fini à 20h59

dimanche, 04 septembre 2011

richesses et misères de nos comptes en banques et de nos coeurs

 

charité, Unicef, hypocrisie, Corne de l'Afrique

Charité unicefienne. Août 2011, septième arrondissement, Paris

clochard, boulevard Raspail, misère, richesse, culpabilité, enrichissement, banc public

Clochardise parisienne, août 2011, sixième arrondissement, Paris.

 

Qu'est-ce qui fait souffrir d'argent ? La comparaison, principalement. Hors survie pure (continuer à être vivant), la douleur d'argent est une douleur sociale.

Quelle comparaison nous fait souffrir ? Celle d'avec des riches ou celle d'avec des pauvres ?

On croit que c'est celle des riches. Pourtant, s'il n'y avait que des plus riches que nous, je crois que notre réaction serait différente. Voir des riches fait mal, voir des pauvres fait peur.

Voir des pauvres rend coupable à l'idée de gagner « trop » d'argent. Le pauvre habille la richesse d'indécence. Le pauvre est obsédant, il nous empêche d'aimer la richesse tranquillement. Le riche ne nous empêche pas d'aimer tranquillement la pauvreté !

Voir des riches donne envie de gagner plus d'argent. Mais en même temps la jalousie nous fait les haïr à cause de leur argent, donc nous rend haïssable le riche : voulons-nous devenir ce que nous haïssons ?

Il y a donc une différence entre les sentiments : vis à vis du pauvre, nous sommes remplis de pitié et de culpabilité. Nous éprouvons de la pitié, qui se transforme immédiatement en culpabilité. Eprouvons-nous de l'inspiration ? Non.

vis à vis du riche, nous éprouvons de l'inspiration et de la jalousie. L'inspiration donne envie d'imiter, mais la jalousie pollue ce désir.

 

Ainsi, pauvres et riches nous éloignent de l'argent, nous rendent hystériques face à lui. Notre pitié coupable des pauvres nous interdit d'aimer l'argent, notre jalousie haineuse des riches nous interdit de leur ressembler.

Les pauvres titillent ; les riches énervent.

Les pauvres interdisent à tout le monde d'être riche par leur incapacité à l'être ; les riches n'interdisent à personne d'être riche, sur le plan de la conscience morale, mais bien sur le plan affectif.

Le pauvre dérange tout le monde. Le riche ne dérange que celui qui veut devenir riche et qui n'est pas certain d'y arriver.

Mais quelle est la profonde raison de ces sentiments ?
Le trop-plein de richesse qui détruit son possesseur ne fait pas envie. Personne n'a envie de mourir dans son vomis, d'être harcelé par des vautours, de payer des drogues très chères, de passer sa vie à gérer de l'argent. L'indulgence des nababs se rapproche de l'indigence des parias. Ce n'est donc pas la quantité, mais la qualité de la richesse qui nous fait envie.

Si quelqu'un, même très pauvre, nous paraît heureux, alors la pitié disparaît. L'envie d'être à sa place peut même apparaître, car nous savons reconnaître que la personne possède des trésors intérieurs, ou du moins qu'elle ne manque de rien d'essentiel. Ce n'est donc pas la pauvreté, mais la misère qui nous tourmente.

Ce n'est pas la pauvreté d'un homme qui nous fait pitié et nous rend coupable : c'est son sentiment d'infériorité. Croiser un clochard heureux ne nous remplit pas le cœur de culpabilité.
Ce n'est pas la richesse d'un riche qui nous rend amer : c'est notre propre sentiment d'infériorité. Si nous n'envions pas un riche, nous n'éprouvons ni jalousie, ni haine envers lui.

Comment font les personnes qui tiennent à s'enrichir sans trahir leurs émotions ?

Pour préserver notre morale pro-pauvre, on compense notre enrichissement en bons sentiments. Plus on s'enrichit, plus on dégouline d'amour pour la souffrance déployée en ce monde.

Pour préserver notre morale anti-riche, on compense en gardant une mentalité de pauvre, c'est à dire en n'acceptant jamais de se considérer comme riche même si on devient Crésus et en mettant toujours un rideau entre le vrai riche, qui est méchant, et le pauvre devenu riche, qui, lui, a conservé sa souffrance de pauvre et sa connaissance profonde de la misère.

Le ruiné, ou d'origine ruiné, a les désavantages des deux situations : il a encore la mémoire de la fierté du riche, dont il ne peut se défaire ; il connaît la misère du pauvre, qui s'accompagne d'une haine des actuels riches. Sa situation intellectuelle est complexe.

Coca Cola, publicité, inique
juillet 2011, rue de Sèvres, Paris.

Pour oublier les riches et les pauvres : buvez Coca Cola !

 

écrit après un bon dîner achevé sur la glace au lait d'amande douce, de François Théron

23 août 2011