richesses et misères de nos comptes en banques et de nos coeurs (dimanche, 04 septembre 2011)

 

charité, Unicef, hypocrisie, Corne de l'Afrique

Charité unicefienne. Août 2011, septième arrondissement, Paris

clochard, boulevard Raspail, misère, richesse, culpabilité, enrichissement, banc public

Clochardise parisienne, août 2011, sixième arrondissement, Paris.

 

Qu'est-ce qui fait souffrir d'argent ? La comparaison, principalement. Hors survie pure (continuer à être vivant), la douleur d'argent est une douleur sociale.

Quelle comparaison nous fait souffrir ? Celle d'avec des riches ou celle d'avec des pauvres ?

On croit que c'est celle des riches. Pourtant, s'il n'y avait que des plus riches que nous, je crois que notre réaction serait différente. Voir des riches fait mal, voir des pauvres fait peur.

Voir des pauvres rend coupable à l'idée de gagner « trop » d'argent. Le pauvre habille la richesse d'indécence. Le pauvre est obsédant, il nous empêche d'aimer la richesse tranquillement. Le riche ne nous empêche pas d'aimer tranquillement la pauvreté !

Voir des riches donne envie de gagner plus d'argent. Mais en même temps la jalousie nous fait les haïr à cause de leur argent, donc nous rend haïssable le riche : voulons-nous devenir ce que nous haïssons ?

Il y a donc une différence entre les sentiments : vis à vis du pauvre, nous sommes remplis de pitié et de culpabilité. Nous éprouvons de la pitié, qui se transforme immédiatement en culpabilité. Eprouvons-nous de l'inspiration ? Non.

vis à vis du riche, nous éprouvons de l'inspiration et de la jalousie. L'inspiration donne envie d'imiter, mais la jalousie pollue ce désir.

 

Ainsi, pauvres et riches nous éloignent de l'argent, nous rendent hystériques face à lui. Notre pitié coupable des pauvres nous interdit d'aimer l'argent, notre jalousie haineuse des riches nous interdit de leur ressembler.

Les pauvres titillent ; les riches énervent.

Les pauvres interdisent à tout le monde d'être riche par leur incapacité à l'être ; les riches n'interdisent à personne d'être riche, sur le plan de la conscience morale, mais bien sur le plan affectif.

Le pauvre dérange tout le monde. Le riche ne dérange que celui qui veut devenir riche et qui n'est pas certain d'y arriver.

Mais quelle est la profonde raison de ces sentiments ?
Le trop-plein de richesse qui détruit son possesseur ne fait pas envie. Personne n'a envie de mourir dans son vomis, d'être harcelé par des vautours, de payer des drogues très chères, de passer sa vie à gérer de l'argent. L'indulgence des nababs se rapproche de l'indigence des parias. Ce n'est donc pas la quantité, mais la qualité de la richesse qui nous fait envie.

Si quelqu'un, même très pauvre, nous paraît heureux, alors la pitié disparaît. L'envie d'être à sa place peut même apparaître, car nous savons reconnaître que la personne possède des trésors intérieurs, ou du moins qu'elle ne manque de rien d'essentiel. Ce n'est donc pas la pauvreté, mais la misère qui nous tourmente.

Ce n'est pas la pauvreté d'un homme qui nous fait pitié et nous rend coupable : c'est son sentiment d'infériorité. Croiser un clochard heureux ne nous remplit pas le cœur de culpabilité.
Ce n'est pas la richesse d'un riche qui nous rend amer : c'est notre propre sentiment d'infériorité. Si nous n'envions pas un riche, nous n'éprouvons ni jalousie, ni haine envers lui.

Comment font les personnes qui tiennent à s'enrichir sans trahir leurs émotions ?

Pour préserver notre morale pro-pauvre, on compense notre enrichissement en bons sentiments. Plus on s'enrichit, plus on dégouline d'amour pour la souffrance déployée en ce monde.

Pour préserver notre morale anti-riche, on compense en gardant une mentalité de pauvre, c'est à dire en n'acceptant jamais de se considérer comme riche même si on devient Crésus et en mettant toujours un rideau entre le vrai riche, qui est méchant, et le pauvre devenu riche, qui, lui, a conservé sa souffrance de pauvre et sa connaissance profonde de la misère.

Le ruiné, ou d'origine ruiné, a les désavantages des deux situations : il a encore la mémoire de la fierté du riche, dont il ne peut se défaire ; il connaît la misère du pauvre, qui s'accompagne d'une haine des actuels riches. Sa situation intellectuelle est complexe.

Coca Cola, publicité, inique
juillet 2011, rue de Sèvres, Paris.

Pour oublier les riches et les pauvres : buvez Coca Cola !

 

écrit après un bon dîner achevé sur la glace au lait d'amande douce, de François Théron

23 août 2011

 

 

 

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